II. L'INSTITUT NATIONAL DE L'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET FORESTIÈRE (IGN) A BESOIN DE RECRUTER DE NOUVELLES COMPÉTENCES POUR MENER À BIEN SES GRANDS PROJETS

Établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministres chargés de l'écologie et des forêts, le nouvel IGN est issu de la fusion entre l'Institut géographique national et l'Inventaire forestier national (IFN) intervenue le 1 er janvier 2012 12 ( * ) .

L'IGN a une triple vocation :

- assurer la connaissance continue de la surface du territoire national et de l'occupation de son sol , accessible depuis un site dédié (Geoportail) ;

- actualiser l'inventaire permanent des ressources forestières nationales qui était auparavant assuré par l'IFN ;

- concevoir et commercialiser des produits et services à partir des données recueillies dans le cadre de ses missions de service public.

L'établissement se trouve aujourd'hui questionné par les conséquences de la révolution numérique qui l'obligent à faire évoluer son rôle et à réviser son modèle économique.

En effet, comme le soulignait le projet annuel de performances pour 2021 du programme 159, « la donnée géographique symbolise les mutations en cours dans la société numérique et le risque de « disruption » de la puissance publique par des acteurs internationaux , tels que les majors de l'internet qui maîtrisent et exploitent d'immenses quantités de données. Il est donc plus que jamais essentiel que la puissance publique conserve la maîtrise des données géographiques qui fondent ses décisions ».

Afin d'être au rendez-vous de ces enjeux, l'IGN a élaboré un projet d'établissement dont l'ambition est de faire de lui l'opérateur interministériel unique en matière de données géographiques souveraines et à devenir une pièce maîtresse de l'État plateforme pour l'information géographique . À la fin de l'année 2020 , ce projet d'établissement a été complété par un contrat d'objectif et de performance portant sur la période 2020-2024 .

1. La subvention pour charges de service public de l'IGN doit diminuer de 3,6 millions d'euros en 2022

L'action 12 « Information géographique et cartographique » du programme 159 retrace la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'IGN . Pour 2022, le projet de loi de finances prévoit 85,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement au titre de cette subvention. Ce montant est en baisse de 3,6 millions d'euros et de 4 % par rapport aux crédits qui lui étaient consacrés en 2021 (89,2 millions d'euros). Le graphique ci-après présente la SCSP réellement versée à l'IGN depuis 2016, c'est-à-dire, en tenant compte de la réserve de précaution.

Évolution de la SCSP effectivement perçue par l'IGN (2016-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Il est à noter qu'en 2021, la SCSP de l'IGN avait connu une progression de 1,1 million d'euros en raison d' un abondement exceptionnel de 2,9 millions d'euros destiné à financer une partie des surcoûts liés à la migration du Géoportail .

En 2021, la SCSP de l'IGN devrait représenter 45 % de ses ressources , contre 54,5 % en 2020. Cette diminution s'explique par l'augmentation exceptionnelle des ressources propres en 2021 qui trouve son origine dans les recettes perçues au titre du projet LIDAR HD (voir infra ). La part de la SCSP dans les ressources totales de l'opérateur affiche néanmoins bel et bien une trajectoire de recul puisqu'elle atteignait 59 % en 2018.

Évolution de la part de la SCSP dans les ressources de l'IGN (2016-2021)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

En 2022, l'IGN doit par ailleurs recevoir un transfert de 1,9 million d'euros du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » au titre de la gestion des risques naturels et de la connaissance de l'évolution de la biodiversité.

Les crédits de l'action 12 se répartissent entre deux sous-actions. Pour l'exercice 2022, la sous-action 12.1 « production de l'information géographique » est dotée de 72,8 millions d'euros contre 75,8 millions en 2021, soit une baisse de 4 % , et représente 85 % des crédits de l'action.

Elle retrace la part de la subvention pour charges de service public de l'IGN consacrée au financement de ses activités exercées dans le cadre de sa mission de service public pour la production et la diffusion de l'information géographique et cartographique, ainsi que pour la formation.

À ces activités traditionnellement assurées par l'ancien Institut géographique national se sont ajoutées, depuis 2012, d'autres missions conduites jusqu'alors par l'ancien inventaire forestier national , comme l'élaboration et la mise à jour , sur le territoire métropolitain, de l'inventaire permanent des ressources forestières, l'observation et la surveillance des écosystèmes forestiers, la diffusion des données d'inventaire sur les milieux forestiers , ainsi que la fourniture à l'État des éléments nécessaires à la formulation de la politique forestière nationale .

Pour 2022, le présent projet de loi de finances propose 12,8 millions d'euros de crédits sur l a sous-action 12.2 « recherche dans le domaine géographique », soit une diminution de 0,6 million d'euros et de 4,5 % par rapport aux 13,4 millions alloués en 2021. La sous-action totalise 15 % de des crédits de l'action.

Cette sous-action retrace la part de la subvention pour charges de service public de l'IGN consacrée au financement d'activités de recherche et développement .

2. Dans un contexte de gratuité et d'ouverture accélérée de ses données publiques, l'IGN doit conclure de nouveaux partenariats pour développer ses ressources propres

Pour 2021, les recettes commerciales de l'IGN sont attendues à un niveau de 34,4 millions d'euros, en légère augmentation de 0,4 million d'euros par rapport à l'exercice 2020 qui avait été affecté par les conséquences de la crise sanitaire.

Le marché grand public 13 ( * ) , devrait voir ses recettes se stabiliser à 8,4 millions d'euros contre 8,5 en 2020 . Essentiellement porté par la vente de « cartes IGN » papier, ce marché s'est néanmoins contracté de 24 % depuis 2017 , année où il représentait encore 10,9 millions d'euros. La stabilisation observée depuis 2019 s'explique notamment par les efforts entrepris par l'opérateur pour enrayer cette érosion incluant la commercialisation de nouvelles cartes et atlas régionaux ou le développement du portail « IGN Rando ».

Évolution du chiffre d'affaires « grand public » (2016-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Sur le marché professionnel 14 ( * ) , le chiffre d'affaires devrait très fortement baisser, de près de 40 % par rapport à 2020, pour s'établir à 6,1 millions d'euros contre 10 millions d'euros en 2020. Ces ressources poursuivent leur très significative érosion amorcée en 2019. Leur montant atteignait encore 13,9 millions d'euros en 2018.

Évolution du chiffre d'affaires annuel tiré du marché professionnel
des activités de l'IGN

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Cette baisse s'explique en partie par la fin du cycle d'acquisition de données par les grands acteurs internationaux (navigation routière, grands portails, etc .) Mais elle est surtout le résultat de la politique de gratuité des données publiques amorcée par les lois dites « numériques » 15 ( * ) dans le prolongement de l'évolution des normes européennes et notamment de la directive 2007/2/CE du 14 mars 2007 dite « INSPIRE » qui impose aux autorités publiques de rendre accessibles leurs données environnementales et géographiques. Cette évolution n'est que partiellement compensée par la vente de prestations à destination des acteurs publics et privés.

La politique d'ouverture des données publiques s'est accélérée pour l'IGN suite à la décision de mettre en oeuvre la mise à disposition libre et gratuite de ses grandes bases de données avec une année d'avance, dès le 1 er janvier 2021 . Cette impulsion s'inscrit notamment dans la stratégie « géo-communs » à travers laquelle l'institut a l'ambition de devenir un acteur fédérateur de ce nouvel écosystème. Pilotée par l'IGN, le programme « géoplateforme », qui doit permettre de développer un outil commun du monde public pour le partage des données, occupe une place essentielle dans ce dispositif. Le coût total du programme est estimé à 21,5 millions d'euros jusqu'à sa finalisation attendue en 2024. Dans le cadre de ce programme le site « géoservices » a été mis en service en juillet 2021.

Sur le marché défense-espace , les recettes augmenteraient au contraire de façon très sensible , pour s'établir à 19,9 millions d'euros en 2021 contre 15,5 millions en 2020, soit une progression de 29 %.

Évolution du chiffre d'affaires défense-espace (2016-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

L'IGN a sécurisé cette ressource en 2016 grâce à la signature avec le ministère de la défense d'un nouvel accord-cadre de sept ans portant sur la contribution de l'opérateur à la préparation, au développement et à la mise en oeuvre de l'infrastructure des données géographiques pour l'exécution des missions des armées et des programmes du ministère des armées.

Pour 2021, l'IGN évalue les recettes issues de ses grands projets au montant exceptionnel de 60,7 millions d'euros , soit plus qu'un doublement par rapport aux 28,8 millions d'euros perçus en 2020 qui représentaient déjà une augmentation de 39,8 % par rapport à 2019. Le montant exceptionnel attendu pour l'exercice 2021 s'explique par les 24,3 millions d'euros attendus dans le cadre du projet LIDAR HD financé par une subvention du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) et des crédits issus du plan de relance .

Évolution des recettes tirées des grands projets (2016-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les prestations effectuées en faveur du ministère de l'agriculture et de l'alimentation augmentent et 12 millions d'euros sont attendus par l'opérateur en 2021 au titre de la mise à jour du référentiel parcellaire graphique (RPG).

Les projets contractés auprès du ministère des armées montent en puissance avec 19,4 millions d'euros pour le projet Géopmaps et 5 millions d'euros pour le projet TRex. Un nouveau projet dans le prolongement du contrat Géomaps est par ailleurs programmé pour 2022.

Enfin, 24,3 millions d'euros sont budgétés pour le seul projet LIDAR HD. Ce projet vise à établir une couverture 3D très fine 16 ( * ) du territoire à l'échelle nationale afin de satisfaire les besoins de différentes politiques publiques.

Afin de conforter ses ressources propres il est indispensable que l'établissement continue de rechercher avec volontarisme et de nouer de nouveaux partenariats avec les acteurs publics comme privés.

3. Des dépenses fortement marquées par les grands projets de l'IGN et une inflexion de la trajectoire de réduction d'effectifs pour le lancement d'un programme de recrutements de nouveaux talents

Le projet de loi de finances pour 2022 attribue à l'IGN 1 447 emplois sous plafond , soit une baisse de 24 équivalents temps plein travaillé (ETPT) par rapport à l'année 2021. Le schéma d'emplois pour 2022 n'est que de - 10 ETP alors qu'il était envisagé initialement à - 36 ETP . Le schéma d'emploi pour 2022 s'inscrit en rupture avec la trajectoire plus rigoureuse, en moyenne de - 35 ETP, qui était celle des années passées .

Schémas d'emplois prévus et réalisés (2018-2022)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial salue cette inflexion qui doit permettre à l'établissement d'engager dès 2022 un programme de recrutement dont l'objet est notamment d' attirer de nouveaux talents et de nouvelles compétences en lien avec les programmes portés par l'établissement dans le cadre du projet des « géocommuns ».

Il est à noter par ailleurs que, comme le précise le projet annuel de performance, 14 ETPT de l'institut doivent être transférés à l'Office national des forêts (ONF) en 2022. Ce transfert constitue en fait un retour pour ces agents dans la mesure où il fait suite au renforcement des effectifs de l'IGN en 2021 dans le cadre du programme de registre parcellaire graphique (RPG). Un accord avait été conclu avec le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA) pour un transfert temporaire de 74 ETPT à l'IGN . Ces ETPT doivent être progressivement rendus par l'IGN au MAA selon le calendrier suivant : 14 ETPT en 2022, 24 en 2023 et 36 en 2024.

L e nombre d'équivalents temps pleins travaillé (ETPT) hors plafond devrait rester stable à 63 ETPT . Ces ETPT comprennent les emplois des agents sur contrat pour des projets de recherche, en particulier en réponse aux appels d'offre de l'Agence nationale de la recherche (ANR), ainsi que des agents sur contrats d'avenir pour la réalisation de la représentation parcellaire cadastrale unique (RPCU). 13 de ces 63 ETPT hors plafond concernent des contrats d'apprentissage.

Alors qu'il développe des projets innovants dans un contexte d'évolutions technologiques accélérées, l'établissement fait face à un enjeu de recrutement et doit attirer des compétences nouvelles et pointues, notamment dans le domaine des data sciences . Cette perspective constituera pour lui un défi déterminant dans les années à venir.

En 2021, d'après son deuxième budget rectificatif les dépenses de personnel de l'IGN devraient s'établir à 111 millions d'euros, en légère hausse de 1,1 million d'euros par rapport à leur niveau de 2020. Pour 2022 , le budget initial prévoit un montant de 112,9 millions d'euros , en légère augmentation de 1,7 %.

Cette progression s'explique d'une part par une hausse du coût moyen de rémunération des effectifs nécessaire pour attirer de nouveaux profils et de nouvelles compétences 17 ( * ) en lien avec les grands projets innovants portés par l'établissement et, d'autre part, par le coût du versement échelonné de la dette d'indemnité spéciale des personnels des corps techniques non versée au titre de l'exercice 2020 suite au passage au régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP) de ces corps au 1 er janvier 2021. Le versement échelonné de cette dette de 5 millions d'euros doit être réalisé sur une période de six ans. En 2022 , elle pèsera à hauteur de 968 000 euros sur les charges de personnel.

Évolution des dépenses de personnel (2020-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les dépenses de fonctionnement hors charges de personnel devraient quant à elles atteindre 53,4 millions d'euros en 2021, soit une progression spectaculaire de près de 30 % en comparaison de leur niveau de 2020 (41,5 millions d'euros). Cette évolution s'explique à la fois par la réalisation des grands projets tels que T-rex ou géomaps mais aussi par la reprise des missions de terrain qui avaient été suspendues en 2020 en raison de la crise sanitaire.

En 2022 , le budget initial prévoit une nouvelle hausse de 30 % des dépenses de fonctionnement qui devraient atteindre 68,7 millions d'euros . Cette nouvelle augmentation spectaculaire est la résultante de la hausse des dépenses de sous-traitance liées à la réalisation des grands projets tels que LIDAR HD ou géomaps.

Évolution des dépenses de fonctionnement (2020-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

En 2021, l'IGN prévoit des dépenses d'investissement à hauteur de 14 millions d'euros en AE et 9 millions d'euros en CP contre 7 millions d'euros en AE et en CP en 2020.

Évolution des dépenses d'investissement (2016-2021)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

En 2021, les dépenses d'investissement de l'opérateur portent sur le projet « géoportail » (2,8 millions d'euros en AE et 1,7 million d'euros en CP), la « géoplateforme » (2,5 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP), l'acquisition de matériel scientifique et technique 18 ( * ) (1,5 million d'euros en AE et 1,9 million d'euros en CP) et de matériel informatique 19 ( * ) (2,2 millions d'euros en AE et 2 millions d'euros en CP) ou encore sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) de l'appareil productif de l'opérateur (0,2 million d'euros en AE et CP). L'IGN a également engagé des démarches pour acquérir un nouvel avion pour un montant de 5 millions d'euros . Les premières AE devraient être consommées en 2021 pour une livraison de l'appareil à la fin de l'année 2022 ou au début de l'année 2023.

En 2021 , le budget rectificatif prévoit un solde budgétaire positif de 20,7 millions d'euros , un résultat net bénéficiaire de 6,3 millions d'euros , un fonds de roulement de 19,6 millions d'euros abondé par un apport à hauteur de 1,1 million d'euros et un niveau de trésorerie au 31 décembre confortable de 35,3 millions d'euros .


* 12 Le décret n° 2011-1371 du 27 octobre 2011 précise les statuts et le fonctionnement de cet établissement public administratif.

* 13 Essentiellement les « cartes IGN » papier.

* 14 Dont les recettes sont issues de la vente de licences et droits, de prestations et de diverses formations.

* 15 La loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public dite loi « Valter » et la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique dite loi « Lemaire ».

* 16 Jusqu'à 10 points/m 2.

* 17 En matière d'intelligence artificielle, de science de la donnée, de conduite de projets, etc.

* 18 Afin de finaliser le programme de remplacement des caméras aériennes et de renouveler les matériels de terrain servant à l'acquisition de données, notamment pour permettre le déploiement du plan de couverture nationale Lidar HD et du projet de mesure du suivi de l'artificialisation des sols.

* 19 Notamment pour améliorer la résilience numérique de l'opérateur et répondre aux demandes de télétravail des agents.

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