B. L'ACTION 02 « BIODIVERSITÉ ET LUTTE CONTRE L'ARTIFICIALISATION » : DES INCERTITUDES SUR LA MISE EN oeUVRE DES DISPOSITIFS

L'action 02 « Biodiversité, lutte contre l'artificialisation » comprend une enveloppe de 1,25 milliard d'euros d'autorisations d'engagement ouvertes en 2021, soit 7 % des AE du programme n° 362 « Écologie ». Au 1 er octobre 2021, seuls 410,3 millions d'euros d'AE ont été consommés, soit 33 % des AE votées.

S'agissant des crédits de paiement, 426,5 millions d'euros avaient été votés pour 2021 pour cette action. 528,2 millions d'euros sont proposés pour 2022 , sans ouverture supplémentaire d'autorisations d'engagement.

Au total, si l'on cumule les CP votés en 2021 et proposés pour 2022, ils ne permettent de couvrir que les trois quarts des engagements votés en 2021.

Cette action recouvre les activités en faveur de la reconquête de la biodiversité sur les territoires et de la lutte contre l'artificialisation des sols. D'après le projet annuel de performances, « l'objectif est le maintien des écosystèmes terrestres, littoraux, maritimes et aquatiques en bon état, de manière à permettre aux territoires de s'adapter plus facilement aux effets du changement climatique et à divers risques pour ainsi être plus résilients ».

Plusieurs sous-actions composent l'action « Biodiversité, lutte contre l'artificialisation », dont les crédits sont répartis comme représenté dans le tableau suivant.

Répartition de l'action 02 en sous-actions

(en millions d'euros et en %)

AE

CP LFI 2021

CP PLF 2022

Couverture des AE par les CP

Densification et renouvellement urbain

650

279

308,5

90 %

Biodiversité, prévention des risques et résilience

300

70

97,7

56 %

Réseaux d'eau et modernisation des stations d'assainissement

300

78

122

67 %

Total action

1 250

427

528,2

76 %

Source : commission des finances

1. Les actions tendant à la densification et au renouvellement urbain : un succès pour le fonds « friche », mais une aide aux maires densificateurs en voie de transformation à mi-parcours

La première sous-action, dotée en 2021 de 650 millions d'euros en AE et 279 millions d'euros en CP par la loi de finances initiale, finance pour l'essentiel deux dispositifs poursuivant un objectif de sobriété foncière :

- un fonds de recyclage des friches et du foncier artificialisé (99 millions d'euros de CP ouverts en 2021, sur un dispositif total de 300 millions d'euros) ;

- un dispositif dit « aide à la relance de la construction durable », ou « aide aux maires densificateurs » (175 millions d'euros ouverts en AE et en CP en 2021), tendant à aider les maires qui accordent des permis de construire pour des opérations de logements denses.

S'agissant du recyclage des friches , un dispositif existant d'appels à projet de l'Agence de la transition écologique (ADEME) pour la dépollution de sites industriels a vu ses moyens abondés par le plan de relance. Le succès rencontré a conduit à augmenter l'enveloppe totale de 40 millions d'euros à 60 millions d'euros et des besoins en crédits de paiement de 10,6 millions d'euros sont prévus pour 2022 .

En outre, des appels à projet régionaux , pilotés par les préfets de région, ont conduit à sélectionner 496 dossiers dans tous les départements, conduisant à traiter 1 400 hectares de friches. Une seconde série d'appels à projet a été lancée à l'automne 2021, attirant 1 200 projets. Des besoins en crédits de paiement de 122,9 millions d'euros sont identifiés en 2022 .

Le Premier ministre a annoncé, le 17 mai dernier, un renforcement du fonds « friches » de 350 millions d'euros supplémentaires. Le projet annuel de performances ne prévoit toutefois pas d'ouverture supplémentaire d'autorisations d'engagement sur l'action 02 : on peut donc penser que ce renforcement serait effectué soit par redéploiement de crédits non consommés , soit par ouverture d'autorisations d'engagement nouvelles dès 2021 dans le projet de loi de finances rectificative de fin d'année.

Le Président de la République a également annoncé la pérennisation de ce fonds le 7 septembre dernier, sans toutefois préciser selon quelles modalités. Le rapporteur spécial constate qu' il s'agit, là encore, d'un dispositif présenté comme temporaire lors du lancement du plan de relance, mais qui deviendra définitif avec un impact sur les budgets des ministères dans les prochaines années .

Quant à l' aide aux maires densificateurs , la commission pour la relance durable de la construction de logements, présidée par M. François Rebsamen, a souligné les limites du dispositif dans son premier rapport remis le 22 septembre 2021 24 ( * ) :

- le ciblage sur les zones où le besoin en logements est le plus important est insuffisant ;

- l'attribution automatique de l'aide, qui est versée sans même que les maires en soient forcément conscients, réduit probablement son effet incitatif ;

- le montant pourrait être mieux adapté au coût que représente l'accueil des populations pour les collectivités, en termes notamment d'infrastructures nouvelles.

La commission Rebsamen a donc proposé de transformer cette aide en un dispositif contractuel territorialisé dès 2022. Cette proposition a été reprise par le Premier ministre qui a demandé aux préfets, le 29 septembre dernier, de signer avec les collectivités locales des contrats de relance du logement dans leur périmètre avec des engagements réciproques. L'enveloppe prévue en 2022 dans le cadre de la mission « Plan de relance », à savoir 175 millions d'euros, pour l'aide à la relance de la construction durable serait affectée à ces contrats.

Au total, les modalités d'utilisation des crédits prévus en 2022 sont soumises à la mise en oeuvre d'un dispositif contractualisé dont les contours exacts ne sont pas encore connus . En outre, le projet annuel de performances indique que les besoins sont de 175 millions d'euros en AE et en CP , alors même qu'aucune autorisation d'engagement nouvelle n'est prévue pour l'action 02, ce qui peut nécessiter, là encore, des réallocations internes.

2. La biodiversité, la prévention des risques et la résilience : des compléments budgétaires aux programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité » et 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »

Un volet de l'action est consacré à la biodiversité dans les territoires et à la prévention des risques. Ce volet est doté de 300 millions d'euros en AE et de 70 millions d'euros en CP en 2021 (soit 24 % des AE du programme et 16 % des CP de l'action).

D'après le projet annuel de performances, cette sous-action comprend une forte dimension territoriale . Les crédits sont « mis en oeuvre par les opérateurs et services déconcentrés de l'État dans un but de territorialisation renforcée de l'action ».

Ainsi, s'agissant de la biodiversité , 250 millions d'euros d'AE étaient prévus pour soutenir les opérations relevant de divers champs :

- 135 millions d'euros d'AE pour la réalisation de chantiers d'adaptation et de restauration écologique sur les principaux points noirs (adaptation d'infrastructures routières et ferroviaires par exemple) par des travaux de continuité écologique, de restauration des milieux marins et littoraux, de désartificialisation, etc. 30 millions de CP étaient prévus en LFI pour 2021, et les besoins de CP sont évalués à 29,6 millions d'euros pour 2022 . Tant les services déconcentrés que l'Office français de la biodiversité (OFB) ou les agences de l'eau bénéficient de ces crédits. Les actions sont sélectionnées par le biais d'appels à projets : l'OFB a par exemple lancé deux appels à projets en 2021, les « Atlas de la biodiversité communale » et « MobBiodiv Restauration » visant à soutenir des actions en faveur de la restauration d'écosystèmes terrestres et continentaux. Il est à noter que l'intégralité des AE prévues en 2021 pour la construction de deux passes à poissons afin d'améliorer la continuité piscicole sur le Rhin a été consommée . Les barrages de Rhinau et de Marckolsheim seront dotés de passes à poissons qui permettront le développement de la biodiversité et la remontée des grands migrateurs (saumons, truites de mer et anguilles) vers la Suisse et l'Allemagne. Le projet annuel de performances se contente d'indiquer que les CP seront décaissés au fur et à mesure des travaux, mais aucun CP ne semble avoir été consommé en 2021 ;

- 60 millions d'euros d'AE alloués à la réalisation d'opérations de restauration et d'infrastructures dans les aires protégées , qui constituent des vecteurs d'attractivité touristique et d'emplois locaux. 10 millions d'euros de CP ont été votés en 2021 pour ce volet, et 33,2 millions d'euros sont demandés à ce titre pour 2022. Ces CP seraient notamment alloués aux projets de parcs nationaux, par exemple pour les appels à projets pour la transition énergétique du transport maritime touristique de passagers au parc des Calanques ou encore pour le projet pollinisateur au parc national des Cévennes. Cet effort en faveur des aires protégées s'inscrit dans le contexte des objectifs fixés par la nouvelle stratégie pour les aires protégées à horizon 2030 ;

- 40 millions d'euros d'AE à la protection du littoral vers davantage de résilience face au changement climatique (aménagements pour faire face à l'érosion du trait de côte). 10 millions d'euros de CP ont été alloués en 2021, et le besoin de CP pour 2022 est évalué à 15,4 millions d'euros. Certains crédits sont alloués au Conservatoire du littoral et jouent un effet de levier sur les projets portés, en complément des fonds européens (exemple : mise en valeur éducative et touristique du domaine de Sainte Lucie en Occitanie). Le CEREMA finance quant à lui des projets d'aménagement de sentiers du littoral, et de recomposition de territoires littoraux soumis à l'érosion du trait de côte ;

- 15 millions d'euros pour le renforcement de la sécurité des barrages . 5 millions d'euros de CP étaient prévus en 2021 et au 1 er octobre, 5,7 millions d'euros d'AE et 4,3 millions de CP ont été consommés . 13 barrages gérés par l'État ou ses établissements publics ont été identifiés pour des travaux de renforcement de la sécurité à court terme. Si certains travaux débutent en 2021, la majorité des travaux sera menée en 2022. Les besoins de CP sont estimés à 4,1 millions d'euros en 2022.

Les actions relatives à la biodiversité du « plan de relance » paraissent ainsi bien engagées , probablement en raison de la disette budgétaire qui a eu cours sur cette politique depuis plusieurs années. Cet effort en faveur de la biodiversité est à saluer, lorsque l'on sait qu'un euro dépensé au titre de la protection de la biodiversité génère en moyenne 2,64 euros de production et 1,31 euro de valeur ajoutée, et qu'un million d'euros consacré à ces dépenses engendre 19 emplois 25 ( * ) .

Enfin, 50 millions d'euros d'AE et 15 millions d'euros de CP étaient également prévus en 2021 pour la prévention du risque sismique dans les Antilles et le risque cyclonique . Seuls 4,3 millions d'euros d'AE ont été consommés au 1 er octobre 2021, dont la quasi-intégralité porte sur la gestion du risque sismique en outre-mer. Les CP ne semblent pas encore avoir été consommés (0,2 million d'euros seulement au 1 er octobre).

Pour 2022, les besoins en CP sont évalués à 15,4 millions d'euros, ainsi répartis :

- les bâtiments utiles à la gestion de crise devant faire l'objet d'un renforcement parasismique, lesquels ont déjà été désignés : 20 sites sont concernés dont des établissements de santé, des centres de décision et de coordination (préfectures, sous-préfectures) et des services de gestion de crise (gendarmerie, etc.). Les besoins en CP sont estimés à 13,3 millions d'euros en 2022 ;

- une convention entre l'État français et la collectivité de Polynésie française a été signée dans l'objectif de construire ou rénover 17 abris anticycloniques, avec des besoins en CP estimés à 2,1 millions d'euros en 2022.

3. Les réseaux d'eau et la modernisation des stations d'assainissement

Le dernier volet de l'action, consacré aux réseaux d'eau et à la modernisation des stations d'assainissement, est doté de 300 millions d'euros en AE et de 78 millions d'euros en CP en 2021.

122 millions d'euros de CP sont demandés pour 2022.

Cet axe vise la résilience de l'alimentation en eau potable face aux risques de sécheresse et la lutte contre les sources de contamination de l'eau à travers un traitement plus efficace en station d'épuration . Dans un contexte où la multiplication des épisodes de sécheresse est susceptible de mettre en péril la capacité à assurer un service public de l'eau solide en tout point du territoire, cet effort budgétaire est bienvenu.

Le plan de relance prévoit de sécuriser les infrastructures de distribution d'eau potable, d'assainissement et de gestion des eaux pluviales en métropole (250 millions d'euros) et dans les outre-mer (50 millions d'euros).

En métropole, les crédits seront directement versés aux 6 agences de l'eau afin de soutenir la modernisation des réseaux d'eau potable, la mise aux normes des stations de traitement des eaux usées, la rénovation des réseaux d'assainissement. 100 millions d'euros des AE ont été consommées au 1 er octobre, et le projet annuel de performances indique que la totalité des AE sera engagée à la fin de l'année . 55 millions d'euros de CP étaient prévus en 2021 à cet effet, et 8 millions d'euros pour la mise en place de traitement d'hygiénisation des boues des stations d'épuration. Les besoins de CP sont estimés à 102 millions d'euros pour 2022.

Pour l'Outre-mer, 47 millions d'euros seront versés à l'Office français de la biodiversité et 3 millions d'euros aux services déconcentrés. 23,8 millions d'euros d'AE ont été consommés au 1 er octobre. 15 millions d'euros de CP étaient prévus en 2021 pour les réseaux d'eau potable et d'assainissement en Outre-Mer dans le cadre de la mise en oeuvre du « Plan Eau DOM » et 8,5 millions d'euros ont été consommés au 1 er octobre. Les besoins en CP pour l'outre-mer sont évalués à 19,7 millions d'euros pour 2022 .


* 24 Commission pour la relance durable de la construction de logements, tome 1 , 22 septembre 2021.

* 25 « La biodiversité, une opportunité pour le développement économique et la création d'emplois », rapport d'Emmanuel Delannoy remis à la Ministre de l'Environnement, de l'énergie et de la mer en novembre 2016.

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