B. UN DÉSACCORD EN COMMISSION MIXTE PARITAIRE PORTANT SUR LA DÉFINITION DU HARCÈLEMENT SCOLAIRE ET LA CRÉATION D'UN DÉLIT PÉNAL SPÉCIFIQUE

Les discussions entre les deux assemblées en commission mixte paritaire ont achoppé sur la définition du harcèlement scolaire dans le code de l'éducation (article 1 er ) et la création d'un délit pénal spécifique (article 4).

1. Une définition du harcèlement scolaire proposée par l'Assemblée nationale risquant d'affaiblir l'institution scolaire

Le rapporteur de l'Assemblée nationale et les députés de la majorité gouvernementale ont refusé le maintien de la définition actuelle du harcèlement scolaire telle qu'elle existe à l'article L. 511-3-1 du code de l'éducation qui se limite à un harcèlement entre pairs et que proposait également le Sénat. Au contraire, ils souhaitent y inclure les adultes.

L'examen de cette proposition de loi est l'occasion pour le rapporteur de constater le changement de position du Gouvernement sur ce sujet en l'espace de moins de deux ans. Lors de l'examen de la loi pour une école de la confiance en 2019, Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale, était opposé à l'inclusion des adultes dans la définition du harcèlement scolaire au motif qu' : « il est bon de distinguer les faits qui relèvent de l'action d'élèves envers d'autres élèves, autrement dit de mineurs envers des mineurs, de ceux qui relèvent de l'action d'adultes vis-à-vis de mineurs. C'est un problème distinct, qui ne s'apparente pas forcément au harcèlement. Nous n'avons pas intérêt à mettre ces actions répréhensibles sur le même plan » 2 ( * ) . Malheureusement, le Gouvernement a effectué un virage à 180 degrés puisqu'interpellée sur cette extension lors de la première lecture de cette proposition de loi au Sénat, Élisabeth Moreno, ministre déléguée à l'égalité femmes-hommes, déclarait : « l'enjeu de cette proposition de loi est de protéger les enfants contre le harcèlement, quel qu'il soit, quelle que soit la personne ayant commis les faits de harcèlement, qu'il s'agisse d'un autre élève ou d'un professionnel qui travaillerait au sein de l'établissement » .

Le rapporteur le regrette : il estime que la définition de l'Assemblée nationale incluant les adultes, soutenue par le Gouvernement, est un mauvais signal envoyé aux personnels de l'éducation nationale dans un contexte de défiance envers l'institution et contribue à la déconstruction de l'autorité du professeur .

Pour le rapporteur, il est important de maintenir l'exclusion des adultes de la définition du harcèlement scolaire dans le code de l'éducation . Il tient à rappeler que des comportements de harcèlement d'élèves par une personne travaillant dans l'établissement scolaire sont déjà sanctionnés administrativement et pénalement .

2. Un délit spécifique de harcèlement scolaire, souhaité par les députés, au quantum de peine incohérent et peu efficace

Le second point majeur de désaccord entre les deux assemblées porte sur la création d'un délit spécifique du harcèlement scolaire . Pour le rapporteur de l'Assemblée nationale, la création d'une infraction pénale autonome est nécessaire en raison de sa portée pédagogique pour un jeune enfant, en définissant un interdit clair - le harcèlement scolaire - et doit permettre de disposer de statistiques plus fiables, « essentiel en matière pénale pour être efficace » 3 ( * ) .

Les rapporteurs du Sénat ne partagent pas cette position. Au contraire, ils estiment que la création d'un délit spécifique conduit à multiplier des infractions visant à réprimer les mêmes comportements , d'autant plus que l'article 222-33-2 du code pénal a été créé par la loi du 4 août 2021 afin de prendre en compte le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement. En outre, ce délit spécifique introduit une incohérence dans les peines applicables pour des faits similaires et crée un risque de rupture d'égalité .

Néanmoins, afin de répondre à la volonté de l'Assemblée nationale d'une caractérisation spécifique du harcèlement scolaire dans le code pénal, dans un double objectif de pédagogie envers les victimes et harceleurs potentiels, et de suivis statistiques, le Sénat a adopté la création d'une circonstance aggravante au délit de harcèlement lorsque celui-ci est commis dans un établissement d'enseignement (article 4).

Les rapporteurs du Sénat ne partagent pas la position de celui de l'Assemblée nationale lorsqu'il affirme que le dispositif adopté par la Haute assemblée « crée de nouvelles incohérences : commis par un professeur, des faits identiques seraient moins réprimés que lorsqu'ils le sont par un élève ; en outre, le nombre de circonstances aggravantes prévues par l'article rend le quantum des peines abscons pour un enfant ou un adolescent ». Au contraire, le quantum de peine proposé par l'Assemblée nationale, plus élevé que celui existant et - dans de nombreuses situations - que celui proposé par le Sénat 4 ( * ) , rend celui-ci peu opérant pour des auteurs, qui sont dans la très grande majorité des cas des mineurs. Comme l'a souligné la mission d'information sénatoriale sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, la création d'un délit spécifique « risque de n'être qu'un "tigre de papier" et n'aura pas ou très peu d'effet » .

Face à ces positions inconciliables , la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à proposer un texte commun. La commission le regrette.


* 2 Séance du 14 mai 2019.

* 3 Rapport n° 433 de MM. Olivier Paccaud et Erwan Balanant au nom de la commission mixte paritaire, déposé le 1 er février 2022.

* 4 Le quantum de peine proposé par l'Assemblée nationale est notamment supérieur lorsque l'incapacité totale de travail excède 8 jours ; ou quand elle est inférieure à 8 jours, et selon les circonstances, lorsque la victime est majeure.

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