Rapport n° 42 (2022-2023) de Mme Agnès CANAYER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 octobre 2022

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N° 42

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 octobre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l' interruption volontaire de grossesse et à la contraception ,

Par Mme Agnès CANAYER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

872 (2021-2022) et 43 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La possibilité du recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la contraception ne fait l'objet d' aucune remise en cause en France .

Les lois « Veil » et « Neuwirth » , qui ont ouvert ces droits aux femmes, font aujourd'hui partie de notre patrimoine juridique fondamental . Le Sénat y est particulièrement attaché .

À partir de ces lois, le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence protectrice , qu'il fait découler de la liberté de la femme tirée de l' article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et qu'il concilie avec le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation. La France offre donc déjà tous les outils juridiques pour garantir l'IVG et la contraception .

Selon la commission des lois, l' inscription d'un droit constitutionnel à l'avortement et à la contraception , proposée à l'initiative du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, n'est pas justifiée par la situation rencontrée dans notre pays . Elle importe un débat lié à l'organisation constitutionnelle propre aux États-Unis d'Amérique, très différente de celle de la France. La démarche purement proclamatoire et symbolique , voulue par les auteurs du texte, ne s'inscrit pas dans l'esprit du texte de la Constitution de 1958 et ne permet pas d'apporter une réponse aux difficultés qui peuvent se rencontrer en pratique pour l'accès à l'IVG . Ce faisant, elle met au coeur de l'actualité un sujet sur lequel il n'y a pas de remise en cause .

En conséquence, à l'initiative de sa rapporteure, Agnès Canayer, la commission des lois a rejeté la proposition de loi constitutionnelle .

I. UN ATTACHEMENT FORT DU SÉNAT À L'INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE ET À LA CONTRACEPTION, SOLIDEMENT PROTÉGÉES EN FRANCE

Les lois portées par Simone Veil et Lucien Neuwirth font aujourd'hui partie intégrante de notre patrimoine juridique et le Sénat s'est toujours montré fortement attaché à ces libertés de la femme .

Sur ces fondements juridiques, l' IVG et la contraception sont pleinement protégées .

L'IVG est inscrite dans le droit positif à l'article L. 2212-1 du code de la santé publique qui dispose que : « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l'interruption de sa grossesse (...) ».

Depuis la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 portée par Simone Veil , la liberté d'interrompre sa grossesse n'a jamais cessé d'être confortée avec, encore récemment, un allongement du délai dans lequel elle peut être pratiquée de douze à quatorze semaines.

De plus, le Conseil constitutionnel l'a toujours jugée conforme à la Constitution, les quatre fois où il s'est prononcé sur le sujet en 1975, 2001, 2014 et 2016.

La liberté d'interrompre sa grossesse est considérée par le Conseil constitutionnel depuis sa décision du 27 juin 2001 comme une composante de la liberté de la femme découlant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 , qu'il concilie avec le principe de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation ».

Preuve de la solidité de ce fondement , dans une décision de 2017 portant non pas sur l'IVG elle-même mais sur le délit d'entrave, le Conseil constitutionnel a jugé que l'objet des dispositions contestées était de « garantir la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789 » 1 ( * ) .

Telle était d'ailleurs la position exprimée par le Gouvernement lors de la dernière législature .

Il est en outre fortement probable que si le Conseil constitutionnel était saisi d'une loi interdisant ou restreignant fortement l'IVG, il ne pourrait la juger conforme à la Constitution dès lors qu'elle priverait de garanties légales cette « liberté de la femme » .

Quant à la contraception , consacrée par la loi du 28 décembre 1967 portée par Lucien Neuwirth, elle est aujourd'hui régie par l'article L. 5134-1 du code de la santé publique selon lequel « Toute personne a le droit d'être informée sur l'ensemble des méthodes contraceptives et d'en choisir une librement ».

Comme pour l'IVG, son accès n'a cessé d'être étendu au fil des années . Il s'agit en outre davantage d'un sujet médical , qui ne soulève aucun principe juridique avec lequel il devrait être éventuellement concilié.

II. UNE CONSTITUTIONNALISATION QUI N'EST PAS UNE VOIE PERTINENTE

Il n'y a pas lieu d'importer, en France, un débat lié à la nature fédérale des États-Unis.

La question tranchée par l'arrêt Dobbs v. Jackson rendu par la Cour suprême le 24 juin 2022 concerne en effet moins l'avortement que le fédéralisme. Compte tenu de la répartition des compétences entre l'Union et les États, seule une révision de la Constitution des États-Unis pourrait garantir uniformément le droit à l'avortement.

Ce n'est pas le cas en France : la République est indivisible , le législateur national dispose d'une plénitude de compétence.

Les auteurs de la proposition de loi constitutionnelle justifient leur démarche par la volonté d'éviter , selon leurs termes, qu' une majorité politique puisse un jour facilement revenir sur ces droits .

Aucun parti politique n'a pourtant , à la connaissance de la rapporteure, jamais remis en question le principe de l'IVG , encore moins de la contraception .

Il est clair que la Constitution du 4 octobre 1958 n'a pas été conçue pour qu'y soient intégrées toutes les déclinaisons des droits et libertés énoncés de manière générale dans son Préambule .

À cet égard, la commission a entendu rester fidèle aux conclusions rendues par le comité présidé par Simone Veil en décembre 2008 qui n'avait pas recommandé de modifier le Préambule ni d'intégrer à la Constitution de droits et libertés liés à la bioéthique 2 ( * ) , laquelle intégrait l'IVG, et qui refusait aussi clairement d'y « inscrire des dispositions de portée purement symbolique ».

Ce n'est pas non plus la constitutionnalisation qui permettra de résoudre la question de l'effectivité de l'accès à l'IVG . Si la commission a pleinement conscience de ces difficultés , d'ailleurs documentées par la commission des affaires sociales 3 ( * ) et la délégation aux droits des femmes du Sénat 4 ( * ) , elle estime toutefois que ces sujets relèvent avant tout de l'organisation du système de soins ou de mesures concrètes de la compétence du pouvoir réglementaire. À l'évidence, ces enjeux dépassent largement la portée de la proposition de révision constitutionnelle soumise à la commission.

III. UNE PROCÉDURE INAPPROPRIÉE

Toutes les personnalités auditionnées ont mis en garde la rapporteure sur le risque que cette initiative se retourne contre le droit qu'elle est censée protéger .

En effet, pour aboutir, conformément à l'article 89 de la Constitution, une révision constitutionnelle issue d'une initiative parlementaire doit être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, puis être soumise au référendum par le Président de la République . Ce faisant, elle mettrait au coeur de l'actualité un sujet sur lequel il n'y a aujourd'hui pas de risque de remise en cause.

*

* *

La commission des lois n'a pas adopté la proposition de loi constitutionnelle.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Constitutionnalisation du droit
à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception

L'article unique de la proposition de loi constitutionnelle vise à inscrire dans la Constitution le droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception en introduisant un nouvel article 66-2 au sein du titre VIII consacré à l'autorité judiciaire . Cette démarche apparaît motivée par l'arrêt de la Cour suprême des États-Unis du 24 juin 2022 renvoyant la règlementation de l'avortement aux États fédérés et renversant une jurisprudence accordant à l'avortement une protection constitutionnelle 5 ( * ) .

Comme l'a souligné la rapporteure, il ne s'agit pas d'un débat de fond sur l'interruption volontaire de grossesse ni la contraception mais d'un débat technique sur leur fondement juridique, législatif ou constitutionnel.

La commission a constaté qu' il n'y avait pas lieu d'importer en France un débat juridique lié à la nature fédérale des États-Unis . Elle a ensuite considéré que la révision proposée n'était pas utile sur le plan juridique , compte tenu de la protection très solide que le droit positif français accorde à ces libertés . Elle a en outre jugé qu'elle ne correspondait pas à l'esprit du texte de la Constitution , qui régit avant tout les rapports institutionnels entre les pouvoirs publics , ce dont témoigne la difficulté à insérer de manière satisfaisante ces dispositions dans le corpus constitutionnel existant.

Sur proposition de la rapporteure, la commission n'a pas adopté l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle .

1. Le contexte de la proposition de loi constitutionnelle : une remise en cause de l'avortement dans certains pays, une protection juridique solide en France

• Un revirement important de jurisprudence aux États-Unis sur la réglementation de l'avortement, qui résulte d'une lente évolution

Dans l'arrêt Dobbs v. Jackson du 24 juin 2022 6 ( * ) , la Cour suprême des États-Unis a procédé à un revirement important en annulant la jurisprudence Roe v. Wade du 22 janvier 1973 qui faisait de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) un droit garanti à l'échelle fédérale - et ce faisant sur l'ensemble du territoire américain - sous le contrôle de la Cour suprême .

Comme le relève Élisabeth Zoller, professeur émérite en droit public de l'université Panthéon-Assas entendue par la rapporteure, l'arrêt Dobbs n'interdit pas l'IVG en tant que telle 7 ( * ) , mais se retire de ce contentieux et laisse la matière entièrement sous le contrôle des États fédérés : « Nous décidons que la Constitution [fédérale] ne confère pas un droit à l'avortement . Roe et Casey 8 ( * ) doivent être renversés et le pouvoir de réglementer l'avortement doit être retourné au peuple et à ses représentants élus [dans les États] » 9 ( * ) . Ce faisant, la Cour retient une triple analyse textuelle, historique (« originaliste ») et structurelle de la Constitution des États-Unis, qui impose de rechercher la volonté des pères fondateurs et exclut de protéger un droit qui ne peut y trouver de fondement exprès , considérant qu'il n'est pas « enraciné dans l'histoire américaine » 10 ( * ) .

À la connaissance de la rapporteure, quatorze des cinquante États fédérés ont depuis interdit de manière absolue (Texas, Arkansas, Louisiane, Missouri, Alabama, Tennessee, Kentucky et Dakota du Sud) ou fortement restreint le droit à l'avortement (Oklahoma, Louisiane, Mississipi, Wisconsin, Idaho, Indiana et Arizona) 11 ( * ) . À terme, selon Mathilde Philip-Gay, professeur de droit public à l'Université de Lyon III - Jean Moulin et co-directrice du centre de droit constitutionnel, près de la moitié des États pourraient procéder de la même manière.

Dans l'arrêt Roe v. Wade du 22 janvier 1973 12 ( * ) , la Cour suprême des États-Unis avait au contraire considéré que la clause de procédure régulière figurant au Quatorzième amendement à la Constitution (« Due Process Clause ») 13 ( * ) qui protège contre toute action de l'État le droit à la vie privée ( Right of privacy ) au nom de la liberté, incluait le droit d'une femme de poursuivre ou non sa grossesse . Les intérêts de la femme enceinte devaient toutefois être mis en balance avec les intérêts des États dans la protection du potentiel de vie humaine, en particulier lorsque le foetus est viable 14 ( * ) .

Dès lors, comme l'analyse Elisabeth Zoller, la Cour suprême renverse l'arrêt Roe pour deux raisons :

- d'une part, cet arrêt a créé un droit qui n'est textuellement prévu nulle part , ni dans la Constitution fédérale, ni dans les amendements à celle-ci ;

- d'autre part, il a retiré aux États fédérés compétence pour se prononcer sur une question qui n'est pas du ressort de l'Union des États-Unis (niveau fédéral), portant ainsi atteinte au fonctionnement de leurs processus démocratiques.

Le fondement textuel de Roe a d'emblée été jugé fragile car résultant d'une lecture « substantialisante » de la clause « Due process » , qui permet, « seule ou en combinaison avec d'autres droits constitutionnels prévus par la Constitution, de fonder de nouveaux droits constitutionnels » 15 ( * ) .

L'arrêt Dobbs intervient donc au terme d'une évolution lente mais prévisible . La Cour suprême avait ainsi reconnu aux États fédérés dès la fin des années 1980 une marge de manoeuvre accrue dans la détermination des conditions de recours à l'avortement .

Elle avait par exemple validé une loi très restrictive du Missouri interdisant notamment aux médecins du secteur public de pratiquer un avortement si le foetus était estimé viable dans un arrêt Webster v. Reproductive health services 16 ( * ) du 3 juillet 1989 . Dans un célèbre arrêt Casey du 29 juin 1992 17 ( * ) , la Cour avait par ailleurs admis des aménagements à l'exercice du droit à l'avortement afin de tenir compte des intérêts légitimes des États, et permettant des mesures restrictives dès le premier trimestre de grossesse.

Dès lors, si certains Etats avaient déjà largement libéralisé le droit à l'avortement , d'autres n'avaient cessé de le restreindre .

Le droit à l'avortement aux États-Unis avant la décision Dobbs

Certains États ont largement libéralisé le droit à l'avortement : Washington, l'Oregon, la Californie, Hawaï, le Nevada, le Colorado, le Maine, le Massachussetts, le Connecticut, le Maryland, le New Jersey, le Delaware, Rhode Island, l'Illinois, New York, le Vermont, et le New Hampshire, allant jusqu'à l'inscrire dans leur propre Constitution pour certains d'entre eux (le Nouveau-Mexique, le Kansas, le Minnesota, l'Alaska, l'Arizona, la Floride et le Montana).

D'autres États n'ont cessé de restreindre la possibilité d'avorter pour les femmes .

Par exemple, en 2005, trente-deux États obligeaient les médecins pratiquant des avortements à expliciter chaque étape du développement foetal à la femme et à proposer l'adoption. Dix-sept États avaient promulgué des lois interdisant aux compagnies d'assurance de financer des avortements pour leurs clients du secteur public.

Plus récemment, l'Alabama a adopté le 14 mai 2019 The Human Life Protection Act qui interdit l'IVG de manière absolue, y compris en cas de viol, excepté lorsque la vie de la femme enceinte est en danger. Le 9 mars 2021, l'Arkansas a adopté une loi interdisant l'avortement même en cas de viol ou d'inceste, sauf en cas d'urgence médicale pour la mère. Au Texas, une loi, entrée en vigueur le 1 er septembre 2021, interdit de pratiquer une IVG dès lors que les battements de coeur d'un foetus sont perceptibles soit vers six semaines de grossesse, une seule exception étant admise en cas d'urgence médicale.

Sources : commission des lois

et Laurie Marguet, « La croisade contre le droit à l'avortement aux États-Unis », in Délibérée 2019/3 (N° 8), pages 79 à 84, qui se réfère notamment à Jennifer Merchant,

« États-Unis : nouvelles menaces sur le droit à l'avortement », L'Histoire, 2005/10 18 ( * )

L' évolution de la composition de la Cour suprême a, pour ainsi dire, parachevé cette tendance trouvant son aboutissement dans la décision Dobbs du 24 juin dernier.

En outre, la question de fond tranchée par l'arrêt Dobbs concerne en réalité moins l'avortement que le fédéralisme : il s'agit en fait de savoir qui a compétence pour réglementer l'IVG, l'Union ou les États ?

Si cette question n'appelle pas de réponse certaine juridiquement, il convient de souligner que la Constitution américaine est une constitution « d'attribution » , les pouvoirs publics ne disposant que des compétences qui leurs sont spécifiquement attribuées. Or, les compétences du législateur fédéral 19 ( * ) sont limitativement énumérées par la section 8 de l'article 1 er de la Constitution 20 ( * ) et ne mentionnent pas les droits et libertés. Il découle de cette lecture que la question de l'avortement relève de la compétence des Etats fédérés . Le raisonnement est à cet égard le même que pour la peine de mort.

D'autres droits civils et politiques acquis au XX e siècle pourraient-ils être renversés sur le fondement de cette analyse textuelle et historique ? Si la Cour Suprême précise dans Dobbs que « rien dans cet arrêt ne doit être compris comme jetant un doute sur les précédents qui ne concernent pas l'avortement » 21 ( * ) , la doctrine estime pourtant le risque d'une telle remise en cause de certains droits jurisprudentiels bien réel, par exemple pour l'accès à la contraception, la dépénalisation de l'homosexualité ou le droit au mariage des personnes de même sexe 22 ( * ) .

• Une situation majoritairement favorable à l'avortement dans l'Union européenne, mais plus contrastée dans le monde

La situation est bien différente en Europe où, sur vingt-sept États de l'Union européenne (UE), la majorité autorise l'IVG 23 ( * ) :

- vingt-quatre l'autorisent sans conditions ;

- un seul (Malte) l'interdit complètement ;

- un autre le restreint fortement (la Pologne 24 ( * ) ) au cas de viol ou de danger pour la vie de la mère ;

- et le dernier (la Finlande) l'autorise sous conditions : avant 17 ans ou après 40 ans, après quatre enfants ou en raison de difficultés économiques, sociales ou de santé 25 ( * ) .

La Hongrie tend également à restreindre ce droit puisque les femmes souhaitant avorter sont contraintes d'écouter les battements de coeur du foetus depuis le 15 septembre 2022. D'autres pays l'ont légalisé bien plus tardivement que la France : le Portugal depuis 2007 26 ( * ) et l'Irlande depuis 2019 27 ( * ) .

Dans le reste du monde , la situation est plus contrastée 28 ( * ) .

Près d'une vingtaine de pays dans le monde interdisent l'avortement : en Afrique 29 ( * ) , en Amérique du Sud 30 ( * ) , en Europe 31 ( * ) et en Asie 32 ( * ) . Dans d'autres pays, l'IVG n'est accessible qu'en cas de danger pour la vie de la femme 33 ( * ) ; en cas de viol , de risque pour la mère ou de grave malformation du foetus 34 ( * ) . Certains États ont inscrit ces interdictions ou restrictions dans leur Constitution comme le Honduras 35 ( * ) et la Somalie 36 ( * ) , le plus souvent au nom du droit à la vie, parfois avec des exceptions, comme en Eswatini 37 ( * ) ou au Kenya.

Aucun État n'a explicitement fait référence à l'IVG dans sa Constitution, sauf pour l'interdire.

En revanche, comme l'a développé Diane Roman, professeur de droit public à l'École de droit de la Sorbonne, dans sa contribution écrite à la rapporteure, deux États - la Slovénie 38 ( * ) et l'Afrique du Sud 39 ( * ) - ont consacré dans leur Constitution des notions plus larges pouvant inclure l'IVG : le droit de choisir d'être parents d'une part ; les droits « sexuels et reproductifs » et le droit de disposer librement de son corps d'autre part . Dans d'autres États, l'IVG a valeur constitutionnelle (Népal ou certains États des Etats-Unis). En Belgique, un débat de même nature que celui suscité par la présente proposition de loi est en cours au Parlement, d'après les informations communiquées par le ministère de la justice.

• Une protection juridique de l'interruption volontaire de grossesse et de la contraception solide et durable en France

L'interruption volontaire de grossesse (IVG) a été légalisée par la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 40 ( * ) portée par Simone Veil , alors ministre de la santé, qui suspendait pendant cinq ans son caractère délictuel dans certaines conditions, de délai notamment 41 ( * ) . C'est en 1979 qu'a été supprimé le caractère temporaire de cette législation 42 ( * ).

L'accès à l'IVG n'a jamais cessé d'être renforcé depuis :

- elle est remboursé à 100 % depuis 2013 43 ( * ) ;

- la femme mineure peut y recourir sans le consentement d'un adulte depuis 2001 44 ( * ) ;

- la notion de « situation de détresse » dans laquelle se trouve la femme enceinte a été supprimée en 2014 45 ( * ) . Le législateur n'avait toutefois jamais entendu limiter l'accès à l'IVG par cette formule, ni permettre à une autre personne que la femme elle-même de décider si elle se trouve dans cette situation. La loi a d'ailleurs été interprétée de manière constante selon cette orientation par le juge 46 ( * ) ;

- le délai obligatoire de réflexion d'une semaine préalable à une IVG a également été supprimé en 2016 47 ( * ) .

L' article L. 2212-1 du code de la santé publique prévoit donc que : « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l'interruption de sa grossesse (...) ».

Après être passé de dix à douze semaines de grossesse en 2001 48 ( * ) , le délai dans lequel une IVG peut être pratiquée a de nouveau été allongé à quatorze semaines 49 ( * ) par la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement. L'IVG peut en outre, par dérogation, être pratiquée à tout moment pour un motif médical , sur décision de deux médecins, en cas de risque grave pour la santé de la femme ou de l'enfant 50 ( * ) .

Compromis issu de la loi « Veil » de 1975, les personnels médicaux disposent d'une clause de conscience . Ainsi, « un médecin ou une sage-femme 51 ( * ) n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse », aux termes de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique. Ils doivent toutefois en informer sans délai la patiente et lui communiquer le nom de professionnels susceptibles de réaliser l'IVG.

Sur le plan pénal , l'IVG est considérée comme une infraction délictuelle pour le professionnel qui la pratique lorsque les conditions posées par la loi ne sont pas réunies, notamment lorsqu'elle est réalisée au-delà du délai prévu par la loi 52 ( * ) ou sans le consentement de l'intéressée 53 ( * ) . Le délit d'entrave à l'IVG , conçu en 1993 54 ( * ) par le législateur pour réprimer les comportements dont l'objectif est d'empêcher l'accès à l'IVG, a également été étendu 2017 pour sanctionner les discours hostiles sur internet 55 ( * ) .

Le Conseil constitutionnel s'est prononcé à quatre reprises sur l'IVG en 1975 56 ( * ) , 2001 57 ( * ) , 2014 58 ( * ) et 2016 59 ( * ) . Il l' a toujours jugé conforme à la Constitution , considérant depuis sa décision de 2001 que les conditions légales de cette pratique ne rompaient pas « l'équilibre que le respect que la Constitution impose entre, d'une part, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et, d'autre part, la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen » 60 ( * ) .

Il avait jugé, dès 1975, que l'IVG n'était pas « contraire à l'un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » et ne méconnaissait pas « le principe énoncé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel la nation garantit à l'enfant la protection de la santé , non plus qu'aucune des autres dispositions ayant valeur constitutionnelle édictées par le même texte » 61 ( * ) .

S'il n'a jamais consacré de droit constitutionnel à l'avortement en tant que tel , il le rattache à la « liberté de la femme » qui découle du principe général de liberté posé à l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 . Le Conseil en fait donc une composante de la liberté personnelle de la femme . Lors de sa décision de 2017 portant non pas sur l'IVG elle-même mais sur le délit d'entrave, il a confirmé la solidité de ce fondement en considérant que l'objet des dispositions contestées était de « garantir la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789 » 62 ( * ) .

Il ne s'est toutefois jamais prononcé sur un seuil au cours de la gestation, au-delà duquel la protection de la vie humaine interdirait l'IVG . Il n'a d'ailleurs jamais consacré, non plus, un principe constitutionnel de respect de tout être humain dès le commencement de sa vie 63 ( * ) . Il reconnaît, en outre, une large marge de manoeuvre au législateur sur les questions de société, considérant qu'il « ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » 64 ( * ) .

Il faut également noter l' absence d'un droit conventionnel à l'avortement reconnu par la Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales . Celle-ci constate globalement qu'aucun consensus européen ne se dégage sur la définition scientifique et juridique du commencement de la vie, ce qui implique nécessairement une marge d'appréciation des États pour concilier les droits revendiqués au nom du foetus et ceux de la mère 65 ( * ) . Elle juge en conséquence que l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) sur le droit à la vie privée ne saurait s'interpréter comme un droit à l'avortement 66 ( * ) . En tout état de cause, les juges nationaux admettent de longue date la compatibilité du droit français avec la convention, notamment au regard de la protection du droit à la vie 67 ( * ) .

Quant à la contraception , qui n'a pas de portée constitutionnelle ou conventionnelle à ce jour faute d'avoir fait l'objet de contentieux , elle a été consacrée pour la première fois par la loi du 28 décembre 1967 68 ( * ) portée par Lucien Neuwirth. Elle est aujourd'hui régie par l'article L. 5134-1 du code de la santé publique selon lequel « Toute personne a le droit d'être informée sur l'ensemble des méthodes contraceptives et d'en choisir une librement ».

Comme pour l'IVG, son accès n'a cessé d'être étendu au fil des années : le consentement des parents n'est plus exigé depuis 2016 pour les mineures 69 ( * ) , auquel la contraception est délivrée gratuitement depuis 2013 70 ( * ) , gratuité étendue aux femmes de moins de 26 ans depuis 2022, et à toutes les femmes pour la contraception d'urgence 71 ( * ) à compter de 2023 72 ( * ) .

2. La proposition de loi constitutionnelle : inscrire le droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception dans la Constitution pour les sanctuariser

Considérant la décision de la Cour suprême des États-Unis comme une illustration de « la fragilité des droits permettant aux femmes de disposer librement de leur corps » 73 ( * ) et craignant une possible remise en cause du droit à l'avortement en France, « qu'il serait illusoire (..) de considérer (..) comme inaliénable et intangible », 118 sénateurs issus de sept groupes politiques 74 ( * ) ont déposé le 2 septembre 2022, à l'initiative de Mélanie Vogel , première signataire, la proposition de loi constitutionnelle n° 872 (2021-2022) visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception .

Son exposé des motifs justifie la révision constitutionnelle par « l'imminence d'une régression », car « aucun pays n'est à l'abri d'une majorité politique susceptible d'abroger les dispositions autorisant l'avortement, la contraception ou d'en restreindre considérablement l'accès » ; mais aussi « parce-que ces droits font partie du contrat social » et que « [leur] consécration (...) dans la Constitution est un enjeu fondamental de citoyenneté », notamment en raison de « l'inégalité de fait des individus face aux questions reproductives » 75 ( * ) .

Le texte proposé vise à compléter le titre VIII de la Constitution « De l'autorité judiciaire » par un article 66-2 qui disposerait que :

« Nul ne peut porter atteinte au droit à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l'accès libre et effectif à ces droits. »

Ce faisant, cet article serait inséré à la suite de l'interdiction de la peine de mort garantie par l'article 66-1 de la Constitution, et de l'article 66 relatif à la protection de la liberté individuelle par l'autorité judiciaire.

Cette rédaction se rapproche de celle proposée par la proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale par Aurore Bergé et les membres du groupe Renaissance et apparentés, visant aussi à insérer un nouvel article 66-2 selon lequel « Nul ne peut être privé du droit à l'interruption volontaire de grossesse » 76 ( * ) , excluant donc la contraception de son champ.

Une autre proposition de loi déposée le 6 juillet 2022 à l'initiative de Mathilde Panot et plusieurs députés membres de la Nouvelle Union Populaire écologique et sociale reprend l'idée d'un nouvel article 66-2 mais diffère dans sa rédaction 77 ( * ) . Il disposerait que  « Nul ne peut entraver le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse. La Nation garantit à toute personne l'accès effectif à ce droit ».

Au total, six propositions de loi ont été déposées sur le même sujet entre fin juin et début septembre 2022 sur les bureaux des Assemblées , faisant suite à la décision de la Cour suprême des États-Unis.

Quatre d'entre elles sont sénatoriales . Outre la présente proposition de loi, Éliane Assassi et les sénateurs du groupe communiste ont déposé le 27 juin 2022 une proposition de loi constitutionnelle tendant à ajouter à l'article 34 de la Constitution parmi les domaines dont la loi détermine les principes fondamentaux, celui de la mise en oeuvre du droit à l'IVG 78 ( * ) .

Le groupe Socialiste Écologiste et Républicain avait déposé le 27 juin 2022, à l'initiative de Laurence Rossignol , une proposition de loi constitutionnelle visant à inscrire au sein du Préambule du 27 octobre 1946 que « La loi garantit l'égal accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse » 79 ( * ) .

Enfin, le groupe écologiste - Solidarité et Territoires avait également déposé un autre texte le 2 août 2022 , à l'initiative de Mélanie Vogel, ajoutant à l'article 1 er de la Constitution que « la loi garantit l'autonomie décisionnelle en matière reproductive ainsi que l'accès aux soins et aux services de santé. Toute personne a droit à une contraception adaptée et à un accès universel, inconditionnel et gratuit à l'interruption volontaire de grossesse, dans un délai qui ne peut être inférieur à quatorze semaines d'aménorrhée. » 80 ( * )

3. La position de la commission : une révision constitutionnelle qui ne s'impose pas juridiquement

Un débat technique et juridique

Rappelant son attachement aux lois Veil et Neuwirth ainsi qu'aux avancées constantes des droits des femmes , la commission souligne que la discussion de la proposition de loi ne doit pas être l'objet d' un débat de fond sur l'interruption volontaire de grossesse ou la contraception, mais d'un débat technique sur leur fondement juridique, législatif ou constitutionnel .

Ce n'est pas non plus la constitutionnalisation qui permettra de résoudre la question de l'effectivité de l'accès à l'IVG ou à la contraception , soulignée par les associations entendues par la rapporteure, mais aussi par Sophie Paricard, Professeure de droit privé et sciences criminelles à l'institut national universitaire Champollion d'Albi, et Anne-Marie Frison Roche, professeur à Sciences Po Paris.

La rapporteure a pleinement conscience de ces difficultés , d'ailleurs documentées par la commission des affaires sociales 81 ( * ) et la délégation aux droits des femmes du Sénat 82 ( * ) . Elle estime toutefois que ces sujets relèvent avant tout de l'organisation du système de soins ou de mesures concrètes de la compétence du pouvoir réglementaire. À l'évidence, ces enjeux dépassent largement la portée de la proposition de révision constitutionnelle soumise à la commission.

• Une importation d'un débat américain en France où la situation n'est en rien comparable

Comme l'ont montré les auditions de la rapporteure, la situation institutionnelle en France n'est en rien comparable avec celle des États-Unis.

En renvoyant aux États la compétence pour légiférer sur l'avortement , la Cour suprême a renversé sa jurisprudence protectrice de 1973 qui garantissait un socle minimal de règles communes . Ces dernières pourront donc désormais être complètement hétérogènes d'un État à l'autre , allant jusqu'à l'interdiction ou de très fortes restrictions d'accès, comme l'ont déjà fait quatorze des cinquante États.

Dès lors, compte tenu de la répartition des compétences entre l'Union et les États, dont il résulte que le Congrès ne peut légiférer sur les droits et libertés, seule une révision de la Constitution des États-Unis pourrait garantir uniformément le droit à l'avortement dans toute la fédération . Or, si le Congrès peut proposer un amendement à la Constitution, il doit ensuite être ratifié par les trois quart des États fédérés, ce qui rend l'aboutissement d'une telle procédure aujourd'hui quasi-impossible.

Article V de la Constitution des États-Unis

« Le Congrès, quand les deux tiers des deux Chambres l'estimeront nécessaire, proposera des amendements à la présente Constitution ou, sur la demande des législatures des deux tiers des États, convoquera une convention pour en proposer ; dans l'un et l'autre cas, ces amendements seront valides à tous égards comme faisant partie intégrante de la présente Constitution, lorsqu'ils auront été ratifiés par les législatures des trois quarts des États, ou par des conventions dans les trois quarts d'entre eux, selon que l'un ou l'autre mode de ratification aura été proposé par le Congrès. Sous réserve que nul amendement qui serait adopté avant l'année mil huit cent huit ne puisse en aucune façon affecter la première et la quatrième clause de la neuvième section de l'article premier, et qu'aucun État ne soit, sans son consentement, privé de l'égalité de suffrage au Sénat ».

Traduction issue de « La Constitution américaine et les institutions »,

Jean-Éric Branaa, Ellipses, 2020

En France, la situation est radicalement différente . La France est une République indivisible conformément à l'article 1 er de la Constitution, dans laquelle le législateur national dispose d'une plénitude de compétence et où les lois sont les mêmes pour tous sur l'ensemble du territoire 83 ( * ) .

La question de la comparaison du Conseil constitutionnel avec la Cour suprême ne s'est pas réellement posée lors des auditions conduites par la rapporteure, tant leur fonctionnement diffère, notamment dans la distance prise par le Conseil constitutionnel avec les choix du législateur, contrairement aux États-Unis.

De surcroît, à l'international, aucun pays n'a à ce jour fait référence à l'avortement dans la Constitution , sauf pour l'interdire.

• Une constitutionnalisation purement symbolique et juridiquement inutile

Plusieurs personnes entendues, favorables à la constitutionnalisation, ont reconnu que celle-ci relevait avant tout du symbole politique . En ce sens, le ministère de la justice a indiqué à la rapporteure « qu'inscrire ces deux droits au sein de la Constitution leur conférerait une portée politique et symbolique très forte » 84 ( * ) .

Parmi les arguments juridiques avancés pour justifier une constitutionnalisation, figure celui d'une protection constitutionnelle insuffisante de l'IVG et de la contraception. Diane Roman, professeur de droit à l'École de droit de la Sorbonne, Stéphanie Hennette-Vauchez, professeur de droit public à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense et Mathilde Philip-Gay, professeur de droit public à l'Université de Lyon III - Jean Moulin et co-directrice du centre de droit constitutionnel, ont notamment développé cette analyse auprès de la rapporteure.

La démarche proposée viserait donc, comme l'a notamment expliqué Mélanie Vogel, première signataire de la proposition de loi constitutionnelle, à sécuriser le droit à l'IVG et à la contraception en le plaçant au plus haut niveau de la hiérarchie des normes de notre ordre juridique interne, pour éviter, selon les termes des auteurs de la proposition de loi, qu'une majorité politique puisse un jour facilement revenir dessus , comme dans d'autres pays (Pologne, États-Unis). Une inscription dans la Constitution confèrerait ainsi une plus grande protection, dès lors que le texte constitutionnel est plus difficile à modifier que la loi.

Ces arguments n'ont pas convaincu la commission .

En effet, en premier lieu, nul n'est à l'abri d'une révision constitutionnelle : ce que le Constituant décide, il peut le défaire, même si les conditions de procédure requises sont plus contraignantes que pour le législateur.

En deuxième lieu, l'existence en France d'une menace réelle au recours à l'IVG et à la contraception n'est pas démontrée, aucun parti politique n'ayant notamment, à la connaissance de la rapporteure, jamais remis en question le principe de l'IVG, encore moins de la contraception.

La commission a également estimé qu'une révision constitutionnelle ne pouvait être fondée sur sa seule portée symbolique ou l'émotion ressentie, si légitime soit-elle, suite à une décision juridique dans un autre pays dont le système institutionnel est aux antipodes du nôtre. Si l'inscription dans la Constitution relève du symbole, c'est avant tout car l'IVG et la contraception sont solidement protégés par le droit positif .

Non seulement la liberté d'interrompre sa grossesse garantie depuis 1975 par la loi n'a cessé d'être confortée, mais elle est considérée par le Conseil constitutionnel comme une composante de la liberté de la femme découlant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 , qu'il convient de protéger . Comme l'a expliqué Anne Levade, professeur de droit public à l'Université Paris I - Panthéon Sorbonne et présidente de l'Association française de droit constitutionnel, ce fondement juridique découlant de la liberté individuelle est particulièrement solide 85 ( * ) , ce à quoi la commission a souscrit .

Telle était d'ailleurs la position exprimée par le Gouvernement lors de la dernière législature (2017-2022), que ce soit au Sénat le 3 avril 2018 lors d'un débat tenu à l'initiative du groupe communiste républicain citoyen et écologiste 86 ( * ) - déjà auteur d'une proposition de loi constitutionnelle sur le sujet 87 ( * ) - ou à l'Assemblée nationale le 11 juillet 2018, lors de la discussion du projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace 88 ( * ) .

Le Gouvernement s'était dans les deux cas montré défavorable à la constitutionnalisation tant de l'IVG que de la contraception , par la voix d'Agnès Buzyn, ministre de la santé au Sénat, puis de Nicole Belloubet, garde des Sceaux, qui estimait à l'Assemblée nationale que la Constitution n'était pas « le niveau de norme approprié pour garantir ces droits », dès lors que le Conseil constitutionnel considérait déjà que l'avortement constituait une composante de la liberté de la femme découlant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

Il est d'ailleurs probable que si le Conseil constitutionnel était saisi d'une loi interdisant ou restreignant fortement l'IVG, il ne pourrait la juger conforme à la Constitution dès lors qu'elle priverait de garanties légales cette « liberté de la femme » .

En effet, si le Conseil constitutionnel reconnaît de jurisprudence constante, qu' « il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, dès lors que, dans l'exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » 89 ( * ) . Comme le rappelait François-Noël Buffet dans son rapport sur le projet de révision constitutionnelle complétant l'article 1 er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement : « c'est ce que l'on a appelé, à la suite du doyen Favoreu 90 ( * ) , "l'effet artichaut" : le législateur peut abroger certaines des règles qui protègent ou favorisent l'exercice de droits fondamentaux, mais pas au point que ces droits n'aient plus d'effectivité » 91 ( * ) .

Comme l'a indiqué le ministère de la justice à la rapporteure, outre l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel pourrait également rattacher la protection de l'IVG à deux autres fondements juridiques issus du Préambule de 1946 :

- le dixième alinéa, qui affirme que la Nation assure aux individus « les conditions nécessaires à leur développement », car l'IVG répond à la nécessité de secourir une femme que sa grossesse plonge dans une détresse psychique, morale ou sociale ;

- le onzième alinéa, qui garantit « la protection de la santé », car l'IVG permet également de protéger la santé morale et physique de la femme enceinte.

Quant à la contraception , il s'agit davantage d'un sujet médical que juridique - réflexions sur la contraception masculine par exemple ou évolutions de la contraception féminine - qui n'est pas fragilisé. Comme l'ont souligné devant la rapporteure les représentants du ministère de la justice et Denys de Béchillon, professeur de droit public à l'Université de Pau et des pays de l'Adour, la contraception ne soulève en outre aucun principe juridique avec lequel il devrait être éventuellement concilié , contrairement à l'IVG qui implique de concilier liberté de la femme et principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation.

Il n'y a donc aucune raison que la décision du 24 juin dernier de la Cour suprême impose de réviser la Constitution française , ces droits n'étant nullement menacés en France.

D'ailleurs, une telle révision, si elle devait être acceptée, se démarquerait par sa nature même des vingt-quatre modifications de la Constitution depuis 1958 , qui peuvent être classées en quatre catégories :

- soit introduire une nouveauté ;

- soit déroger à un principe que la Constitution impose - dans le texte de la Constitution expressis verbis ou par l'interprétation qui en est faite par le Conseil constitutionnel - ce qui était le cas pour l'inscription en 1999 92 ( * ) et 2008 93 ( * ) à l'article 1 er du principe selon lequel « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales », qui permet au législateur de déroger au principe constitutionnel d'égalité 94 ( * ) ;

- soit ratifier un engagement international , comme ce fut le cas pour la consécration en 2007 95 ( * ) de l'interdiction de la peine de mort à l'article 66-1, alors qu'elle était déjà abolie par la loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort portée par Robert Badinter ;

- soit revenir sur une interprétation jurisprudentielle du Conseil constitutionnelle jugée excessive 96 ( * ) , comme par exemple avec la loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993 amendant une interprétation qu'il avait donné du droit d'asile garanti par le quatrième alinéa du Préambule de 1946 97 ( * ) . C'est, en quelque sorte, ce que le doyen Vedel avait appelé le « lit de justice constitutionnel », qui infirme une décision du Conseil constitutionnel.

L'inscription de l'interdiction de la peine de mort dans la Constitution , si elle eut bien sûr une valeur politique et symbolique très forte, comme l'indiquait Robert Badinter dans son rapport pour la commission des lois du Sénat 98 ( * ) , eut lieu pour des motifs juridiques bien circonstanciés . Il s'agissait de tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel qui, en application de l'article 54 de la Constitution 99 ( * ) , avait jugé que la ratification d'un protocole au Pacte international relatif aux droits civils et politiques 100 ( * ) nécessitait une révision constitutionnelle .

La comparaison , parfois mise en avant, avec la révision envisagée par la présente proposition n'est donc pas pertinente . Elle l'est encore moins s'agissant de ses conséquences : l'interdiction constitutionnelle de la peine de mort ne nécessitait, par nature, aucune action ultérieure du législateur . Il en est tout autrement de la mise en oeuvre de l'IVG ou de la contraception qui seront toujours , comme toutes les libertés publiques, de la compétence du législateur , comme l'ont souligné plusieurs professeurs de droit parmi lesquels Stéphane Mouton, professeur de droit public à l'Université Toulouse-Capitole.

• Une constitutionnalisation qui ne correspond pas à l'esprit de la Constitution, dont l'objet est avant tout de régir les rapports institutionnels entre les pouvoirs publics

Comme l'a indiqué le ministère de la justice à la rapporteure, « la Constitution est un ensemble de textes juridiques qui définit les institutions de l'État et organise leurs relations. Elle rappelle également les principes et les droits fondamentaux mais elle n'a pas pour objet de lister l'ensemble des droits reconnus à la personne humaine. La consécration de droits et libertés à valeur constitutionnelle se limite le plus souvent à une déclaration du principe, l'application concrète revenant aux pouvoirs publics ». Tirant les conséquences de cette analyse, le ministère estime qu'il n'est pas nécessaire d'inscrire la contraception dans la Constitution mais justifie pourtant son souhait d'y intégrer le droit à l'avortement par « son attache[ment] » à l'IVG.

Ce raisonnement ne parait pas recevable, quel que soit l'attachement que l'on puisse porter au recours à l'IVG et à la contraception.

Il est clair en effet que la Constitution du 4 octobre 1958 n'a pas été conçue pour qu'y soient intégrées toutes les déclinaisons des droits et libertés énoncés de manière générale dans son Préambule . Elle régit avant tout les rapports institutionnels entre les pouvoirs publics et n'a pas vocation à être une pétition de principes. Outre les principes figurant notamment à l'article 1 er , le principe de liberté individuelle, l'un des seuls relatifs à la personne à être énoncé dans le texte de la Constitution, n'est consacré à l'article 66 que pour garantir sa protection par l'autorité judiciaire, ce qui relève là encore de la détermination d'une autorité institutionnelle compétente.

La commission a donc préféré rester fidèle aux conclusions du rapport rendu par le comité présidé par Simone Veil en décembre 2008 101 ( * ) qui n'avait pas recommandé d'intégrer à la Constitution de droits et libertés liés à la bioéthique, laquelle intégrait l'IVG.

La seule opportunité de constitutionnalisation « sélective et maîtrisée » retenue à l'époque par le comité, en matière de droits et libertés , concernait le principe de dignité de la personne humaine , qu'il avait proposé d'intégrer à l'article 1 er de la Constitution, selon lequel la France « reconnaît l'égale dignité de chacun » 102 ( * ) . Sous réserve de cette référence, qu'il justifiait par la nécessité « d'accorder le texte de la Constitution avec l'esprit des valeurs auxquelles la nation est le plus fondamentalement attachée depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale » 103 ( * ) , le comité n'avait pas recommandé que le Préambule soit modifié .

Le comité avait placé sa réflexion sous le prisme de « la nécessité juridique, la faisabilité et l'innocuité de réformes constitutionnelles de ce type » 104 ( * ) . Suivant l'analyse de la rapporteure, la commission a totalement fait sien ce postulat équilibré .

Au surplus, si le Constituant décidait d'intégrer spécifiquement le droit à l'IVG ou à la contraception, cette décision ouvrirait la voie à un changement de nature du texte constitutionnel.

En effet, pourquoi alors ne pas constitutionaliser d'autres manifestations de la liberté qui n'ont pas, non plus, en tant que telle, valeur constitutionnelle , comme le mariage pour les personnes de même sexe, le droit pour ces personnes d'adopter, ou encore d'autres questions bioéthiques comme la recherche sur l'embryon ou le génome humain, voire la maternité pour le compte d'autrui ou la fin de vie ?

Outre l'absence de motifs juridiques, plusieurs professeurs de droit ont mis en évidence l'incohérence qu'il y aurait alors à laisser de côté certains droits ou libertés de valeur législative qui ne font pas, non plus, l'objet d'une consécration expresse par le Conseil constitutionnel.

• Une formulation qui soulève des difficultés

L' absence de cohérence de l'objet de la proposition de révision avec le texte de la Constitution se concrétise dans la difficulté de trouver une place pertinente parmi les dispositions constitutionnelles . Les auteurs de la proposition de révision ont d'ailleurs expliqué s'être inspirés d'autres rédactions proposées, sans être opposés à ce qu'une autre insertion soit trouvée dans le texte constitutionnel.

Ainsi, l' intégration de droits à l'IVG et à la contraception au sein du titre VIII relatif à l'autorité judiciaire, juste après l'abolition de la peine de mort , a de quoi surprendre mais s'explique sans doute par l'absence de titre dans la Constitution consacré aux droits et libertés fondamentaux, qui sont contenus dans le Préambule de la Constitution 105 ( * ) . Du reste, l'emplacement retenu pourrait faire naître des interrogations quant à une possible interférence du juge dans le droit des femmes à avorter, ce qui n'a pourtant pas lieu d'être.

De surcroît, la formulation retenue selon laquelle « nul ne peut porter atteinte » à l'IVG et à la contraception prévoyant que la loi « garantit » à toute personne « l'accès libre et effectif à ces droits » laisse entendre que le législateur ne pourrait fixer de bornes à ces droits et que son accès serait inconditionnel . Or, le législateur doit pouvoir en fixer les conditions, comme pour toutes les libertés publiques : l'avortement ne peut être un droit absolu , sans limite.

La rapporteure s'est également interrogée sur la mention selon laquelle « toute personne » qui le demande peut avoir accès à ces droits, estimant la formule ambigüe et pouvant s'interpréter comme autorisant la demande d'IVG pour autrui, ce qui serait particulièrement problématique.

• Une procédure inappropriée

Enfin, il convient de prendre garde à ce que l'initiative constitutionnelle proposée, si elle était poursuivie, ne se retourne pas contre un droit qu'elle est censée protéger, alors que le droit positif donne en France tous les outils juridiques pour le garantir.

En effet, pour aboutir, conformément à l'article 89 de la Constitution , une révision constitutionnelle issue d'une initiative parlementaire comme dans le cas présent doit être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, puis être soumise au référendum par le Président de la République - ce qui est d'ailleurs une prérogative propre de ce dernier, rien ne l'obligeant à y procéder. Ce faisant, elle mettrait au coeur de l'actualité un débat sur un sujet sur lequel il n'y a aujourd'hui pas de risque de remise en cause.

Au bénéfice de l'ensemble de ces éléments, et sur la proposition de la rapporteure, la commission n'a pas adopté l'article unique de la proposition de loi constitutionnelle.

En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi .

La commission des lois n'a pas adopté la proposition
de loi constitutionnelle.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

12 OCTOBRE 2022

M. François-Noël Buffet , président . - Nous en venons à l'examen de la proposition de loi constitutionnelle visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, présentée par Mélanie Vogel et plusieurs de ses collègues. Mélanie Vogel n'étant pas membre de notre commission, elle nous présentera son texte, ainsi que les amendements qu'elle a déposés sur son article unique.

Mme Mélanie Vogel , auteure de la proposition de loi constitutionnelle . - Je ne suis que la première signataire de ce texte ; nombreux sont nos collègues, issus de sept groupes politiques, qui l'ont signé après moi.

L'objectif politique de cette proposition de loi constitutionnelle est simple : il s'agit de garantir que toute loi qui ferait régresser le droit à l'avortement en France serait anticonstitutionnelle. Nous n'entendons pas modifier l'état actuel du droit, mais nous assurer qu'à droit constant la protection du droit à l'avortement soit de niveau constitutionnel et non plus seulement législatif. Évidemment, cette protection ne serait pas absolue, comme la Constitution peut être modifiée, mais elle serait tout de même supérieure.

Pourquoi l'avons-nous déposée ? D'abord, nous nous trouvons aujourd'hui dans un contexte de régression de droits des femmes dans le monde, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Hongrie et en Pologne, peut-être bientôt en Italie, voire en Suède. En France, un consensus très important existe en faveur du droit à l'avortement ; plus de 80 % de la population est favorable à son inscription dans la Constitution. Cette adhésion est très forte dans toutes les catégories sociales, quelle que soit l'appartenance religieuse ou l'opinion politique.

Selon nous, la Constitution, notre contrat social fondamental, doit refléter l'état d'attachement de la population à certains droits. Ainsi en fut-il de l'abolition de la peine de mort, inscrite dans la Constitution en 2007, vingt-six ans après la loi Badinter. On ne l'a pas fait parce qu'une menace imminente pesait, mais à l'occasion de la ratification du protocole de New York, pour affirmer qu'on ne pourrait pas revenir sur cette abolition.

Nous n'importons pas des débats étrangers ; au contraire, on a ici l'occasion d'exporter une avancée française, en ancrant ce droit dans notre Constitution. Pour beaucoup de mouvements qui, dans différents pays, défendent les droits des femmes, ce serait une source d'inspiration et d'avancées.

J'en viens à la méthode. Trois textes ont été déposés au Sénat, deux à l'Assemblée nationale. La présente proposition de loi constitutionnelle a pour vocation d'être partagée par le plus grand nombre de nos collègues, en combinant plusieurs versions proposées. Je ne tiens pas à la formulation exacte de son article unique ; j'ai d'ailleurs déposé deux amendements pour répondre à d'éventuelles critiques. Il importe surtout de montrer au Gouvernement la volonté du Parlement de rehausser le niveau de protection juridique de ce droit. Nous voulons que le Gouvernement se saisisse de cette question en déposant lui-même un projet de loi constitutionnelle. Je fais confiance aux services juridiques des ministères concernés pour trouver la formulation parfaite et le bon emplacement dans la Constitution. Le plus important est aujourd'hui d'envoyer un message, pour nous-mêmes, pour les Françaises et les Français qui plébiscitent cette avancée, mais aussi pour les mouvements qui se battent pour les droits des femmes partout dans le monde.

Mme Agnès Canayer , rapporteur . - Avant tout, je voudrais réaffirmer ici que nous sommes, toutes et tous, attachés aux lois portées par Simone Veil et Lucien Neuwirth, qui ont introduit dans notre droit positif le droit à l'avortement et à la contraception. Ces lois font aujourd'hui partie intégrante de notre patrimoine juridique fondamental et le Sénat s'est toujours montré fortement attaché à ces libertés de la femme.

Sur ces fondements juridiques, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et la contraception sont pleinement protégées.

L'IVG est inscrite dans le droit positif à l'article L. 2212-1 du code de la santé publique qui dispose : « La femme enceinte qui ne veut pas poursuivre une grossesse peut demander à un médecin ou à une sage-femme l'interruption de sa grossesse. » Depuis la loi du 17 janvier 1975, portée avec courage par Simone Veil, la liberté d'interrompre sa grossesse n'a jamais cessé d'être confortée, avec encore récemment un allongement de douze à quatorze semaines du délai dans lequel elle peut être pratiquée. De plus, le Conseil constitutionnel l'a toujours jugée conforme à la Constitution, les quatre fois où il s'est prononcé sur le sujet en 1975, 2001, 2014 et 2016. La liberté d'interrompre sa grossesse est considérée par le Conseil constitutionnel, depuis sa décision du 27 juin 2001, comme une composante de la liberté de la femme découlant de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qu'il concilie avec le principe de « sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation ».

Preuve de la solidité de ce fondement, dans une décision de 2017 portant sur le délit d'entrave à l'IVG, le Conseil constitutionnel a jugé que l'objet des dispositions contestées était de « garantir la liberté de la femme qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789 ». Telle était d'ailleurs la position exprimée par le Gouvernement lors de la dernière législature. Agnès Buzyn et Nicole Belloubet ont ainsi justifié devant le Parlement leur opposition à la constitutionnalisation alors proposée.

Il est en outre fortement probable que, si le Conseil constitutionnel était saisi d'une loi interdisant ou restreignant fortement l'IVG, il ne pourrait que la juger non conforme à la Constitution, dès lors qu'elle priverait de garanties légales cette « liberté de la femme ». En effet, si le Conseil constitutionnel affirme avec constance que le législateur dispose de larges marges de manoeuvre pour définir les conditions d'exercice d'un droit ou d'une liberté, il ne peut remettre en cause son effectivité.

Quant à la contraception, consacrée par la loi du 28 décembre 1967, elle est aujourd'hui régie par l'article L. 5134-1 du code de la santé publique, selon lequel : « Toute personne a le droit d'être informée sur l'ensemble des méthodes contraceptives et d'en choisir une librement. » Comme pour l'IVG, le droit à la contraception n'a cessé d'être étendu au fil des années, notamment pour les mineurs. Il s'agit plutôt d'un sujet médical, qui ne soulève aujourd'hui aucune difficulté juridique.

La constitutionnalisation proposée n'est donc pas, à mon avis, une voie pertinente.

Il n'y a pas lieu d'importer, en France, un débat lié à la nature fédérale des et à la répartition des compétences entre l'État fédéral et les États fédérés. La question tranchée par la Cour suprême dans son arrêt Dobbs v. Jackson du 24 juin 2022 concerne en effet moins l'avortement que le fédéralisme. La situation n'est pas la même en France : la République est une et indivisible, le législateur national dispose d'une plénitude de compétence.

Les auteurs de la proposition de loi justifient leur démarche par la volonté d'éviter qu'une majorité politique puisse un jour facilement revenir sur ces droits. Aucun parti politique n'a pourtant, à ma connaissance, remis en question le principe de l'IVG et encore moins celui de la contraception.

Par ailleurs, l'inscription de ces dispositions dans la Constitution n'en garantirait pas l'immuabilité, puisqu'elle a déjà été révisée de nombreuses fois.

En outre, la Constitution du 4 octobre 1958 n'a pas été conçue pour qu'y soient intégrées toutes les déclinaisons des droits et libertés énoncés de manière générale dans son Préambule. Nous risquerions d'ouvrir une boîte de Pandore conduisant à dénaturer l'esprit même de notre loi fondamentale.

À cet égard, j'entends rester fidèle aux conclusions rendues en décembre 2008 par le comité présidé par Simone Veil, qui n'avait pas recommandé de modifier le Préambule ni d'intégrer à la Constitution des droits et libertés liés à la bioéthique, parmi lesquels l'IVG, et qui refusait aussi clairement d'y « inscrire des dispositions de portée purement symbolique ».

La constitutionnalisation ne permettrait pas, non plus, de résoudre la question essentielle de l'effectivité de l'accès à l'IVG.

Nous avons pleinement conscience de ces difficultés, documentées par la commission des affaires sociales et la délégation aux droits des femmes du Sénat, mais elles relèvent avant tout de l'organisation du système de soins et de mesures concrètes de la compétence du pouvoir réglementaire. À l'évidence, ces enjeux dépassent largement la portée de la proposition de révision constitutionnelle soumise à notre commission.

Au demeurant, la formulation proposée soulèverait des difficultés importantes, de même que son emplacement au sein du texte constitutionnel.

L'intégration de tels droits au sein du titre consacré à l'autorité judiciaire, juste après l'abolition de la peine de mort, a de quoi surprendre et pourrait faire naître des interrogations quant à une possible interférence du juge dans le droit des femmes à avorter, ce qui n'a pas lieu d'être.

De surcroît, la rédaction selon laquelle « nul ne peut porter atteinte » à ces droits et prévoyant que la loi « garantit » à toute personne un « accès libre et effectif » à l'IVG et à la contraception laisse entendre que cet accès serait inconditionnel. Or le législateur doit pouvoir en fixer les conditions, comme pour toutes les libertés publiques.

Enfin, toutes les personnalités auditionnées nous ont mis en garde sur la procédure retenue, car il existe un risque que cette initiative se retourne contre le droit qu'elle est censée protéger. En effet, pour aboutir, conformément à l'article 89 de la Constitution, une révision constitutionnelle issue d'une initiative parlementaire doit être adoptée dans les mêmes termes par les deux assemblées, puis être soumise au référendum par le Président de la République. Ce faisant, on mettrait au coeur de l'actualité un sujet sur lequel il n'y a aujourd'hui pas de risque de remise en cause, au risque de fracturer notre société.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle.

M. Jean-Yves Leconte . - Modulo l'observation finale de notre rapporteure, il me semble que le débat sur la constitutionnalisation de ce droit est tout à fait pertinent aujourd'hui. Il arrive au Conseil constitutionnel de rendre des décisions de rupture. François Pillet, lors de sa nomination au Conseil constitutionnel, nous avait dit son admiration pour la décision extrêmement inattendue reconnaissant le principe de fraternité. C'était une surprise dans le bon sens ; il pourrait y en avoir dans le mauvais sens.

Aux États-Unis comme en Pologne, on voit des cours constitutionnelles changer de position. À ce propos, on ne peut certainement pas affirmer que la décision Dobbs porte sur le fédéralisme : elle découle d'une campagne politique menée depuis plus de vingt ans par les évangélistes pour la nomination à la Cour suprême de juges opposés à l'avortement ! En Pologne, le tribunal constitutionnel a réduit de manière drastique l'accès à l'avortement, rompant l'équilibre imparfait issu des débats constitutionnels des années 1990. Nous avons découvert la force des évangélistes en France au début de la crise de la covid-19 et nul ne peut prédire ce qui arrivera en 2027. En Italie, il y a cinq ans, Giorgia Meloni ne recueillait que 5 % des suffrages... Il n'est pas du tout impossible que l'improbable survienne !

Dès lors, par précaution et pour préserver notre contrat social, il me semble que la garantie proposée a toute sa place dans le débat. Il ne s'agit pas de faire de même pour tous les droits, ce qui affaiblirait le texte constitutionnel, mais le contexte mondial et l'instabilité politique justifient d'inscrire celui-ci dans la Constitution.

Mme Esther Benbassa . - Je suis entièrement d'accord avec M. Leconte sur l'interprétation de la décision de la Cour suprême américaine : l'abrogation du droit fédéral à l'IVG n'est pas seulement liée au fédéralisme ! On peut avoir un Trump demain à l'Élysée... La loi n'est pas rétroactive, mais cela est déjà arrivé dans l'histoire ; je pense à l'abrogation en 1940 de la loi du 10 août 1927 sur la nationalité. On ne peut pas entièrement faire confiance à la loi Veil pour protéger ce droit, d'où la nécessité de l'inscrire à l'article 1 er de la Constitution. La protection offerte par la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'est pas suffisante pour garantir l'accès à l'IVG.

Concernant les risques liés à la procédure, l'exécutif peut faire sienne cette proposition pour éviter le référendum ; Emmanuel Macron avait d'ailleurs évoqué l'inscription du droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

M. Éric Kerrouche . - Considérer la décision de la Cour suprême des États-Unis comme une simple question de droit est une plaisanterie ! Cette décision a été prise par des juges ultraconservateurs ; tout le monde reconnaît la pauvreté des arguments juridiques avancés. Il ne s'agit pas de droit, mais d'idéologie ! Une cour constitutionnelle peut, à un moment donné, être pétrie d'idéologie. Il est donc dangereux de compter sur la pérennité du bon vouloir de cours constituées d'individus dont les valeurs peuvent varier : nous ne sommes pas immunisés par l'existence de notre Conseil constitutionnel, car le juge lui-même peut être le vecteur d'une restriction des libertés.

Par ailleurs, cette proposition dépasse largement le domaine médical et personnel et concerne plus largement le droit des femmes, qui est remis en cause dans de nombreux pays, y compris des démocraties. Dans un contexte de grande volatilité politique, l'inscription de ce droit dans la Constitution peut sembler déterminante. J'entends le raisonnement essentiellement juridique de la rapporteure, mais une Constitution ne se réduit plus, depuis longtemps, à organiser le fonctionnement des institutions et à poser des règles de droit : c'est aussi un pacte social, avec un aspect symbolique fort. Le Conseil constitutionnel se réfère d'ailleurs dans ses décisions à un bloc de constitutionnalité plus large que le simple texte de la Constitution. Inscrire un tel symbole dans celle-ci me semble donc particulièrement important à notre époque et il serait étonnant de ne pas le faire au nom du droit. J'entends cependant les remarques de notre rapporteure sur les risques de la procédure employée.

M. Hussein Bourgi . - Je remercie notre rapporteure pour son travail ; je souscris à plusieurs de ses observations, mais je m'inscris en faux quant à son interprétation de l'actualité internationale, en particulier américaine. En outre, les initiatives parlementaires de constitutionnalisation de ce droit se multiplient depuis une dizaine d'années, bien avant les derniers événements outre-Atlantique, et s'inscrivent dans un mouvement de libération des femmes entamé à la fin de la Seconde Guerre mondiale. À chaque étape, le législateur a été sollicité ; il a souvent fallu des années, voire des décennies pour aboutir à de nouvelles garanties légales pour les femmes. Il convient de décorréler notre travail de l'actualité internationale, car il ne faut toucher à la Constitution qu'avec prudence et non sous le coup de l'émotion.

Il nous semble important, à cet instant de l'histoire, de donner une reconnaissance solennelle à ce droit à l'IVG. Permettre aux femmes de disposer de leurs corps, de protéger leurs droits sexuels et reproductifs est une demande légitime à laquelle le Parlement ne peut pas rester insensible. C'est pourquoi je soutiens ce texte.

Je rejoins en revanche notre rapporteure quant aux risques d'un éventuel référendum. L'actualité sociale et économique risque de faire paraître anachronique une telle consultation. C'est pourquoi je veux faire écho au discours de politique générale de la Première ministre, qui a annoncé le soutien du Gouvernement à toutes les initiatives prises par les groupes parlementaires, propos renouvelé par le garde des Sceaux.

Je considère donc cette proposition de loi comme un texte d'appel au Gouvernement, qui l'invite à prendre ses responsabilités. Si le Parlement forme un consensus autour de cette question, le Gouvernement se résoudra sans doute à nous saisir d'un projet de loi constitutionnelle. Alors, soyons à la hauteur de ce rendez-vous et inspirons-nous des parlementaires qui ont oeuvré avant nous pour les droits des femmes, comme Henri Caillavet.

M. Dominique Théophile . - Je m'exprime en mon nom propre, tous les membres de mon groupe n'étant pas signataires de ce texte. Le droit à l'IVG n'est pas menacé en France actuellement, mais nul ne peut prédire l'avenir et l'on constate un recul de l'accès à un avortement sûr et légal dans plusieurs pays, même en Europe. Ce droit fait pleinement partie de notre contrat social, mais il n'a pas encore été inscrit dans notre droit constitutionnel. Sa constitutionnalisation ne serait pas exclusive de son inscription dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, réclamée par le Président de la République et le Parlement européen. En inscrivant ce droit dans sa Constitution, notre pays serait pionnier.

La difficulté de l'exercice est de trouver une formulation rendant le plus difficile possible l'adoption d'une loi restreignant ce droit. La nouvelle rédaction proposée par Mélanie Vogel dans ses amendements me semble aller dans ce sens. À titre personnel, je soutiendrai ce texte.

M. Loïc Hervé . - Au nom du groupe de l'Union Centriste, je remercie notre rapporteure pour son travail et la manière dont elle a abordé ce sujet toujours difficile, qui renvoie à des convictions intimes et à l'histoire de chaque personne. Les membres de notre groupe auront pleine liberté de vote, comme toujours sur ce type de texte ; j'exprime sa position majoritaire.

C'est évidemment au lendemain de la décision de la Cour suprême américaine que ce sujet est revenu dans le débat politique français et que plusieurs textes, dont celui-ci, ont été déposés. On peut toujours le décorréler après coup, monsieur Bourgi, mais le lien est bien là. Prenons garde à ne pas légiférer sur la seule base d'événements internationaux ! On pourrait de la sorte adopter bien d'autres textes, y compris en matière de droits des femmes, par exemple pour les protéger en cas d'arrivée au pouvoir des talibans dans notre pays ! Le sérieux de nos débats dépend d'une telle prudence : évoquer la nomination éventuelle au Conseil constitutionnel, après 2027, de personnes qui ne partageraient pas une position très majoritaire dans notre pays, c'est de la politique-fiction ! Il faut aussi relativiser la notion de « marbre constitutionnel ». Le revirement de jurisprudence de la Cour suprême américaine a rendu aux États fédérés la responsabilité de cette question.

La procédure choisie, une proposition de loi constitutionnelle, nous conduira peut-être, si la navette aboutit, à un référendum ; très probablement, il ne se passera rien ! Le débat n'est pas inutile, mais le temps parlementaire que nous allons y consacrer ne mènera sans doute même pas à une consultation.

Les travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat me paraissent beaucoup plus concrets, par exemple sur la question des inégalités dans l'accès effectif des Françaises à l'IVG, notamment dans le monde rural. Là est le vrai sujet ! Écartons-nous donc un peu de l'actualité internationale pour confronter ces problèmes à l'échelle française.

La majorité des membres du groupe de l'Union Centriste soutiendra la position de la rapporteure.

M. Guy Benarroche . - Notre pays, notre Constitution, notre droit doivent reprendre leur rôle d'éclaireur, d'avant-garde. On nous regarde dans d'autres pays ! Si nous décidons de constitutionnaliser ce droit, nous montrerons que la France est attachée à ce symbole, à ces valeurs. Nous ne devons pas laisser passer cette occasion.

Ne nous leurrons pas : une offensive est lancée, mondialement, contre le droit des femmes à disposer de leur corps, voire contre l'égalité entre les femmes et les hommes ! Or ces droits aujourd'hui remis en cause dans nombre de pays, sont au coeur de nos démocraties.

Il est donc important que nous votions ce texte, afin de convaincre le Gouvernement de déposer un projet de loi constitutionnelle garantissant pour le droit à l'IVG une protection, sinon absolue, du moins supérieure à celle qui existe aujourd'hui. Nous voulons nous engager dans un processus de co-écriture, sans nous montrer attachés à telle ou telle formulation, à tel ou tel emplacement dans le texte constitutionnel.

Enfin, monsieur Hervé, s'engager dans cette voie, cela ne veut pas dire qu'on ne s'intéresse pas aux conditions d'accès à l'IVG ! Il faudra aussi agir en la matière.

Mme Marie Mercier . - Je félicite notre rapporteure pour son rapport et la qualité des auditions qu'elle a menées. Il ne faut pas se tromper de débat : aucun parti ne réclame maintenant l'interdiction de l'IVG ! Ce texte mentionne l'IVG et la contraception, mais personne n'a évoqué la contraception masculine au cours de nos auditions. Il faut aller toujours plus loin. Le film Simone , sur Simone Veil, qui a été projeté au Sénat hier soir, présente son parcours exemplaire. On l'y voit, ministre de la santé, refuser de « faire semblant » en adoptant des postures purement symboliques. Ici aussi, les femmes méritent mieux qu'un « faire semblant », qu'une inscription dans la Constitution « au cas où ». Ce qu'il faut plutôt, c'est une obligation de moyens pour le planning familial ou la médecine scolaire, c'est une lutte contre les déserts médicaux, c'est une éducation sexuelle digne de ce nom !

Mme Éliane Assassi . - Merci à Mélanie Vogel d'avoir déposé cette proposition de loi constitutionnelle et à la rapporteure pour ses travaux et la qualité des auditions qu'elle a menées. Nous sommes évidemment favorables à ce texte ; nous avions déposé une proposition de loi similaire.

Bien sûr, la situation internationale et les attaques contre les droits des femmes, notamment le droit à l'avortement, nous inquiètent. En France, au cours des quarante dernières années, ce droit a connu plusieurs améliorations, mais de nombreuses femmes n'ont toujours pas la possibilité d'y avoir recours ; l'accès à l'avortement souffre de réelles entraves, de la fermeture de centres pratiquant l'IVG jusqu'aux restructurations hospitalières et à la pénurie de praticiens en ville. L'avortement est un droit fragile, sans cesse menacé ! Il doit être conforté, car il en va de la liberté des femmes à disposer de leur corps.

Quant aux amendements déposés par Mélanie Vogel, ils me posent problème, car il nous semble que ce droit devrait figurer à l'article 34 de la Constitution, parmi les autres droits fondamentaux, plutôt qu'à son article 1 er , qui ne doit pas selon nous être modifié. Nous voterons le texte tel qu'il nous est présenté, quitte à modifier ultérieurement l'emplacement de cette disposition.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je remercie Mélanie Vogel d'avoir pris l'initiative de cette discussion. Elle m'évoque les débats juridiques sur le préjudice éventuel. Celui-ci ne se répare pas en droit, surtout si les conséquences d'une telle réparation sont contre-productives ; cela pourrait être le cas ici, comme la rapporteure l'a pointé. Le droit à l'avortement et à la contraception n'est pas contesté aujourd'hui dans notre pays. Cela dit, j'ai trop de respect pour ce droit pour voter contre cette proposition de loi ; par conséquent, je m'abstiendrai.

Mme Françoise Gatel . - Merci à  la rapporteure pour son regard juridique sur ce sujet. Je comprends les craintes exprimées par les auteurs de ce texte, mais l'IVG est dans notre pays un droit que personne ne saurait contester ; les difficultés d'accès à l'IVG reproduisent généralement les difficultés d'accès aux soins. J'ai été très sensible aux propos de  la rapporteure sur l'approche de Simone  Veil. Ce qu'elle proposait était d'une audace absolue. En dépit des difficultés qu'elle a rencontrées, elle n'a pas jugé nécessaire d'inscrire ce droit dans la Constitution, ne considérant pas que cela le protégerait de manière plus pérenne.

J'entends l'appel au principe de précaution, qui est lui-même inscrit dans notre Constitution... Pour autant, il ne faudrait pas commencer, en France, pays souverain, celui des droits de l'homme et de la raison, à faire du droit en fonction de l'évolution du contexte international, en se confrontant à des législations contradictoires. Dans cette perspective, on pourrait tout autant adapter notre droit en fonction de la législation américaine, iranienne, ou que sais-je encore...

Il faut nommer les choses : laisser penser à nos concitoyens que la Constitution va tant sacraliser le droit à l'IVG qu'il n'y aura plus de difficultés, c'est un leurre ! Il ne faut jouer, pour un simple symbole, ni avec la Constitution ni avec la douleur des gens.

Mme Maryse Carrère . - Je remercie l'auteure de cette proposition de loi constitutionnelle et la rapporteure pour son travail et ses auditions. Nombre de sénateurs de notre groupe ont co-signé ce texte ; ceux qui ne l'ont pas fait avaient plutôt des réticences quant à la forme, notre groupe étant toujours réticent à inscrire de nouvelles dispositions dans la Constitution, par peur de la complexifier et de la changer en catalogue. Ceux qui l'ont signé ont jugé qu'une exception se justifiait en faveur de ce droit fondamental et au vu du contexte international et européen ; il convient aussi de garantir un accès plus effectif à ce droit, aujourd'hui compromis par manque de moyens, notamment dans les départements ruraux. Nous voterons dans notre majorité en faveur de ce texte.

M. Jérôme Durain . - Ce texte affirme des valeurs, des priorités politiques et des principes. Cela justifie une modification de la Constitution. Ne parler que du contexte international, c'est oublier la contestation de ce droit dans notre pays même. En débattre, même si la navette ne doit pas aboutir, c'est peser dans le débat public, s'engager à offrir les moyens nécessaires à l'exercice réel de ce droit. Ce débat n'est ni vain ni subalterne !

Mme Françoise Dumont . - Il y a des combats féministes à mener, mais ils sont sans doute ailleurs. Préserver le droit à l'IVG pour toutes les femmes, c'est aussi donner à chacune, quel que soit le territoire de France où elles vivent, l'accès aux soins gynécologiques dont elles ont besoin. Évitons d'avoir à mettre en place dans les campagnes des « gynécobus » ! Parfois, il faut y attendre six à huit mois pour un rendez-vous. Le Gouvernement généralise la délivrance sans ordonnance de la pilule du lendemain, ce qui prive dangereusement de nombreuses femmes d'un suivi médical correct. Ma génération a toujours connu l'IVG, je ne vois pas cet acquis être remis en cause dans notre pays ; menons les combats qui importent !

Mme Agnès Canayer , rapporteur . - Je me félicite de la qualité de nos échanges et de l'engagement des uns et des autres sur ce sujet fondamental. Nous sommes tous d'accord sur un point : la nécessité de rendre plus effectif l'accès à l'IVG et à la contraception, sur tout le territoire. C'est avant tout une question de moyens, de lutte contre la désertification médicale. Les réponses divergent en fonction de nos sensibilités.

Concernant l'importation du débat américain, celui-ci n'est pas nouveau. L'évolution de la jurisprudence américaine était latente. La Constitution américaine répartit les compétences entre les États fédérés et l'État fédéral, qui n'a pas de compétence spécifique en matière de droit à l'avortement ; celui-ci avait été déduit par la Cour suprême en 1973, dans l'arrêt Roe v. Wade , par une construction jurisprudentielle qui a été peu à peu remise en question au fil du changement de la composition de la Cour, plus favorable aujourd'hui à une lecture originaliste de la Constitution américaine. Elle a fini cette année par renvoyer aux États fédérés la responsabilité de légiférer en la matière ; quatorze d'entre eux restreignent désormais ce droit. Cela dit, le Conseil constitutionnel français n'est pas la Cour suprême américaine ! Ses membres sont moins politiques, plus indépendants. L'émotion suscitée aux États-Unis est compréhensible, mais tous les débats ne peuvent pas être transposés tels quels.

En France, on peut dire que l'on constitutionnalise une disposition pour quatre raisons : pour introduire un droit nouveau ; pour déroger à un principe imposé par la Constitution, comme on l'a fait pour la parité ; pour ratifier un engagement international, comme on l'a fait pour l'abolition de la peine de mort ; enfin - ce que le doyen Vedel appelait un « lit de justice » -, pour revenir sur une interprétation du Conseil constitutionnel que le Constituant jugerait excessive, comme on l'a fait en 1993 au sujet du droit d'asile. Il n'y a jamais eu de constitutionnalisation pour le symbole !

J'entends suggérer par certains que la France pourrait se montrer pionnière en la matière par rapport au reste du monde : cela souligne qu'aucune Constitution dans le monde ne garantit formellement le droit à l'IVG. Aujourd'hui, le droit à l'IVG bénéficie déjà d'une protection par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Or la force de notre protection des droits et libertés repose sur la Constitution et le bloc de constitutionnalité. Il n'y a pas de hiérarchie entre ces éléments. La protection qui découle de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen me semble donc solide.

La constitutionnalisation proposée peut aussi fragiliser l'équilibre constitutionnel. On risque de changer la Constitution en une sorte de catalogue, par l'ajout successif de nombreux droits, ce qui en changerait l'esprit. Il faut faire très attention !

Enfin, je vous rappelle les dangers inhérents à la procédure prévue à l'article 89 de la Constitution pour les révisions constitutionnelles d'initiative parlementaire. Ne partons pas du postulat que ce processus n'aboutira pas ; le recours au référendum est possible.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Mélanie Vogel . - J'ai déposé les amendements COM-1 et COM-2 en réponse à deux remarques qui m'ont été faites sur l'emplacement de la disposition proposée dans la Constitution et sur sa rédaction. J'admets que tous deux peuvent être améliorés !

La création d'un article 66-2 m'avait paru la plus susceptible de recueillir l'assentiment de la majorité de l'Assemblée nationale, qui avait choisi la même voie. Pour autant, on peut aussi faire figurer ce droit à l'article 1 er , comme proposé dans l'amendement COM-1, ou dans un nouvel article 1-1, comme proposé dans l'amendement de repli COM-2. Si une majorité se trouve pour le figurer à l'article 34, comme le proposait Éliane Assassi bien avant l'arrêt de la Cour suprême américaine, je m'en accommoderai tout autant !

Ces amendements visent aussi et surtout à préciser la rédaction de cet article. Je ne pense pas que la rédaction originelle crée un droit inconditionnel que la loi ne pourrait encadrer. Néanmoins, pour répondre à cette inquiétude, j'ai tenté la rédaction suivante : « La loi garantit à toute personne qui en fait la demande l'accès libre et effectif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. Aucune loi ne peut avoir pour effet de faire régresser ces droits ou d'en réduire l'accès. » L'accès à ce droit est en effet un élément crucial.

Il est important t d'inscrire dans la Constitution ce principe de non-régression. Ce ne serait pas rien que de vivre dans un pays où une loi qui viendrait diminuer les délais d'accès, dérembourser, rajouter des conditions, ou baisser les subventions au planning familial serait déclarée inconstitutionnelle ! Jusqu'à présent, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions créant et renforçant le droit à l'avortement n'étaient pas contraires à la Constitution, mais rien ne permet de dire qu'une loi allant dans le sens inverse serait déclarée non conforme à la Constitution. Certes, ce droit n'est pas menacé aujourd'hui, mais quand il le sera, il sera trop tard pour le protéger de la sorte.

M. Jean-Pierre Sueur . - Pour ma part, quoique très favorable à ce texte, je ne pourrai pas voter l'amendement COM-1, car je ne pense pas qu'il soit justifié d'inscrire cette disposition à l'article 1 er de la Constitution. Comme Éliane Assassi, je pense qu'il serait beaucoup plus logique de la faire figurer à l'article 34.

M. Loïc Hervé . - Le contrôle de constitutionnalité se fait par les voies prévues, parmi lesquelles on trouve depuis 2008 la question prioritaire de constitutionnalité. L'inscription d'un tel dispositif dans la Constitution n'ouvrirait-elle pas la possibilité pour le juge constitutionnel d'apprécier le cadre législatif antérieur à l'adoption de cette révision, de se pencher sur les restrictions actuellement posées par la loi et éventuellement de les juger inconstitutionnelles ?

Mme Agnès Canayer , rapporteur . - Où faire figurer cette disposition dans la Constitution ? Il n'y a aucune bonne solution, il n'y en a que de moins mauvaises. Le ministère de la justice, lors de son audition, s'est montré incapable de nous orienter vers une piste ou l'autre. S'agissant de l'article 1 er , véritable âme de la Constitution, on ne voit pas bien ce que l'IVG et la contraception viendraient y faire ; l'article 66-2 s'intégrerait au sein des dispositions relatives à l'autorité judiciaire ; quant aux autres titres, ils portent avant tout sur l'organisation des institutions.

Quant à la formulation, celle que vous proposez dans ces amendements est certes plus positive, mais la deuxième phrase pose plus de problèmes en matière de limitation du pouvoir législatif à qui il revient de fixer les conditions de l'IVG.

Je suis donc défavorable à ces amendements.

M. Alain Richard . - Ce moment de la discussion m'évoque des souvenirs constitutionnels lointains. La Troisième République a été instaurée par des lois ordinaires ! Après 1879, il a été prévu qu'aucune révision constitutionnelle ne pourrait remettre en cause la forme républicaine du Gouvernement.

Le débat que nous avons aussi bien sur la formulation du texte que sur son insertion dans la Constitution démontre à l'évidence que ce qui nous est proposé ici, c'est d'inscrire une loi ordinaire dans la Constitution. Il me semble que ce serait une erreur, car les arguments mettant en évidence la solidité de ce droit sont décisifs, et nous produirions un précédent qui viendrait justifier de multiples initiatives comparables pour transformer la Constitution en un recueil législatif.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-2.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi constitutionnelle déposée sur le Bureau du Sénat.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme Mélanie VOGEL

1

Constitutionnalisation de l'IVG et de la contraception à l'article 1 er

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

2

Constitutionnalisation de l'IVG et de la contraception au sein d'un nouvel article 1-1

Rejeté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTION ÉCRITE

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Direction des affaires civiles et du Sceau (DACS)

M. Rémi Decout-Paolini , directeur des affaires civiles et du S ceau

Mme Raphaëlle Wach , adjointe à la cheffe du bureau du droit des personnes et de la famille

Mme Alexandra Stoltz-Valette , cheffe du bureau du droit constitutionnel et du droit public général

Cabinet du garde des Sceaux

M. Guillem Gervilla , conseiller auprès du ministre, en charge des questions législatives, parlementaires et politiques

Mme Blandine Gardey de Soos , conseillère des affaires civiles

PROFESSEURS DE DROIT

M. Denys de Béchillon , professeur de droit public à l'Université de Pau et des pays de l'Adour

Mme Marie-Anne Frison-Roche , professeur à Science Po Paris

Mme Stéphanie Hennette-Vauchez , professeur de droit public à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense

Mme Anne Levade , professeur de droit public à l'Université Paris I - Panthéon Sorbonne et présidente de l'Association française de droit constitutionnel

M. Stéphane Mouton , professeur de droit public à l'Université Toulouse-Capitole

Mme Sophie Paricard , professeur de droit privé et sciences criminelles à l'institut national universitaire Champollion d'Albi

Mme Mathilde Philip-Gay , professeur de droit public à l'Université de Lyon III - Jean Moulin et co-directrice du centre de droit constitutionnel

Mme Élisabeth Zoller , professeur émérite en droit public à Paris 2 Panthéon-Assas, spécialiste de droit public comparé et du système politique et constitutionnel des États-Unis

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

Me Bernard Fau , président de la commission Textes

Me Evelyne Hanau , membre de la commission Égalité

Mme Émilie Guillet , chargée de mission affaires publiques

ASSOCIATIONS

Coordination française pour le lobby européen des femmes (CLEF)

Mme Céline Thiebault-Martinez , présidente

Mme Mathilde Lathuiliere , chargée de mission

Fondation des femmes

Mme Floriane Volt , directrice des affaires publiques

Planning Familial

Mme Sarah Durocher , co-présidente

AUTEURS DE LA PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE

Mme Mélanie Vogel , sénatrice représentant les Français établis hors de France, première signataire (groupe Écologiste - Solidarité et Territoires)

Mme Eliane Assassi , sénatrice de la Seine-Saint-Denis, présidente du groupe CRC, co-signataire (groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste)

Mme Maryse Carrère , sénatrice des Hautes-Pyrénées, vice-présidente de la commission des lois, co-signataire (groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen)

M. Xavier Iacovelli , sénateur des Hauts-de-Seine, co-signataire (groupe des Démocrates Progressistes et Indépendants)

Mme Laurence Rossignol , sénatrice de l'Oise, vice-présidente du Sénat, co-signataire (groupe Socialiste Écologiste et Républicain)

CONTRIBUTION ÉCRITE

Mme Diane Roman , professeure de droit public à l'École de droit de la Sorbonne

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-872.html


* 1 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-747 DC du 16 mars 2017 sur la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

* 2 La seule constitutionnalisation proposée concernait le principe de dignité de la personne humaine.

* 3 Voir le rapport n° 263 (2020-2021) fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par Laurence Rossignol, déposé le 13 janvier 2021, sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/l20-263/l20-263.html

* 4 Voir « Femmes et santé : les enjeux d'aujourd'hui », rapport d'information n° 592 (2014-2015) fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Annick Billon et Françoise Laborde, déposé le 2 juillet 2015. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/rap/r14-592/r14-592.html

* 5 Voir infra .

* 6 Supreme Court of the United States, Dobbs, State Health officer of the Mississippi department of health, et al. v. Jackson Women's health organization et al., n° 19-1392, decided June 24, 2022.

Cet arrêt est consultable sur le site internet de la Cour suprême des États-Unis à l'adresse suivante :

https://www.supremecourt.gov/opinions/21pdf/19-1392_6j37.pdf

* 7 La Cour estime que (p. 8, dernier paragraphe du syllabus ) :

« Abortion presents a profound moral question. The Constitution does not prohibit the citizens of each State from regulating or prohibiting abortion. Roe and Casey arrogated that authority. The Court overrules those decisions and returns that authority to the people and their elected representatives. »

* 8 Voir infra .

* 9 Traduction de l'Opinion de la Cour, p. 69, par Élisabeth Zoller.

* 10 « The Court finds that the right to abortion is not deeply rooted in the Nation's history and tradition ” (p. 2 du syllabus ). »

* 11 Source : le Monde au 26 septembre 2022, Quels Etats américains ont interdit l'avortement ? par Raphaëlle Aubert et Sandra Favier, article consultable à l'adresse suivante :

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/06/avortement-aux-etats-unis-quels-etats-americains-ont-interdit-ou-protege-l-interruption-volontaire-de-grossesse_6132776_3211.html

* 12 Supreme Court of the United States, Jane Roe, et al. v. Henry Wade, District Attorney of Dallas Country, n° 70-18, decided January 22, 1973.

* 13 Amendment XIV, Section 1: « All persons born or naturalized in the United States, and subject to the jurisdiction thereof, are citizens of the United States and of the State wherein they reside. No State shall make or enforce any law which shall abridge the privileges or immunities of citizens of the United States ; nor shall any State deprive any person of life, liberty, or property, without due process of law ; nor deny to any person within its jurisdiction the equal protection of the laws. »

« Aucun État (...) ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière (...) ». Traduction issue de « La Constitution américaine et les institutions », Jean-Eric Branaa, Ellipses, 2020 : « Aucun État (...) ne privera une personne de sa vie, de sa liberté ou de ses biens sans procédure légale régulière (...) ».

* 14 La Cour en a déduit un ensemble de règles complexes sur ce qui était autorisé selon le trimestre de grossesse concerné. Jusqu'à la fin du premier trimestre de grossesse (13 semaines sur 40 au total), la décision d'avorter revenait au jugement du médecin traitant de la femme enceinte. Entre la fin du premier trimestre et la date de viabilité du foetus, l'Etat pouvait règlementer la procédure d'avortement de manière raisonnablement liée à la santé maternelle. Après la viabilité, l'Etat pouvait réglementer voire interdire l'avortement, sauf si cela était nécessaire en vertu d'un motif médical pour préserver la vie ou la santé de la mère.

* 15 Procès équitable et Due Process of Law, Pascal Mbongo - Professeur à l'Université de Poitiers - Responsable d'un programme de recherche en droit américain, Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel n° 44 (Le Conseil constitutionnel et le procès équitable) - juin 2014.

Cet article est consultable à l'adresse suivante :

https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/proces-equitable-et-due-process-of-law

* 16 Supreme Court of the United States , Webster v. Reproductive health services, decided July 3, 1989, 492 U.S. 490 (1989).

* 17 Supreme Court of the United States, Planned Parenthood of southeastern Pennsylvania v. Casey, decided June 29, 1992, 505 US 833.

* 18 Cet article est consultable à l'adresse suivante :

https://www.cairn.info/revue-deliberee-2019-3-page-79.htm

* 19 Le Congrès.

* 20 C'est l'Union, par la voix de la Cour suprême, qui est juge de sa compétence.

Il s'agit notamment de la fiscalité, du commerce, de la monnaie, de la défense ou des droits d'auteurs.

* 21 Traduction de l'Opinion de la Cour, p. 66, par Élisabeth Zoller.

* 22 L'opinion concurrente de l'un des membres de la Cour suprême, le juge Thomas, le mentionne expressément, parlant d'un « devoir de corriger des erreurs » et visant expressément plusieurs décisions de la Cour suprême juridiquement infondées selon lui sur ces questions. Son opinion n'a pas été suivie par la Cour.

* 23 Source : site internet « Toute l'Europe », informations consultables à l'adresse suivante : https://www.touteleurope.eu/societe/le-droit-a-l-avortement-dans-l-union-europeenne/

* 24 La restriction du droit à l'avortement résulte de la décision du tribunal constitutionnel du 22 octobre 2020, entrée en vigueur le 27 janvier 2021 qui a considéré anticonstitutionnel l'avortement en cas de « malformation grave et irréversible du foetus ou de maladie incurable qui menace la vie du foetus ».

* 25 L'avortement est également autorisé jusqu'à la douzième semaine en cas de viol ou si la santé de la femme est menacée ou pour des raisons économiques et sociales.

* 26 Une loi du 22 juillet 2015 est toutefois venue mettre à la charge des femmes souhaitant avorter tous les frais liés à l'interruption de leur grossesse et les soumet à un examen psychologique approfondi.

* 27 Loi du 13 décembre 2018 entrée en vigueur le 1 er janvier 2019. Elle fait suite au référendum du 25 mai 2018 par lequel les Irlandais se sont prononcés à 66,4 % en faveur de l'abrogation du 8 ème amendement de la Constitution, qui reconnaissait au même titre le droit à la vie du foetus et de la mère.

* 28 « Droit à l'avortement, dans quels pays est-il interdit, restreint ou menacé », le Monde, 24 juin 2022.

Cet article est consultable à l'adresse suivante :

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/06/24/droit-a-l-avortement-dans-quels-pays-est-il-interdit-restreint-ou-menace_6131918_3210.html

* 29 Notamment l'Egypte, le Sénégal, le Gabon, Madagascar, la Mauritanie, le Swaziland ou le Kenya.

* 30 Notamment le Suriname, le Nicaragua, le Salvador.

* 31 Malte, l'Andorre et le Vatican.

* 32 Notamment les Philippines.

* 33 Côte d'Ivoire, en Libye, en Ouganda, au Soudan du Sud, en Somalie, en Irak, au Liban, en Syrie, en Afghanistan, au Yémen, au Bangladesh, en Birmanie, au Sri Lanka, au Guatemala, au Paraguay, au Venezuela ou encore au Maroc.

* 34 Comme le Brésil par exemple.

* 35 L'article 67 de la Constitution du Honduras, issu de la révision constitutionnelle du 21 janvier 2021, prévoit que toute interruption de grossesse « par la mère ou par un tiers » est « interdite et illégale » et que cette clause « ne pourra être réformée que par une majorité des trois quarts des membres du Parlement ».

Source : https://www.liberation.fr/planete/2021/01/27/le-honduras-grave-dans-le-marbre-l-interdiction-de-l-avortement_1818565/.

* 36 Adoptée le 1 er août 2012, elle précise, au paragraphe 5 de l'article 15, que : « L'avortement est contraire à la charia et est interdit sauf en cas de nécessité, notamment pour sauver la vie de la mère ». Source : site internet de l'organisation mondiale de la propriété intellectuelle

https://wipolex.wipo.int/en/text/324354

* 37 Appelé Swaziland jusqu'en 2018.

* 38 La Slovénie consacre, dans sa Constitution du 23 décembre 1991, à l'article 55 : « La décision d'avoir des enfants est libre. L'État garantit les possibilités de réalisation de cette liberté et crée les conditions qui permettent aux parents de décider de la naissance de leurs enfants. »

* 39 L'Afrique du Sud prévoit dans sa Constitution du 8 mai 1996, à l'article 12 relatif à la liberté et à la sécurité de la personne que « toute personne a droit à l'intégrité physique et psychologique, ce qui inclut le droit a) de prendre des décisions concernant la reproduction et b) d'assurer la sécurité et la maitrise de son corps ». La Cour constitutionnelle a considéré, dans un arrêt du 10 juillet 1998, que cela incluait le droit à l'avortement.

* 40 Loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

* 41 La loi a procédé à la dépénalisation de l'avortement pour des raisons autres que thérapeutiques, en introduisant dans le code pénal un fait justificatif empêchant les poursuites pénales quand l'interruption de grossesse était pratiquée sous certaines conditions.

* 42 Loi n° 79-1204 du 31 décembre 1979 relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

* 43 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 et arrêté du 23 février 2016 relatif aux forfaits afférents à l'interruption volontaire grossesse. Avant cette date, seule l'IVG elle-même était remboursé à 100% depuis 1982 (loi n° 82-1172 du 31 décembre 1982 relative à la couverture des frais afférents à l'interruption volontaire de grossesse non thérapeutique et aux modalités de financement de cette mesure) non les consultations ou analyses préalables.

* 44 Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. La seule exigence qui demeure à l'article L. 2212-7 du code de la santé publique, en cas d'opposition ou d'absence de consultation des titulaires de l'autorité parentale, est que la mineure doit se faire « accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix ».

* 45 Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

* 46 Conseil d'État, Assemblée, 31 octobre 1980, M. Lahache, requête n° 13028 et

Conseil constitutionnel, décision n° 2014-700 DC du 31 juillet 2014, dans laquelle il indique que ces dispositions « réservent à la femme le soin d'apprécier seule si elle se trouve dans cette situation » (considérant 4).

* 47 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 48 Loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

* 49 Il s'agit du délai maximal pour réaliser une IVG instrumentale, c'est-à-dire avec une intervention chirurgicale. Une IVG médicamenteuse ne peut être réalisée que jusqu'à la fin de la septième semaine de grossesse (article L. 2212-2 du code de la santé publique).

* 50 Article L. 2213-1 du code de la santé publique.

* 51 Les sages-femmes peuvent réaliser des IVG par voie médicamenteuse depuis la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé et par voie chirurgicale, dans un établissement de santé, depuis la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement.

* 52 Elle est alors punie de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende aux termes de l'article L. 2222-2 du code de la santé publique.

* 53 Punie de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (articles 223-10 du code pénal et L. 2222-1 du code de la santé publique).

* 54 Loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social.

* 55 Loi n° 2017-347 du 20 mars 2017 relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

* 56 Conseil constitutionnel, décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 sur la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

* 57 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001, sur la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

* 58 Conseil constitutionnel, décision n° 2014-700 DC du 31 juillet 2014 sur la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

* 59 Conseil constitutionnel, décision n° 2015-727 DC du 21 janvier 2016 sur la loi de modernisation de notre système de santé.

* 60 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-446 DC du 27 juin 2001.

* 61 Conseil constitutionnel, décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975 sur la loi relative à l'interruption volontaire de la grossesse.

* 62 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-747 DC du 16 mars 2017 sur la loi relative à l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse.

* 63 Ce principe n'est, comme l'avortement, que législatif, garanti par l'article 16 du code civil, repris à l'article L. 2211-1 du code de la santé publique.

* 64 Conseil constitutionnel, 2001-446 DC, 27 juin 2001.

* 65 Cour européenne des droits de l'homme, VO c. France, 8 juillet 2004, Grande chambre, requête n° 53924/00.

* 66 Cour européenne des droits de l'homme, A. B. et C c. Irlande, 16 décembre 2010, Grande chambre, requête n° 25579/05. La Cour devrait se prononcer prochainement sur douze requêtes concernant la Pologne où l'IVG n'est autorisée qu'en cas de viol ou d'urgence vitale, l'IVG en raison d'une malformation grave du foetus ayant été déclarée contraire à la Constitution polonaise.

* 67 Conseil d'Etat, Assemblée, 21 décembre 1990, n° 111417.

* 68 Loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances et abrogeant les articles L. 648 et L. 649 du code de la santé publique

* 69 Loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016.

* 70 Loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

* 71 Appelée dans le langage courant « pilule du lendemain ».

* 72 Elle était auparavant subordonnée à sa prescription. Voir l'article 19 du projet de loi n° 274 de financement de la sécurité sociale pour 2023 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 26 septembre 2022.

* 73 Exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle n° 872 visant à protéger et garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, déposée le 2 septembre 2022. http://www.senat.fr/leg/ppl21-872.html

* 74 À la date du 12 octobre 2022. Groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, groupe Socialiste Écologiste et Républicain, groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste, groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen, groupe du Rassemblement des Démocrates, Progressistes et Indépendants et groupe les Indépendants - République et Territoires et groupe de l'Union centriste. La proportion de signataires de chaque groupe est toutefois variable.

* 75 Exposé des motifs de la proposition de loi constitutionnelle n° 872 précitée.

* 76 Proposition de loi constitutionnelle n° 8 visant à garantir le droit à l'interruption volontaire de grossesse, déposée le 30 juin 2022.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0008_proposition-loi#

* 77 Proposition de loi constitutionnelle n° 15 visant à protéger le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse, déposée le 6 juillet 2022.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0015_proposition-loi.pdf

* 78 Proposition de loi constitutionnelle n° 736 visant à inscrire le droit à l'interruption volontaire de grossesse dans la Constitution, déposée le 27 juin 2022.

http://www.senat.fr/leg/ppl21-736.html

* 79 Proposition de loi constitutionnelle n° 734 visant à constitutionnaliser le droit à l'interruption de grossesse et à la contraception, déposée le 27 juin 2022.

https://www.senat.fr/leg/ppl21-734.html

* 80 Proposition de loi constitutionnelle n° 853 visant à protéger et garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception, déposée le 2 août 2022.

http://www.senat.fr/leg/ppl21-853.html

* 81 Voir le rapport n° 263 (2020-2021) fait au nom de la commission des affaires sociales du Sénat par Laurence Rossignol, déposé le 13 janvier 2021 sur la proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/l20-263/l20-263.html

* 82 Voir « Femmes et santé : les enjeux d'aujourd'hui », rapport d'information n° 592 (2014-2015) fait au nom de la délégation aux droits des femmes par Annick Billon et Françoise Laborde, déposé le 2 juillet 2015.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r14-592/r14-592.html

* 83 Nonobstant les adaptations prévues par la Constitution pour les outre-mer par exemple.

* 84 Même si, par ailleurs, il a indiqué être opposé à la constitutionnalisation du droit à la contraception, voir infra .

* 85 Tout en indiquant qu'un tel fondement n'est pas aussi fragile que celui que la Cour suprême des États-Unis, Diane Roman, professeur de droit public à l'École de droit de la Sorbonne, estime le contraire car la jurisprudence constitutionnelle présenterait des variations importantes sur la liberté individuelle et personnelle.

* 86 Séance du 3 avril 2018 (compte rendu intégral des débats) (senat.fr)

* 87 Proposition de loi constitutionnelle n° 545 (2016-2017), déposé le 3 mai 2017, visant à inscrire le droit à l'interruption volontaire dans la Constitution.

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-545.html

* 88 XV e législature, session extraordinaire de 2017-2018, première séance du mercredi 11 juillet 2018.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/seance/session-extraordinaire-de-2017-2018/premiere-seance-du-mercredi-11-juillet-2018#1363600

* 89 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1003 QPC du 8 juillet 2022, Association Groupe d'information et d'action sur les questions procréatives et sexuelles

[Accès à l'assistance médicale à la procréation].

* 90 Louis Favoreu, « La jurisprudence du Conseil constitutionnel et le droit de propriété proclamé par la Déclaration de 1789 », dans La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la jurisprudence, p. 123-150.

* 91 Rapport n° 554 (2020-2021) de François- Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois, déposé le 5 mai 2021 sur le projet de loi constitutionnelle complétant l'article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l'environnement.

http://www.senat.fr/rap/l20-554/l20-554.html

* 92 Loi constitutionnelle n° 99-569 du 8 juillet 1999 relative à l'égalité entre les femmes et les hommes.

* 93 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la V e République.

* 94 Conseil constitutionnel, décision n° 82-146 DC du 18 novembre 1982 sur la loi modifiant le code électoral et le code des communes et relative à l'élection des conseillers municipaux et aux conditions d'inscription des Français établis hors de France sur les listes électorales.

* 95 Loi constitutionnelle n° 2007-239 du 23 février 2007 relative à l'interdiction de la peine de mort.

* 96 Conseil constitutionnel, décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 sur la loi relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France, considérants 82 à 95.

* 97 Il s'agissait notamment de permettre la bonne application de la Convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 en constitutionalisant le principe de responsabilité de l'Etat de premier accueil et de faire de l'octroi par la France de l'asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou pour tout autre motif une faculté pour l'Etat et non une obligation. Voir le rapport n° 74 (1993-1994) fait au nom de la commission des lois du Sénat par Paul Masson sur le projet de loi constitutionnelle relatif aux accords internationaux en matière de droit d'asile.

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/a93940645.html

* 98 Rapport n° 195 (2006-2007) fait au nom de la commission des lois par Robert Badinter, sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort.

https://www.senat.fr/rap/l06-195/l06-195.html

* 99 Selon lequel : « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, par le Premier ministre, par le président de l'une ou l'autre assemblée ou par soixante députés ou soixante sénateurs, a déclaré qu'un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de ratifier ou d'approuver l'engagement international en cause ne peut intervenir qu'après révision de la Constitution ».

* 100 Il s'agissait du deuxième protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, adopté à New York le 15 décembre 1989, dont le Conseil constitutionnel a estimé qu'il était contraire aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale puisqu'il implique une abolition irrévocable.

* 101 « Redécouvrir le Préambule de la Constitution », Comité de réflexion sur le Préambule de la Constitution, rapport au Président de la République, décembre 2008.

https://www.vie-publique.fr/rapport/30242-redecouvrir-le-preambule-de-la-constitution-rapport-du-comite-preside

* 102 Rapport précité, p. 97 et 98. L'objectif de cette inscription était de consacrer le fait que chaque être humain est l'égal de tous les autres et exclut qu'un individu puisse être assujetti à la simple volonté d'un autre, sans y avoir dûment consenti.

* 103 Rapport précité, p. 98.

* 104 Rapport précité p. 98.

* 105 Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 16 août 1789, Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et Charte de l'environnement du 24 juin 2004.

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