EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 30 novembre 2022, sous la présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-président, la commission examine le rapport de M. Martin Lévrier, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 32, 2022-2023) visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires.

Mme Chantal Deseyne , président . - Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation (CPF) et à interdire le démarchage téléphonique de ses titulaires.

M. Martin Lévrier , rapporteur . - La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a réformé le CPF, créé en 2014, avec pour objectif de faciliter l'accès de chaque actif à la formation professionnelle.

Premièrement, dans un objectif d'accessibilité et de lisibilité renforcées pour le titulaire d'un CPF, le principe d'acquisition et de mobilisation des droits en heures a été remplacé par un dispositif monétisé en euros.

Deuxièmement, le système complexe et inéquitable de listes de formations éligibles au CPF a été supprimé. Sont désormais éligibles de plein droit les actions de formation préparant aux diplômes et titres à finalité professionnelle enregistrés aux répertoires nationaux gérés par France compétences - le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique (RS) - ou permettant d'obtenir un bloc de compétences de certifications professionnelles.

Une autre innovation importante est la désintermédiation du dispositif. Désormais, les actifs peuvent directement choisir et payer leur formation via un service dématérialisé, « Mon compte formation », lancé en novembre 2019.

Enfin, la loi a confié le financement et la gestion du CPF à la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui bénéficie elle-même à ce titre d'une dotation financière de France compétences.

La réforme a connu un indéniable succès quantitatif : environ 2,1 millions de dossiers de formation ont été financés en 2021 par le CPF, contre près de 1 million en 2020 et 500 000 en 2019, soit un doublement chaque année. Grâce à un mode d'alimentation favorable aux temps partiels, elle a également permis un rééquilibrage du recours au CPF entre les hommes et les femmes.

Toutefois, avec 19 millions de profils activés sur « Mon compte formation », cette réforme a aussi ouvert une brèche dans laquelle divers acteurs, allant d'organismes de formation peu scrupuleux à des spécialistes de la fraude, se sont engouffrés.

La fraude au CPF est protéiforme. Il peut s'agir de pratiques commerciales agressives visant à pousser les titulaires d'un compte à acheter une formation contre leur gré ; d'irrégularités à l'éligibilité des formations au CPF ou à l'habilitation de l'organisme de formation à dispenser la formation proposée ; ou encore, de fausses entrées en formation validées sur la plateforme « Mon compte formation » à la suite d'une usurpation d'identité, voire, dans certains cas, d'une collusion entre le titulaire du CPF et le prétendu organisme de formation.

La CDC évalue entre 40 et 60 millions d'euros le préjudice financier lié à ces pratiques. Si ces montants peuvent sembler importants, il convient de les rapporter aux dépenses totales occasionnées par le dispositif, qui se sont élevées à 2,85 milliards d'euros en 2021.

Au-delà de leur impact financier, ces pratiques nuisent à l'image du CPF et, plus généralement, à celle de l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle, brouillant ainsi le message des pouvoirs publics en faveur du développement des compétences.

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, déposée par les députés Bruno Fuchs, Sylvain Maillard et Thomas Mesnier, et adoptée par l'Assemblée nationale le 6 octobre dernier, vise à rendre plus efficaces les efforts déployés pour lutter contre ces abus.

Naturellement, l'action des pouvoirs publics contre la fraude au CPF n'a pas attendu ce texte. Dès le lancement de « Mon compte formation », la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et la CDC ont défini une stratégie commune en matière de lutte contre la fraude. Leurs efforts se sont amplifiés depuis 2021 en raison de l'aggravation du phénomène.

L'action de la CDC se déploie principalement sur deux axes.

Le premier axe concerne le traitement des signalements. La CDC a notamment lancé en septembre 2021, sur la plateforme « Mon compte formation », un formulaire permettant aux titulaires d'un CPF de signaler des agissements d'organismes de formation contraires aux conditions générales d'utilisation (CGU) dont ils auraient été les victimes ; depuis le 1 er janvier 2022, 50 000 signalements ont été reçus par la CDC, qui ont conduit à la restitution de 620 314 euros de droits CPF à 535 titulaires de compte.

Le second axe concerne le contrôle du service fait. La CDC peut demander à l'organisme de formation toutes pièces justifiant la réalisation de la formation, l'accompagnement du stagiaire ou la mise en oeuvre des moyens nécessaires à la réalisation de la formation. Elle a ainsi repéré 350 organismes de formation présentant un nombre significatif de contrôles non concluants.

Les alertes identifiées par la CDC, que ce soit à l'occasion d'un contrôle ou à la suite d'un signalement, donnent lieu à une procédure contradictoire au cours de laquelle l'organisme de formation est appelé à apporter ses observations. Les sanctions, appliquées selon une grille graduée, sont débattues au sein d'une commission d'arbitrage réunie à un rythme hebdomadaire. Au total, en 2021, 153 organismes de formation ont été déréférencés de la plateforme « Mon compte formation » ; 945 ont vu une partie de leurs actions de formation être déréférencées et 130 ont fait l'objet d'une suspension de paiement, pour un montant total de 31,2 millions d'euros.

Les CGU de la plateforme ont été modifiées à plusieurs reprises afin de prévenir la fraude et de compléter l'arsenal de la CDC. Ainsi, en juin 2021, a été instauré un délai obligatoire de onze jours ouvrés entre la date d'envoi d'une proposition de commande par un organisme de formation et le début de la formation correspondante. En octobre 2022, a été mis en place un contrôle des organismes de formation en amont de leur référencement sur la plateforme.

Depuis le 25 octobre dernier, afin de prévenir les usurpations d'identité et les utilisations frauduleuses de compte, l'accès des utilisateurs à la plateforme a été sécurisé par la mise en place de la solution FranceConnect+, qui nécessite de disposer d'une identité numérique La Poste. Si elle est efficace, cette solution qui alourdit le processus de connexion comporte des effets de bord non négligeables, notamment vis-à-vis de personnes en difficulté avec le numérique. Depuis un mois, une diminution de 30 à 35 % du volume de dossiers a été constatée. Si le libre accès à la plateforme doit continuer à être garanti, il convient d'interpréter cette donnée avec prudence, car elle résulte de l'effet combiné de plusieurs mesures de régulation.

En parallèle, le ministère du travail a réalisé une campagne de communication grand public afin de mettre en garde les titulaires de CPF contre les appels téléphoniques, les courriels et les SMS frauduleux. Des messages de prévention sont diffusés régulièrement au sujet des arnaques au CPF, rappelant aux titulaires de ne pas communiquer leurs identifiants personnels et de ne pas souscrire à des formations promettant des cadeaux ou des compensations financières. Il reste néanmoins des obstacles législatifs à lever pour permettre à ces actions de prendre leur pleine mesure.

Des échanges d'informations entre les services de l'État, France compétences et la CDC se sont activement développés afin de lutter contre la fraude. Toutefois, en l'état actuel du droit, la CDC ne peut en faire usage afin de recouvrer les sommes indûment perçues par des organismes de formation. En effet, les décisions de la CDC impliquant des sommes à rembourser par les organismes de formation ne permettent pas d'obtenir l'exécution forcée des créances. La CDC doit saisir le tribunal administratif afin d'obtenir un titre exécutoire, ce qui permet aux organismes concernés de gagner du temps, voire d'organiser l'évasion des fonds.

De plus, si les échanges entre services permettent d'identifier les fraudeurs, la CDC ne peut pas les invoquer devant le tribunal administratif en l'absence de fondement légal. En matière de démarchage téléphonique, la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a mis en place un régime d'opposition avec la possibilité de s'inscrire gratuitement à la liste Bloctel. Ce régime a été renforcé par la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux, qui a rendu obligatoire la consultation par les centres d'appel de la liste d'opposition et alourdi les sanctions applicables.

La même loi a interdit tout démarchage téléphonique ayant pour objet la vente d'équipements ou la réalisation de travaux pour des logements en vue de la réalisation d'économies d'énergie ou de la production d'énergies renouvelables ; dans ce secteur aussi, la politique publique en faveur de la transition énergétique avait donné lieu à une recrudescence de pratiques de démarchage frauduleux.

Pour les courriers électroniques et les SMS, un régime de consentement préalable et explicite, ou opt-in , s'applique. La prospection directe d'une personne physique par ces moyens de communication est interdite si cette dernière n'a pas préalablement accepté d'être sollicitée.

Ces dispositifs n'ont pas empêché la prolifération de pratiques agressives de démarchage, notamment téléphonique, relatif au CPF. L'analyse des signalements déposés sur « Mon compte formation » permet de constater que, en cas d'abus, le téléphone est effectivement le principal vecteur de prise de contact entre l'organisme de formation et le titulaire de compte.

Face à ce constat, l'article 1 er de la proposition de loi tend à interdire la prospection commerciale - par téléphone, par SMS, par courriel ou sur les réseaux sociaux - des titulaires d'un CPF visant à collecter leurs données à caractère personnel ou à conclure des contrats portant sur des actions de formation, sauf si la sollicitation intervient dans le cadre d'une action de formation en cours et présentant un lien direct avec son objet.

Afin de contrôler le respect de ces dispositions, il habilite les agents de la DGCCRF à rechercher et à constater ces infractions, et prévoit des sanctions administratives d'un montant maximal de 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale. Cette mesure stricte n'empêchera pas les organismes de formation de communiquer, mais permettra de faire cesser le démarchage abusif en clarifiant les règles. Elle aidera également les actifs à prendre des décisions réfléchies sur l'utilisation de leur CPF et le choix de leur avenir professionnel.

La proposition de loi vise, par ailleurs, à renforcer les moyens d'action de la CDC face à la fraude. À cette fin, elle donne une base légale à la communication d'informations entre les acteurs de la lutte contre la fraude. L'article 2 prévoit ainsi que la CDC, France compétences, les services de l'État chargés de la répression des fraudes et ceux qui sont chargés des contrôles de la formation professionnelle, mais aussi les organismes financeurs, les organismes délivrant la certification Qualiopi et les ministères ou organismes propriétaires de certifications professionnelles peuvent échanger tous les documents et informations détenus ou recueillis dans le cadre de leurs missions respectives et utiles à leur accomplissement.

Il autorise également la cellule nationale de renseignement financier, Tracfin, à transmettre des informations à la CDC ainsi qu'à l'Agence de services et de paiement (ASP), chargée de verser les aides à l'embauche d'apprentis. Ces échanges d'informations permettront de faire gagner un temps précieux à la CDC pour l'accomplissement de sa mission de lutte contre la fraude.

L'article 2 bis , inséré à l'Assemblée nationale sur l'initiative du Gouvernement, donne à la CDC les moyens de mettre en oeuvre un recouvrement forcé des sommes indûment versées à un organisme de formation. À cet effet, le directeur général de la CDC pourra délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du prestataire devant la juridiction compétente, comportera tous les effets d'un jugement. En outre, lorsqu'elle constatera la mobilisation par le titulaire d'un CPF de droits indus ou une utilisation contraire à la réglementation, la CDC pourra procéder au recouvrement de l'indu par retenue sur les droits inscrits ou sur les droits futurs du titulaire.

Comme le prévoit l'article 2, les agents de la CDC pourront obtenir de l'administration fiscale les informations contenues dans le fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba). En outre, la CDC pourra recevoir de l'administration fiscale communication de tous documents ou renseignements nécessaires aux contrôles préalables au paiement des sommes dues, ainsi qu'à la reprise et au recouvrement des sommes indûment versées au titre du CPF.

L'article 3 tend à inscrire dans la loi les conditions du référencement sur « Mon compte formation », ce qui permettra de fonder le refus par la CDC de référencer un organisme de formation qui ne remplirait pas ces conditions. Il serait notamment vérifié que l'organisme propose des formations éligibles à un financement CPF, dispose de la certification qualité Qualiopi, respecte les prescriptions de la législation fiscale et sociale et satisfait aux CGU. La CDC pourrait procéder à la même vérification pour les organismes de formation déjà référencés sur la plateforme avant la publication de la loi. Afin d'assurer l'opérationnalité de la mesure, des échanges de données pourraient être organisés entre la CDC, les Urssaf et l'administration fiscale.

Afin de mettre fin à certaines dérives de nature à tromper les titulaires de CPF, l'article 4 vise à encadrer le recours à des sous-traitants en soumettant ces derniers aux mêmes obligations que les donneurs d'ordre. Cette dernière mesure appelle une vigilance particulière. Appliquée indistinctement à tous les sous-traitants, notamment les travailleurs indépendants et les micro-entrepreneurs, elle pourrait mettre en péril une partie du secteur. Le décret en Conseil d'État prévu pour son application devra bien préciser la portée de ces obligations selon le degré d'implication dans l'exécution des actions de formation et la nature du prestataire concerné.

En matière de lutte contre la fraude, il n'existe pas de solution infaillible. Il s'agit de mettre en place des barrages filtrants qui rendront plus compliqués les contournements. La proposition de loi, très attendue, répond à cette logique, et le rapport d'information que nous vous avons présenté, en juin dernier, avec Frédérique Puissat et Corinne Féret soutenait déjà ces objectifs.

Je considère que la lutte contre la fraude et l'amélioration de la qualité de la formation professionnelle forment un continuum. À cet égard, je salue le travail réalisé en matière de certifications professionnelles par France compétences, qui représente en soi un levier de prévention des abus. Ce texte ne prétend pas épuiser le sujet des ajustements à apporter au CPF, puisque des réflexions sont en cours, en concertation avec les partenaires sociaux et dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, sur la mise en place d'un mécanisme de régulation du dispositif. Je vous invite donc à adopter sans modification cette proposition de loi, ce qui permettra son entrée en vigueur immédiate.

Enfin, il m'appartient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère que cette proposition de loi comprend des dispositions relatives à l'interdiction de la prospection commerciale des titulaires d'un CPF ; aux échanges d'informations et de documents entre les autorités compétentes en matière de lutte contre la fraude au CPF ; aux modalités de recouvrement des sommes versées indûment au titre du CPF ; et aux conditions de référencement des organismes de formation sur le service dématérialisé « Mon compte formation » et de recours à la sous-traitance par les organismes référencés sur ce service.

En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé des amendements relatifs aux règles d'acquisition, de mobilisation et d'abondement des droits inscrits sur le CPF, ainsi qu'à l'organisation et au financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Il en est ainsi décidé.

Mme Frédérique Puissat . - Les auditions du rapporteur sont venues compléter le travail effectué dans le cadre de notre mission d'information sur France compétences. Le CPF est issu de la loi votée en 2018. À l'époque, Michel Forissier et Catherine Fournier s'étaient montrés réservés sur la monétisation et la désintermédiation du CPF, et je me rappelle que la ministre avait déclaré qu'il s'agissait d'un « pari ». Celui-ci était peut-être audacieux ; il a permis à un plus large public d'accéder à la formation, mais a également occasionné des dérives que l'on s'efforce de traiter avec ce texte.

Nous sommes tous contactés par des organismes qui nous proposent on ne sait quoi ; il est donc urgent de prendre certaines décisions. Avec Corinne Féret et Martin Lévrier, dans le cadre de notre mission d'information, nous nous étions montrés favorables à l'élaboration d'une loi qui viendrait corriger ces dérives. Ce texte est donc bienvenu ; nous avons bien compris qu'il ne fallait pas apporter de modifications, sous peine de voir son application reportée.

Ma première interrogation concerne le dispositif FranceConnect+. Sa mise en place devait sécuriser l'accès à la plateforme ; or, de nombreux acteurs ont évoqué un dispositif plus contraignant, source de dysfonctionnements. A-t-on une idée de l'évolution de ce dispositif ? Il ne doit pas freiner l'intéressante progression de la formation à la fois chez les demandeurs d'emploi et les personnes en activité.

Ma deuxième interrogation porte sur les sous-traitants. Beaucoup de personnes ayant un statut d'indépendant, avec des compétences très pointues, pouvant intervenir pour le compte d'organismes de formation, sont affolées par l'encadrement prévu par le Gouvernement. Il semblerait que la ministre ait évoqué un décret pour les rassurer. Nous sommes toujours très prudents concernant les décrets. Disposez-vous d'éléments susceptibles de les rassurer davantage ?

Notre groupe va voter cette proposition de loi sans la modifier, même si quelques interrogations demeurent.

Mme Brigitte Micouleau . - Je suis régulièrement sollicitée par des habitants de Haute-Garonne - le plus souvent, des personnes âgées de plus de 75 ans - qui reçoivent des appels intempestifs liés au CPF. Comment les données sont-elles récupérées ?

Mme Monique Lubin . - Le ver était dans le fruit depuis longtemps. Il est dommage que l'on soit obligé d'en passer par un tel arsenal juridique. Sous couvert de modernité, on en arrive à changer des dispositifs qui fonctionnent. Certes, des efforts étaient nécessaires en matière de formation, mais la dématérialisation et le recours à une plateforme ont entraîné des abus et des fraudes qui nous contraignent aujourd'hui à légiférer. Il s'agit de faire quelque chose contre ce fléau et notre groupe votera ce texte. Espérons que cela serve de leçon pour d'autres sujets.

M. René-Paul Savary . - Monsieur le rapporteur, nous recevons tous des messages sur notre téléphone nous informant que notre CPF est arrivé à échéance et qu'il nous reste vingt-quatre heures pour réclamer nos droits. Le vote de cette loi empêchera-t-il que l'on nous adresse ce type de messages ? Si tel est le cas, je voterai ce texte.

M. Daniel Chasseing . - Le nombre de dossiers liés au CPF double chaque année, ce qui est une très bonne chose. Auparavant - et sans doute encore aujourd'hui -, des organismes de formation intervenaient, de manière souvent peu efficace, quand il y avait des licenciements. Ce CPF, d'ailleurs plébiscité, est donc une solution intéressante. Alors, certes, on observe des fraudes ; je voterai pour ce texte qui s'efforcera de les limiter.

Mme Corinne Imbert . - La prospection sur le CPF sera interdite sur les réseaux sociaux ; cela englobe-t-il les plateformes vidéo ? Ce type de plateformes est, en effet, un outil de communication pour ces formations qui sont en fait des arnaques.

Mme Jocelyne Guidez . - Peut-on faire don de tout ou partie de son CPF à un proche ? Au moment de la retraite par exemple, peut-on transférer ses droits à la formation à son petit-fils ?

M. Martin Lévrier , rapporteur . - Madame Puissat, la monétisation du CPF doit être évaluée en comparaison du préjudice lié à la fraude. Le préjudice financier lié à ces pratiques se situe entre 40 et 60 millions d'euros, sachant que les dépenses totales occasionnées par le dispositif s'élèvent à 2,85 milliards d'euros en 2022. La fraude représente donc une faible part des dépenses pour le moment, mais elle pourrait s'aggraver très vite. Nous savions, en passant à la monétisation, que ce genre de risques existait. Cette loi devrait limiter fortement les abus.

Je ne regrette pas la monétisation. Nous avons démultiplié le nombre de formations, en particulier auprès des non-cadres, ce qui est une nouveauté. La monétisation a permis à chaque salarié de gérer son propre parcours professionnel et largement contribué à démocratiser le système. La ministre nous avait dit, en effet, qu'il s'agissait d'un pari, au même titre que la réforme de l'apprentissage. Il faut savoir être disruptif pour réussir, et ces réformes ont été, globalement, de belles réussites.

J'ai alerté très tôt le ministère sur le sujet des sous-traitants. On ne peut pas demander à des personnes ayant un statut d'autoentrepreneur, simplement parce qu'elles dispensent quelques heures de formation dans un centre, de rentrer dans les critères de la certification qualité Qualiopi ; cela n'aurait pas de sens. Le Gouvernement a été prévenu, il est entré en discussion avec les opérateurs et s'est engagé à proposer un décret. En asséchant la sous-traitance, on détruirait en grande partie la formation. Le décret a un avantage : on peut le modifier au fur et à mesure en cas de besoin. Tout en restant vigilants, faisons confiance à la concertation engagée en ce sens.

Le dispositif FranceConnect+ est devenu indispensable. Compte tenu des sommes considérables en jeu, les moyens de sécurisation doivent être plus importants afin de répondre aux normes en matière de cybersécurité. Certes, cela prend du temps. La Poste est actuellement le seul opérateur pouvant délivrer une identité numérique, d'autres arriveront bientôt sur le marché. On recense actuellement 10 000 personnes par jour qui créent des comptes FranceConnect+.

Un problème technique demeure concernant les ressortissants de l'espace Schengen qui ne sont pas français. Par exemple, un Italien travaillant en France ne peut pas se connecter à FranceConnect+, car il n'a pas de pièce nationale d'identité française. La CDC est en train de chercher la solution.

Madame Micouleau, les escrocs récupèrent les données en achetant des fichiers. Et ensuite, ils inondent de coups de téléphone - ce que l'on appelle le phishing .

Madame Lubin, il s'agit d'une plateforme d'État, non commerciale donc. Si l'on prend l'exemple des arnaques liées à la rénovation énergétique, il n'y avait pas de plateforme. Ce n'est pas la plateforme qui pose problème, mais les appels intempestifs et les techniques des fraudeurs. Le seul moyen est de bloquer la fraude en filtrant au maximum les risques connus.

Monsieur Savary, je ne peux pas garantir à 100 % que les messages cesseront. Mais, avec la loi votée à l'Assemblée nationale et la mise en service de FranceConnect+, nous avons déjà pu observer une diminution de plus de 60 % des appels.

Concernant les plateformes vidéo, elles peuvent être concernées en tant que réseaux sociaux. En revanche, les influenceurs ne sont pas concernés car leur activité n'est pas assimilable à du démarchage. La DGCCRF a toutefois accru sa vigilance.

Mme Corinne Imbert . - J'ai bien entendu le message d'une adoption conforme et m'abstiendrai de déposer un amendement sur ce point. Mais il y a une faille du côté des plateformes vidéo et de ces influenceurs, dans laquelle les escrocs risquent de s'engouffrer.

M. Martin Lévrier , rapporteur . - Il y a toujours un risque. La fraude est souvent très organisée. Il serait assez compliqué pour des fraudeurs de ce type de faire appel à des influenceurs ; ils prendraient des risques autrement plus importants.

Enfin, pour répondre à madame Guidez, on ne peut pas faire don de son CPF. Il s'agit d'un droit personnel alimenté par des fonds publics. À partir du moment où l'on quitte la vie professionnelle, on n'a plus de raison d'en bénéficier ou d'en faire bénéficier quelqu'un de son entourage.

Mme Chantal Deseyne , président . - Nous allons maintenant procéder au vote sur les articles.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 2 bis (nouveau)

L'article 2 bis est adopté sans modification.

Article 3 (nouveau)

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4 (nouveau)

L'article 4 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

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