Rapport n° 254 (2022-2023) de M. Ludovic HAYE , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 18 janvier 2023

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N° 254

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 janvier 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de l' amendement de la convention relative à la collecte , au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d' application , partie B , par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs) , issu de la résolution CDNI-2017-I-4 ,
adoptée le 22 juin 2017 (procédure accélérée),

Par M. Ludovic HAYE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Sénat :

486 (2021-2022) et 255 (2022-2023)

SYNTHÈSE

Le Rhin est l'un des principaux fleuves d'Europe, d'une longueur de 1 320 km. Naissant dans l'est de la Suisse, le Rhin coule vers le nord-ouest, traversant la France, l'Allemagne et les Pays-Bas, jusqu'à son embouchure dans la mer du Nord.

Le réseau de navigation intérieure nord-ouest européen (Rhin, Moselle, Meuse et leurs réseaux de canaux) assure plus de 80 % du transport fluvial en Europe. De grandes quantités de cargaison liquides y sont transportées annuellement, dont de nombreux composés organiques volatiles, tels que le benzène ou l'acétone, et autres matières dangereuses pour l'environnement.

La navigation rhénane a fait l'objet d'accords internationaux dès la Convention de Vienne de 1815, qui institue une Commission centrale pour la navigation du Rhin dont le rôle premier sera de lever les différents obstacles à la liberté de navigation.

Puis, les considérations écologiques vont amener la Commission à développer des normes à travers l'adoption d'une convention internationale relative à la collecte, au dépôt et la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure, entrée en vigueur en 2009.

Le présent projet de loi propose d'autoriser l'adoption d'un amendement à cette convention, afin de prendre en considération le traitement des résidus gazeux, non prévu à l'origine.

Si la navigation des voies françaises rhénanes sera peu impactée par ces nouvelles normes, il apparaît nécessaire d'adopter ce projet de loi, afin que l'amendement puisse entrer en vigueur au plus vite.

PREMIÈRE PARTIE : LE CADRE JURIDIQUE DE LA NAVIGATION RHÉNALE ET EUROPÉENNE

Si les prémisses de règlementation de la navigation rhénane remontent à la fin du XVIII ème siècle, elle a été consacrée par la Convention de Vienne, qui institue la Commission centrale pour la navigation du Rhin. Plus tard, elle a été complétée par la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure en 1996, entrée en vigueur en 2009.

I. LA COMMISSION CENTRALE POUR LA NAVIGATION DU RHIN

La Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR) est la plus vieille organisation interétatique. On considère que sa naissance remonte au Congrès de Vienne en 1815. Elle compte cinq États membres : l'Allemagne, la Belgique, la France, les Pays-Bas et la Suisse.

On peut trouver son origine dans l'Administration générale de l'Octroi du Rhin, créée par une convention entre la France et le Reich allemand en 1804.

Au cours de son existence, la CCNR a posé les bases du régime rhénan, qui allait servir de modèle à d'autres régimes de navigation.

Elle repose sur le principe de la liberté de navigation.

Cette liberté fondamentale pour assurer le développement de la navigation rhénane, affirmée dès le Congrès de Vienne, sera précisée par la Convention de Mayence (1831) et consacrée par l'Acte de Mannheim de 1868.

Il s'agissait alors de lever trois catégories d'obstacles. D'abord, les obstacles physiques à la navigation, puisque le Rhin était à bien des égards impraticable car sauvage.

Ensuite, les différents péages qui jalonnaient la trajectoire du Rhin ont été d'abord unifiés avant d'être supprimés. La Convention de Mayence interdit aux États riverains de prélever tout droit basé uniquement sur le fait de la navigation.

Enfin, la libre navigation impliquait l'unité du régime juridique applicable aux bateaux. La Commission a ainsi développé tout un corps de règles communes constituant le droit de la navigation rhénane et organisant les conditions de circulation, d'équipement des bateaux et de sécurité.

L'instance de décision est la « réunion plénière » qui siège deux fois par an. Chaque État dispose d'une voix et les décisions se prennent à l'unanimité. Les décisions des réunions plénières sont préparées par une dizaine de comités spécialisés. Les professions de la navigation participent aux travaux de la Commission.

Son siège est à Strasbourg, au Palais du Rhin.

La protection de l'environnement rhénan ne figure pas expressément dans l'Acte de Mannheim de 1868, mais cette préoccupation est ancienne pour la CCNR : depuis le début du 20 ème siècle, elle interprète la « sécurité générale » comme incluant la prévention de la pollution et la protection de l'environnement.

C'est ainsi qu'elle a suscité l'adoption d'une convention internationale relative à la collecte, au dépôt et la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure (CDNI).

II. LA CONVENTION RELATIVE À LA COLLECTE, AU DÉPÔT ET À LA RÉCEPTION DES DÉCHETS SURVENANT EN NAVIGATION RHÉNANE ET INTÉRIEURE

Cette convention a été signée à Strasbourg, le 9 septembre 1996 par l'Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Au terme des ratifications par tous les États signataires, elle est entrée en vigueur le 1 er novembre 2009. Le siège des différents organes de la Convention est établi à Strasbourg. Le Secrétariat de la CDNI est confié au Secrétariat de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR).

Dès la fin des années 80, la CCNR, sous l'impulsion des Pays-Bas, prit pleinement conscience de la nécessité de préserver les ressources naturelles des voies navigables, par l'élaboration d'une réglementation harmonisée.

La navigation rhénane devient ainsi le premier mode de transport fluvial à disposer d'un régime juridique uniforme et autonome en matière d'élimination des déchets.

Il s'applique à l'ensemble du Rhin et à toutes les voies de navigation intérieure en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, mais aussi à la Moselle, au Luxembourg. En France, sont concernés, outre le Rhin, la Moselle, la Meuse et les canaux du Nord.

Elle a pour objet d'encadrer la gestion et le traitement des déchets produits par la navigation rhénane. Elle interdit le déversement des déchets solides et liquides dans les eaux navigables, mais ne s'applique pas, jusqu'ici, aux rejets de vapeur. C'est là l'objet du présent amendement.

La convention s'articule en trois parties relatives aux obligations de collecte et de traitement des déchets, classés selon trois catégories : déchets huileux ou graisseux (partie A), résidus de cargaison (partie B) ou déchets ménagers (partie C).

L'ensemble de la convention repose sur le principe du « pollueur-payeur » : elle définit explicitement que les coûts de nettoyage sont à la charge du destinataire de la cargaison pour les cargaisons sèches et à l'affréteur pour les cargaisons liquides. Elle décrit également les procédures et les modalités du contrôle de leur respect, par les pouvoirs publics des parties contractantes.

La Convention a fait l'objet de plusieurs adaptations par la conférence des parties contractantes, afin de prendre en considération les récentes évolutions dans les domaines de la protection de l'environnement et des eaux, ainsi que pour améliorer l'applicabilité des dispositions dans la pratique.

En juin 2017, pour la première fois depuis sa signature en 1996, la conférence des parties contractantes a adopté une résolution portant modification de la convention.

Il s'agit de compléter la partie B de la convention (résidus de cargaison) par des dispositions relatives au traitement des résidus gazeux et de constituer à ce titre une avancée significative pour la protection de l'environnement. C'est l'objet de l'amendement de la présente convention.

DEUXIÈME PARTIE : LES APPORTS DU PRÉSENT AMENDEMENT

Le projet de révision de la convention est issu des travaux d'un groupe de travail de la CDNI, regroupant les représentants des États parties et des représentants des industries rhénanes concernées (transport, chimie, bâtiments et travaux publics) entre 2014 et 2017.

Il a été entériné par la conférence des parties contractantes le 22 juin 2017. Il a pour objet d'intégrer à la convention la pollution issue des vapeurs de cargaison liquides pouvant engendrer une pollution atmosphérique.

I. L'INTÉGRATION D'UNE NOUVELLE SOURCE DE POLLUTION

Jusque-là, la partie B de la convention ne définissait les obligations de prise en charge des déchets de cargaison et de remise en état des cales qu'en ce qui concernait les résidus de cargaison laissés par les opérations de déchargement, les eaux de lavage des cales et citernes et les boues de résidus de cargaison s'accumulant au fond des citernes et dans les compartiments des bateaux.

Certes, des textes européens ou internationaux encadrent en partie la gestion des vapeurs des cargaisons en navigation intérieure, mais ils sont spécifiques à certains types de substances et ne mettent pas en place des règles communes de gestion de ces déchets ou de répartition de responsabilités des acteurs de la chaîne logistique.

Après le déchargement d'un bâtiment, une partie de la cargaison subsiste dans la citerne sous forme de vapeurs. Ces vapeurs, appartenant au propriétaire de la cargaison, doivent être évacuées afin que la citerne soit suffisamment propre pour le transport d'une cargaison suivante. C'est ce qu'on appelle le dégazage.

Or, jusque-là, ces dégazages sont le plus souvent effectués à l'air libre, ce qui entraîne une pollution de l'eau dans laquelle ils finissent par retomber. De plus, l'évacuation de ces vapeurs s'effectue souvent en très peu de temps, sur une zone restreinte, entraînant des pics élevés dans l'atmosphère à des endroits ponctuels, la plupart du temps dans les zones portuaires.

Des mesures ont été effectuées dans le port de Rotterdam, qui abrite de nombreuses industries et qui constitue à ce titre une zone particulièrement exposée à ce type de pollution.

De fait, les études ont montré que non seulement les concentrations de fond en vapeurs toxiques y sont davantage mesurées, mais aussi que des pics de charge dans l'atmosphère sont observés à chaque dégazage à l'air libre.

Ces analyses démontrent que ce type de dégazage de vapeurs organiques et toxiques est une menace directe pour l'environnement et pour la santé publique de la population qui habite les zones du bassin du Rhin présentant des concentrations d'industries pétrochimiques importantes.

Comme aucune règlementation internationale n'interdit à ce jour la libération de vapeurs dans l'atmosphère pour la navigation intérieure, des règlementations locales ont été introduites, notamment par les Pays-Bas. Des autorités locales ont interdit les dégazages à l'air libre, mais en se limitant à leurs propres voies d'eau. Cette règlementation fragmentée peut aboutir à un « tourisme de déchets » : certains conducteurs peuvent être tentés d'atteindre une zone où le dégazage dans l'atmosphère n'est pas interdit pour y ventiler leur navire.

L'intégration dans la convention d'une interdiction de dégazage de façon uniforme, en couvrant la majeure partie de la navigation internationale en Europe, permettra d'éviter ce type de comportement et de garantir une meilleure protection de l'environnement et de la santé publique des riverains.

C'est donc à l'initiative des Pays-Bas, principal usager de la navigation rhénane, que cet amendement a été adopté par le CDNI.

L'étude d'impact réalisée par la CDNI indique que cette interdiction préviendrait 95 % des dégazages nocifs à l'air libre.

Cette avancée serait obtenue par deux moyens :

D'une part, les dégazages seraient effectués dans une station de réception des vapeurs. D'autre part, plus de 60 % des dégazages seraient évités grâce à des solutions logistiques, notamment en faisant s'enchainer des cargaisons identiques entre elles.

En effet, le dégazage n'est nécessaire que lorsque la cargaison suivante est incompatible et que le bateau doit être nettoyé.

Le coût d'un dégazage à la réception sera à la charge de l'affréteur, en sa qualité de propriétaire de la cargaison. Il est estimé à 6 000 euros en moyenne par dégazage. Il est donc raisonnable de penser que les affréteurs veilleront à limiter le nombre de dégazages nécessaires et s'attacheront à transporter davantage de matières compatibles ou exclusives.

Des stations de dégazage mobiles ou fixes existent déjà, mais de nouvelles, dont le nombre est difficile à estimer, devront être créées. La résolution prévoit que si les pouvoirs publics doivent faciliter ou soutenir leur développement, ces infrastructures seront créées par les acteurs privés du secteur.

C'est pour laisser le temps aux différents acteurs d'adapter leur organisation et de créer les stations nécessaires que l'interdiction des dégazages à l'air libre sera introduite de manière progressive. Trois phases sont prévues, en fonction des matières concernées, avec des délais de respectivement six mois, deux ans et trois ans à compter de la ratification de l'amendement.

C'est au terme de la 3 ème phase que le seuil de 95 % de réduction d'émission de vapeurs nocives dans l'atmosphère devrait être atteint. Une évaluation est prévue à chaque étape.

Les contrôles seront effectués à l'instar des autres obligations fixées par la CDNI : l'attestation de déchargement déjà existante comportera un volet concernant les vapeurs.

Pour rappel, ces contrôles sont effectués par les pouvoirs publics des parties contractantes, qui, conformément à la CDNI, sont tenus d'assurer la mise en oeuvre de la Convention (les Voies navigables de France en ce qui concerne la France).

II. DES ENJEUX LIMITÉES POUR LA FRANCE

L'entrée en vigueur de cet amendement aura peu de conséquences pour la France.

D'abord, sur les 300 millions de tonnes de marchandises transportées annuellement sur le réseau rhénan, seules 11 millions de tonnes le sont sur les parties françaises.

Ensuite, le transport de cargaison liquide sur le territoire français est très majoritairement constitué de transport exclusif ou compatible, non soumis aux obligations de dégazage.

Hors des frontières, les entreprises françaises sont peu présentes sur le marché des cargaisons liquides, donc peu exposées aux coûts supplémentaires de la mise en oeuvre de l'amendement.

De plus, il existe déjà en France une offre de service d'entreprises spécialisées équipées de matériels mobiles qui sera suffisante pour répondre aux besoins ponctuels de dégazage.

CONCLUSION

Après un examen attentif des dispositions de cet amendement, la commission a adopté ce projet de loi n° 486 (2021-2022) autorisant l'approbation de l'amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d'application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI-2017-I-4, adoptée le 22 juin 2017.

L'ajout d'une nouvelle source de pollution, issue des vapeurs de cargaison liquides pouvant engendrer une pollution atmosphérique est une avancée certaine en matière environnementale.

Si la partie française de la navigation rhénane et intérieure sera peu impactée par ces nouvelles normes, il est néanmoins urgent de permettre l'approbation de cet amendement.

En effet, le texte prévoit que la présente résolution entrera en vigueur six mois après le dépôt du dernier instrument de ratification.

Le Luxembourg, l'Allemagne et les Pays-Bas ont été les premiers à ratifier cet amendement. La Belgique l'a fait récemment. Il ne reste qu'à la France et à la Suisse de le faire pour qu'il puisse entrer en vigueur.

L'examen en séance publique aura lieu le mercredi 25 janvier 2023 selon la procédure d'examen simplifié, ce à quoi la Conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 18 janvier 2023, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Ludovic Haye sur le projet de loi n° 486 (2021-2022) autorisant l'approbation de l'amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d'application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI-2017-I-4, adoptée le 22 juin.

M. Christian Cambon , président . - Nous examinons maintenant le projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d'application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI-2017-I-4, adoptée le 22 juin 2017, sur le rapport de notre collègue Ludovic Haye.

M. Ludovic Haye , rapporteur . - Sous ce titre un peu abscons, il s'agit simplement de compléter la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure (CDNI).

La CDNI a été signée à Strasbourg, le 9 septembre 1996, par l'Allemagne, la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Au terme des ratifications par tous les États signataires, elle n'est entrée en vigueur que le 1 er novembre 2009. Le siège des différents organes de la convention est établi à Strasbourg. Le secrétariat de la CDNI est confié au secrétariat de la Commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR).

Elle s'applique à l'ensemble du Rhin et à toutes les voies de navigation intérieure en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique, mais aussi à la Moselle et au Luxembourg. En France, sont concernés, outre le Rhin, la Moselle, la Meuse et les canaux du Nord.

Elle a pour objet d'encadrer la gestion et le traitement des déchets produits par la navigation rhénane. Elle interdit le déversement des déchets solides et liquides dans les eaux navigables, mais ne s'appliquait pas, jusqu'ici, aux rejets de vapeur. C'est là l'objet du présent amendement.

La convention s'articule en trois parties relatives aux obligations de collecte et de traitement des déchets, classés selon trois catégories : déchets huileux ou graisseux (partie A), résidus de cargaison (partie B) ou déchets ménagers (partie C).

L'ensemble de la convention repose sur le principe « pollueur-payeur » : elle définit explicitement que les coûts de nettoyage sont à la charge du destinataire de la cargaison pour les cargaisons sèches et à l'affréteur pour les cargaisons liquides. Elle décrit également les procédures et les modalités du contrôle de leur respect par les pouvoirs publics des parties contractantes.

La convention a fait l'objet de plusieurs adaptations par la conférence des parties contractantes, afin de prendre en considération les récentes évolutions dans les domaines de la protection de l'environnement et des eaux, ainsi que pour améliorer l'applicabilité des dispositions dans la pratique.

Mais, en juin 2017, la conférence des parties contractantes a adopté, pour la première fois depuis sa signature en 1996, une résolution portant modification de la convention. Il s'agissait de compléter la partie B de la convention (résidus de cargaison) par des dispositions relatives au traitement des résidus gazeux, avancée significative pour la protection de l'environnement.

Jusque-là, la partie B de la convention ne définissait les obligations de prise en charge des déchets de cargaison et de remise en état des cales qu'en ce qui concernait les résidus de cargaison laissés par les opérations de déchargement, les eaux de lavage des cales et des citernes et les boues de résidus de cargaison s'accumulant au fond des citernes et dans les compartiments des bateaux.

Certes, des textes européens ou internationaux encadrent en partie la gestion des vapeurs des cargaisons en navigation intérieure, mais ils sont spécifiques à certains types de substances et ne mettent pas en place des règles communes de gestion de ces déchets ou de répartition de responsabilités des acteurs de la chaîne logistique.

Après le déchargement d'un bâtiment, une partie de la cargaison subsiste dans la citerne sous forme de vapeurs. Ces vapeurs, appartenant au propriétaire de la cargaison, doivent être évacuées afin que la citerne soit suffisamment propre pour le transport d'une cargaison suivante. Or, jusqu'à présent, ces dégazages sont le plus souvent effectués à l'air libre, ce qui entraîne une pollution de l'eau dans laquelle ils finissent par retomber. De plus, l'évacuation de ces vapeurs s'effectue souvent en très peu de temps, sur une zone restreinte, entraînant des pics élevés dans l'atmosphère à des endroits ponctuels, la plupart du temps dans les zones portuaires.

Des mesures ont été effectuées dans le port de Rotterdam, qui abrite de nombreuses industries et qui constitue à ce titre une zone particulièrement exposée à ce type de pollution. Les études ont montré que non seulement les concentrations de fond en vapeurs toxiques y sont davantage mesurées, mais aussi que des pics de charge dans l'atmosphère sont observés à chaque dégazage à l'air libre.

Ces analyses démontrent que ce type de dégazage de vapeurs organiques et toxiques est une menace directe pour l'environnement et pour la santé publique de la population qui habite les zones du bassin du Rhin présentant des concentrations d'industries pétrochimiques importantes.

Comme aucune réglementation internationale n'interdit à ce jour la libération de vapeurs dans l'atmosphère pour la navigation intérieure, des réglementations locales ont été introduites, notamment par les Pays-Bas. Des autorités locales ont interdit les dégazages à l'air libre, mais en se limitant à leurs propres voies d'eau. Cette réglementation fragmentée peut aboutir à un « tourisme de déchets » : certains conducteurs peuvent être tentés d'atteindre une zone où le dégazage dans l'atmosphère n'est pas interdit pour y ventiler leur navire.

L'intégration dans la convention d'une interdiction de dégazage de façon uniforme, en couvrant la majeure partie de la navigation internationale en Europe, évitera les comportements de ce type et garantira une meilleure protection de l'environnement et de la santé publique des riverains.

C'est donc à l'initiative des Pays-Bas, principal usager de la navigation rhénane, que cet amendement a été adopté par le CDNI.

L'étude d'impact réalisée par la CDNI indique que cette interdiction préviendrait 95% des dégazages nocifs à l'air libre.

Cette avancée serait obtenue par deux moyens : d'une part, les dégazages seraient effectués dans une station de réception des vapeurs ; d'autre part, plus de 60 % des dégazages seraient évités grâce à des solutions logistiques, notamment en faisant s'enchaîner des cargaisons identiques ou parfaitement compatibles entre elles. En effet, le dégazage n'est nécessaire que lorsque la cargaison suivante est incompatible et que le bateau doit être nettoyé.

Le coût d'un dégazage à la réception est, pour l'affréteur, de 6 000 euros en moyenne. Il est donc raisonnable de penser que les affréteurs veilleront à limiter le nombre de dégazages nécessaires et s'attacheront à transporter davantage de matières compatibles ou exclusives.

Des stations de dégazage mobiles ou fixes existent déjà, mais de nouvelles, dont le nombre est difficile à estimer, devront être créées. La résolution prévoit que, si les pouvoirs publics doivent faciliter ou soutenir leur développement, ces infrastructures seront créées par les acteurs privés du secteur.

C'est pour laisser le temps aux différents acteurs d'adapter leur organisation et de créer les stations nécessaires que l'interdiction des dégazages à l'air libre sera introduite de manière progressive. Trois phases sont prévues, en fonction des matières concernées, avec des délais de respectivement six mois, deux ans et trois ans à compter de la ratification de l'amendement.

C'est au terme de la troisième phase que le seuil de 95 % de réduction d'émissions de vapeurs nocives dans l'atmosphère devrait être atteint. Une évaluation est prévue à chaque étape.

Pour diverses raisons, l'entrée en vigueur de cet amendement aura peu de conséquences pour la France. D'abord, sur les 300 millions de tonnes de marchandises transportées annuellement sur le réseau rhénan, seuls 11 millions de tonnes le sont sur les parties françaises. Ensuite, le transport de cargaison liquide sur le territoire français est très majoritairement constitué de transport exclusif ou compatible, non soumis aux obligations de dégazage. Hors des frontières, les entreprises françaises sont peu présentes sur le marché des cargaisons liquides, donc peu exposées aux coûts supplémentaires de la mise en oeuvre de l'amendement.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier. Son examen est prévu en séance publique le mercredi 25 janvier 2023, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

M. Christian Cambon , président . - Merci. C'est un texte important pour la protection de l'environnement.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Pour le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères :

- M. Dominique BELLENGER , conseiller juridique, sous-direction du droit de la mer, du droit fluvial et des pôles, direction des affaires juridiques ;

- Mme Claire GIROIR , conseillère juridique, mission des accords et traités, direction des affaires juridiques.

Pour le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires :

- Mme Muriel BOULDOUYRE , cheffe du bureau des services fluviaux, Direction Générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGITM) ;

- Mme Justine GODARD , chargée de mission Performances environnementales au sein du bureau des services fluviaux, Direction Générale des Infrastructures, des Transports et des Mobilités (DGITM).

ANNEXE 1

ANNEXE 2

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