N° 519

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 avril 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche,

Par M. Martin LÉVRIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche, présidente ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, MM. Abdallah Hassani, Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

747, 912 et T.A. 88

Sénat :

417 et 520 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

L'interruption spontanée de la grossesse au stade de non-viabilité du foetus, souvent qualifiée de « fausse couche », concerne près de 15 % des grossesses et peut plonger les femmes qui la subissent et leur partenaire dans une situation de détresse psychologique aujourd'hui insuffisamment prise en charge.

La présente proposition de loi, transmise par l'Assemblée nationale, entend renforcer la prise en charge médicale et psychologique des femmes et de leur partenaire après une interruption spontanée de grossesse.

I. L'INTERRUPTION SPONTANÉE DE GROSSESSE, UN PHÉNOMÈNE FRÉQUENT AUX RÉPERCUSSIONS PSYCHOLOGIQUES CERTAINES

A. LES DIFFÉRENTS TYPES D'INTERRUPTION PRÉCOCE ET SPONTANÉE DE LA GROSSESSE

La proposition de loi traite des interruptions spontanées de grossesse ayant lieu avant la 22e semaine d'aménorrhée, soit le seuil de viabilité foetale fixé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Celles-ci regroupent les grossesses arrêtées précoces, caractérisées par une absence d'expulsion du sac gestationnel, et les « fausses couches », associées à une expulsion, lesquelles sont dites précoces lorsqu'elles ont lieu avant la 14e semaine. Le plus souvent, les fausses couches sont consécutives à des anomalies génétiques de l'embryon, qui le rendent non viable ou font obstacle à la poursuite de la grossesse.

La mort foetale in utero, qui désigne une interruption spontanée de grossesse après la 22e semaine d'aménorrhée, n'entre pas dans le champ de cette proposition de loi.

B. 15 % DES GROSSESSES SE SOLDENT PAR UNE INTERRUPTION PRÉCOCE ET SPONTANÉE

Bien qu'estimer leur prévalence, notamment dans leurs formes les plus précoces, soit malaisé, les interruptions spontanées de grossesse apparaissent fréquentes. D'après des travaux parus dans la revue scientifique The Lancet en 2021, 15 % des grossesses dans le monde aboutiraient à une interruption spontanée avant la 22e semaine d'aménorrhée. Selon la même étude, plus d'une femme sur dix y aurait été confrontée.

La probabilité de survenue d'une interruption spontanée de grossesse dépend d'une multitude de facteurs, qui peuvent être associés au père - âge dépassant 40 ans, dysfonctionnements spermatiques - ou à la mère - dérèglements hormonaux, malformations utérines, traumatisme physique, consommation de psychoactifs, âge dépassant 35 ans, diabète, surpoids...

Certains facteurs de risques tendant à se diffuser dans la population, une augmentation de la prévalence est à craindre dans les années à venir.

Les cas de récidive sont fréquents, notamment pour les interruptions spontanées dites précoces : après une première fausse couche, le risque est augmenté de moitié.

C. DES SÉQUELLES PSYCHOLOGIQUES PARFOIS LOURDES POUR LES VICTIMES

Si les conséquences physiques d'une interruption spontanée de grossesse - saignements, douleurs abdominales ou infections - sont le plus souvent bénignes, les répercussions psychologiques peuvent dans certains cas être dévastatrices, notamment lorsque les victimes s'étaient déjà projetées dans leur future parentalité ou en cas de récidive. À la souffrance du deuil s'ajoutent de fréquents sentiments de culpabilité ou de honte.

Un mois après l'interruption spontanée de leur grossesse, 24 % des femmes souffrent d'anxiété modérée à sévère, et 11 % d'une dépression, soit des taux deux à quatre fois plus élevés que ceux recensés chez les femmes arrivées au bout de leur grossesse.

Les séquelles psychologiques peuvent persister dans le temps, entraînant des effets parfois importants tant sur les relations sociales des victimes que sur la viabilité de grossesses ultérieures : 9 mois après l'interruption spontanée, 17 % des femmes souffrent encore d'anxiété, et 5 % de dépression.

Les partenaires ne sont pas épargnés : cherchant à soutenir leur compagne, beaucoup ne se sentent pas légitimes pour évoquer leur douleur. À la suite d'une interruption spontanée de grossesse, les symptômes anxieux et dépressifs s'établissent à des niveaux élevés chez les partenaires, quoiqu'inférieurs à ceux constatés chez leurs conjointes.

 
 
 

Taux de grossesses aboutissant à une interruption spontanée

Taux de grossesses aboutissant à une interruption spontanée
à 40 ans

Taux de femmes souffrant d'anxiété
un mois après l'interruption spontanée de leur grossesse

II. RENFORCER L'ACCOMPAGNEMENT MÉDICAL ET PSYCHOLOGIQUE APPARAÎT COMME UNE NÉCESSITÉ

A. LE RENFORCEMENT RÉCENT DE L'ACCOMPAGNEMENT DES FAMILLES CONFRONTÉES AU DEUIL PÉRINATAL

Les parents confrontés à une mort foetale in utero ou dont l'enfant est mort-né ont pleinement droit à leurs congés parentaux pour surmonter leur deuil, sont protégés contre le licenciement, peuvent célébrer des obsèques et, depuis 2020, donner un prénom à leur enfant né sans vie.

Les couples confrontés à des interruptions spontanées de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée, visés par cette proposition de loi, ne bénéficient toutefois aujourd'hui d'aucun de ces dispositifs, révélant ainsi une forme de tabou autour de la fausse couche, souvent perçue à tort comme un « non-événement ».

B. ASSOCIER LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ POUR UNE PRISE EN CHARGE PLURIDISCIPLINAIRE ET UN SUIVI PSYCHOLOGIQUE RENFORCÉ

1. Mieux associer les professionnels et renforcer l'information des patientes par la mise en place de parcours dédiés

L'article 1er A de la proposition de loi, ajouté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, fait obligation aux Agences régionales de santé (ARS) de mettre en place, avant le 1er septembre 2024, un « parcours fausse couche » associant médecins, sages-femmes et psychologues. Il donne pour objectifs à ces parcours de développer la formation des professionnels médicaux et d'améliorer l'information, l'orientation, ainsi que le suivi psychologique et médical des patientes concernées et de leur partenaire éventuel.

Susceptibles de renforcer la coopération des professionnels de santé dans la prise en charge des patientes et de mettre en lumière le retentissement psychologique des interruptions spontanées de grossesse, aujourd'hui trop souvent occulté, ces dispositions ont été favorablement accueillies par la commission. Celle-ci a toutefois adopté deux amendements pour substituer, dans le nom des parcours, l'expression « interruption spontanée de grossesse » à celle de « fausse couche », jugée stigmatisante, et pour renforcer les objectifs d'information qui leur sont assignés. Les associations auditionnées par le rapporteur ont, en effet, unanimement désigné l'information comme étant un enjeu essentiel, en soulignant qu'il était indispensable que toutes les femmes reçoivent des renseignements complets et vérifiés sur les dispositifs d'accompagnement disponibles, indépendamment des modalités de leur prise en charge.

Pour l'ensemble des associations auditionnées, il est essentiel que les femmes concernées reçoivent une information complète et vérifiée sur les dispositifs d'accompagnement disponibles.

La commission a, en revanche, supprimé l'article 1er bis qui visait à rendre obligatoire l'information des patientes sur les traitements médicaux proposés et la tenue d'un examen complémentaire dans les quatre semaines suivant le premier. Elle a jugé que ces dispositions, largement satisfaites par le droit à l'information des malades, consacré depuis 2002, et les obligations déontologiques des professionnels de santé, contraignaient inutilement l'exercice des praticiens.

2. La faculté pour les sages-femmes d'adresser leurs patientes à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy

L'article 1er favorise l'accompagnement psychologique des couples concernés, en permettant aux sages-femmes d'adresser leurs patientes à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy et, dans le cas d'une interruption volontaire de grossesse, leur partenaire.

Si ces dispositions devraient permettre aux femmes concernées d'accéder à des consultations de suivi psychologique, en ambulatoire, prises en charge par l'Assurance maladie, le rapporteur a toutefois souligné que le déploiement poussif de MonParcoursPsy risque de réduire considérablement leur portée. Plus d'un an après son lancement, moins de 10 % des psychologues en exercice libéral ou mixte participent, en effet, au dispositif. En 2022, 76 375 patients en ont bénéficié d'après le ministère : un nombre très inférieur aux besoins identifiés.

 

Part des psychologues concernés participants à MonParcoursPsy

C'est pourquoi, le rapporteur juge indispensable une évaluation rapide de MonParcoursPsy, destinée à identifier des moyens pour améliorer la participation des psychologues au dispositif et pour permettre aux patients en ayant le plus besoin d'en bénéficier.

C. GARANTIR UNE PRISE EN CHARGE JUSTE POUR LES FEMMES CONFRONTÉES À UNE INTERRUPTION SPONTANÉE DE GROSSESSE

1. La suppression du délai de carence pour les arrêts maladie consécutifs à une interruption spontanée de grossesse

L'article 1er B de la proposition de loi supprime le délai de carence applicable aux arrêts maladie consécutifs à une interruption spontanée de grossesse pour les assurées du régime général et assimilées, pour les agentes publiques et pour les assurées des régimes spéciaux.

Le texte entend ainsi desserrer les contraintes financières pesant sur les femmes confrontées à une fausse couche et dont l'état de santé physique ou mental nécessite un arrêt maladie, en permettant une indemnisation dès le premier jour d'arrêt, comme à la suite d'une mort foetale in utero ou de la perte d'un enfant.

Le concours de la solidarité nationale dès le premier jour d'arrêt constitue également une reconnaissance symbolique de la légitimité de la souffrance potentiellement occasionnée par un arrêt naturel de grossesse, encore trop souvent banalisée.

Convaincu du bien-fondé du dispositif, le rapporteur a déposé un amendement pour en étendre le bénéfice aux indépendantes et a invité le Gouvernement à faire de même en séance pour les non-salariées agricoles, afin de l'élargir à toutes les assurées sociales.

2. Ouvrir la réflexion sur le remboursement intégral de tous les frais de santé des femmes enceintes, une piste aux intentions louables mais aux effets pervers identifiés

Aujourd'hui, les frais médicaux liés à la grossesse avant le sixième mois et tous les frais de santé à compter du sixième mois sont intégralement pris en charge avec tiers payant obligatoire par la sécurité sociale au titre de l'assurance maternité.

L'article 1er ter de la proposition de loi consiste en une demande de rapport sur l'extension de la prise en charge intégrale dès les premières semaines de grossesse.

Cependant, au-delà de la faible appétence de la commission pour les demandes de rapports, la question à étudier apparaît peu opérationnelle. Faute d'information de la sécurité sociale, elle conduirait, pour les consultations ayant eu lieu avant transmission de la déclaration de grossesse, à des remboursements rétroactifs générateurs de complexité opérationnelle pour la sécurité sociale tout en impliquant une avance de frais par la femme enceinte peu compatible avec l'objectif de répondre au problème, réel, du renoncement aux soins. Le tout, en présentant des répercussions financières certaines pour la sécurité sociale.

Par conséquent, le rapporteur a déposé un amendement de suppression de l'article 1er ter.

Réunie le mercredi 12 avril 2023 sous la présidence de Catherine Deroche puis de Chantal Deseyne, vice-président, la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi modifiée par six amendements.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A
Mise en place d'un parcours fausse couche

Cet article vise à faire obligation aux agences régionales de santé (ARS) de mettre en place, avant le 1er septembre 2024, un « parcours fausse couche » associant des professionnels médicaux et des psychologues, dans l'objectif de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse et d'améliorer l'information, l'orientation et le suivi psychologique et médical des femmes concernées.

La commission a adopté cet article avec modification afin de renforcer les objectifs assignés aux parcours en matière d'information des patientes et de les renommer « parcours interruption spontanée de grossesse ».

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. La prise en charge des souffrances psychologiques associées à l'interruption spontanée de grossesse apparaît lacunaire

1. Une prise en charge souvent limitée à son aspect médical

· Les interruptions spontanées de grossesse constituent, la plupart du temps, des événements relativement bénins d'un point de vue médical, pris en charge dans les services d'urgences gynécologiques ou d'urgences généralistes hospitaliers, le plus souvent par des internes.

En fonction du degré d'évacuation et du stade de la grossesse lors de la consultation du service d'urgences, trois types de traitements peuvent être proposés à la patiente :

- l'expectative, consistant à attendre l'expulsion spontanée de la grossesse par le corps ;

- la prise en charge médicamenteuse, visant à provoquer des contractions pour faciliter l'évacuation, laquelle peut avoir lieu hors du service d'urgences ;

- la prise en charge chirurgicale, consistant en une aspiration par les voies naturelles, sous anesthésie générale ou locorégionale, de la grossesse.

Des recommandations élaborées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) guident les professionnels médicaux dans leur prise en charge. En cas de grossesse arrêtée, sans évacuation du sac gestationnel, la prise en charge médicamenteuse ou chirurgicale est recommandée. À l'inverse, dans les cas de fausses couches incomplètes, caractérisés par une évacuation du sac gestationnel avec persistance de matériel intra-utérin, l'expectative peut être proposée en première intention1(*).

· En revanche, les professionnels médicaux amenés à intervenir dans la prise en charge apparaissent peu accompagnés dans la gestion de l'annonce et l'accompagnement psychologique des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse. Les recommandations du CNGOF se bornent à indiquer que « la prise en charge psychologique systématique après un épisode de fausse couche ne semble pas apporter un bénéfice évident à un an... » et que le retentissement psychologique « n'est pas influencé par les modalités de prise en charge » choisies (expectative, médicamenteuse, chirurgicale)2(*).

Première cause de consultations aux urgences gynécologiques, l'interruption spontanée de grossesse est un événement courant, risquant d'être banalisé par les équipes médicales. Au sein des services d'urgences, le manque de temps, l'afflux de patients et l'absence d'accompagnement des médecins et sages-femmes dans la gestion de l'annonce et dans l'accompagnement des femmes concernées ne permettent pas toujours aux professionnels de santé d'offrir l'écoute attendue.

Conscients de ces difficultés, la gynécologue-obstétricienne Ghada Hatem-Gantzer, fondatrice de la Maison des femmes, et le Cercle des gynécologues-obstétriciens d'Île-de-France (Cegorif) ont par exemple contribué à la production du court-métrage « Allez, vous en ferez un autre ! », réalisé par Nils Tavernier, illustrant la détresse psychologique et la solitude d'une femme confrontée à une annonce maladroite3(*).

2. L'insuffisante formation des professionnels médicaux

Si les professionnels médicaux sont formés au diagnostic et à la prise en charge médicale d'une interruption spontanée de grossesse, les études de santé ne font que peu de place aux questions touchant au retentissement psychologique de l'événement : formulation de l'annonce, écoute et accompagnement des patientes victimes.

· Les référentiels de formation des études de médecine et de maïeutique comprennent, en effet, plusieurs enseignements relatifs aux complications de la grossesse et aux interruptions spontanées.

Le programme du deuxième cycle, commun à l'ensemble des étudiants de médecine, classe ainsi parmi les compétences devant être acquises par tous avant l'internat le fait de « savoir reconnaître les principales complications de la grossesse et savoir orienter les femmes vers le recours adapté » ou de « connaître la prise en charge d'une fausse couche du premier trimestre »4(*).

Au cours du troisième cycle et au-delà de la spécialité de gynécologie obstétrique, un stage en santé de la femme est proposé au cours du diplôme d'études spécialisées (DES) de médecine générale et une formation spécialisée transversale de foetopathologie, comprenant des enseignements relatifs aux interruptions médicales et spontanées de grossesse, est proposée aux étudiants des autres DES5(*).

De la même manière, le référentiel de formation en maïeutique, qui doit être révisé pour la rentrée universitaire 20246(*), prévoit que les sages-femmes doivent savoir, à l'issue de leur formation, « dépister et participer à la prise en charge des patientes présentant des complications de la grossesse »7(*).

· En revanche, les auditions conduites par le rapporteur ont permis de confirmer que les enjeux associés à l'annonce d'une interruption spontanée de grossesse et à l'accompagnement psychologique dont les femmes concernées et leurs partenaires pouvaient avoir besoin ne faisaient le plus souvent pas l'objet, durant les études de médecine ou de maïeutique, d'enseignements spécifiques.

De la même manière, la formation continue des professionnels médicaux impliqués dans l'annonce et la prise en charge des fausse couche apparaît faire une place insuffisante aux enjeux psychologiques de l'événement. L'association Agapa, auditionnée par le rapporteur, anime des formations sur le deuil périnatal et suggère de rendre obligatoires, chaque fois que cela est possible, une formation pour les professionnels impliqués.

3. Une information inégale des femmes concernées

· Depuis la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades8(*), le code de la santé publique reconnaît à toute personne « le droit d'être informée sur son état de santé », cette information portant tant sur les investigations, traitements ou actions proposés que sur leur utilité, leurs conséquences et les risques fréquents ou graves prévisibles qu'ils comportent.

Cette information incombe à tout professionnel de santé, dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser9(*).

À ce droit est associé celui de prendre, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et des préconisations fournies, les décisions concernant sa propre santé10(*).

· Si, dans ce cadre, les femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse sont informées par le personnel médical des traitements disponibles, de leur intérêt et de leurs effets secondaires, les associations auditionnées ont toutefois mis en avant que l'information des patientes sur le phénomène de l'interruption spontanée de grossesse, ses conséquences psychologiques et les possibilités d'accompagnement, par des psychologues ou des associations, n'était pas systématique et s'avérait, le plus souvent, lacunaire.

Le collectif « Fausses couches, vrai vécu », auditionné par le rapporteur, souligne ainsi qu'aucun site institutionnel ni aucun dispositif d'information standardisé ne permet aux femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse d'accéder facilement aux informations dont elles ont besoin. Sans dispositif national ou généralisé d'information, et en l'absence de parcours d'accompagnement organisé localement, elles sont contraintes de rechercher elles-mêmes les professionnels de santé, psychologues ou structures associatives susceptibles de les accompagner dans cette épreuve.

B. La proposition de loi vise la mise en place par les ARS de « parcours fausse couche » permettant d'améliorer l'accompagnement des couples victimes d'une interruption spontanée de grossesse

L'article 1er A, introduit par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale à l'initiative de la rapporteure, vise à instituer des « parcours fausse couche » que les ARS seront chargées d'établir, afin de renforcer l'accompagnement médical et psychologique des femmes concernées et de leur partenaire.

À cet effet, le I de l'article insère dans le code de la santé publique un nouveau chapitre consacré à l'interruption spontanée de grossesse et, en son sein, un nouvel article L. 2122-6 prévoyant :

- que chaque ARS doit mettre en place un parcours fausse couche associant professionnels médicaux et psychologues hospitaliers et libéraux dans une « approche pluridisciplinaire » ;

- que ce parcours a pour objectifs de développer la formation des professionnels médicaux sur les conséquences psychologiques des interruptions spontanées de grossesse, de systématiser l'information et d'améliorer l'orientation des femmes et de leur partenaire, de faciliter leur accès à un suivi psychologique et d'améliorer le suivi médical des femmes concernées.

Le II rend ces dispositions applicables à compter du 1er septembre 2024, après recensement par les ARS des modalités de prise en charge existantes dans leur ressort territorial.

II - La position de la commission

Le rapporteur a favorablement accueilli ces dispositions, susceptibles d'améliorer l'accompagnement psychologique des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse et de leur partenaire.

· Il a souligné l'importance de renforcer la formation, initiale et continue, des professionnels médicaux à l'annonce et à l'accompagnement des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse et de leur partenaire.

À cet égard, il souligne que ce renforcement ne doit pas être limité au DES de gynécologie-obstétrique, mais concerner l'ensemble des étudiants de médecine, en intégrant les enseignements relatifs aux complications de la grossesse d'ores et déjà dispensés au cours du deuxième cycle d'études médicales.

S'agissant des études de maïeutique, il souhaite que la révision des référentiels, devant intervenir pour la rentrée 2024, soit également l'occasion de renforcer la formation des futures sages-femmes sur ce point.

· Plus généralement, le rapporteur juge souhaitable de renforcer le niveau de formation de la population aux interruptions spontanées de grossesse, qui constituent un événement suffisamment fréquent pour toucher l'ensemble des cercles familiaux, amicaux et professionnels.

Il regrette qu'une sensibilisation à ce phénomène, et aux douleurs psychologiques qu'il peut entraîner, ne soit pas intégrée aux programmes de l'enseignement secondaire ou ne fasse pas l'objet, comme d'autres enjeux relatifs à la santé et à la sexualité, de séances annuelles d'information des élèves11(*). Il souhaite qu'une réflexion soit conduite sur l'opportunité d'intégrer de tels enseignements.

· Enfin, à l'issue de l'audition de plusieurs associations de victimes et de psychologues, le rapporteur souligne que le renforcement de l'information des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse apparaît particulièrement indispensable. Le sentiment d'isolement, d'incompréhension de la part de l'entourage, et l'absence d'information sur les recours disponibles, renforce la solitude des femmes et de leur partenaire et aggrave la difficulté de l'épreuve qu'ils traversent.

Afin de renforcer les objectifs assignés sur ce point aux parcours mis en place par les ARS et à l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement n° COM-7 précisant que ceux-ci devront viser à systématiser l'information des femmes et, le cas échéant, de leur partenaire sur le phénomène d'interruption spontanée de grossesse, les possibilités de traitement ou d'intervention et les dispositifs de suivi médical et d'accompagnement psychologique disponibles. Ce renforcement devrait viser l'information de l'ensemble des femmes touchées, qu'elles fassent ou non l'objet d'une prise en charge dans les services d'urgences hospitaliers.

· Enfin, la commission a regretté que l'intitulé des parcours reprenne l'expression « fausse couche », jugée stigmatisante et négative par l'ensemble des associations auditionnées. À l'initiative du rapporteur, elle a adopté un amendement n° COM-6 visant à lui substituer l'expression « interruption spontanée de grossesse », plus neutre et largement retenue médicalement. En cohérence, elle a adopté un amendement n° COM-12 apportant la même modification à l'intitulé de la proposition de loi.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 1er B
Suppression du délai de carence pour l'indemnisation des arrêts maladie faisant suite à une interruption spontanée de grossesse

Cet article propose la suppression du délai de carence pour l'indemnisation du congé pour incapacité à continuer ou reprendre le travail lorsque celui-ci est consécutif à une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée.

Il concerne les assurées du régime général, des régimes spéciaux, du régime des salariés agricoles et des régimes applicables aux agents publics.

La commission a adopté cet article avec modification pour étendre la mesure aux indépendantes.

I - Le dispositif proposé

A. Un délai de carence est prévu dans l'indemnisation des congés pour incapacité physique à reprendre le travail d'origine non professionnelle, quel que soit le régime d'assurance maladie

1. Le congé pour incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail d'origine non professionnelle est accompagné du versement d'indemnités par la branche maladie ou l'État

Lorsqu'un assuré social se retrouve dans l'incapacité physique d'exercer son travail, il peut se faire prescrire un arrêt de travail par un médecin ou, dans les limites de sa compétence professionnelle, par une sage-femme12(*).

Lorsque l'arrêt de travail n'est pas consécutif à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, la branche maladie ou l'État verse, sous certaines conditions13(*), une indemnisation à l'assuré en congé.

L'indemnisation couvre l'ensemble de la période d'incapacité, jusqu'à la guérison complète, dans la limite des durées maximales d'indemnisation fixées par les régimes14(*).

De tels congés concernent, sous des modalités différentes, l'ensemble des assurés15(*).

a) Pour les non-fonctionnaires, des indemnités journalières versées par les différents régimes de sécurité sociale, complétées le cas échéant par des versements de l'employeur

· Les indemnités journalières versées par la sécurité sociale

Les assurés du régime général d'assurance maladie reçoivent des indemnités journalières (IJ) lorsqu'ils sont en congé pour incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail, aux termes de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale.

Ces indemnités sont versées par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) compétente, et correspondent à 50 %16(*) du salaire journalier de base, dans la limite de 1/730e de 1,8 fois le montant du salaire minimum de croissance17(*), soit 50,58 euros brut par jour. À partir du vingt-neuvième jour, l'indemnité atteint 80 % du salaire journalier de référence.

Les agents contractuels bénéficient des indemnités journalières dans les mêmes conditions que les assurés du régime général.

En ce qui concerne les indépendants, les indemnités journalières dont ils bénéficient aux termes de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale sont versées par les CPAM et correspondent à 1/730e de leur revenu d'activité annuel moyen dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale18(*), soit 60,26 euros bruts par jour.

La Mutualité sociale agricole (MSA) verse aux assurés non-salariés des indemnités journalières en cas d'incapacité physique temporaire de continuer ou de reprendre le travail, conformément à l'article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime. Toutefois, le montant de l'IJ est défini forfaitairement19(*) comme 63 % de 1/365e du gain forfaitaire annuel, soit 22,95 euros. À partir du vingt-neuvième jour d'arrêt, l'IJ passe à 30,61 euros.

Aux termes de l'article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime, les salariés agricoles bénéficient en matière de congé maladie du même traitement que les assurés du régime général, si ce n'est que le versement des IJ est à la charge des caisses de la MSA et non des CPAM.

Le congé maladie prévu pour le régime général « s'applique, en tant que de besoin, aux assurés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-11 » aux termes de l'article L. 711-5 du code de la sécurité sociale.

· Les indemnités complémentaires versées par l'employeur

Hors du cadre financé par la sécurité sociale, tous les employeurs soumis au code du travail doivent verser à leur charge des indemnités complémentaires20(*) aux IJ lorsque le salarié a au moins un an d'ancienneté, est soigné en France et a transmis à l'employeur son certificat médical dans les 48 heures suivant le début de son arrêt de travail.

La durée de versement maximale est corrélée à l'ancienneté du salarié.

Les indemnités ainsi versées complètent les IJ pour permettre au salarié en arrêt de toucher 90 % de sa rémunération brute lors de la première moitié de la durée de versement maximale des indemnités complémentaires, puis, le cas échéant, 66,66 % sur la période de versement restante.

Pour les agents contractuels, l'État finance un versement complémentaire aux IJ permettant une rémunération de remplacement à plein traitement puis à demi-traitement pour une durée dépendant de l'ancienneté de l'agent.

b) L'État verse des revenus de remplacement aux fonctionnaires en congé de maladie

Chez les fonctionnaires, il existe plusieurs types de congés pour maladie.

On distingue ainsi un congé maladie ordinaire (CMO), un congé longue maladie (CLM), et un congé maladie longue durée (CLD). À la différence des autres régimes, ce n'est pas la branche maladie mais l'État qui finance les revenus de remplacement induits par le congé. De plus, l'indemnité perçue par les fonctionnaires remplit à la fois le rôle des indemnités journalières de la sécurité sociale et du versement complémentaire pour les employeurs.

Le congé de maladie ordinaire permet au fonctionnaire malade ou dans l'incapacité de travailler d'être rémunéré à plein traitement pendant 90 jours (sauf la période entre l'arrêt et la transmission de l'arrêt, en cas de dépassement répété du délai de transmission de 48 heures), puis à demi-traitement pendant 270 jours, tandis que les primes peuvent être versées à 100 %, à 50 % ou à 0 %.

Le congé longue maladie permet au fonctionnaire atteint d'une maladie invalidante nécessitant un traitement et des soins prolongés d'être placé en congé maladie pour une durée maximale de trois ans fractionnables et de bénéficier d'un traitement indiciaire intégral la première année du congé, puis réduit de moitié les deux années suivantes. Les primes font l'objet d'un traitement protéiforme.

Le cas échéant, à la fin de la première année de CLM ou en fin de droits, le fonctionnaire atteint par une maladie grave21(*) peut accéder à un CLD, d'une durée de cinq ans fractionnables. Le traitement indiciaire est versé en totalité durant trois ans, puis réduit de moitié les deux années suivantes, tandis que le régime indemnitaire varie en fonction des primes.

2. Le délai de carence, qui prévoit la non-indemnisation d'une période au début du congé maladie, a progressivement été étendu à tous les régimes

Toutefois, les indemnités prévues en cas de congé maladie ne couvrent pas l'intégralité des jours non travaillés : il existe en effet, dans chaque régime, un délai de carence à l'ouverture de la période de congés.

Le délai de carence, prévu pour le régime général à l'article L. 323-1 du code de la sécurité sociale, a progressivement été étendu à tous les régimes22(*). Le dernier exemple en date concerne les agents publics et les assurés des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.

Instauré pour les agents publics à l'article 105 de la loi de finances pour 2012, abrogé à l'article 126 de la loi de finances pour 2014, le délai de carence a finalement été rétabli à l'article 115 de la loi de finances pour 2018 pour les agents publics civils et militaires, les assurés des régimes spéciaux et ceux dont l'indemnisation du congé maladie n'est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale.

La durée du délai de carence varie entre un et trois jours selon les régimes :

- il est d'un jour pour les fonctionnaires civils, les militaires, les assurés des régimes spéciaux et ceux dont l'indemnisation du congé maladie n'est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale23(*) ;

- il est de trois jours pour les assurés du régime général24(*), pour les contractuels de la fonction publique, pour les salariés agricoles25(*), les indépendants26(*) et pour les non-salariés agricoles27(*).

Quant au versement des indemnités complémentaires à la charge de l'employeur soumis au droit du travail, il est soumis à un délai de carence de sept jours. Le maintien du traitement des agents contractuels est, lui, soumis à un délai de carence d'un jour.

Dès lors, une salariée assurée du régime général en congé d'un lundi à un vendredi pour incapacité physique de reprendre ou de continuer le travail à la suite d'une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée ne perçoit ses indemnités journalières qu'à compter du jeudi. Les lundi, mardi et mercredi ne font pas l'objet d'une indemnisation par le régime général : à une souffrance physique ou psychique parfois aiguë s'ajoute donc une perte significative de revenus, qui décourage le recours au congé.

L'effet de ces délais de carence est toutefois limité par la prévoyance d'entreprise, modalité complémentaire de couverture des indemnités liées aux congés pour incapacité permettant la prise en charge de tout ou partie des indemnités journalières non perçues du fait des jours de carence.

Selon des données de 2009, 64 % des salariés bénéficieraient d'une prise en charge totale de leurs jours de carence par la protection sociale complémentaire d'entreprise, et 2 % d'une prise en charge partielle. Le taux de couverture varie toutefois nettement entre catégories socio-professionnelles : 82 % des cadres bénéficient d'une prise en charge complète, contre 51 % des ouvriers.

Après la 22e semaine d'aménorrhée, en revanche, les femmes confrontées à un arrêt précoce de leur grossesse bénéficient à plein de leur congé pour maternité, d'une durée de seize semaines28(*), durant lesquelles elles perçoivent des indemnités spécifiques, sans délai de carence.

En l'état actuel du droit, il existe donc un important effet de seuil pour les arrêts spontanés de grossesse. Si la femme qui y est confronté ressent le besoin d'arrêter temporairement le travail :

avant la 22e semaine d'aménorrhée, elle doit se faire prescrire un arrêt pour incapacité à reprendre le travail avec délai de carence ;

- après la 22e semaine d'aménorrhée, elle bénéficie de plein droit d'un congé maternité indemnisé sans délai de carence, d'une durée maximale de seize semaines29(*).

Tableau 1 : Récapitulatif des modalités de couverture des congés maladie

Régime

Financeur

Niveau de prise en charge de l'arrêt maladie

Niveau de prise en charge complémentaire par l'employeur

Délai de carence

Général

CPAM

50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 50,58 € brut par jour

Complément des IJ pour atteindre 90 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours, puis complément des IJ pour atteindre 66,66 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours

3 jours

Indépendants

CPAM

1/730e de leur revenu d'activité annuel moyen, dans la limite de 60,26 € brut par jour

N/A

3 jours

Fonctionnaires

État

100 % du traitement indiciaire brut pendant 90 jours, puis 50 % du traitement indiciaire brut pendant 270 jours. Certaines primes sont versées tout ou partie.

N/A

1 jour

Agents contractuels

CPAM

50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 50,58 € brut par jour

Complément des IJ pour atteindre 100 % du traitement brut pendant 30 à 90 jours, puis complément des IJ pour atteindre 50 % du traitement. Certaines primes sont versées tout ou partie.

1 jour pour la prise en charge complémentaire, 3 jours pour les IJ

Salariés agricoles

MSA

50 % du salaire journalier de base, dans la limite de 50,58 € brut par jour

Complément des IJ pour atteindre 90 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours, puis complément des IJ pour atteindre 66,66 % du salaire brut pendant 30 à 90 jours

3 jours

Non-salariés agricoles

MSA

22,95 € bruts par jour puis 30,61 € brut par jour à compter du vingt-neuvième jour d'arrêt

N/A

3 jours

Source : Commission des affaires sociales du Sénat.

B. Le législateur a prévu diverses exceptions au délai de carence, notamment au bénéfice des plus fragiles

1. Les exceptions au délai de carence pour les assurés du régime général, du régime agricole et du régime des indépendants

Aux termes des articles L. 323-1-1 du code de la sécurité sociale et du L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime, les arrêts de travail faisant suite au décès d'un enfant âgé de moins de vingt-cinq ans ou d'une personne âgée de moins de vingt-cinq ans dont l'assuré a la charge effective et permanente ne font pas l'objet d'un délai de carence.

Si deux arrêts de travail sont espacés de moins de 48 heures et ont la même cause, le second ne fait pas l'objet d'un délai de carence si celui-ci avait été épuisé lors du premier arrêt de travail.

De plus, les arrêts de travail liés à des affections de longue durée ne sont pas concernés par le délai de carence, à l'exception du premier d'entre eux.

2. Les exceptions au délai de carence pour les agents publics et les assurés des régimes spéciaux

La loi prévoit des exceptions au délai de carence pour le maintien du traitement ou de la rémunération des agents publics civils et militaires, des assurés des régimes spéciaux ou dont la prise en charge n'est pas assurée par un régime obligatoire de sécurité sociale.

Aux termes de l'article 115 de la loi de finances pour 2018, le délai de carence ne s'applique pas notamment dans les cas suivants :

- au deuxième congé de maladie pour une même cause, lorsque la reprise du travail n'a pas excédé 48 heures ;

- au congé de maladie accordé postérieurement à un premier congé maladie au titre d'une affection de longue durée ;

- au congé de maladie accordé postérieurement à la déclaration de grossesse et avant le début du congé de maternité ;

- au premier congé de maladie intervenant à la suite du décès d'un enfant ou d'une personne dont l'agent a la charge lorsque le défunt est âgé de moins de vingt-cinq ans.

3. L'exception au délai de carence pour les personnes contaminées par le SARS-CoV-2, aujourd'hui éteinte

L'article 8 de la loi d'urgence sanitaire n°2020-290 du 23 mars 2020 a suspendu le délai de carence applicable à l'ensemble des régimes obligatoires pour les arrêts de travail liés à la contamination par le SARS-CoV-2 jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire, le 10 juillet 2020.

Par la suite, le dispositif a été prolongé à plusieurs reprises jusqu'à la LFSS pour 2023, qui renvoyait en son article 27 à un décret la date limite de levée du jour de carence pour les congés de maladie covid. Le décret du 27 janvier 2023 a rétabli, en ce sens, les jours de carence pour des arrêts maladie consécutifs à la contamination par le SARS-CoV-2 à compter du 1er février 2023.

C. L'article 1er B propose de supprimer le délai de carence pour l'indemnisation des arrêts maladie faisant suite à une interruption spontanée de grossesse, mais ne couvre pas tous les assurés

1. L'article 1er B vise à desserrer les contraintes financières s'opposant au recours au congé maladie après une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée

L'article 1er B, introduit en séance à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoit la suppression du délai de carence pour l'indemnisation du congé pour incapacité à continuer ou reprendre le travail lorsque celui-ci est consécutif à une interruption spontanée de grossesse avant la 22semaine d'aménorrhée.

Le dispositif insère un article L. 321-1-2 dans le code de la sécurité sociale afin de s'appliquer aux assurées du régime général, aux contractuelles et aux salariées agricoles (I), et un nouvel alinéa à l'article 115 de la loi de finances pour 2018 afin de concerner également les agentes publiques et les assurées des régimes spéciaux de l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale (II).

Les arrêts de travail concernés seraient ceux prescrits pour une interruption spontanée de grossesse antérieure à la 22e semaine d'aménorrhée après une date définie par décret et ne pouvant être ultérieure au 1er janvier 2024 (III).

Les arrêts de travail consécutifs à des interruptions spontanées de grossesse postérieures à la 22e semaine d'aménorrhée sont, eux, déjà couverts par les congés pour maternité, et ne sont pas visés par cet article.

L'article 1er B vise donc à desserrer les contraintes financières pesant sur les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et dont l'état de santé physique ou mental nécessite un congé pour incapacité à continuer ou reprendre le travail. Il permettra une indemnisation dès le premier jour d'arrêt. Le coût induit pour les finances publiques a été évalué par la direction de la sécurité sociale du ministère de la santé et de la prévention à 5 millions d'euros.

Toutefois, l'indemnisation des congés maladie par la sécurité sociale ne couvrant pas l'intégralité du salaire, l'arrêt de travail consécutif à une interruption spontanée de grossesse ne sera pas systématiquement neutre financièrement pour la patiente, malgré la suppression du délai de carence.

2. La solution retenue présente l'avantage de ne pas nécessiter d'information de l'employeur

Au contraire d'un congé pour événement familial, le dispositif retenu par l'Assemblée nationale présente la caractéristique avantageuse de ne pas nécessiter d'information de l'employeur quant aux motifs de l'arrêt de travail.

Seuls auront à connaître la cause du congé le financeur de l'arrêt de travail et le médecin ou la sage-femme prescripteur, soumis au secret médical.

Cela répond, selon les auditions organisées par le rapporteur, à une demande univoque de la part des femmes confrontées à des interruptions spontanées de grossesse.

En effet, l'absence d'information de l'employeur prémunit la femme confrontée à un arrêt spontané de grossesse contre des discriminations supplémentaires au travail pour raisons familiales. En ce sens, le recours à un congé de maladie indemnisé par l'Assurance maladie plutôt qu'à un congé pour événement familial à la charge de l'employeur répond à une préoccupation pour l'égalité professionnelle.

3. La suppression du délai de carence ne concerne, en l'état actuel du texte, pas l'ensemble des assurées

En l'état actuel du texte, l'article 1er B vise les assurées du régime général, des régimes spéciaux, les agentes publiques civiles et militaires et les salariées agricoles.

Cependant, en omettant de modifier le code rural et de la pêche maritime, l'article 1er B ne supprime, en l'état, pas le délai de carence applicable aux non-salariées agricoles. De plus, l'article ne couvre pas, en l'état actuel du texte, le régime des indépendants, faute de modifier l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale.

D'une durée de trois jours, le délai de carence applicable aux non-salariées agricoles et aux indépendantes serait donc maintenu en cas d'interruption spontanée de grossesse.

II - La position de la commission

Le rapporteur estime que la suppression du délai de carence pour les congés maladie consécutifs à des interruptions spontanées de grossesse est une mesure opportune et adéquate, symbolisant la solidarité de la nation avec la souffrance physique et psychologique qu'un tel événement peut provoquer chez les patientes qui y sont confrontées.

Il souscrit à la volonté de limiter le préjudice financier engendré par le besoin légitime de congé que peuvent éprouver ces femmes afin de se remettre d'un événement douloureux, tant physiquement que psychologiquement.

Toutefois, il déplore l'absence d'inclusion des non-salariées agricoles et des indépendantes dans le dispositif. Aucune différence objective de situation entre les assurées du régime des non-salariés agricoles, des indépendants et celles des autres régimes n'apparaît justifier un tel écart au principe d'égalité.

Par conséquent, et à l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement n° COM-8, qui entend aligner les assurées du régime des indépendants sur celui de l'ensemble des assurées visées par le dispositif et supprimer les jours de carence pour les arrêts de travail prescrits à des indépendantes consécutivement à une interruption spontanée de grossesse avant la 22e semaine d'aménorrhée.

Cet amendement, qui aggrave une charge publique au sens de l'article 40 de la Constitution, est « couvert » par les déclarations du ministre de la santé et de la prévention en séance publique à l'Assemblée nationale le 8 mars 2023, assurant que « les travailleurs indépendants sont couverts par la mesure ».

Le rapporteur a, par ailleurs, invité le Gouvernement à déposer un amendement en séance afin d'étendre le dispositif aux non-salariées agricoles.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 1er
Possibilité d'adressage par les sages-femmes à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy

Cet article vise à permettre aux sages-femmes d'adresser à un psychologue conventionné, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, une patiente et, dans les cas d'interruption spontanée de grossesse, son partenaire.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Le dispositif MonParcoursPsy permet la prise en charge de séances de suivi psychologique auprès d'un psychologue conventionné

1. Mis en place en 2022, le dispositif permet la prise en charge de séances réalisées en ambulatoire après adressage par un médecin

· Créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 202230(*), le dispositif MonParcoursPsy permet la prise en charge de séances d'accompagnement psychologique réalisées en ambulatoire, auprès d'un psychologue exerçant en libéral, dans un centre de santé ou dans une maison de santé, lorsque celles-ci remplissent deux conditions cumulatives :

- le psychologue réalisant la séance doit avoir été sélectionné et être signataire d'une convention avec l'Assurance maladie ;

- le patient doit avoir été adressé au psychologue par son médecin traitant ou, à défaut, par un médecin impliqué dans sa prise en charge31(*).

Les professionnels de santé, médecins et psychologues, participant au dispositif sont réputés appartenir à des équipes de soins au sens de l'article L. 1110-12 du code de la santé publique et sont, en conséquence, autorisés à partager les informations nécessaires à la coordination des soins et au suivi du patient32(*).

· Mis en oeuvre depuis avril 2022, le dispositif constitue une innovation en ouvrant la prise en charge par l'Assurance maladie obligatoire de séances réalisées, en ambulatoire, auprès d'un psychologue libéral ou salarié. Jusque-là, seules les consultations en établissement de santé ou en établissement médico-social étaient prises en charge.

2. Les conditions d'éligibilité et de prise en charge ont été précisées par voie réglementaire

Un décret de février 202233(*) est venu préciser les modalités d'application du dispositif et d'éligibilité des psychologues comme des patients.

· Le nombre de séances prises en charge est limité à huit par année civile34(*) et leur tarification est fixée par arrêté35(*) à 40 euros pour la première séance, dite « entretien d'évaluation », et à 30 euros pour les séances suivantes36(*). Ce montant, correspondant aux honoraires perçus par le psychologue, est pris en charge à 60 % par l'assurance maladie obligatoire.

Pour être éligibles au dispositif, les psychologues doivent être inscrits auprès de l'agence régionale de santé de leur lieu d'exercice et disposer d'une expérience professionnelle en psychologie clinique ou psychopathologie d'au moins trois ans37(*).

· Enfin, pour bénéficier de la prise en charge, le patient doit être âgé de trois ans ou plus38(*) et présenter :

- pour les majeurs, une souffrance psychique ou trouble psychiatrique mineur, à l'exclusion des situations, plus graves, nécessitant d'emblée ou en cours de prise en charge l'avis d'un psychiatre ;

- pour les mineurs, une situation de mal-être ou de souffrance psychique pouvant susciter l'inquiétude de l'entourage39(*).

B. La proposition de loi autorise les sages-femmes à adresser leurs patientes victimes d'une fausse couche dans le cadre du dispositif

1. Les sages-femmes occupent un rôle de plus en plus important dans le suivi de la santé des femmes

· Les sages-femmes françaises exercent les responsabilités les plus étendues au niveau européen40(*). Leurs compétences, progressivement élargies, comprennent désormais des actes de diagnostic et de prescription. Ces dernières années, les sages-femmes ont ainsi été autorisées :

- à prescrire des substituts nicotiniques et à prendre en charge des interruptions volontaires de grossesse médicamenteuses41(*) ;

- à pratiquer des interruptions volontaires de grossesse, sous conditions de formation et d'expérience42(*) ;

- à prescrire aux patientes et à leurs partenaires un dépistage d'infections sexuellement transmissibles et certains de leurs traitements43(*).

Elles sont, comme les médecins, autorisées à conduire l'entretien postnatal entre les quatrième et huitième semaines suivant l'accouchement, systématisé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 202244(*). Celui-ci vise, notamment, à repérer les premiers signes de la dépression du post-partum ou les facteurs de risques qui y exposent et à évaluer les éventuels besoins de la femme ou de son partenaire en termes d'accompagnement45(*).

· Cette extension des compétences des sages-femmes s'est accompagnée, ces dernières années, d'une diversification de leurs modes d'exercice. Alors qu'elles n'étaient que 20 % en 2012, 34 % des sages-femmes ont, désormais, une activité libérale.

La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) estime que, si ces tendances se poursuivent, l'exercice libéral ou mixte pourrait devenir majoritaire dans la profession à l'horizon 205046(*).

2. L'article 1er permet aux sages-femmes d'adresser leurs patientes victimes d'une interruption spontanée de grossesse à un psychologue conventionné

La proposition de loi vise à favoriser le suivi psychologique des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse en permettant aux sages-femmes de les adresser à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy.

Pour ce faire, l'article 1er du texte initial modifiait, à l'article L. 162-58 du code de la sécurité sociale, les conditions d'adressage associées au dispositif MonParcoursPsy pour prévoir que celui-ci pouvait être réalisé non plus seulement par un médecin, mais également par une sage-femme suite à une interruption spontanée de grossesse. Il précisait également que la patiente devait être informée de cette possibilité.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

À l'initiative de sa rapporteure, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a intégralement réécrit l'article 1er de la proposition de loi pour étendre sa portée.

Désormais, le modifie l'article L. 162-58 du code de la sécurité sociale pour autoriser les sages-femmes à adresser à un psychologue conventionné :

- l'ensemble de leurs patientes, sans condition tenant à l'existence d'une interruption spontanée de grossesse ni d'aucun événement lié à la grossesse ;

- dans les seuls cas où leur patiente a subi une interruption spontanée de grossesse, son partenaire.

En cohérence, le 2° de l'article inclut les sages-femmes à l'origine de l'adressage dans l'équipe de soins chargée du suivi du patient, leur permettant notamment partager avec le psychologue conventionné consulté des informations nécessaires à la coordination ou à la continuité de la prise en charge.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

Le rapporteur a favorablement accueilli ces dispositions, susceptibles d'améliorer le suivi psychologique des patientes victimes d'une interruption spontanée de grossesse et de favoriser sa prise en charge.

· Il observe, toutefois, que le déploiement poussif du dispositif MonParcoursPsy ne devrait pas permettre de donner à ces dispositions l'effet espéré.

Le taux de participation apparaît, d'abord, particulièrement faible. Selon la fédération française des psychologues et de psychologie, auditionnée par le rapporteur, 2 000 psychologues seulement sur les plus de 20 000 qui y seraient éligibles participent au dispositif47(*). La faible rémunération des séances, leur durée inadaptée à certains troubles visés et le système d'adressage préalable mis en place figurent parmi les principaux facteurs explicatifs mis en avant par les syndicats de psychologues.

Selon la direction de la sécurité sociale (DSS), sur les neuf mois d'application du dispositif en 2022, seuls 76 375 patients ont été pris en charge, pour 3,88 séances en moyenne48(*). En comparaison, le nombre de fausses couches survenant chaque année en France pourrait être proche de 200 000 et le nombre de naissances recensées s'établit en 2022, selon l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), à 723 00049(*).

· En conséquence, la commission souhaite que le dispositif MonParcoursPsy fasse rapidement l'objet d'une évaluation, permettant de recenser les raisons du faible taux de participation des psychologues et d'interroger les conditions d'éligibilité mises en place. Celle-ci devra permettre d'évaluer la pertinence du système d'adressage retenu et d'apprécier l'opportunité de l'élargir. Elle devra également permettre d'identifier les moyens d'assurer l'accès au dispositif des patients en ayant le plus besoin.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 1er bis
Obligations des médecins et sages-femmes prenant en charge
une femme victime d'une interruption spontanée de grossesse

Cet article vise à faire obligation aux médecins et sages-femmes sollicités par une femme victime d'une interruption spontanée de grossesse :

- d'informer cette dernière des possibilités de traitement et de leurs implications ;

- de lui proposer, en cas de prise en charge médicale, de la suivre en établissement de santé ;

- de lui proposer, enfin, un nouvel examen médical au cours des quatre semaines suivant la prise en charge.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

A. La prise en charge médicale des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse est strictement encadrée

1. Les droits des patients à l'information et à l'expression de leur volonté

La prise en charge, par les médecins et sages-femmes, des femmes subissant un arrêt spontané de grossesse est encadrée par plusieurs dispositions législatives reconnaissant d'ores et déjà à l'ensemble des malades le droit de prendre les décisions concernant leur santé de manière éclairée.

· S'applique ainsi, d'abord, le « droit d'être informé sur son état de santé », reconnu par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades50(*), permettant aux patients d'être informés des investigations, traitements ou actions proposés, de leur utilité, de leurs conséquences et des risques fréquents ou graves prévisibles qu'ils comportent, comme des autres solutions possibles51(*).

Cette information incombe aux professionnels de santé, à qui il appartient, en cas de litige, d'apporter la preuve qu'elle a été délivrée.

· Corollairement, le patient a le droit, avec le professionnel de santé et compte tenu des informations et préconisations qu'il lui fournit, de prendre « les décisions concernant sa santé. »52(*) La loi fait obligation aux médecins de respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix et de leur gravité et n'autorise aucun acte médical ni aucun traitement sans le consentement libre et éclairé du malade, lorsque celui-ci est majeur et en état d'exprimer sa volonté.

2. Les obligations déontologiques des médecins et sages-femmes

Les obligations déontologiques des médecins et sages-femmes encadrent également la prise en charge.

· En application du droit des malades à l'information et à l'expression de leur volonté, le médecin doit ainsi livrer à la personne qu'il examine, soigne ou conseille « une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose »53(*).

Le code de déontologie prévoit également que « le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas » et que le médecin doit respecter le refus d'un malade en état d'exprimer sa volonté54(*).

· Les obligations déontologiques encadrent également les choix thérapeutiques pouvant être réalisés par un médecin ou une sage-femme, avec l'assentiment de la patiente.

Aussi les médecins et les sages-femmes, libres de leurs prescriptions dans les limites fixées par la loi55(*), doivent-ils néanmoins s'interdire de faire courir à la patiente un risque injustifié dans les investigations et interventions qu'ils pratiquent56(*).

Enfin, médecins et sages-femmes sont tenus déontologiquement, dès lors qu'ils ont accepté de répondre à une demande, d'assurer avec conscience et dévouement les soins que requiert la patiente, conformément à l'état actuel des connaissances scientifiques57(*).

3. Les recommandations de bonnes pratiques du Collège national des gynécologues-obstétriciens français

Des recommandations de bonnes pratiques, publiées par le Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF) et actualisées chaque fois que les données scientifiques le requièrent, guident enfin médecins et sages-femmes dans la prise en charge des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse.

· Ainsi le CNGOF peut-il recommander un type de traitement ou d'intervention plutôt qu'un autre en fonction du degré d'évacuation de la grossesse lors de la consultation.

Le CNGOF recommande, ainsi, dans les cas de grossesse arrêtée pour lesquelles le sac gestationnel n'est pas évacué, d'éviter l'expectative consistant à s'abstenir de tout traitement dans l'attente d'une expulsion spontanée, puisqu'elle augmente les risques de traitement chirurgical non programmé et de transfusion sanguine. À l'inverse, l'expectative peut, selon lui, être proposée en première intention dans les cas de fausse couche incomplète.

· De la même manière, le CNGOF recommande dans certaines situations la réalisation de consultations complémentaires ou la mise en oeuvre d'une alternative thérapeutique. C'est le cas, par exemple, lorsqu'un traitement médicamenteux a été choisi mais ne permet pas, dans un délai de deux jours à deux semaines, d'obtenir l'évacuation complète de la grossesse58(*).

En cas de fausses couches à répétition, définies comme la survenance de trois interruptions spontanées de grossesse consécutives, le CNGOF recommande la mise en place d'une politique de réassurance, fondée sur la répétition de plusieurs consultations et échographies, ainsi que la réalisation d'un bilan comprenant notamment la recherche d'un diabète ou d'une carence vitaminique.

B. L'article 1er bis vise à encadrer davantage la prise en charge médicale en imposant aux médecins et sages-femmes une meilleure information de la patiente et la prescription d'un examen complémentaire

L'article 1er bis de la proposition de loi, issu d'un amendement de Mme Martine Etienne (La France insoumise) adopté en séance plénière par l'Assemblée nationale, vise à améliorer le suivi médical des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse en renforçant les obligations des médecins et sages-femmes impliqués dans leur prise en charge.

À cette fin, il insère, au sein de l'article L. 2122-1 du code de la santé publique relatif à la surveillance médicale de la grossesse et aux examens prénataux et postnataux obligatoires, un nouvel alinéa prévoyant que les médecins et sages-femmes prenant en charge une femme victime d'une interruption spontanée de grossesse doivent :

- informer la patiente, dès la première consultation, des possibilités de traitement, de leurs implications et effets secondaires potentiels ;

- dans le cas d'un traitement médical, proposer à la patiente de suivre celui-ci dans un établissement de santé adapté ;

- enfin, proposer obligatoirement à la patiente un examen médical complémentaire dans les quatre semaines suivant sa prise en charge.

L'Assemblée nationale a adopté cet article.

II - La position de la commission

La commission a accueilli les présentes dispositions avec circonspection, jugeant que celles-ci reprenaient des obligations s'imposant déjà aux professionnels de santé ou, dans d'autres domaines, contraignaient leur exercice pourtant guidé par les données scientifiques disponibles et les recommandations des sociétés savantes.

· S'agissant de l'obligation d'information, le rapporteur souligne qu'un droit général des malades à l'information, consacré par le chapitre Ier du titre Ier du livre Ier de la première partie du code de la santé publique, s'impose déjà à l'ensemble des professionnels de santé.

Précisé par les codes de déontologie de chaque profession, ce droit contraint les professionnels de santé à fournir aux patients l'ensemble des informations relatives aux investigations, traitements ou actions proposés susceptibles de permettre et d'éclairer l'expression de leur volonté.

· La commission n'a pas davantage souscrit à l'obligation de proposer une prise en charge dans un établissement de santé, en cas de traitement médical, et une consultation complémentaire dans les quatre semaines suivant la prise en charge.

Les recommandations de bonnes pratiques établies par les sociétés savantes ne recommandent la prise en charge en établissement de santé ou la réalisation d'examens complémentaires que lorsque certaines données cliniques établissent leur nécessité.

Dans ces circonstances, considérant que ces dispositions contraignaient inutilement l'exercice des professionnels de santé et la prise en charge médicale des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse, la commission a adopté un amendement n° COM-10 du rapporteur visant à supprimer le présent article de la proposition de loi.

La commission a supprimé cet article.

Article 1er ter
Demande de rapport sur l'extension de l'assurance maternité
à tous les frais médicaux de la femme enceinte

Cet article est une demande de rapport au Gouvernement sur l'extension de l'assurance maternité à l'ensemble des frais médicaux de la femme enceinte dès les premières semaines d'aménorrhée, qu'ils concernent la grossesse et l'accouchement ou non.

La commission a supprimé cet article.

I - Le dispositif proposé

A. L'assurance maternité vise à accorder une protection accrue à la femme enceinte, aux jeunes parents et au nouveau-né

1. L'assurance maternité a pour objet la prise en charge des frais médicaux de la femme enceinte et celle des congés parentaux

L'assurance maternité, définie à l'article L. 330-1 du code de la sécurité sociale, présente deux objectifs distincts concourant à mieux protéger la femme enceinte puis les jeunes parents et leur nouveau-né.

a) L'assurance maternité prévoit l'octroi d'indemnités journalières pour les congés parentaux

D'une part, l'assurance maternité garantit l'octroi de congés parentaux lors desquelles le bénéficiaire perçoit des indemnités journalières (IJ).

Trois types de congés sont pris en charge au titre de l'assurance maternité :

le congé maternité qui consiste, aux termes de l'article L. 331-3 du code de la sécurité sociale, en le versement d'IJ à la femme enceinte ou ayant récemment accouché. Pour un premier enfant, il couvre une période de seize semaines, débutant six semaines avant la date présumée de l'accouchement et se terminant dix semaines après celle-ci, indépendamment de la date réelle de l'accouchement. Pour des grossesses multiples59(*) et à compter du troisième enfant60(*), la durée d'indemnisation est accrue. Le bénéfice du congé maternité est conditionné à une interruption du travail salarié pendant la période de versement, qui ne peut être inférieure à huit semaines.

La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 a confié à la branche famille le financement de 60 % des IJ au titre du congé maternité, représentant symboliquement les IJ post-natales. Les 40 % restants, figurant les IJ prénatales, restent à la charge de la branche maladie ;

- le congé de paternité et d'accueil de l'enfant, prévu à l'article L. 331-8 du code de la sécurité sociale. Il consiste en le versement d'IJ au parent n'ayant pas accouché ou au concubin de la mère pour une durée de vingt-cinq jours calendaires (trente-deux en cas de naissances multiples) répartis entre quatre jours faisant immédiatement suite au congé pour naissance de l'enfant, et vingt-et-un jours fractionnables. Le bénéfice de ce congé est conditionné à la cessation du travail salarié pendant la période d'indemnisation.

Le congé de paternité et d'accueil de l'enfant est financé par la branche famille ;

- le congé de deuil en cas de décès de l'enfant, prévu à l'article L. 331-9 du code de la sécurité sociale. Il consiste en le versement d'IJ aux parents d'un enfant décédé pour une durée de huit jours fractionnables, sous condition de cessation du travail salarié pendant la période d'indemnisation.

Le congé de deuil est financé par la branche famille.

b) L'assurance maternité prévoit également une prise en charge complète de certains frais médicaux de la mère par la Sécurité sociale

L'assurance maternité ne se résume toutefois pas au versement d'indemnités journalières : elle couvre également certains frais médicaux de la mère et de l'enfant, dans l'objectif d'éviter le renoncement à des soins nécessaires pour raisons financières, d'autant plus préjudiciable que les publics visés - femmes enceintes et enfants - sont fragiles.

Toute assurée ou ayant droit bénéficie en ce sens d'une prise en charge intégrale de certains frais médicaux par l'Assurance maladie sur la base des tarifs de la sécurité sociale, avec dispense d'avance de frais. Les seuls frais restant à la charge de la bénéficiaire de l'assurance maternité sont donc les dépassements d'honoraires et les frais pour confort personnel.

Si la majorité des actes médicaux couverts par l'assurance maternité concerne la période de grossesse, les examens médicaux obligatoires des enfants jusqu'à dix-huit ans mentionnés à l'article L. 2132-2 du code de la santé publique font également l'objet d'une prise en charge intégrale avec dispense d'avance de frais au titre de l'assurance maternité.

2. Le champ des actes médicaux pris en charge par l'assurance maternité est considérablement enrichi à compter du sixième mois de grossesse

Les actes médicaux concernés par l'assurance maternité évoluent au cours de la grossesse.

Du début de la grossesse jusqu'à la fin du cinquième mois, font l'objet d'une prise en charge intégrale avec tiers payant l'ensemble des frais médicaux, pharmaceutiques, d'analyses et d'examens de laboratoires, d'appareils et d'hospitalisation relatifs à la grossesse, à l'accouchement et à ses suites.

Cela comprend notamment les examens obligatoires du père et de la mère compris dans le suivi médical de la grossesse et prévus aux articles L. 2122-1 et L. 2122-3 du code de la santé publique.

À compter du quatrième mois et jusqu'à douze jours après l'accouchement, une consultation bucco-dentaire pour la mère est prise en charge à 100 % dans le cadre de l'assurance maternité.

Du premier jour du sixième mois de grossesse à douze jours après l'accouchement, l'assurance maternité devient plus protectrice et couvre désormais tous les frais médicaux61(*) remboursables de la femme enceinte, qu'ils aient trait ou non à la grossesse, à l'accouchement ou à ses suites.

Cela inclut notamment la troisième échographie, les échographies complémentaires éventuellement prévues, le transport vers l'hôpital ou la clinique conventionnée pour l'accouchement, et l'accouchement en lui-même.

Dans les douze jours suivant l'accouchement, le suivi à domicile par une sage-femme fait également l'objet d'une prise en charge à 100 %.

3. Les actes médicaux relatifs aux interruptions spontanées de grossesse ne font pas tous l'objet d'une prise en charge intégrale

Selon la direction de la sécurité sociale (DSS) et la direction générale de l'offre de soins (DGOS) du ministère de la santé et de la prévention, auditionnées par le rapporteur, les actes médicaux consécutifs aux interruptions spontanées de grossesse n'entrent pas dans l'assurance maternité.

Le niveau de prise en charge varie selon que l'arrêt spontané de grossesse est traité avec la méthode médicamenteuse ou la méthode chirurgicale.

Lorsque l'arrêt spontané de grossesse est traité par la méthode médicamenteuse, un forfait de prise en charge s'applique : le reste à charge sur le médicament est nul et il n'existe pas de ticket modérateur. Toutefois, à la différence d'une prise en charge par l'assurance maternité, le tiers payant n'est pas obligatoire.

Selon la DSS, auditionnée, lorsque l'arrêt spontané de grossesse est traité par la méthode chirurgicale, le droit commun de la prise en charge des frais hospitaliers s'applique. Avant déduction de la part prise en charge par la sécurité sociale, l'intervention chirurgicale reviendrait aux alentours de 1 300 euros, selon les auditions conduites par le rapporteur. Par conséquent, à la suite de l'intervention chirurgicale, un ticket modérateur de l'ordre de 200 euros peut rester à la charge de l'assurée ou de sa complémentaire santé.

B. Ouvrir la prise en charge intégrale des frais médicaux au titre de l'assurance maternité dès les premières semaines d'aménorrhée : une manière dispendieuse de mieux prendre en charge les frais relatifs aux interruptions spontanées de grossesse

L'article 1er ter, introduit en séance à l'Assemblée nationale à l'initiative de la députée Martine Étienne et plusieurs de ses collègues du groupe La France Insoumise, a été adopté contre l'avis de la commission et contre celui du Gouvernement. Il s'agit d'une demande de rapport sur l'extension de l'assurance maternité à l'ensemble des frais médicaux dès les premières semaines d'aménorrhée.

Le rapport devrait être rendu dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la proposition de loi.

II - La position de la commission

Le rapporteur comprend l'intention de l'article. La question de la prise en charge des frais liés à l'interruption spontanée de grossesse constitue un enjeu à ne pas négliger : la volonté de ne pas accabler des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse par des frais médicaux inévitables et potentiellement élevés pour les ménages les plus modestes est louable.

Toutefois, la commission accueille traditionnellement les demandes de rapport avec circonspection, considérant que ceux-ci ne sont que rarement remis, dans les faits, par le Gouvernement.

En outre, la question à étudier, c'est-à-dire l'extension de la prise en charge intégrale des frais médicaux des femmes enceintes dès les premières semaines de grossesse, apparaît peu opérationnelle et inefficiente.

D'une part, selon l'audition de la DSS par le rapporteur, la solution retenue semble insuffisamment opérationnelle. En effet, la sécurité sociale n'est informée de la grossesse qu'à compter de la transmission par la femme enceinte de sa déclaration de grossesse, le plus souvent autour du troisième mois. Les dépenses de santé de la femme enceinte avant la transmission à la sécurité sociale de sa déclaration de grossesse ne pourraient donc faire l'objet d'un remboursement intégral que rétroactivement, puisque la sécurité sociale n'était pas prévenue de la grossesse au moment où lesdites dépenses ont été engagées.

Le dispositif, s'il devait être adopté à l'issue du rapport, serait ainsi source d'une complexité opérationnelle considérable pour la sécurité sociale tout en ne répondant pas pleinement à l'enjeu du renoncement aux soins pour motifs financiers, le remboursement rétroactif impliquant une avance de frais par la femme enceinte.

D'autre part, la solution retenue présente des effets de bord importants, avec des conséquences certaines sur les finances sociales, soulignées par l'audition de la DSS par le rapporteur. Justifiée notamment par la volonté de couvrir les frais liés aux interruptions spontanées de grossesse - d'ailleurs déjà prises en charge à 100% en cas de traitement médicamenteux - elle emporte des répercussions nettement plus larges en proposant le remboursement intégral de l'ensemble des frais médicaux relatifs ou non à la grossesse de toutes les femmes enceintes, dès les premières semaines d'aménorrhée. Cela apparaîtrait discutable sur le plan des principes.

En conséquence, la commission a adopté un amendement n° COM-11 de son rapporteur visant à supprimer l'article 1er ter.

La commission a supprimé cet article.

Article 2 (suppression maintenue)
Gage financier de la proposition de loi

Cet article gage les conséquences financières sur l'État de l'adoption de la présente proposition de loi.

La commission a maintenu la suppression de cet article.

I - Le dispositif proposé

L'article 2 gage l'incidence de la proposition de loi sur les finances de l'État, par majoration à due concurrence de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Un amendement gouvernemental visant à supprimer l'article 2 de la proposition de loi a été adopté en commission par l'Assemblée nationale.

III - La position de la commission

La commission a maintenu la suppression de cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le mercredi 12 avril 2023, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de M. Martin Lévrier, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 417, 2022-2023) visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche.

M. Martin Lévrier, rapporteur. - Une femme sur dix au cours de sa vie subit une interruption spontanée de grossesse (ISG), faisant de ce traumatisme le premier motif de consultation aux urgences gynécologiques. Ce moment de vie crée de l'anxiété ou des symptômes dépressifs chez plus du tiers des personnes qui le traversent. Pour autant, il n'a jamais été considéré comme une priorité de santé publique.

De fait, cette réalité que j'évoque devant vous aujourd'hui est discrète. Insuffisamment sensibilisées, certaines femmes éprouvent parfois un sentiment de honte, d'autres de la culpabilité. La plupart peinent à l'évoquer, souvent par crainte que le chagrin et l'angoisse qu'elles peuvent traverser ne soient minimisés, banalisés. Chaque année, 200 000 Françaises y sont confrontées avant la 22e semaine d'aménorrhée. On parle alors de « fausse couche ». D'autres termes pourraient leur être préférés, j'y reviendrai.

La proposition de loi que nous examinons ce matin a été déposée par la députée Sandrine Josso, et adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Les cinq articles qu'elle contient entendent renforcer l'accompagnement et l'information des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse.

L'article 1er A, ajouté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, fait obligation aux agences régionales de santé (ARS) de mettre en place, d'ici au 1er septembre 2024, un « parcours fausse couche » associant médecins, sages-femmes et psychologues. Celui-ci doit avoir pour objectif d'améliorer le suivi médical et, surtout, psychologique des patientes comme de leur partenaire, de systématiser leur information et de renforcer la formation des professionnels impliqués.

La mise en place de ces parcours devra se fonder sur un recensement des initiatives existant dans chaque territoire et des professionnels d'ores et déjà impliqués dans le suivi des patientes.

Parce qu'elles conduiront les professionnels médicaux à s'organiser sur le territoire et à mieux tenir compte du besoin d'accompagnement, même psychologique, des couples victimes d'une interruption spontanée de grossesse, je vous proposerai d'adopter ces dispositions.

Je vous soumettrai néanmoins deux amendements. Le premier visera à renforcer les objectifs assignés aux parcours en matière d'information des patientes : il s'agit d'un enjeu essentiel, souligné par l'ensemble des acteurs auditionnés. Le second visera à renommer les parcours, pour préférer à l'expression « fausse couche », jugée stigmatisante et négative par les associations, celle d'« interruption spontanée de grossesse », plus neutre et plus juste médicalement. Je vous proposerai d'ailleurs d'apporter la même modification à l'intitulé de la proposition de loi.

L'article 1er B, ajouté par amendement gouvernemental en séance à l'Assemblée nationale, lève le délai de carence applicable à l'indemnisation des congés maladie pris consécutivement à une interruption spontanée de grossesse.

Aujourd'hui, une assurée du régime général confrontée à une fausse couche et dont l'état de santé nécessite un arrêt de travail n'est indemnisée qu'à compter du quatrième jour. Lorsque l'arrêt maladie, parfois nécessaire au vu des souffrances physiques et psychiques rencontrées, se fait au prix de l'abandon de 10 % de son salaire mensuel, il devient un luxe que peu peuvent se permettre. Pour celles qui ne peuvent se l'accorder, en outre exposées à des situations professionnelles embarrassantes, stressantes, voire parfois traumatisantes, les perspectives de reconstruction saine sont considérablement grevées.

En permettant, comme à la suite d'une mort foetale in utero, une indemnisation dès le premier jour d'arrêt, le dispositif, plébiscité lors de l'ensemble des auditions que j'ai conduites, desserre les contraintes financières s'opposant au recours à l'arrêt de travail et constitue une reconnaissance symbolique de la légitimité de la souffrance occasionnée par un arrêt spontané de grossesse, encore trop souvent banalisée.

Pour atteindre pleinement son objectif, le dispositif qui ne concerne à ce stade qu'une partie des assurées doit être universalisé : j'y reviendrai lorsque j'évoquerai l'amendement que je proposerai pour élargir son bénéfice aux indépendantes. En raison des règles de recevabilité financière, je n'ai pas pu amender le dispositif pour l'ouvrir aux non-salariées agricoles, dernier régime à ne pas être couvert, mais j'ai appelé le Gouvernement à amender le texte en séance en ce sens. Naturellement, je vous inviterai donc à voter en faveur de cet article ainsi amendé.

L'article 1er vise à permettre aux sages-femmes d'adresser à un psychologue conventionné, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy, leurs patientes et, dans les cas d'interruption spontanée de grossesse, leur partenaire.

Lancé en avril 2022, MonParcoursPsy peine à se déployer : moins de 10 % des psychologues concernés, libéraux ou salariés d'un centre de santé, y participent et moins de 80 000 patients en ont bénéficié en 2022, un niveau très inférieur aux besoins identifiés.

C'est pourquoi j'ai pensé vous soumettre un amendement visant à recentrer cette mesure sur l'objet de la proposition de loi, en réservant l'adressage par les sages-femmes aux troubles psychologiques liés à la grossesse, à son interruption ou aux suites de l'accouchement. Ce périmètre incluait tant les troubles consécutifs à une interruption spontanée de grossesse que la dépression du post-partum, qui touche entre 10 et 15 % des jeunes mères et que les sages-femmes détectent à l'occasion de l'entretien post-natal.

Cette nouvelle compétence étant toutefois très attendue de la profession, j'ai préféré renoncer à cet amendement qui risquait de lui adresser un mauvais signal. Je souhaite néanmoins que le dispositif MonParcoursPsy soit rapidement évalué, afin d'identifier les moyens d'encourager la participation des psychologues et de faire bénéficier du dispositif les patients en ayant le plus besoin.

L'article 1er bis entend améliorer le suivi médical des femmes victimes d'une interruption spontanée de grossesse en faisant obligation aux médecins et sages-femmes impliqués dans leur prise en charge d'informer leurs patientes des possibilités de traitement et de leurs implications, de leur proposer une prise en charge en établissement de santé et un nouvel examen médical dans les quatre semaines suivant le premier.

La prise en charge médicale des patientes concernées est déjà strictement encadrée. La loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé a consacré le droit de tous les patients à être informés des investigations, traitements et actions proposés et à prendre les décisions concernant leur propre santé. Les médecins et sages-femmes sont soumis à de nombreuses obligations déontologiques, parmi lesquelles figurent celles d'apporter une information claire, de rechercher le consentement de la patiente, de s'abstenir de lui faire courir un risque injustifié et de la soigner avec conscience et dévouement.

La prise en charge des patientes est, enfin, guidée par des recommandations de bonnes pratiques établies par les sociétés savantes. Celles-ci ne suggèrent une prise en charge hospitalière ou la réalisation d'examens complémentaires que lorsque certaines données cliniques établissent leur nécessité.

Dès lors, cet article me paraît largement satisfait, et semble contraindre inutilement les professionnels de santé. Je vous soumettrai un amendement visant à le supprimer.

L'article 1er ter consiste en une demande de rapport sur l'extension de la couverture intégrale des frais de santé de la femme enceinte au titre de l'assurance maternité dès les premières semaines de grossesse.

Aujourd'hui, l'assurance maternité offre en effet une prise en charge différenciée des frais médicaux de la femme enceinte en fonction du stade de la grossesse. Si la prise en charge intégrale des frais médicaux est cantonnée, jusqu'au cinquième mois, aux dépenses relatives à la grossesse, celle-ci est étendue à l'ensemble des frais de santé à compter du sixième mois. L'article 1er ter vise donc à orienter l'action publique vers une prise en charge intégrale, dès les premières semaines d'aménorrhée, de l'ensemble des frais de santé de la femme enceinte, que ceux-ci soient liés ou non à la grossesse.

Cependant, cette requête apparaît peu opérationnelle. Faute d'information de la sécurité sociale, elle conduirait, pour les consultations ayant eu lieu avant transmission de la déclaration de grossesse, à des remboursements rétroactifs générateurs d'une complexité opérationnelle considérable pour la sécurité sociale tout en impliquant pour la femme enceinte une avance de frais peu compatible avec l'objectif de répondre au problème, réel, du renoncement aux soins. Le tout, en présentant un caractère dispendieux que la direction de la sécurité sociale (DSS) n'a pas manqué de souligner lors de son audition.

Pour l'ensemble de ces raisons, et compte tenu de la position traditionnellement réservée de la commission à l'égard des demandes de rapport, je vous proposerai tout à l'heure de voter un amendement de suppression de cet article.

Ce texte constitue, j'en suis convaincu, une véritable avancée pour les femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et leur partenaire éventuel. Il associe professionnels de santé et psychologues pour un accompagnement pluridisciplinaire et un suivi adapté ; il garantit une prise en charge financière plus juste pour les patientes et il prend une part active à la revalorisation symbolique des souffrances physiques et psychologiques afférentes à ce drame si commun, en rapprochant le droit applicable aux fausses couches de celui qui régit le deuil périnatal.

Toutefois, beaucoup restera encore à faire pour donner à l'interruption spontanée de grossesse la place qui devrait être la sienne dans le débat public. Il n'empêchera pas les maladroits « Tu en auras un autre » ou les malvenus « Ce n'était qu'un embryon », comme si la souffrance ressentie était strictement proportionnelle à la durée de la grossesse.

Les enjeux de formation, bien que cruciaux, ne relèvent pas du domaine législatif ; aussi sont-ils peu abordés dans ce texte. Il appartiendra donc au Gouvernement de s'inscrire dans le sillage de cette proposition de loi, et de prendre les mesures qui s'imposent.

Chaque élève devrait, lors de son parcours scolaire, être sensibilisé aux causes biologiques des interruptions spontanées de grossesse, à leurs conséquences physiques et psychiques, et aux différentes modalités d'accompagnement qui s'offrent aux couples qui y sont confrontés.

Chaque étudiant en médecine ou en maïeutique devrait recevoir une formation pratique à l'accompagnement des femmes touchées : le « bien dire » est la première étape du « bien guérir ».

Enfin, chaque patiente consultant pour une interruption spontanée de grossesse devrait recevoir un support écrit récapitulant les informations essentielles dont elle a besoin.

Nous, législateurs, ne sommes pas à même d'éradiquer la souffrance que peuvent éprouver les victimes, pas plus que nous ne sommes en mesure de leur rendre la grossesse perdue. Pour autant, nous avons aujourd'hui les moyens de leur offrir un accompagnement plus adéquat et mieux pris en charge pour leur fournir les conditions d'une reconstruction plus sereine. Ne manquons pas cette occasion.

Je vous invite donc à accorder à cette proposition de loi ainsi amendée la vaste majorité qu'elle mérite.

- Présidence de Mme Chantal Deseyne, vice-présidente -

M. Martin Lévrier, rapporteur. - Il me revient, en tant que rapporteur, de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère qu'il comprend des dispositions relatives à l'orientation, à la prise en charge et à l'accompagnement des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et de leur partenaire, celles concernant les compétences des professionnels de santé dans la prise en charge de l'interruption spontanée de grossesse, ainsi que celles relatives aux modalités d'accès à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy.

En revanche, je considère que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux compétences des professionnels de santé, hors du suivi de la grossesse et des interruptions spontanées de grossesse, au régime juridique applicable à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), à l'organisation des professions de santé et à leurs conditions d'installation, ainsi qu'à l'organisation de l'hôpital ou des structures d'exercice coordonné.

Il en est ainsi décidé.

M. Laurent Burgoa. - Au départ, certains députés de la majorité présidentielle se posaient des questions sur l'opportunité du texte, pourtant déposé dans le cadre de la niche du groupe Modem à l'Assemblée nationale. Ils se demandaient les raisons de l'initiative de leur collègue, et estimaient que le sujet n'était pas entièrement traité par les quelques articles du texte.

Je félicite le rapporteur, qui est parvenu à redonner du corps et de la force à ce texte minimal. Ce qui nous est proposé va dans le bon sens. Lors des auditions, nous avons vu que les gynécologues obstétriciens sont plutôt réservés sur ce texte, alors que les représentants des associations de femmes y sont très favorables, ce qui est tout à fait légitime. Le débat sur le remplacement de la dénomination de « fausse couche » par l'expression « interruption spontanée de grossesse » était en particulier intéressant.

Un des articles du texte renvoie vers le dispositif MonParcoursPsy. Mais la difficulté majeure, c'est que nous manquons de psychologues.

Cependant, les propositions de suppression des articles 1er bis et 1er ter vont dans le bon sens. Le rapporteur est cohérent avec les positions du Gouvernement et de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, qui y étaient opposés.

Ce texte permet de renforcer la reconnaissance symbolique accordée à l'interruption spontanée de grossesse, mais il ne représente qu'une étape ; le sujet mériterait un véritable texte, peut-être même un projet de loi. En particulier, les sages-femmes ont été un peu oubliées, alors que, compte tenu du manque de gynécologues-obstétriciens, leur travail d'accompagnement est très important. Le texte initial est pauvre en ce domaine : je déposerai des amendements pour tenter d'y remédier.

Mme Laurence Cohen. - Je remercie également le rapporteur. Ce texte peut être utile et positif pour un certain nombre de femmes et de couples, car le problème est peu abordé.

En revanche, la présentation de cette proposition de loi met en exergue les problèmes bien plus globaux de notre système de santé, notamment pour la psychiatrie, qui est plus que mise à mal. L'accompagnement psychologique est en réalité mal considéré. Si le dispositif MonParcoursPsy ne trouve que peu de volontaires, c'est qu'il a été imaginé et mis en place sans les praticiens, voire contre eux. Que l'on ne s'étonne donc pas que les postes soient vacants... Qui plus est, on impose un nombre restreint de séances aux psychologues y participant : on pourrait presque accuser le Gouvernement de mettre en place un soutien psychologique low cost ! S'il y a beaucoup de postes de psychologues vacants, c'est parce que, malgré leurs années d'études, les psychologues ont des salaires de misère, surtout quand ils veulent travailler en milieu hospitalier ou en centres médico-psychologiques (CMP). Je voulais le dénoncer. Les besoins réels des patientes et des patients ne sont donc pas pris en compte. La santé mentale nécessite plus de moyens, et une autre vision des choses.

Enfin, cher Martin Lévrier, je m'interroge sur vos propos concernant l'éducation scolaire pour expliquer les méfaits psychologiques d'une interruption spontanée de grossesse. J'espère vous avoir mal compris, car ils peuvent emporter un jugement de valeur et peut-être une remise en cause de l'IVG.

Mme Laurence Rossignol. - Voici mon ressenti - ma collègue Émilienne Poumirol entrera davantage dans le détail de la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sur ce texte.

Je suis partagée sur l'esprit de cette proposition de loi. D'un côté, j'identifie bien l'intérêt de lever le tabou et le silence sur les fausses couches : les femmes en parlent assez peu, beaucoup de femmes faisant une fausse couche retournent travailler. Mais d'un autre côté, je suis étonnée, voire choquée par le vocabulaire employé : « drame », « souffrance »... Les fausses couches, que je trouve très pertinent de nommer « interruptions spontanées de grossesse » par ailleurs, sont des accidents de la vie, et non systématiquement et nécessairement des drames, des traumatismes, des souffrances. Arrêtons d'associer systématiquement les femmes à la souffrance et au trauma ! Je le dis à chaque fois que l'on parle de l'IVG, et je le dirai sur l'ISG !

Monsieur le rapporteur, je vous invite donc à changer de vocabulaire : vous commencez par parler de drames, puis vous avancez que les conséquences de ces accidents seraient particulièrement douloureuses pour un tiers des femmes. Il y a donc deux tiers de femmes pour lesquelles cela reste, somme toute, un accident de la vie. Utilisons donc ce mot, pour mieux accompagner celles pour qui il y a des souffrances. Les femmes ne sont pas des clones : nous ne vivons pas toutes les choses de la même façon.

Mme Émilienne Poumirol. - Tout d'abord, nous nous interrogeons sur l'opportunité de ce texte : on a l'impression d'avoir des propositions de loi à la demande sur tous les accidents de la vie, et ces textes ont tendance à figer les choses. Pourtant, comme vient de le dire Laurence Rossignol, il ne s'agit pas toujours d'un drame. Combien de fausses couches passent-elles inaperçues ? Donner automatiquement une connotation dramatique au texte me gêne.

Nous sommes d'accord pour dire que ce sujet ne doit pas être un tabou : il faut en parler, et il faut un accompagnement psychologique dans certains cas. Mais je suis d'accord avec Mme Cohen : MonParcoursPsy n'a pas eu de succès, car ce dispositif a été imposé malgré l'opposition de nombreux psychologues. Ceux-ci travaillent soit en tant que salariés, et touchent alors des salaires misérables, soit en libéral, auquel cas leur consultation n'est pas remboursée, car la profession n'est pas considérée comme une profession paramédicale. C'est une difficulté importante. Passer par MonParcoursPsy me paraît toutefois intéressant.

Il faut insister sur la formation professionnelle, effectivement. Mais concernant l'éducation des jeunes, rappelons qu'à peine 25 % des collèges et lycées proposent des cours sur l'éducation à la vie sexuelle. Pourquoi leur imposer de parler de ce sujet, alors qu'ils ne font même pas l'éducation à la vie sexuelle que la loi prévoit ? Il faut davantage de moyens pour que cette éducation soit effective.

Ensuite, le groupe Écologiste propose, par un amendement, de modifier le code du travail afin d'attribuer un congé spécial à la suite d'une interruption spontanée de grossesse. Nous en reparlerons, mais je crains que cela ne soit stigmatisant pour les femmes : les arrêts de travail liés à une ISG pourraient mettre les femmes en difficulté dans les entreprises, et être la source d'une discrimination supplémentaire pour leur carrière. Je me suis beaucoup posé la question ; l'arrêt maladie ordinaire, attribué par la sage-femme, le médecin traitant ou le gynécologue me semble plus pertinent.

Nous sommes d'accord sur le reste du texte, notamment sur l'accompagnement psychologique, et nous voterons ce texte.

Mme Annick Jacquemet. - J'ai récemment rencontré un représentant de l'Union nationale et syndicale des sages-femmes, qui m'expliquait que les sages-femmes suivaient 40 % des grossesses, en prenant en compte les grossesses physiologiques et les IVG. À l'article 1er bis est abordé le sujet de la visite au cours des quatre semaines suivant l'interruption spontanée de grossesse, habituellement assurée par les médecins. Est-il prévu de permettre aux sages-femmes de réaliser cette visite après l'ISG, puisqu'elles assurent cette visite après un accouchement « normal » ?

Par ailleurs, lors de mes études vétérinaires - et dans la mesure où le sujet peut être rapproché de la médecine humaine -, j'avais appris qu'un avortement pouvait être lié à une anomalie génétique de développement embryonnaire. Cette information doit être partagée avec les femmes, pour dédramatiser certaines situations : une ISG peut aussi être naturelle, la nature expulsant un embryon non viable. Moi aussi, je me demande si nous n'en faisons pas parfois trop : les jeunes femmes enceintes sont placées dans des cocons, protégées, elles ne peuvent plus manger ce qu'elles veulent... La médecine a fait d'énormes progrès, mais parfois les femmes enceintes sont un peu perdues face au nombre d'interdits, souvent fondés, mais parfois excessivement angoissants.

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. -Je me suis moi aussi posé la question de l'opportunité du dispositif prévu par cette proposition de loi. La loi peut-elle réparer un problème qui concerne notamment le manque d'éducation et d'accompagnement ? Ne serait-ce pas en faisant confiance aux professionnels que la réponse pourrait être apportée, en leur donnant les moyens de se former ou de communiquer avec leurs patientes ? Je ne sais pas si cette loi permettra de réparer ces problèmes...

J'adhère à l'ensemble des propos de Mmes Cohen, Rossignol, Poumirol et Jacquemet : il est question d'équilibre. Certaines femmes vivront des drames, mais d'autres auront été préparées par des discussions avec leur famille ou avec des professionnels de santé, et cet événement ne sera qu'un accident dans leur vie. À force de trop légiférer, de trop vouloir protéger, de placer dans des cocons, on perd la capacité de résilience et de résistance face à l'adversité de la vie. Cela me fait peur, dans notre société qui est déjà très abîmée... Il faut apprendre à nos enfants à devenir autonomes. Nos jeunes filles doivent être capables d'assumer ces moments difficiles, pour devenir des femmes à leur tour capables de transmettre une éducation à la santé et la capacité de résister à cette violence qui, à tout moment de notre vie, peut nous altérer, mais aussi nous renforcer.

Mme Mélanie Vogel. - La loi a décidé de partir du présupposé qu'une interruption spontanée de grossesse devrait être accompagnée par un meilleur soin psychologique. Il est vrai que ces accidents de la vie peuvent être traumatisants et dramatiques, et que l'accompagnement doit être amélioré, mais cela n'est pas toujours le cas. Il y a des fausses couches qui ne sont pas remarquées, d'autres qui arrivent à la suite de grossesses non désirées, d'autres qui arrivent à la suite de grossesses désirées, mais qui ne sont pas traumatisantes ; bref, il y a autant de situations que de personnes concernées.

La suppression du délai de carence est bienvenue, et nous y sommes très favorables, mais concentrons-nous sur la disposition, rejetée par l'Assemblée nationale, de créer un congé spécial, au sujet de laquelle nous avons une divergence avec Émilienne Poumirol.

Comme il y a autant de situations que de femmes concernées, la création d'un congé spécial permettrait à certaines personnes de l'utiliser, tandis que d'autres choisiraient de ne pas l'utiliser. Cela respecterait un des principes fondamentaux de l'approche féministe des politiques publiques, qui est de reconnaître l'importance du choix individuel.

Il s'agit du même débat que celui concernant le congé menstruel. On peut considérer que, si l'on ne change rien à la société, cela augmenterait les discriminations sexistes à l'égard des femmes, ou bien partir du principe que cela permettrait de changer les comportements et les mentalités, en normalisant certaines choses, le sexisme n'étant pas considéré comme une fatalité inéluctable à laquelle il faudrait nécessairement s'adapter. Cette divergence existe à l'intérieur même du mouvement féministe. Pour les mêmes raisons que je suis favorable au congé menstruel, je suis favorable à un congé spécial en cas d'interruption spontanée de grossesse : je considère qu'il faut partir du réel pour, avec d'autres nombreuses actions visant à diminuer les discriminations, participer à changer la société.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je suis tout à fait d'accord, l'avantage du congé, c'est qu'il n'a pas à être demandé, c'est un droit : on peut le prendre ou non. D'ailleurs, certains médecins refusent de prescrire un arrêt de travail à la suite d'une perte naturelle de grossesse, puisque ce n'est pas une maladie mais une perte. Cela met encore davantage en relief l'intérêt du congé pour événement familial. Sur le plan sémantique, je préfèrerais parler de « perte naturelle de grossesse », plutôt que d'interruption spontanée de grossesse, pour ne pas faire de parallélisme des formes avec l'IVG. D'après certains spécialistes, une majorité de ces fausses couches sont bienvenues, puisque la nature rejette des anomalies.

Je souhaite revenir sur la suppression de l'article 1er ter, que je trouve étonnante. Le rapporteur avance qu'il y aurait un effet rétroactif, les femmes pouvant demander au bout de quatre mois de grossesse le remboursement de tous leurs frais médicaux. Cette objection ne me semble pas pertinente, car cet effet n'existe pas dans de nombreuses autres lois. J'en veux pour preuve le fait que, dans le droit du travail, on déclare la grossesse au bout de trois mois, lorsque la majorité des fausses couches a déjà eu lieu. À ce titre, une heure par jour de réduction du travail est accordée.

Le droit du travail considère déjà qu'il faut adapter les conditions de travail à partir du troisième mois de grossesse. Plutôt que de supprimer cet article, il aurait été plus pertinent de limiter le dispositif, et de l'aligner sur les délais retenus dans le droit du travail. À partir du troisième mois, un ensemble d'autres éléments médicaux entre en résonance avec l'état de grossesse. Ce n'est pas pour rien que, à partir du sixième mois, on prend en compte des pathologies comme le diabète gestationnel. Plutôt que supprimer cette avancée concernant la prise en charge, nous demandons un alignement temporel de cette étude sur les temporalités reconnues par le droit du travail, avec une prise en charge différentielle à partir du quatrième mois de grossesse.

Mme Catherine Procaccia. - Je tiens à remercier mes collègues Mmes Rossignol, Cohen, et Poumirol, dont les propos me rassurent personnellement : les femmes sont capables d'assumer certaines choses. Il me semble que plus on fait des lois pour protéger les femmes, plus on les fragilise tant psychologiquement que dans leur vie professionnelle.

À propos de vocabulaire, j'ai toujours été choquée par le terme de « tomber » enceinte : on tombe enceinte comme on tombe malade... Je trouve cela bien plus choquant que le terme de « fausse couche »...

Mme Florence Lassarade. - Ce sujet ne me semble pas nécessiter une proposition de loi. J'ai beaucoup travaillé dans ce milieu, et, lors de mes études, j'ai appris qu'une grossesse sur trois était concernée par des aberrations chromosomiques, pouvant conduire à une fausse couche. C'est bien plus fréquent que le taux de un dixième que vous avancez...

Par ailleurs, les cas de fausses couches que j'ai connus ont souvent été associés à un traumatisme. Ce n'est peut-être pas à la loi de s'en occuper, mais il ne faut pas non plus banaliser la chose ! Dans les parcours de procréation médicalement assistée, par exemple la fausse couche est très courante. Une vie parentale commençant par une fausse couche, c'est un traumatisme dont il faut prendre acte, car cela peut avoir des conséquences sur les enfants suivants. Il ne faut pas le nier totalement. Je suis étonnée par le fait qu'à part M. Burgoa, on ne se concentre que très peu sur les conséquences psychologiques de la fausse couche pour une femme...

Mme Brigitte Devésa. - Je remercie le rapporteur de nous avoir éclairés. Au départ, je n'étais pas favorable à cette proposition de loi : on légifère beaucoup, et cela ne me semblait pas utile sur ce sujet.

L'intitulé de la proposition de loi mentionne l'accompagnement « des couples confrontés à une fausse couche. » Je m'interroge : l'intégralité des articles de la proposition de loi concerne l'accompagnement des femmes, et je ne vois pas en quoi le couple fait l'objet d'une quelconque réflexion.

Je ne reviens pas sur la situation des sages-femmes, qui ont une mission essentielle. Externaliser le suivi à un psychologue peut être une amélioration, mais il faut reconnaître qu'elles font tout ce qu'il faut, et qu'elles sont peut-être les mieux placées pour suivre les personnes en détresse.

M. Martin Lévrier, rapporteur. - Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à cette proposition de loi.

Le texte était orienté sur les femmes directement concernées par l'accompagnement prévu par le texte, c'est-à-dire celles qui ne vivent pas leur interruption spontanée de grossesse comme un accident de la vie, mais comme un événement blessant, voire traumatisant. Je voulais moi aussi dédramatiser ces accidents de la vie : c'était l'objet du travail mené lors de nos auditions, où nous avons approché la question en lissé. J'ai appris lors de ces auditions que les fausses couches étaient souvent considérées comme une espèce de parenthèse, dont personne ne parlait jamais. Ce tabou concourt à ce que cet accident de la vie devienne un traumatisme, pour certaines femmes. Le moyen le plus simple d'en parler, et donc de dédramatiser ces accidents de la vie, c'est justement par le biais de l'éducation au fait que cet événement peut arriver durant la grossesse, le plus souvent naturellement, qu'il ne résulte pas d'une erreur de la femme enceinte. Mais cela relève d'un parcours pédagogique, qu'il ne revient pas à la loi d'établir, mais au pouvoir réglementaire. J'appelle de mes voeux, comme je l'ai dit dans mon intervention, que les programmes du secondaire évoluent dans le sens d'une meilleure prise en compte de ces problématiques. J'entends que mes paroles aient pu paraître anxiogènes, mais je m'adressais aux femmes qui ont vécu ces événements comme des drames. Il ne faut pas les perdre de vue.

Monsieur Burgoa, une nouvelle compétence est déjà prévue aujourd'hui pour les sages-femmes dans ce texte, à savoir l'adressage de leurs patientes et, le cas échéant, en cas d'interruption spontanée de grossesse, de leur partenaire vers des psychologues conventionnés, dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy.

Madame Cohen, je n'ai jamais souhaité remettre en cause l'IVG. J'aurais aimé que cette loi établisse un dispositif pédagogique en amont, chez les jeunes comme chez les étudiants, qui n'ont aucune formation à l'accompagnement des femmes subissant une fausse couche.

Madame Vogel, concernant le congé consécutif à une fausse couche, nous avons préféré nous limiter à la suppression du délai de carence. Il s'agit d'un premier pas, essentiel et important. Faut-il aller jusqu'à un congé spécial pour événement familial ? Je n'en suis pas convaincu pour l'instant, mais je reconnais que les arguments sont valables. Il revient peut-être plus à une femme de résoudre cette question...

Madame Jacquemet, la proposition de loi n'a pour l'instant rien prévu au sujet des compétences des sages-femmes dans le suivi médical des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse. Elle permet seulement l'adressage que j'ai évoqué. Je proposerai un amendement de suppression de l'article auquel vous faites référence, considérant qu'il revient aux médecins et aux sages-femmes de prescrire, si nécessaire, des visites médicales complémentaires, en toute indépendance professionnelle, et en aucun cas à la loi.

Mesdames, Rossignol, Poumirol et Procaccia, il ne faut pas que cette loi devienne une loi d'émotion - je me bats contre de telles lois. Mais, comme le disait madame Lassarade, il est indéniable que certaines femmes souffrent énormément après avoir vécu une interruption spontanée de grossesse, et on ne peut pas faire comme s'il ne se passait rien.

Madame Poncet Monge, je propose de supprimer l'article 1er ter également parce qu'il s'agit d'une demande de rapport. Il faut traiter le sujet autrement.

Enfin, Madame Devésa, le partenaire est vraiment un sujet de préoccupation de cette proposition de loi. En cas d'interruption spontanée de grossesse de sa compagne, la sage-femme qui a suivi la grossesse pourra désormais adresser le partenaire à un psychologue conventionné afin qu'il puisse bénéficier du dispositif MonParcoursPsy. Le sujet a été abordé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (nouveau)

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-6 tend à modifier l'intitulé du parcours pour préférer l'expression « interruption spontanée de grossesse ».

L'amendement COM-6 est adopté.

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-7 tend à renforcer les objectifs d'information assignés aux parcours. Il nous a paru important que, dans le cadre des parcours, les femmes qui subissent ce genre de désagrément soient mieux informées.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'article 1er A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er B (nouveau)

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-3 a pour objet de créer un congé pour événement familial de trois jours minimum pour les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse. Ce congé serait à la charge de l'employeur.

Au contraire de l'arrêt maladie sans jour de carence prévu par le texte, le congé pour événement familial nécessite l'information de l'employeur quant aux motifs de l'arrêt de travail. Révéler son interruption spontanée de grossesse à son employeur pourrait exposer les personnes qui y sont confrontées à des discriminations potentielles supplémentaires pour raisons familiales, en dévoilant un désir réel ou supposé de parentalité. En ce sens, le recours à un congé de maladie indemnisé par l'assurance maladie plutôt qu'à un congé pour événement familial à la charge de l'employeur répond à une préoccupation pour l'égalité professionnelle. La discrétion professionnelle répond, selon les auditions, à une préoccupation univoque des femmes confrontées à des interruptions spontanées de grossesse. J'émets donc, sur cet amendement, un avis défavorable mais c'est un vrai sujet, dont nous reparlerons en séance.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-8 tend à étendre aux indépendantes la levée du délai de carence sur les arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse. Le ministre de la santé et de la prévention ayant clairement exprimé son intention que la mesure concerne les indépendantes au banc de l'Assemblée nationale, l'amendement est couvert et donc recevable financièrement. Par ailleurs, nous avons demandé au Gouvernement de déposer un amendement de séance afin d'intégrer les non-salariées agricoles.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 1er B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1er

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à permettre la vidéotransmission de séances de suivi psychologique dans les zones sous-denses.

Le code de la santé publique permet déjà la réalisation de séances par vidéotransmission, à l'exception de la première séance, consacrée à un entretien d'évaluation. Ces règles ménagent un équilibre pertinent entre accès aux soins et qualité de l'accompagnement psychologique. De plus, prévoir des règles distinctes en la matière, selon que le trouble psychologique est consécutif à une interruption spontanée de grossesse ou non, ne me paraît pas souhaitable. En conséquence, mon avis est défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 1erbis (nouveau)

L'amendement de suppression COM-10 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-5 devient sans objet.

L'article 1er bis est supprimé.

Après l'article 1erbis (nouveau)

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-2 a pour objet d'intégrer aux séances d'éducation à la sexualité dispensées dans les collèges et les lycées une sensibilisation aux risques liés à la grossesse, notamment en matière d'interruption spontanée de grossesse. Je suis totalement en accord avec le constat, comme je m'en suis expliqué. Toutefois, cette proposition de loi ne paraît pas être le véhicule adéquat pour déterminer ce qui relève des projets pédagogiques. Avis défavorable.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Article 1erter (nouveau)

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-11 vise à supprimer la demande de rapport sur l'extension de l'assurance maternité dès les premières semaines de grossesse.

L'amendement COM-11 est adopté.

L'article 1er ter est supprimé.

Article 2 (Supprimé)

L'article 2 demeure supprimé.

Intitulé de la proposition de loi

M. Martin Lévrier, rapporteur. - L'amendement COM-12 vise à modifier l'intitulé de la proposition de loi afin de lui substituer l'expression « interruption spontanée de grossesse ».

L'amendement COM-12 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er A (nouveau)
Mise en place d'un parcours fausse couche

M. LÉVRIER, rapporteur

6

Modification de l'intitulé du parcours pour préférer l'expression « interruption spontanée de grossesse »

Adopté

M. LÉVRIER, rapporteur

7

Renforcement des objectifs d'information assignés aux parcours

Adopté

Mme PONCET MONGE

1

Mise en place d'un dossier-guide et d'un numéro vert

Irrecevable
au titre de l'art. 40
de la Constitution

Article 1er B (nouveau)
Suppression du délai de carence pour l'indemnisation des arrêts maladie
faisant suite à une interruption spontanée de grossesse

Mme Mélanie VOGEL

3

Création d'un congé pour événement familial de trois jours minimum pour les couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse

Rejeté

M. LÉVRIER, rapporteur

8

Extension aux indépendantes de la levée du délai de carence sur les arrêts de travail consécutifs à une interruption spontanée de grossesse

Adopté

Article 1er
Possibilité d'adressage par les sages-femmes à un psychologue conventionné
dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy

Mme Mélanie VOGEL

4

Réalisation de séances de suivi psychologique par vidéotransmission dans les zones sous-denses

Rejeté

Article 1er bis (nouveau)
Obligations des médecins et sages-femmes prenant en charge une femme victime
d'une interruption spontanée de grossesse

M. LÉVRIER, rapporteur

10

Suppression de l'article

Adopté

Mme Mélanie VOGEL

5

Obligation d'informer la patiente sur les possibilités d'accompagnement psychologique

Satisfait ou sans objet

Article(s) additionnel(s) après Article 1er bis (nouveau)

Mme PONCET MONGE

2

Intégration aux séances d'éducation à la sexualité d'une sensibilisation aux risques liés à la grossesse, couvrant notamment les interruptions spontanées de grossesse

Rejeté

Article 1er ter (nouveau)
Demande de rapport sur l'extension de l'assurance maternité à tous les frais médicaux de la femme enceinte

M. LÉVRIER, rapporteur

11

Suppression de la demande de rapport sur l'extension de l'assurance maternité dès les premières semaines de grossesse

Adopté

Article 2 (Supprimé)
Gage financier de la proposition de loi

Proposition de loi visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche

M. LÉVRIER, rapporteur

12

Modification de l'intitulé de la proposition de loi pour préférer l'expression « interruption spontanée de grossesse »

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 62(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie63(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte64(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial65(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 12 avril 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 417 (2022-2023) visant à favoriser l'accompagnement des couples confrontés à une fausse couche.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- à l'orientation, à la prise en charge et à l'accompagnement des femmes confrontées à une interruption spontanée de grossesse et de leur partenaire ;

- aux compétences des professionnels de santé dans la prise en charge de l'interruption spontanée de grossesse ;

- aux modalités d'accès à un psychologue conventionné dans le cadre du dispositif MonParcoursPsy.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :

- aux compétences des professionnels de santé, hors du suivi de la grossesse et des interruptions spontanées de grossesse ;

- au régime juridique applicable aux interruptions volontaires de grossesse ;

- à l'organisation des professions de santé et à leurs conditions d'installation ;

- à l'organisation de l'hôpital ou des structures d'exercice coordonné.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

___________

Auditions

· Collectif « Fausse couche, vrai vécu »

Judith Aquien, cofondatrice du collectif et du Parental Challenge, autrice de Trois mois sous silence. Le Tabou de la condition des femmes en début de grossesse (Payot, 2021)

Mathilde Lemiesle, cofondatrice du collectif, autrice de Mes presques riens (Lapins, 2021) et du compte Instagram du même nom

Sandra Lorenzo, cofondatrice du collectif, journaliste et autrice de Une fausse couche comme les autres (First, 2022)

Dr Meryam Cheloufi, gynécologue obstétricienne à la maternité de l'hôpital Trousseau (Paris)

· Association Agapa

Valérie David-Bellouard, présidente

Marie Pépin, déléguée générale

· Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)

Pr Alexandra Benachi, vice-présidente (obstétrique)

· Fédération française des psychologues et de la psychologie (FFPP)

Gladys Mondière, présidente

· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)

Anne Hégoburu, sous-directrice de la régulation de l'offre de soins

Frédérique Collombet-Migeon, chargée de mission santé de la femme au sein du bureau en charge des plateaux techniques et prises en charge hospitalières aiguës

· Direction de la sécurité sociale (DSS)

Marion Muscat, adjointe à la sous-directrice chargée du financement de l'accès aux soins, prestations familiales et ATMP

Marion Mathieu, adjointe au chef de la mission de coordination et de la gestion du risque maladie

Anne-Laure Boutounet, chargée de mission indemnités journalières maternité

Contributions écrites

· Conseil national de l'Ordre des médecins

· Conseil national de l'Ordre des sages-femmes

LA LOI EN CONSTRUCTION

___________

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-417.html


* 1 Recommandations pour la pratique clinique élaborées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Les pertes de grossesse (texte court).

* 2 Ibid.

* 3 Niels Tavernier, « Et si on s'écoutait - épisode 2 : Allez, vous en ferez un autre ! », février 2020.

* 4 Programme de connaissances du deuxième cycle annexe à l'arrêté du 8 avril 2023 relatif au régime des études en vue du premier et du deuxième cycle des études médicales.

* 5 Arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d'études spécialisées et fixant la liste de ces diplômes et des options et formations spécialisées transversales du troisième cycle des études de médecine.

* 6 Article 3 de la loi n° 2023-29 du 25 janvier 2023 visant à faire évoluer la formation de sage-femme.

* 7 Arrêté du 11 mars 2013 relatif au régime des études en vue du diplôme d'État de sage-femme.

* 8 Article 11 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 9 Article L. 1111-2 du code de la santé publique.

* 10 Article L. 1111-4 du code de la santé publique.

* 11 Articles L. 312-16 et suivants du code de l'éducation.

* 12 Article L. 321-1 du code de la sécurité sociale.

* 13 Les conditions incluent notamment le paiement d'un montant minimal de cotisations aux termes des articles L. 313-1 (régime général), L. 711-5 (régimes spéciaux) et L. 622-3 (indépendants) du code de la sécurité sociale, et une durée minimale d'affiliation aux termes de l'article L. 622-3 du code de la sécurité sociale (indépendants) et de l'article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime (régime des non-salariés agricoles).

* 14 Par exemple, 89 jours pour les assurés du régime des indépendants aux termes de l'article D. 622-12 du code de la sécurité sociale, un an pour les fonctionnaires.

* 15 À l'exception des avocats, dont le congé pour maladie ne relève ni de l'État, ni de la sécurité sociale aux termes de l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale.

* 16 Articles L. 323-4 et R. 323-5 du code de la sécurité sociale.

* 17 Articles L. 323-4, R. 323-4 et R. 323-9 du code de la sécurité sociale.

* 18 Article D. 622-7 du code de la sécurité sociale.

* 19 Article L. 732-4-1 du code rural et de la pêche maritime.

* 20 Articles L. 1226-1 et L. 1226-1-1 du code du travail.

* 21 Cancer, déficit immunitaire grave et acquis, maladie mentale, tuberculose, poliomyélite.

* 22 Article L. 732-4 du code rural et de la pêche maritime pour les non-salariés agricoles, et, par alignement sur les assurés du régime général, article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime pour les salariés agricoles, article L. 622-1 du code de la sécurité sociale pour les indépendants.

* 23 Article 115 de la loi de finances pour 2018

* 24 Article R. 323-1 du code de la sécurité sociale.

* 25 Article R. 742-2 du code rural et de la pêche maritime, par alignement sur les assurés du régime général.

* 26 Article D. 622-12 du code de la sécurité sociale.

* 27 Article D. 732-2-2 du code rural et de la pêche maritime.

* 28 Pour des grossesses multiples ou à compter du troisième enfant, la durée de versement est accrue. Le commentaire sur l'article 1er ter fournit de plus amples informations à ce sujet.

* 29 Hors cas de famille nombreuse ou grossesse multiple.

* 30 Article 79 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021.

* 31 Article L. 162-58 du code de la sécurité sociale.

* 32 Article L. 1110-4 du code de la santé publique.

* 33 Décret n° 2022-195 du 17 février 2022 relatif à la prise en charge des séances d'accompagnement réalisées par un psychologue.

* 34 Article R. 162-65 du code de la sécurité sociale.

* 35 Article R. 162-69 du code de la sécurité sociale.

* 36 Article 2 de l'arrêté du 8 mars 2022 précité.

* 37 Article R. 162-60 du code de la sécurité sociale.

* 38 Article R. 162-64 du code de la sécurité sociale.

* 39 Article 1er de l'arrêté du 8 mars 2022 relatif aux tarifs, codes de facturation et critères d'inclusion du dispositif de prise en charge de séances d'accompagnement psychologique.

* 40 Igas, « L'évolution de la profession de sage-femme », juillet 2021, p. 88.

* 41 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 42 Loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

* 43 Loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification.

* 44 Article 86 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

* 45 Article L. 2122-1 du code de la santé publique.

* 46 Drees, « Médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens : combien de professionnels à l'horizon 2050 ? », 26 mars 2021.

* 47 Réponses de la Fédération française des psychologues et de psychologie au questionnaire adressé par le rapporteur.

* 48 Rapport d'activité « La direction de la sécurité sociale en 2022 », mars 2023.

* 49 « Bilan démographique 2022 », Insee Première n° 1889, janvier 2023.

* 50 Article 11 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

* 51 Article L. 1111-2 du code de la santé publique.

* 52 Article L. 1111-4 du code de la santé publique.

* 53 Article R. 4127-35 du code de la santé publique.

* 54 Article R. 4127-36 du code de la santé publique.

* 55 Articles R. 4127-8 et R. 4127-311 du code de la santé publique.

* 56 Articles R. 4127-40 et R. 4127-314 du code de la santé publique.

* 57 Articles R. 4127-32 et R. 4127-325 du code de la santé publique.

* 58 Recommandations pour la pratique clinique élaborées par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, Les pertes de grossesse (texte court).

* 59 Aux termes de l'article L. 331-3 du code de la sécurité sociale, le congé maternité s'étend de douze semaines avant le terme à vingt-deux semaines après le terme prévu pour des jumeaux ; et de vingt-quatre semaines avant le terme à vingt-deux semaines après le terme prévu pour la naissance de plus de deux enfants.

* 60 Aux termes de l'article L. 331-4 du code de la sécurité sociale, le congé maternité s'étend sur vingt-six semaines lorsque le ménage assume déjà la charge d'au moins deux enfants ou lorsque l'assurée a déjà mis au monde deux enfants nés viables.

* 61 Frais médicaux, pharmaceutiques, relatifs aux analyses et aux examens de laboratoires, frais d'appareil et frais d'hospitalisation, frais de soin.

* 62 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 63 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 64 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 65 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.