N° 492

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 avril 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève,

Par M. Philippe TABAROT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli, premier vice-président ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine, MM. Jean Bacci, Pierre Barros, Jean-Pierre Corbisez, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz, Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret, Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Georges Naturel, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet, MM. Hervé Reynaud, Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Mme Denise Saint-Pé, MM. Philippe Tabarot, Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, M. Michaël Weber.

Voir les numéros :

Sénat :

344 et 493 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant les orientations du rapporteur Philippe Tabarot, a adopté le 3 avril 2024 la proposition de loi d'Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues, visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève, sous le bénéfice de 10 amendements.

Ce texte propose de définir une période maximale de 60 jours par an au cours desquels l'exercice du droit de grève dans les services publics de transport pourrait être suspendu. Seraient ainsi sanctuarisées certaines périodes correspondant à de grands départs, pendant lesquelles les usagers auraient la garantie qu'une grève ne pourrait pas perturber le bon fonctionnement des services de transports publics.

Considérant que les grèves réalisées les jours d'afflux massifs de voyageurs portent une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir et à l'ordre public, la commission a approuvé l'article unique, sous le bénéfice de deux amendements tendant notamment à renforcer sa proportionnalité et, partant, sa constitutionnalité.

Au-delà de la définition d'un cadre applicable aux journées de grands départs, la commission a entendu garantir la continuité des services publics pour les mobilités du quotidien, en complétant le texte par quatre articles. Les usagers empruntant chaque jour les transports collectifs pour se rendre sur leur lieu de travail, et a fortiori ceux qui ne peuvent pas télétravailler, sont en effet ceux qui pâtissent le plus des conséquences des grèves.

Enfin, le droit de grève est un droit constitutionnel précieux. Telle est la raison pour laquelle la commission a estimé essentiel de lutter contre les détournements de son exercice, que sont notamment le recours abusif aux préavis « dormants » et les grèves de 59 minutes. Elle a enrichi le texte par deux articles afin d'encadrer ces pratiques.

I. SANCTUARISER LES JOURS D'AFFLUX MASSIFS DE VOYAGEURS PAR UNE SUSPENSION DU DROIT DE GRÈVE

A. SUSPENDRE L'EXERCICE DU DROIT DE GRÈVE SUR CERTAINES PÉRIODES DE GRANDS DÉPARTS : UN DISPOSITIF DÉJÀ EN PLACE EN ITALIE

L'article unique de la proposition de loi prévoit la possibilité de suspendre l'exercice du droit de grève des personnels et agents concourant directement au fonctionnement et à la gestion des services publics de transports terrestres et aériens réguliers de personnes, pour des périodes continues de 15 jours maximum, dans la limite de 60 jours par an.

Ces périodes seraient déterminées par décret, publié au moins 90 jours avant la première concernée, et après 30 jours de négociation préalable avec les organisations syndicales patronales et salariales représentatives au niveau national.

Le manquement au respect de ces règles serait puni d'une amende de 15 000 euros, d'un an d'emprisonnement et d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle en lien avec un service public durant 5 ans.

Le dispositif proposé trouve sa source dans le modèle italien en vigueur depuis plus de 30 ans. Dans des termes analogues à ceux du bloc de constitutionnalité français, l'article 40 de la Constitution italienne prévoit que : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Aussi, la loi italienne du 12 juin 1990 permet, pour certains services publics considérés comme essentiels -- et dont les transports publics font partie -- de prévoir l'abstention de grève des contingents de travailleurs strictement nécessaires à l'exécution des services. Ces périodes d'exemption, au cours desquelles aucune grève ne peut être déclenchée, sont définies par l'accord conclu dans le secteur des transports ferroviaires en 1999 (modifié en 2021) entre l'entreprise ferroviaire publique italienne et les syndicats de cheminots.

B. RENFORCER LA CONSTITUTIONNALITÉ DU DISPOSITIF POUR ASSURER UNE CONCILIATION ÉQUILIBRÉE ENTRE LE DROIT DE GRÈVE ET D'AUTRES DROITS ET LIBERTÉS CONSTITUTIONNELS

Le droit de grève est un droit constitutionnel : le septième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 énonce ainsi que « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Ainsi que l'a énoncé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 1979, « en édictant cette disposition, les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu'il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte ».

Or, il apparaît que l'exercice du droit de grève lors des jours de grands afflux de voyageurs est de nature à porter une atteinte disproportionnée à la continuité du service public, à la liberté d'aller et venir ainsi qu'à la préservation de l'ordre public. En outre, la France s'est dotée d'objectifs ambitieux de décarbonation du secteur des transports, ce qui doit conduire à un important report modal vers les transports collectifs : or, ces mouvements de grève sont de nature à nourrir l'incompréhension et l'insatisfaction des usagers, qui, face à ces situations, se reportent sur des modes plus fiables mais plus polluants (voiture, avion).

« Le sujet des grèves et du manque de fiabilité est identifié comme un des principaux freins au développement du ferroviaire et participe à l'écart de compétitivité entre le rail et la route. »

Association française du rail

La proposition de loi entend répondre à cette difficulté en permettant de suspendre le droit de grève sur ces périodes. La commission souscrit pleinement à cette évolution de notre droit. Attachée à la sécurité juridique du texte, elle a veillé, à l'initiative du rapporteur, à en renforcer la constitutionnalité ( amdt) pour :

- restreindre l'application de la suspension du droit de grève aux seuls personnels dont le concours est indispensable au fonctionnement des services de transport ;

- préciser les périodes concernées par ces suspensions (à la fois les types de jours concernés [jours fériés, vacances, élections, événements d'importance majeure], mais aussi les plages horaires, en les limitant aux heures de pointe) ;

- diminuer le nombre maximum de jours concernés par cette suspension (en les portant de 60 à 30 par an, sur des périodes de 7 jours continus maximum, plutôt que 15) ;

- remplacer les sanctions pénales par des sanctions disciplinaires, plus adaptées et plus proportionnées à un manquement à une obligation professionnelle.

Cet amendement précise également le champ d'application du dispositif, en le circonscrivant aux seuls services publics de transport terrestre régulier de personnes et aux services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs (hormis les liaisons internationales), et en en excluant le secteur aérien. Enfin, la commission a souhaité, à titre transitoire, réduire le délai entre la publication du décret et la première période de suspension, afin de permettre son application aux jeux Olympiques et Paralympiques à venir ( amdt).

II. PROTÉGER LES MOBILITÉS DU QUOTIDIEN DES EFFETS EXCESSIFS DES MOUVEMENTS SOCIAUX

A. LES MODALITÉS D'EXERCICE DU DROIT DE GRÈVE DANS LES TRANSPORTS PUBLICS : UNE INSUFFISANTE GARANTIE POUR RENDRE LE SERVICE PRÉVISIBLE

Dans les services publics de transports terrestres les opérateurs doivent, en cas de grève, assurer la continuité du service et la prévisibilité du trafic à travers la mise en oeuvre d'un plan de transport adapté. Ce plan est conforme à des priorités de dessertes définies par l'autorité organisatrice de transports (AOT) et à des niveaux de service qui y correspondent.

Pour le mettre en oeuvre, les opérateurs peuvent revoir l'organisation du travail dans les conditions définies par un accord de prévisibilité conclu avec les syndicats représentatifs, ou, à défaut, par un plan de prévisibilité fixé unilatéralement. Ils réaffectent le personnel disponible (personnel non gréviste). Les employeurs disposent, à cet effet, de déclarations individuelles de participation à la grève transmises par les salariés 48 heures en avance. Ces derniers peuvent y renoncer dans un délai supplémentaire de 24 heures.

Cependant, ces délais, trop courts, ne donnent pas aux opérateurs le temps nécessaire pour adapter l'offre de transport en conséquence. Ils n'ont, en effet, en pratique, pas la capacité de fournir aux usagers une information prévisible et fiable en amont de la grève alors qu'ils ont l'obligation d'y procéder 24 heures avant le début du mouvement.

En outre, en cas de grève très suivie, les opérateurs sont tenus d'assurer un niveau minimal de service qui correspond à la couverture des besoins essentiels de la population. Pour autant, ils ne disposent pas des moyens pour le garantir, puisqu'ils n'ont aucun pouvoir d'imposer aux salariés nécessaires une astreinte qui leur permettrait de respecter cette obligation.

B. GARANTIR UN RÉEL SERVICE MINIMUM POUR LES USAGERS EN CAS DE GRÈVE

Le droit actuel n'assure pas une protection adéquate des mobilités du quotidien, et notamment des trajets domicile-travail. La commission a donc choisi d'avancer de 24 heures les délais de déclaration individuelle ( amdt) : les grévistes devront désormais se signaler 72 heures en amont du mouvement et pourront renoncer à y participer 48 heures en avance. Cette évolution paramétrique devrait permettre aux opérateurs d'optimiser le service, et d'assurer une meilleure conciliation entre l'exercice du droit de grève et la liberté d'aller et venir. Elle facilitera aussi l'information des voyageurs et sa fiabilité, et limitera ainsi les potentiels troubles à l'ordre public liés à l'accueil d'usagers venus en gare sur la base d'informations erronées.

La commission a également précisé que le niveau minimal de service couvre les besoins essentiels de la population, notamment aux heures de pointe ( amdt). Elle entend par ailleurs le transformer en un véritable service minimum garanti en ouvrant la possibilité aux AOT d'enjoindre aux entreprises de transport de réquisitionner les personnels indispensables pour assurer ce niveau minimal de service lorsqu'il n'est pas observé trois jours de suite ( amdt).

Par ailleurs, le transport maritime de voyageurs à destination des îles françaises ne bénéficie actuellement pas des mesures tendant à assurer la prévisibilité du trafic et l'information des voyageurs en cas de grève. Afin d'assurer la continuité territoriale et la continuité du service public, la commission a corrigé cette anomalie ( amdt).

III. EN FINIR AVEC LES DÉTOURNEMENTS DU DROIT DE GRÈVE

A. DES DÉTOURNEMENTS TROP FRÉQUENTS DU DROIT DE GRÈVE PORTENT ATTEINTE AU DIALOGUE SOCIAL ET ONT DE LOURDES CONSÉQUENCES SUR LE TRAFIC

Dans les services publics de transports, les grèves ne peuvent avoir lieu que 5 jours francs après le dépôt d'un préavis. En amont de ce dépôt, une procédure « d'alarme sociale » doit en outre être enclenchée. Ces dispositions tendent à favoriser le dialogue social afin que la grève n'ait lieu qu'en dernier recours, après son éventuel échec.

Or, certaines organisations syndicales déposent des préavis de grève de longue durée, voire illimités, ce qui conduit à contourner cette période de dialogue social. Il est en effet possible pour les agents de participer à une grève en s'appuyant sur un préavis déposé plusieurs mois plus tôt, appelé couramment « préavis dormant », de sorte que la période de négociation à laquelle sont tenues les parties prenantes ne joue plus son rôle de prévention des conflits. En outre, ces préavis permanents sont parfois utilisés par certains personnels pour des raisons individuelles, alors que la grève est un droit collectif et revendicatif.

Ils peuvent en outre servir de support aux grèves de courte durée ou « grèves de 59 minutes ». Certains salariés peuvent en effet faire grève moins d'une heure, à un moment stratégique de la journée, ce qui rend impossible leur réaffectation et a de lourdes conséquences sur le trafic. Celles-ci ne sont dans ce cas pas proportionnées au coût assez faible supporté par le salarié.

B. IL EST LÉGITIME D'Y METTRE FIN AFIN DE PRÉSERVER L'EXERCICE LICITE DE LA GRÈVE

La commission, sur la proposition du rapporteur, a prévu la limitation à 30 jours des préavis de grève dans les services publics de transport et la caducité de ceux qui n'ont pas été utilisés par au moins deux agents pendant une période de quarante-huit heures ( amdt). Une telle disposition permet d'empêcher des contournements du dialogue social et des détournements du droit collectif de grève pour des raisons individuelles.

La commission a également précisé qu'en cas de risque de désordre manifeste à l'exécution du service public, les salariés devant déclarer individuellement leur participation à la grève seraient tenus d'exercer leur droit de grève uniquement au début de l'une de leurs prises de service et jusqu'à son terme afin de ne pas causer des effets disproportionnés ( amdt).

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Suspension de l'exercice du droit de grève
des personnels et agents concourant au fonctionnement
des services publics de transport régulier de personnes
pendant certaines périodes

Cet article vise à suspendre l'exercice du droit de grève des personnels et agents concourant au fonctionnement des services publics de transport régulier de personnes, terrestres et aériens, durant certaines périodes déterminées annuellement par décret.

La commission a adopté un amendement visant, d'une part, à clarifier le champ d'action du dispositif en précisant qu'il s'applique aux services publics de transport terrestre ainsi qu'aux services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs et en en excluant les services de transport aérien. D'autre part, la commission a veillé à renforcer la constitutionnalité du mécanisme prévu, en prévoyant notamment de :

- limiter son application aux seuls personnels dont le concours est indispensable pour assurer le bon fonctionnement du service ;

- préciser et restreindre les périodes ainsi que les plages horaires concernées par cette interdiction ;

- substituer aux sanctions pénales des sanctions disciplinaires.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

I. Le cadre d'exercice du droit de grève dans les transports, qui a montré ses limites, doit être concilié avec la continuité du service public et la liberté d'aller et venir

A. Les aménagements de l'exercice du droit de grève applicables aux services de transport terrestre de voyageurs ne permettent pas d'assurer une protection suffisante des droits des passagers

1) Il revient au législateur d'assurer la conciliation entre l'exercice du droit de grève et les autres libertés et objectifs à valeur constitutionnelle

Le droit de grève est un droit de valeur constitutionnelle. Le septième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 énonce ainsi que « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Ainsi que l'a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juillet 1979, « en édictant cette disposition les constituants ont entendu marquer que le droit de grève est un principe de valeur constitutionnelle, mais qu'il a des limites et ont habilité le législateur à tracer celles-ci en opérant la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève peut être de nature à porter atteinte »1(*). Le Conseil constitutionnel a ainsi souligné le caractère particulier du droit de grève dont l'exercice implique une atteinte à d'autres intérêts, et, en particulier à l'intérêt général ainsi qu'à l'exercice d'autres droits et libertés protégés par la Constitution.

Le législateur dispose donc d'une marge d'appréciation afin de concilier l'exercice du droit de grève et l'intérêt général. Il lui est donc loisible de « définir les conditions d'exercice du droit de grève et de tracer la limite séparant les actes et les comportements qui constituent un exercice licite de ce droit des actes et comportements qui en constitueraient un usage abusif »2(*). Cette réglementation de l'exercice du droit de grève doit cependant respecter son principe et ne peut aboutir à sa dénaturation.

Il revient donc au législateur d'assurer tout particulièrement la conciliation du droit de grève avec d'autres principes et objectifs à valeur constitutionnelle. C'est notamment le cas, selon une jurisprudence constante3(*) et récemment confirmée4(*), du principe de continuité du service public. Dans ce cas, les limitations du droit de grève « peuvent aller jusqu'à l'interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l'interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays »5(*). Le Conseil constitutionnel a explicitement mentionné ces besoins essentiels à propos du service public de la radio et de la télévision6(*). La doctrine a souligné à cette occasion la liberté appartenant au législateur dans la détermination de ces besoins essentiels, car « juger des besoins essentiels du pays est une question bien plus politique que juridique ou, en termes de droit administratif, une question d'opportunité et non de légalité »7(*). Il lui revient donc souverainement de préciser quels sont ces besoins.

Le Conseil constitutionnel a dégagé plusieurs autres principes à valeur constitutionnelle dont la préservation justifie des limitations au droit de grève. C'est notamment le cas de « la protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens »8(*). Plus récemment, le Conseil constitutionnel a considéré que la protection de l'objectif à valeur constitutionnelle de « préservation de l'ordre public »9(*) pouvait justifier des aménagements de l'exercice du droit de grève des travailleurs du transport aérien dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols. Il est notable que, dans ce dernier cas, les restrictions apportées au droit de grève dont la conformité à la Constitution a été soumise au Conseil constitutionnel s'appliquent indistinctement aux travailleurs qui concourent ou non à un service public.

Le Conseil constitutionnel a récemment accepté que des limitations puissent être apportées à l'exercice du droit de grève afin qu'il ne soit pas porté atteinte aux « besoins essentiels des usagers »10(*) des services publics de collecte et de traitement des déchets des ménages, de transport public de personnes, d'aide aux personnes âgées et handicapées, d'accueil des enfants de moins de trois ans, d'accueil périscolaire et de restauration collective et scolaire.

Les aménagements à l'exercice du droit de grève définis par le législateur doivent être justifiés et proportionnés à l'objectif d'intérêt général qu'il poursuit. Les seules restrictions possibles sont donc celles qui sont « nécessaires à la sauvegarde des objets d'intérêt général »11(*) visés par la loi. C'est la raison pour laquelle les dispositifs tendant à encadrer l'exercice du droit de grève individuel des agents ne peuvent être étendus à l'ensemble d'entre eux. Leur application est restreinte au cas de ceux dont l'absence est de nature à affecter directement le service. Dans sa décision n° 2023-859 DC du 21 décembre 2023, le Conseil constitutionnel a ainsi relevé que l'obligation de déclaration préalable de participation à la grève « ne s'applique qu'aux agents assurant des fonctions de contrôle, d'information et d'alerte et dont l'absence est de nature à affecter directement les vols ». Le champ d'application des dispositions encadrant le droit de grève doit également être déterminé précisément par le législateur.

Celui-ci ne peut déléguer sa compétence de réglementation du droit de grève. Néanmoins, dans sa décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007, le Conseil constitutionnel a souligné qu'il « est loisible au législateur de renvoyer au décret ou de confier à la convention collective le soin de préciser les modalités d'application des règles fixées par lui pour l'exercice du droit de grève ». Cependant, ce renvoi ne doit pas mener à ce que le législateur se dessaisisse de sa compétence. Il n'est donc possible qu'à la condition que « la loi fixe l'objet, encadre le contenu et précise les conditions de la mise en oeuvre de ce décret, qui doit se borner à prévoir les modalités d'application de la loi ».

Le législateur peut même habiliter les partenaires sociaux à préciser les modalités concrètes d'application des normes qu'il édicte. Ainsi, un accord collectif peut « déterminer les fonctions et le nombre d'agents indispensables ainsi que les conditions d'organisation du travail et d'affectation au sein du service des agents présents »12(*). Le législateur ne méconnaît pas non plus l'étendue de sa compétence en prévoyant qu'à défaut d'accord, l'employeur définit unilatéralement ces modalités.

Les décisions du Conseil constitutionnel relatives à l'exercice du droit de grève

Le Conseil constitutionnel a en effet rendu 9 décisions dans lesquelles il a exercé un contrôle du respect du droit de grève par les dispositions adoptées définitivement par le législateur :

- Décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979 ;

- Décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980 ;

- Décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981 ;

- Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986 ;

- Décision n° 87-230 DC du 28 juillet 1987 ;

- Décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007 ;

- Décision n° 2012-650 DC du 15 mars 2012 ;

- Décision n° 2019-790 DC du 1er août 2019 ;

- Décision n° 2023-859 DC du 21 décembre 2023.

2) Un cadre juridique progressivement précisé par le législateur

Les règles encadrant les modalités d'exercice du droit de grève dans les transports publics relèvent notamment du code du travail, qui prévoit l'application de dispositions particulières à l'exercice du droit de grève dans l'ensemble des services publics. Ce cadre a progressivement été complété par des dispositions spécifiques à l'encadrement du droit de grève dans le secteur des transports.

a) L'obligation de préavis : une règle applicable commune à l'ensemble des services publics

Le chapitre II du titre Ier du livre V de la deuxième partie du code du travail prévoit des modalités particulières d'exercice du droit de grève dans les services publics.

Ces dispositions sont applicables à plusieurs catégories de personnels13(*), à savoir :

1) les personnels de l'État, des régions, des départements et des communes comptant plus de 10000 habitants ;

2) les personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion d'un service public.

L'article L. 2512-2 du code du travail prévoit que lorsque ces personnels exercent le droit de grève, la cessation concertée du travail est précédée d'un préavis. Ce préavis doit émaner d'une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé. Il doit également préciser les motifs du recours à la grève. Il mentionne le champ géographique et l'heure du début ainsi que la durée limitée ou non, de la grève envisagée.

Ce préavis doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme intéressé. Les parties intéressées sont tenues de négocier pendant la durée du préavis.

b) Des modalités d'encadrement du droit de grève spécifiques au secteur des transports terrestres, définies par la loi du 21 août 2007

Cette obligation applicable à l'ensemble des services publics s'est vue complétée par la création d'un cadre de dialogue social, de prévention des conflits et d'organisation de la continuité du service public en cas de grève introduit par la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

· Dialogue social, prévention des conflits collectifs et exercice du droit de grève dans les transports terrestres

La loi du 21 août 200714(*) a créé, en complément des dispositions définies par le code du travail, une procédure de dialogue social et de prévention des conflits, qui s'applique, aux termes de l'article L. 1324-1 du code des transports, aux services publics de transport terrestre régulier de personnes et aux services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs, à l'exception des services de transport international de voyageurs15(*).

Dans les entreprises de transport concernées, le dépôt d'un préavis de grève est conditionné à la tenue d'une négociation préalable entre l'employeur et la ou les organisations syndicales représentatives qui envisagent de déposer le préavis16(*). Les règles d'organisation et de déroulement de cette négociation sont précisées par un accord-cadre signé entre l'employeur et les organisations syndicales représentatives ou, à défaut, par un accord de branche17(*) ou encore, lorsqu'aucun accord-cadre n'a pu être signé et aucun accord de branche ne s'applique, par un décret en Conseil d'État18(*) codifié aux articles R. 1324-1 et suivants du code des transports.

Contenu de l'accord-cadre, de l'accord de branche et du décret en Conseil d'État relatifs aux règles d'organisation et de déroulement de la négociation préalable

L'article L. 1324-5 du code des transports précise que l'accord-cadre, l'accord de branche et le décret en Conseil d'État doivent notamment déterminer :

- les conditions dans lesquelles une organisation syndicale représentative procède à la notification de l'employeur des motifs pour lesquels elle envisage de déposer un préavis de grève ;

- le délai dans lequel, à compter de cette notification, l'employeur est tenu de réunir les organisations syndicales représentatives ayant procédé à la notification, ce délai ne pouvant excéder trois jours ;

- la durée dont l'employeur et les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification disposent pour conduire la négociation préalable, cette durée ne pouvant excéder huit jours francs à compter de la notification ;

- les informations qui doivent être transmises par l'employeur aux organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification en vue de favoriser la réussite du processus de négociation ;

- les conditions de déroulement de la négociation préalable entre les organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification ;

- les modalités d'élaboration du relevé de conclusions de la négociation préalable ainsi que les informations devant y figurer ;

- les conditions dans lesquelles les salariés sont informés des motifs du conflit, de la position de l'employeur, de la position des organisations syndicales représentatives qui ont procédé à la notification ainsi que les conditions dans lesquelles ils reçoivent communication du relevé de conclusions.

En outre, lorsqu'un préavis a été déposé en application de l'article L. 2512-2 du code du travail par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, un nouveau préavis ne peut être déposé par la ou les mêmes organisations et pour les mêmes motifs qu'à l'issue du délai du préavis en cours et avant que la procédure prévue à la présente section n'ait été mise en oeuvre19(*).

· Organisation de la continuité du service public en cas de perturbation prévisible du trafic

Cette procédure, dite d'alarme sociale, introduite par la loi du 21 août 2007 dans le secteur des transports, se double d'un cadre spécifique visant à assurer la continuité du service public de transport en cas de grève.

Ainsi, dans les services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique, hors transport fluvial20(*), l'autorité organisatrice de transport (AOT) définit, en cas de grève, les dessertes prioritaires21(*). Pour assurer ces dessertes, l'AOT définit différents niveaux de service en fonction de l'importance de la perturbation. Le niveau minimal de service ainsi déterminé doit « permettre d'éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'accès aux services publics, à la liberté du travail, à la liberté du commerce et de l'industrie et à l'organisation des transports scolaires. » Ce service, qui correspond à la couverture des besoins essentiels de la population, doit également garantir l'accès au service public de l'enseignement les jours d'examens nationaux et prendre en compte les besoins particuliers des personnes à mobilité réduite22(*).

En parallèle, l'entreprise de transport est tenue d'élaborer, aux termes de l'article L. 1222-4 du code des transports, un plan de transport adapté aux priorités de desserte et aux niveaux de service définis par l'AOT. Elle doit également définir un plan d'information des usagers.

Plan de transport et d'information adapté de la RATP

En cas de perturbations résultant d'un avis de grève RATP qui entraîneraient un service inférieur à 75 % de l'offre, la RATP doit :

- Pour le réseau RER

o Assurer au moins 33 % de l'offre réellement prévue sur la journée, sur chacune des branches du RER, sur la durée du service journalier, quel que soit le jour de la semaine ;

o S'efforcer, sans que cela constitue un engagement contractuel, de réaliser un niveau de service de 50 % respectivement sur les lignes A et B du RER aux heures de pointe du lundi au vendredi (de 7 h 30 à 9 h 30 et de 16 h 30 à 19 h 30).

- Pour le réseau Métro

o Maintenir un niveau de service d'au moins 50 % de l'offre en moyenne sur l'ensemble du réseau aux heures de pointe ;

o Assurer au moins 50 % de l'offre sur le réseau, en moyenne, aux heures de pointe sur les lignes de métro hors Paris intra-muros.

- Pour le Réseau de Surface (Bus et Tramway)

o Assurer au moins 50 % de l'offre du lundi au vendredi aux heures de pointe sur l'ensemble du réseau.

De plus, la RATP doit :

- À J-2 17 heures : Diffuser des messages généraux informant de la tenue d'un mouvement social le surlendemain et donner rendez-vous le lendemain pour une information détaillée.

- À J-1 17 heures : Diffuser l'exhaustivité des informations relatives à la grève :

o Fréquences ou horaires de passage de toutes les lignes du réseau ;

o Informations circonstancielles décrivant ligne par ligne les perturbations de la journée

o Messages généraux rappelant la tenue d'une grève et invitant à se renseigner sur les médias distants.

- Jour du mouvement de grève :

o Maintenir l'ensemble des dispositifs déployés et mettre à jour les informations autant que de besoin pour refléter au plus juste l'état du trafic sur le réseau ;

o En cas de grève reconductible, réactualiser l'ensemble des dispositifs à 17 h pour informer sur l'état du trafic prévisionnel le lendemain, en plus de l'état du trafic en temps réel.

Source : RATP

En complément, et toujours dans les entreprises de transport concourant à des services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique, hors transport fluvial, l'employeur et les organisations syndicales représentatives concluent, en application de l'article L. 1222-7 du code des transports, un accord collectif de prévisibilité du service applicable en cas de perturbation prévisible du trafic, notamment en cas de grève23(*). Cet accord recense, par métier, fonction et niveau de compétence ou de qualification, les catégories d'agents et leurs effectifs ainsi que les moyens matériels, indispensables à l'exécution de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transport adapté.

Catégories de personnels listées dans le plan de prévisibilité de la SNCF

À titre d'exemple, 16 catégories de personnels sont listées dans le plan de prévisibilité de la SNCF24(*), à savoir :

- les agents de conduite ;

- les agents d'accompagnement des trains ;

- les agents en charge des opérations de mouvement et manoeuvre des matériels roulants ;

- les agents en charge de la gestion des mouvements de matériels roulants au sein des sites de maintenance et des stations-service ;

- les agents de maintenance du matériel en charge de la maintenance courante de niveau 1 à 3 ;

- les agents en charge de la logistique matériel dans les Technicentres ;

- les agents des centres opérationnels en charge de la gestion du plan de transport des activités voyageurs ;

- les personnels en charge de la couverture en ressources (agents et matériels roulants) du plan de transport ;

- les agents en charge de la mise en mouvement des trains ;

- les agents des cellules et centres opérationnels escale ;

- les agents en charge de l'information voyageurs en temps réel ;

- les agents contribuant à la gestion opérationnelle et au service de la circulation des trains (sont concernées les voies principales et les voies de service) : agents circulation (AC), aiguilleurs, régulateurs, chef circulation, chef de centre circulation (ou équivalent), coordinateur territorial circulation (ou équivalent) ;

- les agents délégataires de missions indispensables à l'exploitation (c'est-à-dire certaines missions incombant aux agents circulations qui sont délégués par contractualisation à des agents de SNCF Mobilités) ;

- les régulateurs sous station ;

- les agents des centres de supervision ;

- les agents des services internes de sécurité de SNCF.

Source : SNCF

Le plan de prévisibilité prévu à l'article L. 1222-7 du code des transports fixe les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l'organisation du travail est révisée et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en oeuvre du plan de transport adapté, étant entendu qu'en cas de grève, les personnels disponibles sont les personnels de l'entreprise non-grévistes.

Faute d'accord de prévisibilité applicable, un plan de prévisibilité est défini par l'employeur.

En cas de grève, le code des transports25(*) prévoit une obligation, pour les salariés relevant des catégories d'agents mentionnées dans l'accord collectif ou le plan de prévisibilité, d'informer, au plus tard 48 heures avant de participer à la grève, le chef d'entreprise ou la personne désignée par lui de leur intention d'y participer. Les informations issues de ces déclarations individuelles ne peuvent être utilisées que pour l'organisation du service durant la grève.

Si un salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève renonce à y participer, il est tenu d'informer son employeur au plus tard 24 heures avant l'heure prévue de sa participation à la grève, afin que ce dernier puisse l'affecter dans le cadre du plan de transport. Le fait, pour un salarié, de ne pas informer son employeur de participer à la grève est passible d'une sanction disciplinaire, de même que le fait de ne pas informer, de façon répétée, son employeur de son intention de renoncer à participer à la grève ou de reprendre son service.

L'article L. 1324-11 du code des transports précise que la rémunération d'un salarié participant à une grève, incluant le salaire et ses compléments directs et indirects, à l'exclusion des suppléments pour charges de famille, est réduite en fonction de la durée non travaillée en raison de la participation à cette grève.

Enfin, plusieurs dispositions introduites par la loi du 21 août 2007 dans le code des transports visent à préciser les modalités de mise en oeuvre de la continuité du service public dans les services publics de transport terrestre régulier de personnes à vocation non touristique. Est ainsi inscrit dans la loi le principe selon lequel en cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de disposer d'une information gratuite, précise et fiable sur le service assuré. En cas de perturbation prévisible, et notamment de grève, l'information aux usagers doit être délivrée par l'entreprise de transports au plus tard 24 heures avant le début de la perturbation26(*). En outre, un mécanisme de remboursement total des titres de transport aux usagers est prévu à l'AOT par l'entreprise de transports lorsque cette dernière est directement responsable du défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transports adapté ou du plan d'information des usagers.

3) Cette conciliation est encore insuffisamment assurée

La plupart des acteurs interrogés par le rapporteur considèrent que les évolutions introduites par la loi du 21 août 2007 ont permis d'améliorer la prévisibilité du service en cas de grève dans les transports. Ainsi que le relève l'Association française du rail (Afra) dans sa contribution écrite, ces dispositions ont permis une meilleure anticipation du service et le maintien d'un service minimum pour les usagers. D'après la Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), le dialogue social préalable au dépôt d'un préavis de grève s'est avéré être le premier et le plus sûr moyen de prévenir la survenance du conflit en amont.

Cela étant, beaucoup d'acteurs consultés par le rapporteur s'accordent à considérer que les dispositifs qu'elle a mis en en place font l'objet de contournement, voire de pratiques abusives, qui sont de nature à en réduire la portée. Les recours multipliés à des préavis illimités, également appelés préavis « dormants » ou encore aux grèves de courte durée - dites grèves de 59 minutes - en particulier créent d'importantes difficultés d'organisation des services publics de transport par les entreprises de transport et par les AOT. En outre, les délais prévus par le code des transports en matière de déclaration individuelle de participation à la grève (48 heures) et de déclaration de l'intention de renoncer à y participer (24 heures) ne laissent pas suffisamment de temps aux entreprises de transport pour pouvoir mettre en oeuvre leur plan de transports adapté et en informer les usagers 24 heures avant le début de la perturbation. À titre d'illustration, d'après l'Afra, les grèves du premier trimestre 2023 ont impacté plus de cent trains Trenitalia, qui n'ont pas pu être annulés commercialement compte tenu des délais contraints de 48 heures. Ces suppressions ont entraîné, au-delà de la désorganisation massive de la production, des indemnisations légalement dues aux voyageurs, une incompréhension et insatisfaction forte et durable des clients, qui immédiatement se tournent vers des solutions alternatives plus émettrices que sont le transport routier et le transport aérien.

Enfin, il convient de noter que le niveau minimal de service défini par l'AOT en application de l'article L. 1222-3 du code des transports n'est aucunement garanti et n'est pas adossé à un quelconque pouvoir de réquisition des catégories de personnels concernées.

En définitive, et compte tenu de ces difficultés, le secteur des transports se caractérise par une forte intensité des grèves, du fait de leur durée et du nombre de salariés qui y participent. Ainsi, d'après la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares)27(*) pour l'année 2021, le transport et l'entreposage connaissent le nombre de journées individuelles non travaillées le plus élevé.

Or, ainsi que le souligne l'Afra pour ce qui concerne le transport ferroviaire, au-delà des conséquences immédiates sur les opérateurs, les grèves et le manque de fiabilité sont identifiés comme l'un des principaux freins au développement du ferroviaire et participent à l'écart de compétitivité entre le rail et la route.

Le pouvoir de réquisition du préfet : une possibilité rarement employée dans le secteur des transports

En application de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, en cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont dispose le préfet ne permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police, celui-ci peut, par arrêté motivé requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées.

Ce pouvoir de réquisition du préfet, très étroitement encadré par la jurisprudence du juge administratif, n'est quasiment pas utilisé dans le domaine des transports publics. Cela a cependant eu lieu dans de rares cas. Le préfet de la Haute--Garonne a ainsi par arrêté du 19 janvier 2017 réquisitionné du personnel du service de sauvetage et de lutte contre l'incendie des aéronefs de l'aéroport de Toulouse-Blagnac.

B. Un droit spécifique au secteur aérien, qui a été récemment amélioré

Le secteur du transport aérien est soumis à des dispositions spécifiques, qui diffèrent entre les services de la navigation aérienne et les autres activités relatives au transport aérien.

1) Dans le secteur privé, des dispositions similaires à celles qui sont applicables aux transports terrestres

Le transport aérien n'a pas été inclus dans le champ de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Catherine Procaccia, rapporteur du texte au Sénat a précisé que « les transports maritime ou aérien n'étant pas considérés comme des transports publics réguliers utilisés par les usagers dans leurs déplacements quotidiens, ils n'ont donc n'ont pas été soumis » à ses dispositions.

Cependant, la loi du 19 mars 2012 relative à l'organisation du service et à l'information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports (dite loi « Diard ») encadre l'exercice du droit de grève des travailleurs du secteur de façon similaire.

Ces dispositions indépendantes de celles qui s'appliquent aux transports terrestres sont codifiées dans une section ad hoc du code des transports intitulée « Dispositions relatives au droit à l'information des passagers du transport aérien ».

En application de l'article L. 1114-1 du code des transports, sont concernés par ces dispositions, lorsqu'ils concourent directement à l'activité de transport aérien de passagers, les entreprises, établissements ou parties d'établissement qui exercent une activité de transport aérien ou qui assurent les services d'exploitation d'aérodrome, de la sûreté aéroportuaire, de secours et de lutte contre l'incendie, de lutte contre le péril animalier, de maintenance en ligne des aéronefs ainsi que les services d'assistance en escale comprenant le contrôle du chargement, des messages et des télécommunications, le traitement, le stockage, la manutention et l'administration des unités de chargement, l'assistance aux passagers, l'assistance des bagages, l'assistance des opérations en piste, l'assistance du nettoyage et du service de l'avion, l'assistance du carburant et de l'huile, l'assistance d'entretien en ligne, l'assistance des opérations aériennes et de l'administration des équipages, l'assistance du transport au sol et l'assistance du service du commissariat.

Est ainsi inclus l'ensemble des activités liées au transport aérien de passager en vol et au sol, qu'elles relèvent ou non d'un service public, à l'exception du contrôle aérien.

Dans ces entreprises et établissements, l'employeur et les organisations syndicales représentatives peuvent engager des négociations en vue de la signature d'un accord-cadre organisant une procédure de prévention des conflits et tendant à développer le dialogue social. Cependant, il ne s'agit que d'une possibilité, et non d'une obligation.

La loi « Diard » a également transposé au transport aérien l'obligation individuelle de déclarer sa participation à la grève 48 heures avant qu'elle ne débute. Cette obligation est applicable aux salariés dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols.

Ils sont également tenus d'informer leur employeur qu'ils renoncent à participer à la grève ou qu'ils souhaitent reprendre leur service au plus tard 24 heures avant le début de leur participation à la grève ou la reprise de leur activité.

En cas de non-respect de ces obligations par des salariés, des sanctions disciplinaires peuvent être prises à leur encontre.

En application de l'article L. 1114-3 du code des transports, « Les informations issues des déclarations individuelles des salariés ne peuvent être utilisées que pour l'organisation de l'activité durant la grève en vue d'en informer les passagers ». La Cour de cassation a considéré que cette disposition n'autorisait pas les compagnies aériennes « à utiliser les informations issues des déclarations individuelles des salariés afin de recomposer les équipages et réaménager le trafic avant le début du mouvement »28(*). Le contenu des déclarations individuelles ne permet que d'informer en amont les passagers des vols qui seront annulés, mais ne peut être utilisé pour réorganiser le service en amont de la grève. Cette restriction de l'usage des déclarations individuelles constitue une différence avec les transports terrestres de voyageurs, secteur dans lequel ce document est utilisé afin de réorganiser le service avant la grève.

Transport aérien et service public

À l'exception des services de la navigation aérienne et de certaines activités, comme la sûreté aéroportuaire, qui relèvent du service public, la majorité des activités liées au transport aérien n'entrent pas dans son champ.

C'est notamment le cas de l'activité des compagnies aériennes, à l'exception de certaines lignes dont les spécificités justifient qu'elles soient considérées comme un service public. Selon la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), sur les 1 450 liaisons régulières environ qui touchent la France d'une manière ou d'une autre, seules 25 liaisons environ sont exploitées sous obligation de service public en métropole et outre-mer. C'est le cas des lignes d'aménagement du territoire. L'État participe au financement de l'exploitation de ces liaisons aériennes déficitaires, mais considérées comme fondamentales en termes de désenclavement. L'objectif est de compenser l'écart entre les coûts d'exploitation et la capacité contributive des passagers des liaisons concernées. L'intervention de l'État a lieu dans le cadre de conventions pluriannuelles de délégation de service public. Des conventions analogues sont également conclues pour certaines liaisons entre la Corse et le continent et entre les territoires d'outre-- mer et la métropole.

L'article L. 2512-2 du code du travail s'applique donc à ces activités. Celui-ci prévoit que la participation à un mouvement de grève des travailleurs des entités chargées de la gestion d'un service public est précédée d'un préavis émanant d'une ou plusieurs organisations syndicales représentatives, transmis à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme concerné, cinq jours francs avant le déclenchement de la grève.

Les dispositions issues de la loi « Diard », et notamment la déclaration individuelle de participation à la grève 48 heures à l'avance, s'appliquent indistinctement aux activités entrant dans le champ du service public et à celles qui n'en relèvent pas. Les services de la navigation aérienne sont cependant soumis à des dispositions spécifiques.

2) Pour les services de navigation aérienne, un droit spécifique qui a été récemment amélioré

Les services de la navigation aérienne sont chargés de la gestion du trafic aérien. Ils garantissent d'une part sa sécurité en maintenant les avions dans des couloirs aériens précis afin d'éviter les collisions, et assurent d'autre part sa fluidité, dans un contexte de croissance continue des vols. C'est une mission de service public.

Les contrôleurs aériens sont des fonctionnaires de la fonction publique d'État, rattachés, au sein de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA). À ce titre, l'article L. 2512-2 du code du travail s'applique aux mouvements sociaux les concernant.

En outre, les grèves au sein de la DSNA sont encadrées par des dispositions spécifiques. L'article L. 114-4 du code général de la fonction publique définit en effet un certain nombre de missions devant être assurées, même en cas de grève, par les services de la navigation aérienne. Il s'agit de :

- 1° la continuité de l'action gouvernementale et l'exécution des missions de la défense nationale ;

- 2° la préservation des intérêts ou besoins vitaux de la France et le respect de ses engagements internationaux, notamment le droit de survol du territoire ;

- 3° les missions nécessaires à la sauvegarde des personnes et des biens ;

- 4° le maintien de liaisons destinées à éviter l'isolement de la Corse et des collectivités ultra-marines ;

- 5° la sauvegarde des installations et du matériel de ces services.

Le décret n° 85-1332 du 17 décembre 1985 portant application de la loi n° 84-1286 du 31 décembre 1984 abrogeant certaines dispositions des lois n° 64-650 du 2 juillet 1964 relative à certains personnels de la navigation aérienne et n° 71-458 du 17 juin 1971 relative à certains personnels de l'aviation civile et relative à l'exercice du droit de grève dans les services de la navigation aérienne précise quels sont les services de la navigation aérienne nécessaires à l'exécution de ces missions. Certains aéroports d'importance ne sont pas inclus dans le champ défini par ce décret, qui est partiellement obsolète. C'est notamment le cas de ceux de Montpellier et Cannes.

En application de l'article L. 114-5 du même code, les agents indispensables à l'exécution de ces missions doivent demeurer en fonction. Ceux-ci sont désignés par un arrêté du ministre chargé de l'aviation civile29(*).

Le service minimum ainsi institué, qui consiste à assurer environ 50 % de l'activité, repose sur un système d'astreinte des agents. Comme l'a souligné Évelyne Perrot dans son rapport30(*) sur la proposition de loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic, ce dispositif soulevait jusqu'en 2023 plusieurs difficultés relatives à son fonctionnement.

D'une part, la DGAC, qui était dans l'incapacité de connaître le nombre exact de grévistes en amont du mouvement, annulait préventivement de nombreux vols et enclenchait fréquemment le dispositif de service minimum. Constatant ensuite que le mouvement était peu suivi, l'autorité hiérarchique levait le service minimum. Cependant, les vols avaient déjà été annulés et certains agents réquisitionnés.

D'autre part, dans certains cas, si la DGAC n'activait pas le service minimum préventivement et que le mouvement était plus suivi que prévu, des annulations de vol « à chaud » étaient nécessaires.

La loi n° 2023-1289 du 28 décembre 2023 relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic, d'origine sénatoriale, a répondu à ces difficultés. Cette loi prévoit que tout agent assurant des fonctions de contrôle, d'information de vol et d'alerte et dont l'absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols informe l'autorité administrative, au plus tard à midi l'avant-veille de chaque journée de grève, de son intention d'y participer.

Elle transpose l'obligation de déclaration préalable individuelle, en l'adaptant au cas spécifique des contrôleurs aériens. Ces derniers peuvent finalement renoncer à participer à la grève au plus tard à 18 heures l'avant-veille d'une journée de grève. Les informations issues des déclarations individuelles des agents peuvent être utilisées pour l'organisation de l'activité durant la grève, notamment afin d'évaluer le nombre de vols à annuler et de décider de déclencher, le cas échéant, le dispositif du service minimum, pour informer les passagers des adaptations du trafic aérien consécutives au mouvement de grève et, anonymisées, pour l'information des organisations syndicales. Il en résulte une meilleure prévisibilité des effets de la grève et une adéquation plus forte entre son ampleur et ses conséquences.

L'exercice du droit de grève des contrôleurs aériens fait donc l'objet aujourd'hui d'un double encadrement. D'une part, ceux-ci doivent indiquer préalablement au mouvement leur intention d'y participer, et d'autre part, ils peuvent être requis par leur autorité hiérarchique pour assurer le service minimum.

II. La mise en place d'une suspension du droit de grève pendant certaines périodes au sein des services publics de transports terrestres et aériens permettrait de mieux le concilier avec les droits des usagers

A. La mise en place d'une suspension temporaire du droit de grève afin de concilier son exercice avec d'autres droits et libertés

L'article unique de la proposition de loi a pour objet de permettre la suspension de l'exercice du droit de grève de certains personnels du secteur des transports, durant certaines périodes définies par décret. Il prévoit pour ce faire la création d'une nouvelle section 1 A au sein du chapitre II « La continuité du service en cas de perturbation prévisible de trafic » du titre II du livre II de la première partie du code des transports, qui accueille un nouvel article L. 1221-1 A.

Son I définit le champ d'application du dispositif, à savoir les personnels des entreprises, des organismes et des établissements publics ou privés lorsque ces entreprises, organismes et établissements sont chargés de la gestion du service public de transport régulier de personnes ainsi qu'aux agents publics concourant directement au fonctionnement dudit service public. Il précise également que ce service public s'entend de l'ensemble des modes de transports terrestres et aériens sur le territoire métropolitain et de ceux nécessaires aux déplacements en provenance et à destination des outre-mer. En tout état de cause, et ainsi que l'a confirmé la DGITM au rapporteur, cette rédaction n'inclut pas les services librement organisés du transport ferroviaire (TGV) ou routier (autocars longue distance).

Le II de l'article unique prévoit la possibilité de suspendre l'exercice du droit de grève de ces personnels et agents durant des périodes continues pouvant aller jusqu'à quinze jours, dont la durée annuelle cumulée ne peut excéder soixante jours. Un délai minimal de cinq jours est prévu entre deux périodes de suspension.

Les III et IV de l'article unique visent à préciser les modalités de définition des périodes concernées. Il est prévu que ces périodes soient fixées annuellement par un décret, dont la publication doit intervenir au moins quatre-vingt-dix jours, à peine d'être inopposables. La publication du décret doit être précédée d'une période préalable de négociation, d'une durée de trente jours, entre les organisations syndicales représentatives, patronales et salariales, et le ministre chargé des transports.

Le modèle proposé s'inspire fortement du modèle italien.

L'encadrement de l'exercice du droit de grève en Italie

• Dans des termes analogues à ceux du bloc de constitutionnalité français, l'article 40 de la Constitution italienne prévoit que : « Le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ».

• La loi n° 146 du 12 juin 1990 définit, en son article 1er, comme services publics essentiels ceux qui visent à garantir la jouissance des droits constitutionnellement protégés de l'individu à la vie, à la santé, à la liberté et à la sécurité, à la liberté de circulation, à l'assistance sociale et à la sécurité sociale, à l'éducation et à la liberté de communication. Parmi les services considérés comme essentiels figurent les transports publics urbains et suburbains, routiers, ferroviaires, aériens, aéroportuaires et maritimes, limités à la liaison avec les îles.

L'article 2 de cette loi prévoit que les administrations et les entreprises prestataires de services conviennent, dans des conventions collectives ou des accords, des services indispensables à fournir dans le cadre des services essentiels, les méthodes et procédures pour les fournir. Ces mesures peuvent prévoir l'abstention de grève des contingents de travailleurs strictement nécessaires à l'exécution des services.

Le délai de préavis ne peut être inférieur à dix jours et les administrations qui fournissent les services visés sont tenues d'informer les usagers, de manière appropriée, au moins cinq jours avant le début de la grève, des modalités et du calendrier de fourniture des services pendant la grève.

Cette loi prévoit également à son article 12 la création d'une Commission de garantie, notamment chargée d'évaluer l'opportunité des mesures visant à assurer la conciliation de l'exercice du droit de grève avec la jouissance des droits constitutionnellement protégés de l'individu visés à l'article 1er.

• L'accord conclu dans le secteur des transports ferroviaires le 23 novembre 1999 et dernièrement modifié en 2021 entre l'entreprise ferroviaire publique italienne (Grupo Ferrovie dello Stato italiano) et les syndicats de cheminots définit, en son point 3.5, les périodes d'exemption, au cours desquelles aucune grève ne peut être déclenchée. Il s'agit des périodes suivantes :

- du 18 décembre au 7 janvier ;

- du jeudi précédant Pâques au jeudi suivant ;

- du 24 avril au 2 mai ;

- du 27 juin au 4 juillet ;

- du 27 juillet au 3 septembre ;

- du 30 octobre au 5 novembre ;

- du troisième jour précédant au troisième jour suivant les élections politiques nationales, les élections européennes, les référendums nationaux et les consultations électorales régionales et administratives qui concernent un ensemble de régions, de provinces et de communes dont la population totale est supérieure à 20 % de la population nationale.

Source : éléments recueillis auprès de la division
de la législation comparée du Sénat

B. L'instauration d'une sanction pour assurer le respect de ce nouveau cadre

Un manquement aux règles prévues par la présente proposition de loi est puni, le cas échéant, par une sanction pénale définie au V de l'article unique. Elle consiste en une amende de 15 000 euros et une peine d'un an d'emprisonnement auxquelles s'ajoute une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle en lien avec un service public pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.

Cette sanction a pour objectif d'être dissuasive et ainsi d'assurer l'effectivité du dispositif prévu par le présent texte.

III. Un mécanisme opportun, dont la constitutionnalité doit être encore renforcée pour en assurer l'efficacité

La commission a adopté deux amendements  COM-8 et COM-4 (avec un sous-amendement  COM-16) à l'article unique, devenu article 1er , visant respectivement à :

préciser le champ d'application du texte et en renforcer la constitutionnalité ;

simplifier la procédure de suspension de l'exercice du droit de grève durant les Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

A. Préciser le champ d'application du dispositif

L'amendement COM-8 du rapporteur, adopté par la commission, procède à une réécriture des alinéas 4 et 5 de l'article unique, afin de préciser le champ d'application de la proposition de loi. Il prévoit ainsi que le dispositif est applicable à certains personnels des services publics de transport terrestre régulier de personnes et aux services librement organisés de voyageurs mentionnés à l'article L. 2121-12 du code des transports, à l'exception toutefois des services de transport international de voyageurs.

L'ajout des services librement organisés (SLO) dans ce champ d'application tend à répondre à l'objectif premier du dispositif, à savoir garantir la continuité des transports terrestres lors des grands afflux de voyageurs, qui concernent principalement des TGV, qui relèvent des SLO.

Cette réécriture exclut en outre le transport aérien du dispositif, étant entendu que l'exercice du droit de grève dans ce secteur vient de connaître des évolutions, du fait de la publication de la loi n° 2023-1289 du 28 décembre 2023 du 28 décembre 2023 relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne.

Par ailleurs, l'amendement COM-8 prévoit, plutôt que l'ajout d'une nouvelle section au sein du chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code des transports, la création d'un nouveau chapitre III « Prévisibilité des services de transport terrestre de voyageurs en cas de grève ». Le fait d'insérer de nouvelles dispositions au sein du chapitre II aurait en effet posé des difficultés d'application, étant donné que son article L. 1222-1 définit un champ d'application à l'ensemble des dispositions du chapitre II, qui ne coïncide pas avec le champ d'application de la présente proposition de loi.

B. Renforcer la constitutionnalité du dispositif

L'amendement COM-8 a également pour objet de renforcer la constitutionnalité du dispositif. S'il appartient au législateur de concilier l'exercice du droit de grève avec d'autres principes constitutionnels - que sont la liberté d'aller et venir, la liberté d'accès aux services publics, notamment sanitaires, sociaux et d'enseignement, la liberté du travail ou encore la liberté du commerce et de l'industrie -, des garanties doivent être définies, pour veiller à ce que l'encadrement du droit de grève soit strictement nécessaire et proportionné.

C'est pourquoi l'amendement COM-8 prévoit de restreindre l'application du dispositif aux seuls personnels dont le concours est indispensable au bon fonctionnement des services de transport concernés.

Il vise en outre à restreindre la durée des suspensions à l'exercice du droit de grève, en les limitant aux seules heures de pointe, soit de 6 h 30 à 9 h 30 et de 17 heures à 20 heures, et non à l'ensemble de la journée. L'objectif recherché n'est en effet pas de mettre en oeuvre un service normal sur l'ensemble de la journée, mais de le réserver aux pics de fréquentation, dans un souci de proportionnalité du dispositif. C'est précisément durant ces périodes de pointe que les atteintes à la liberté d'aller et venir et à l'ordre public sont susceptibles d'être les plus importantes.

Il vise en outre à diminuer le nombre de périodes concernées, et ce toujours dans un souci de proportionnalité de la mesure. Ce dispositif pourrait donc être applicable sur des périodes de sept jours consécutifs (plutôt que quinze), et pour une durée cumulée annuelle de trente jours maximum (contre soixante jours). L'amendement précise en outre davantage les périodes concernées, pour prévoir qu'elles devront être fixées sur des journées définies, à savoir :

- de la veille et jusqu'au lendemain des jours fériés mentionnés à l'article L. 3133-1 du code du travail ;

- durant les vacances scolaires mentionnées à l'article L. 521-1 du code de l'éducation ;

- de la veille et jusqu'au lendemain des élections nationales et locales au suffrage direct et des référendums ;

- les événements d'importance majeure sur le territoire français.

Enfin, l'amendement remplace les sanctions pénales prévues par le dispositif initial par des sanctions disciplinaires, qui sont plus proportionnées et plus adaptées à un manquement à une obligation professionnelle. Au demeurant, de telles sanctions pénales semblent peu opportunes dans la mesure où elles ne trouveraient par exemple pas à s'appliquer en cas d'absence injustifiée d'un salarié un des jours visés par le dispositif, alors qu'elles seraient applicables à l'encontre d'un salarié ayant déclaré son intention d'y participer.

C. Prévoir des délais raccourcis applicables aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024

Le temps dévolu à la navette parlementaire ne permettra vraisemblablement pas que la présente proposition de loi soit adoptée rapidement pour pouvoir être applicable pour les jeux Olympiques et Paralympiques qui doivent se dérouler très prochainement.

L'amendement COM 4 de Michel Savin adopté par la commission vise à réduire le délai minimal entre la parution du décret déterminant la période de suspension et le commencement de ladite période, en le faisant passer de 90 jours à 30 jours.

Aussi, cet amendement, qui ne revient pas sur le principe d'une concertation préalable - dont la durée serait portée de trente à quinze jours-, résout cette difficulté en rendant le dispositif applicable, à titre transitoire, pour cette échéance. Afin d'assurer une bonne articulation des mesures introduites par les amendements COM-4 et COM-8, la commission a adopté un sous-amendement de coordination COM-16 du rapporteur.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2 (nouveau)
Caducité automatique des préavis de grève non utilisés et définition d'une durée maximale des préavis de grève dans les services publics de transport terrestre régulier de personnes et les services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs.

Cet article inséré par la commission tend à prévoir la caducité automatique des préavis de grève non utilisés pendant quarante-huit heures et à en définir une durée maximale dans les services publics de transport terrestre régulier de personnes et les services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs.

La commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé.

I. Les « préavis dormants » constituent un détournement du droit de grève préjudiciable à la qualité du service

A. L'obligation de déposer des préavis de grève a pour objectif de faciliter le dialogue social

L'exercice du droit de grève dans le secteur public est encadré par l'article L. 2512-2 du code du travail, qui prévoit que la cessation concertée du travail y est précédée d'un préavis, qui émane d'une organisation syndicale représentative au niveau national, dans la catégorie professionnelle ou dans l'entreprise, l'organisme ou le service intéressé. Il doit parvenir cinq jours francs avant le déclenchement de la grève à l'autorité hiérarchique ou à la direction de l'établissement, de l'entreprise ou de l'organisme intéressé. Il mentionne le champ géographique et l'heure du début ainsi que la durée, limitée ou non, de la grève envisagée.

Ce préavis, qui doit préciser les motifs du recours à la grève, ouvre une période pendant laquelle les parties intéressées sont tenues de négocier. L'objectif est que la grève ne soit déclenchée qu'en dernier recours, après l'échec éventuel du dialogue.

De surcroît, dans les services publics de transport terrestre régulier de personnes et les services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs, un mécanisme dit d'alerte précoce, qui est prévu en amont du dépôt du préavis, permet d'entamer plus tôt encore des négociations entre l'employeur et les organisations syndicales.

En application de l'article L. 1324-6 du code des transports, lorsqu'un préavis a été déposé par une organisation syndicale représentative, un nouveau préavis ne peut être déposé par la même organisation et pour les mêmes motifs qu'à l'issue du délai du préavis en cours et qu'après la mise en oeuvre de procédure d'alarme précoce. Une telle restriction tend à protéger cette période de dialogue.

B. Cette obligation est contournée par la pratique des « préavis dormants » qui favorise également des détournements du droit de grève

Or, le dépôt de préavis de grève d'une durée illimitée ou très longue, qui peuvent donc être utilisés en permanence par les personnels des services publics, conduit de fait à contourner cette période préalable de dialogue social. Il est en effet possible pour les agents de participer à une grève en s'appuyant sur le fondement d'un préavis déposé plusieurs mois plus tôt, appelé couramment « préavis dormant ». La Cour de cassation considère en effet, en vertu d'une jurisprudence constante que « l'absence de salariés grévistes au cours de la période visée par le préavis, même en cas de préavis de durée illimitée, ne permet pas de déduire que la grève est terminée, cette décision ne pouvant être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève »31(*). Par conséquent, la période de négociation à laquelle sont tenues de participer les parties prenantes ne joue plus son rôle de prévention des conflits. Comme l'a mis en avant la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), « cette pratique fait obstacle à la logique de la loi de 2007 prévoyant une négociation préalable obligatoire entre l'employeur et les organisations syndicales avant tout dépôt de préavis de grève ».

En outre, ces préavis permanents sont parfois utilisés par certains personnels pour des raisons individuelles. Or, la grève est un droit collectif et revendicatif, et son utilisation à d'autres fins relève donc d'une forme de détournement de ce droit. De telles grèves individuelles créent de nombreuses « micro-perturbations » des transports et sont source de nombreux désagréments pour les usagers dans leurs mobilités quotidiennes.

Cette situation crée un contexte d'incertitude et de conflictualité sociale potentielle permanente préjudiciable à ce secteur. Comme l'a souligné l'Union des transports publics et ferroviaires au rapporteur, « les entreprises sont ainsi confrontées à une situation où à tout moment une grève peut être déclenchée par un ou plusieurs salariés se rattachant à un préavis “dormant” ou très antérieur à la grève ».

Ainsi que l'a indiqué la RATP, et pour ce qui concerne son réseau de bus, en 2023 et sur le début de l'année 2024, les pertes de production pour cause de recours à des préavis illimités, sur un service entier ou pour une durée de 59 minutes, s'élèvent à environ 1,5 % des courses commerciales. Cela représente 2 300 000 kilomètres commerciaux non-réalisés en 2023.

II. Prévoir la caducité automatique des préavis non utilisés dans les transports et une durée maximale permettrait de mettre un terme à cette pratique

L'article 2, inséré en commission à l'initiative du rapporteur ( COM-10) et de Franck Dhersin ( COM1 rect.), prévoit de limiter à 30 jours les préavis de grève. Cette évolution est pleinement conforme à l'esprit du droit existant et vise à mettre un terme à son contournement. Un préavis de grève devant en effet préciser les motifs du recours à la grève est par définition lié à un conflit social résultant d'une situation précise, de sorte qu'il n'a pas vocation à être valable indéfiniment.

La caducité des préavis qui n'ont pas été utilisés par au moins deux agents pendant une période de quarante-huit heures permettrait également de ne laisser en vigueur que les préavis qui ont réellement vocation à être utilisés par les organisations syndicales dans le cas de conflits collectifs. Cela empêcherait surtout les contournements des périodes expressément consacrées au dialogue social en amont des grèves et pourrait donc permettre de prévenir les conflits collectifs de travail.

Enfin, une telle disposition empêcherait l'utilisation des préavis de grève pour des raisons individuelles déconnectées de conflits collectifs de travail et permettrait donc d'améliorer la qualité du service pour les usagers des transports dans leurs mobilités quotidiennes.

Le présent article complète ainsi l'article L. 1324-6 du code des transports afin d'assurer l'application de ces deux dispositions dans les services publics de transport terrestre régulier de personnes, les services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs et les transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises.

La commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé.

Article 3 (nouveau)
Allongement de 24 heures
des délais de déclaration de participation à la grève et de rétractation

Cet article inséré par la commission tend à augmenter de 24 heures les délais de transmission des déclarations individuelles de participation à la grève dans les services publics de transport terrestre régulier de personnes.

La commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé.

I. Actuellement, les opérateurs n'ont pas les moyens d'optimiser la continuité du service et de respecter leurs obligations d'information des voyageurs

En application des articles L. 1222-2 et L. 1222-3 du code des transports, dans les services publics de transport terrestre régulier de personnes, en cas de perturbation prévisible du trafic, l'autorité organisatrice de transports définit les dessertes prioritaires et différents niveaux de service en fonction de l'importance de la perturbation.

L'entreprise de transports élabore un plan de transports adapté pour assurer ces priorités de desserte et niveaux de service, ainsi qu'un plan d'information des usagers.

Un accord de prévisibilité conclu par les opérateurs et les organisations syndicales représentatives32(*) fixe les conditions dans lesquelles, en cas de perturbation prévisible, l'organisation du travail est revue et les personnels disponibles réaffectés afin de permettre la mise en oeuvre du plan de transports adapté.

Les opérateurs sont également tenus de fournir aux usagers une information gratuite, précise et fiable sur le service assuré au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation.

En cas de grève, en application de l'article L. 1324-7 du code des transports, les salariés indispensables à l'exécution de chacun des niveaux de service prévus dans le plan de transports adapté informent, au plus tard quarante-huit heures avant de participer à la grève, leur autorité hiérarchique de leur intention d'y participer. Les informations issues de ces déclarations individuelles sont alors utilisées pour l'organisation du service durant la grève.

Le salarié qui a déclaré son intention de participer à la grève et qui renonce à y participer en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure prévue de sa participation à la grève afin que ce dernier puisse l'affecter dans le cadre du plan de transports.

Or, ces délais, très courts, n'offrent pas aux opérateurs de transports la possibilité de bénéficier du temps nécessaire pour optimiser leur offre de transports et définir de façon appropriée les modalités de mise en place du plan de transports adapté. Les employeurs ne connaissent en effet le nombre définitif de personnels disponibles que 24 heures avant le début du mouvement. Ils n'ont souvent donc pas la capacité de réaffecter les salariés qui ont renoncé à y participer.

En outre, la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités a souligné au rapporteur que « l'effectif de salariés grévistes n'est définitivement connu qu'au même moment où l'information sur le service prévisible doit être communiquée aux usagers, 24 heures avant le début de la grève ». Cette concomitance ne permet donc pas aux opérateurs de remplir cette obligation.

En définitive, comme l'a souligné l'Union des Transports publics et ferroviaires (UTP) auprès du rapporteur : « le délai de 48 h actuellement prévu à l'article L. 1324-7 du Code des transports ne permet pas aux opérateurs de transports d'organiser la production, la qualité du service et de l'information due aux voyageurs ».

II. L'augmentation de 24 heures des délais de transmission des déclarations individuelles de participation à la grève permettrait de renforcer la prévisibilité du service et l'information des voyageurs

Augmenter de 24 heures les délais des déclarations individuelles prévues à l'article L. 1324-7 du code des transports pourrait faciliter l'organisation du service par les opérateurs de transports. Ceux-ci pourraient en effet optimiser l'utilisation des moyens humains disponibles et proposer une offre de service en plus forte adéquation avec les plans de transports adaptés déterminés par les autorités organisatrices de transports. L'atteinte du niveau minimal de service, qui assure la couverture des besoins essentiels de la population, serait ainsi facilitée. La continuité du service public serait également mieux assurée.

L'augmentation de ce délai donnerait aux opérateurs les moyens de remplir leur obligation de fournir une information fiable aux usagers. En évitant ainsi que des passagers se rendent dans les gares sur la base d'informations erronées, une telle disposition assurerait également une protection renforcée de l'ordre public.

Une telle modification paramétrique d'un dispositif dont le Conseil constitutionnel a confirmé la constitutionnalité33(*) permettrait donc d'assurer la conciliation nécessaire entre la défense des intérêts professionnels, dont la grève est un moyen, et la sauvegarde de l'intérêt général auquel la grève porte atteinte, sans pour autant avoir un effet disproportionné sur l'exercice du droit de grève.

La commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé.

Article 4 (nouveau)
Exercice du droit de grève à compter du début de l'une des prises
de service et jusqu'à son terme

Cet article, inséré par la commission à l'initiative du rapporteur, vise à permettre aux entreprises de transport terrestre d'imposer à certains salariés dont la présence est indispensable à la continuité des services de transports, d'exercer leur droit de grève uniquement au début de l'une de leurs prises de service et jusqu'à son terme.

La commission a adopté l'article 4 ainsi rédigé

I. Les grèves de 59 minutes réalisées en cours de service sont de nature à désorganiser les services de transport de façon disproportionnée

Les grèves de courte durée, ou grèves de 59 minutes, sont répandues dans le secteur des transports. Elles présentent un fort pouvoir de désorganisation et rendent plus difficile la prévisibilité du trafic. Un service de transport étant rarement réalisé en moins d'une heure, un salarié exerçant son droit de grève pendant 59 minutes doit ensuite être réaffecté à un autre service. Or, en pratique, cette réaffectation s'avère souvent très complexe dans un temps si contraint et le salarié reste inactif pour une durée plus importante que les seules 59 minutes durant lesquelles il exerce son droit de grève.

Ainsi que le relève l'Union des transports publics et ferroviaires, « dans la tranche horaire prévue par le préavis, les salariés peuvent sortir du mouvement quand ils le souhaitent, et y revenir à tout moment dès lors qu'ils respectent leurs obligations déclaratives. L'employeur doit donc recueillir en permanence des déclarations de grève, gérer les arrêts et reprises de travail à des horaires potentiellement tous différents, et dans le même temps, informer les voyageurs du trafic prévisible ».

Aussi, les 59 minutes de grève peuvent avoir des effets disproportionnés sur la réalisation du plan de transport, alors même qu'elles présentent un coût relativement faible pour le salarié gréviste.

II. Encadrer les modalités d'exercice du droit de grève dans les transports terrestres pour limiter le recours abusif aux grèves de 59 minutes et garantir la continuité des services de transport

Afin d'encadrer le recours abusif à cette pratique, la commission a adopté l'amendement COM-11 du rapporteur portant création d'un article 4, qui a pour objet de permettre aux entreprises de transports d'imposer aux salariés indispensables à l'exécution des niveaux de service dans le plan de transports adapté et soumis à l'obligation de déclaration individuelle de participer à une grève en application de l'article L. 1324-7 du code des transports, d'exercer leur droit de grève exclusivement au début de l'une de leurs prises de service et jusqu'au terme dudit service.

Afin de tenir compte des modalités d'organisation dans le secteur des transports, qui comprennent des services en deux parties, entrecoupées d'une période de coupure, et dans un objectif de garantir la proportionnalité de cette obligation, cet amendement permet au salarié de rejoindre le mouvement de grève au début de l'une de ses prises de services.

En outre, cette obligation n'a vocation à s'appliquer que dans les cas où l'exercice du droit de grève en cours de service pourrait entraîner un risque de désordre manifeste à l'exécution du service public.

Le 2° de cet article rend par ailleurs passible d'une sanction disciplinaire le manquement à cette obligation.

Un dispositif analogue validé par le juge administratif concernant l'obligation d'exercer le droit de grève au début de l'une des prises de service existe d'ores et déjà à la RATP.

Ainsi, aux termes de la décision n° 333 262 du Conseil d'État du 11 juin 2010, la « limitation apportée à l'exercice du droit de grève qui en résulte est justifiée par les nécessités du fonctionnement du service public de transport assumé par la RATP et vise à prévenir un usage abusif du droit de grève ». Le Conseil constitutionnel s'est également prononcé sur la constitutionnalité d'un dispositif voisin s'appliquant à certains personnels de la fonction publique territoriale34(*), considérant que les aménagements apportés aux conditions d'exercice du droit de grève n'étaient pas disproportionnés au regard de l'objectif poursuivi par le législateur, à savoir prévenir les risques de désordre manifeste dans l'exécution du service public causés par l'interruption ou la reprise du travail en cours de service et éviter le recours répété à des grèves de courte durée mettant en cause la continuité du service public.

La commission a adopté l'article 4 ainsi rédigé.

Article 5 (nouveau)
Extension aux transports maritimes réguliers publics pour la desserte
des îles françaises des dispositions relatives à la continuité du trafic
en cas de perturbation prévisible

Cet article, inséré par la commission, vise à étendre les dispositions existantes tendant à assurer la continuité du trafic en cas de perturbation prévisible aux transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises.

La commission a adopté l'article 5 ainsi rédigé.

I. Actuellement, les transports réguliers publics pour la desserte des îles françaises ne sont pas protégés par des dispositions tendant à renforcer la prévisibilité du trafic

A. Les transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises sont essentiels pour assurer la continuité du territoire

Le transport maritime joue un rôle essentiel pour assurer la continuité du territoire entre la France continentale et les îles, ainsi que, en outre-mer, entre les différentes îles.

En application de l'article L. 5431-1 du code des transports, les régions organisent les transports maritimes réguliers publics de personnes et de biens pour la desserte des îles françaises, sauf dans les cas où une île appartient au territoire d'une commune continentale. Elles peuvent fixer des obligations de service public concernant les ports à desservir, la régularité, la continuité, la fréquence, la capacité à offrir le service et la tarification pour les services réguliers à destination des îles ou entre îles. Elles peuvent également conclure des contrats de service public afin d'assurer une desserte adaptée aux besoins de la population. La desserte des îles est ainsi insérée dans les réseaux de transport régionaux.

À titre d'exemple, en Bretagne, neuf îles sont desservies par des liaisons maritimes de voyageurs, qui font partie du réseau « BreizhGo » : Groix, Belle-Île-en-Mer, Houat, Hoëdic, Sein, Molène, Ouessant, Arz, Bréhat. À l'exception d'Ouessant, elles ne sont pas desservies par des liaisons aériennes.

La continuité du territoire est donc assurée par ces liaisons maritimes, que les îliens peuvent ainsi utiliser parfois quotidiennement afin de se rendre sur le continent ou sur une île proche.

La Corse fait l'objet de dispositions spécifiques. En application de l'article L. 4424-18 du code général des collectivités territoriales, la collectivité territoriale de Corse définit, sur la base du principe de continuité territoriale destiné à atténuer les contraintes de l'insularité, les modalités d'organisation des transports maritimes entre l'île et toute destination de la France continentale, en particulier en matière de desserte et de tarifs. Dans la mesure où le trafic entre la Corse et le continent est marqué par de fortes variations saisonnières, la collectivité territoriale de Corse veille notamment à assurer une desserte suffisante de l'île hors de la saison touristique.

B. Ils ne bénéficient pas d'un cadre protecteur garantissant la continuité du service en cas de perturbation prévisible du trafic

Ces liaisons ont été marquées par des conflits sociaux qui portent atteinte à la continuité du service public et à la continuité du territoire. Ainsi, les liaisons assurées par la Compagnie océane entre la France et les îles françaises au large des côtes atlantiques ont été perturbées par un mouvement de grève de 5 jours du 11 au 15 mars 2022. Au cours du mois de mars dernier, les liaisons assurées entre la Corse et le continent par les compagnies Corsica Linea et La Méridionale ont été marquées par des mouvements de grève qui ont mené à l'annulation de nombreuses traversées.

Or, la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs ne s'applique pas au transport maritime, même pour les liaisons entrant dans le champ du service public.

Pour ces dernières, les syndicats sont cependant tenus de transmettre à l'autorité hiérarchique un préavis de 5 jours francs avant le déclenchement de la grève en application de l'article L. 2512-2 du code du travail. Néanmoins, les agents n'ont pas à indiquer individuellement leur participation à la grève en amont du mouvement. Cela rend par conséquent impossible toute adaptation de l'organisation du service et ne permet pas la communication d'informations fiables aux usagers, notamment les îliens. La continuité du service public et la continuité territoriale ne sont alors pas assurées de façon satisfaisante.

II. Étendre aux transports réguliers publics pour la desserte des îles françaises les dispositions existantes tendant à assurer la continuité du trafic en cas de perturbation prévisible est nécessaire pour assurer la continuité du territoire

Pour la commission, il est nécessaire de remédier à cette situation en protégeant la continuité du service public et en assurant l'information des usagers.

L'article 5, inséré en commission à l'initiative de Didier Mandelli (amendement  COM-6), étend donc aux transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises les dispositions existantes relatives à la prévisibilité du trafic en cas de perturbation prévisible du service, et notamment en cas de grève, ainsi que celles concernant le dialogue social, la prévention des conflits collectifs et l'exercice du droit de grève.

Ces dispositions sont en vigueur dans les services publics de transport terrestre régulier de personnes depuis l'adoption de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Ainsi, dans les transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises, des plans de transports adaptés, pris en conformité avec les priorités de desserte et les niveaux de service définis par les autorités organisatrices de transports, seront fixés par les opérateurs. Les usagers bénéficieront également d'un plan d'information en amont de la grève. Les personnels indispensables à l'exécution du plan de transports adapté devront également déclarer individuellement leur participation à la grève avant le mouvement, ce qui renforcera la prévisibilité des perturbations du trafic liées aux grèves.

Enfin, ces services de transport entreront dans le champ de la procédure « d'alarme sociale » qui a pour objectif de prévenir l'apparition de conflits sociaux en renforçant le rôle du dialogue social. Celle-ci rend en effet obligatoire une négociation préalable au dépôt de tout préavis de grève.

Le 3° corrige une erreur de syntaxe.

La commission a adopté l'article 5 ainsi rédigé.

Article 6 (nouveau)
Prise en compte des heures de pointe dans la détermination
par l'autorité organisatrice de transports du niveau minimal de service

Cet article, inséré par la commission à l'initiative du rapporteur, vise à ce que les heures de pointe soient prises en compte dans la détermination par l'autorité organisatrice de transports du niveau minimal de service.

La commission a adopté l'article 6 ainsi rédigé.

I. Des mobilités quotidiennes régulièrement perturbées par des mouvements de grève

Au-delà des grands départs en vacances et des pics de fréquentation liés à des événements exceptionnels, sur lesquels porte l'article unique de la proposition de loi, les mouvements de grève ont des répercussions considérables sur les mobilités quotidiennes des Français, notamment lorsqu'ils empruntent les transports collectifs pour se rendre sur leur lieu de travail.

Or, ces usagers ont rarement la possibilité de bénéficier de solutions alternatives, soit pour des raisons économiques, soit compte tenu de la congestion routière qui augmenterait considérablement leur temps de trajet. En outre, un grand nombre de Français ne peuvent recourir au télétravail. De fait, ce sont vraisemblablement les travailleurs les plus modestes qui subissent le plus les conséquences des grèves.

II. Renforcer la prise en compte des heures de pointe dans la détermination du niveau minimal de service par l'autorité organisatrice de transports

La commission a manifesté, par l'adoption de l'amendement COM-12 du rapporteur, sa volonté de renforcer la continuité du service public de transports au service des mobilités de quotidien, et ce de façon complémentaire à l'article unique du texte initial, qui porte davantage sur les périodes de vacances.

Cet article précise que le niveau minimal de service, qui doit être défini par l'autorité organisatrice de transports en application de l'article L. 1222-3 du code des transports, et qui doit correspondre à la couverture des besoins essentiels de la population, prend notamment en compte les heures de pointe.

La commission a adopté l'article 6 ainsi rédigé.

Article 7 (nouveau)
Réquisition des personnels indispensables pour assurer le niveau minimal de service en cas de non-atteinte du niveau minimal de service
durant trois jours

Cet article, inséré par la commission à l'initiative de Daniel Guéret, vise à permettre à l'autorité organisatrice de transports d'enjoindre l'entreprise de transports à réquisitionner les personnels indispensables à l'atteinte du niveau minimal de service, dès lors que ce niveau n'a pas été atteint durant trois jours consécutifs en raison d'un mouvement de grève.

La commission a adopté l'article 7 ainsi rédigé.

I. Le niveau minimal de service n'est à ce jour pas garanti

L'article L. 1222-3 du code des transports prévoit la définition, par l'autorité organisatrice de transport (AOT), d'un niveau minimal de service permettant d'éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir, à la liberté d'accès aux services publics, à la liberté du travail, à la liberté du commerce et de l'industrie et à l'organisation des transports scolaires.

Pour autant, ce niveau minimal de service n'est pas garanti. Les entreprises de transports ne peuvent pas astreindre des salariés indispensables à son exécution à rester en poste, de sorte qu'en cas de mouvement de grève très suivi, elles ne disposent pas forcément des moyens humains nécessaires pour le réaliser.

II. Assurer la réalisation d'un véritable service minimum en autorisant la réquisition de certaines catégories de salariés

La commission a adopté l'amendement COM-5 de Daniel Guéret, pour prévoir la mise en oeuvre d'un service minimum effectif, adossé à une possibilité de réquisition de certaines catégories de salariés.

Cet article 7 crée trois nouveaux articles au sein de la section 2 « L'organisation de la continuité du service public en cas de perturbation prévisible du trafic » du chapitre II du titre II du livre II de la première partie du code des transports.

L'article L. 1222-7-1 nouvellement créé donne ainsi la possibilité à l'AOT d'enjoindre l'entreprise de transports de requérir les personnels indispensables pour assurer le niveau minimal de service correspondant à la couverture des besoins essentiels de la population, notamment aux heures de pointe, mentionné à l'article L. 1222-3 du code des transports. Il prévoit que les catégories d'agents et les effectifs nécessaires soient déterminés par l'accord collectif de prévisibilité (ou le plan de prévisibilité) prévu à l'article L. 1222-7 du code des transports. L'article 7 prévoit en outre que l'entreprise de transports est tenue de se conformer à l'injonction de l'AOT dans un délai de vingt-quatre heures. Il précise également que les personnels requis en sont informés au plus tard vingt-quatre heures avant l'heure à laquelle ils sont tenus de se trouver à leur poste. Enfin, cet article prévoit que le non-respect de ces dispositions est passible d'une sanction disciplinaire.

En ce qu'il ne vise que les personnels indispensables à la réalisation du niveau minimal de service, et en ce que cette possibilité n'est applicable que lorsque le nombre de personnels disponibles n'a pas permis, durant trois jours consécutifs, d'atteindre ce niveau, cette mesure paraît proportionnée à l'objectif de continuité du service public de transport.

La commission a adopté l'article 7 ainsi rédigé.

TRAVAUX EN COMMISSION

Désignation du rapporteur
(Mercredi 28 février 2024)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève.

Ce texte déposé le 14 février dernier par notre collègue Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues du groupe Union centriste vise à assurer l'effectivité et la continuité du service public des transports au cours de certaines périodes marquées par de nombreux grands départs. Il permet ainsi au Gouvernement de définir chaque année des périodes, qui peuvent durer jusqu'à quinze jours, et dont la durée cumulée ne peut excéder soixante jours, au cours desquelles l'exercice du droit de grève pour l'ensemble de personnels concourant à la mise en oeuvre du service public de transports pourrait être suspendu.

Cette proposition de loi devrait être examinée dans le courant du mois d'avril et fait écho à d'autres initiatives parlementaires ayant un objet similaire. La prochaine Conférence des Présidents, qui se tiendra le 20 mars, nous donnera des indications plus précises sur ce calendrier.

En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de Philippe Tabarot. Je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur.

La commission désigne M. Philippe Tabarot rapporteur sur la proposition de loi n° 344 (2023-2024), de M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues, visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève, dont la commission est saisie au fond (sous réserve de son inscription à l'ordre du jour).

Examen du rapport
(Mercredi 3 avril 2024)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous nous réunissons ce matin pour examiner le rapport de Philippe Tabarot et élaborer le texte de la commission sur la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transport avec l'exercice du droit de grève. Ce texte a été déposé par Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues le 14 février dernier, à la suite des importants mouvements de grèves intervenus à la veille de grands départs en vacances.

Avant toute chose, je remercie le rapporteur, Philippe Tabarot, d'avoir conduit ses auditions - plus d'une quinzaine - dans des délais, comme c'est souvent le cas, malheureusement très contraints, et sur un sujet que je sais épineux.

Cette proposition de loi sera examinée en séance publique le mardi 9 avril prochain à 14 h 30. Le délai limite pour le dépôt des amendements de séance publique est fixé au lundi 8 avril à 12 heures.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Je suis heureux de vous présenter aujourd'hui mon rapport sur la proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève, déposée par le président Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues.

Je suis bien conscient que les conditions d'exercice du droit constitutionnel de grève et sa nécessaire conciliation avec d'autres droits, également constitutionnels, sont un sujet pouvant susciter des débats passionnels. J'ai donc ouvert les auditions préparatoires à l'ensemble des commissaires, afin que nous parvenions au moins à établir un diagnostic commun sur la situation actuelle.

Le texte que nous examinons aujourd'hui prévoit un maximum de 60 jours par an au cours desquels l'exercice du droit de grève dans les services publics de transport pourrait être suspendu. Il tend donc à sanctuariser certaines périodes qui répondent à des besoins essentiels de la Nation, pendant lesquelles les usagers auraient la garantie qu'une grève ne pourrait pas perturber le fonctionnement des transports publics. Le bon déroulement des grands départs, des scrutins électoraux et des grands événements nationaux, notamment sportifs et culturels, pourrait donc être concilié avec la survenue des aléas consécutifs à l'exercice du droit de grève. Ce dispositif s'inspire de l'exemple italien, où un système analogue est en vigueur depuis près de trente ans.

Je tiens à souligner que ce texte fait de la négociation collective l'un des préalables de l'application du dispositif. Le pouvoir réglementaire ne pourra fixer précisément les jours entrant dans le champ de cette sanctuarisation des déplacements qu'après une négociation avec les partenaires sociaux. La proposition de loi prévoit également que ces périodes ne pourront être définies qu'au moins quatre-vingt-dix jours avant le début de la première période concernée ; elles ne pourront durer plus de quinze jours consécutifs.

Loin de s'opposer au droit de grève en lui-même, ce texte tend à concilier son exercice avec d'autres droits et libertés à valeur constitutionnelle, tels que la continuité du service public, la préservation de l'ordre public, la liberté d'aller et venir ou encore la liberté d'entreprendre.

Le premier axe de mon rapport a consisté à accentuer cette logique de conciliation, et à renforcer la proportionnalité du dispositif. Seuls les aménagements de l'exercice du droit de grève strictement nécessaires aux objectifs d'intérêt général poursuivis dans ce texte me semblent devoir être conservés.

Le deuxième axe de mon rapport s'inscrit dans une même logique d'ajustement de l'exercice du droit de grève : certains abus peuvent miner l'acceptation sociale de ce droit auquel je suis fermement attaché. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé plusieurs amendements tendant à en empêcher certains détournements et à en limiter les conséquences les plus néfastes pour les usagers, notamment ceux qui utilisent les transports collectifs dans leurs mobilités quotidiennes et pour se rendre au travail.

Afin de renforcer la proportionnalité du dispositif, je vous proposerai tout à l'heure un amendement tendant à mieux encadrer les périodes de protection des déplacements durant lesquelles le droit de grève pourra être suspendu. Il me semble opportun de réduire leur plafond annuel à trente jours au lieu de soixante jours, et de fixer le nombre maximal de jours consécutifs sanctuarisés à sept jours plutôt que quinze. Conscient qu'une franchise totale de grève ces jours-ci est sans doute insuffisamment proportionnée, j'ai cherché, dans un souci d'équilibre, à ne prévoir qu'une suspension partielle du droit de grève, c'est-à-dire à certaines heures de la journée, qui correspondent aux heures de pointe.

Je ne doute pas que vous partagerez mon analyse, puisqu'elle reprend la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel : il revient au législateur d'assurer la bonne conciliation entre le droit de grève et les autres droits auxquels il est susceptible de porter atteinte.

Aussi, et pour ne pas trop laisser les coudées franches au pouvoir réglementaire dans la détermination de ces périodes de protection renforcée de la liberté d'aller et venir, j'ai tenu à préciser que celles-ci ne peuvent être fixées que les jours fériés et les jours d'élections et de référendums, ainsi que les jours les précédant et les suivant, et pendant les vacances scolaires et les événements d'importance majeure sur le territoire. Bien entendu, la détermination de ces périodes ne pourra avoir lieu qu'après concertation avec les partenaires sociaux des branches concernées.

Afin de m'assurer de la proportionnalité du dispositif et de son efficacité, j'ai également cherché à en clarifier le champ d'application. Il me semble en effet essentiel que seuls les agents indispensables à l'exécution du service soient concernés par cet aménagement de leur droit de grève : gardons-nous d'en priver l'ensemble des agents du secteur. Il m'a paru en outre nécessaire de clarifier le fait que les services librement organisés (SLO) de transport ferroviaire de voyageurs -- en clair, les lignes à grande vitesse -- soient bien inclus dans le champ du texte ; c'était là l'intention première de son auteur.

Enfin, il ne m'a pas semblé opportun de conserver le transport aérien dans le champ d'application du texte. Il est en effet nécessaire de laisser le temps à la loi du 28 décembre 2023 relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic de produire l'ensemble de ses effets. Pour rappel, notre commission avait examiné au fond ce texte de notre collègue Vincent Capo-Canellas au printemps dernier.

Enfin, pour qu'une loi soit bien appliquée, il faut qu'il y ait des sanctions à l'encontre des éventuelles personnes qui ne se conformeraient pas à ses dispositions. Le dispositif prévoit donc des sanctions pénales en cas de manquement. Il me paraît plus équilibré d'en rester à des sanctions disciplinaires, ce qui est la règle générale en cas d'exercice du droit de grève dans des conditions illicites. Une telle substitution est en outre de nature à renforcer la constitutionnalité du texte.

J'en viens maintenant au deuxième axe de mon rapport : la lutte contre les détournements du droit de grève et ses effets les plus marqués sur les mobilités du quotidien.

Le droit de grève est, je le répète, un droit constitutionnel et précieux. C'est bien pour cette raison qu'il est essentiel de lutter contre les détournements de son exercice par une minorité, qui en fragilisent l'acceptation sociale.

Au cours de mes travaux préparatoires, j'ai été frappé par le discours des opérateurs, qui ont décrit avec précision certains abus auxquels il faut mettre un terme.

Dans les services publics, une grève ne peut être déclenchée que cinq jours francs après le dépôt d'un préavis par une organisation syndicale. De surcroît, dans le secteur des transports terrestres de voyageurs, un mécanisme dit d'alerte précoce est prévu en amont de ce dépôt. L'objet de ces dispositions est d'ouvrir une période de dialogue entre l'autorité hiérarchique et les organisations syndicales : la grève n'est ainsi déclenchée qu'en dernier recours, après l'échec éventuel du dialogue.

Or certains syndicats déposent des préavis de grève d'une durée illimitée ou très longue, utilisables ainsi en permanence. La période de dialogue social est ainsi contournée : une grève peut être déclenchée en s'appuyant sur un préavis déposé des mois plus tôt, appelé couramment « préavis dormant », et ce sans repasser par la « case » négociation.

En outre, ces préavis permanents sont parfois utilisés par certains agents pour des raisons individuelles -- je n'ose pas dire de convenance...

Or la grève est un droit collectif et revendicatif. Il est donc nécessaire de veiller à ce que son cadre légal ne soit pas utilisé pour des raisons qui n'ont rien à voir avec les conflits collectifs de travail et de renforcer le rôle du dialogue social afin de prévenir ces conflits.

Je vous proposerai donc un amendement tendant à prévoir la limitation à trente jours des préavis de grève dans le secteur des transports et la caducité des préavis qui n'ont pas été utilisés par au moins deux agents pendant une période de quarante-huit heures.

J'en viens maintenant à un deuxième détournement du droit de grève. Ce sont les grèves de courte durée, les fameuses « grèves de 59 minutes ». Dans les transports publics, il peut arriver que certains agents fassent grève moins d'une heure, à un moment stratégique de la journée, ce qui rend de fait impossible leur réaffectation par la suite. Ainsi, les conséquences sont très lourdes sur le trafic. Elles sont également disproportionnées, compte tenu du coût relativement faible de cette grève de 59 minutes pour un salarié qui peut pourtant rester inactif, faute de réaffectation, pendant plusieurs heures.

Afin d'encadrer le recours abusif à cette pratique, je vous proposerai un amendement prévoyant que, en cas de risque de désordre manifeste à l'exécution du service public, les agents indispensables au bon fonctionnement du service ne puissent exercer leur droit de grève qu'au début de l'une de leurs prises de service et jusqu'à son terme.

Les grèves de 59 minutes, comme les préavis dormants, causent de nombreuses « micro-perturbations » dont on ne s'émeut guère au niveau national. Des RER et des TER sont annulés ou retardés tous les jours. Ce sont autant de cailloux dans les chaussures de nos concitoyens qui empruntent au quotidien des moyens de transport décarbonés ; je souhaite me faire leur porte-parole. Bien souvent, beaucoup d'entre eux n'ont d'ailleurs pas d'autres solutions que d'utiliser les transports en commun, pour des raisons économiques ou en raison de la congestion routière. Évitons de leur mettre des bâtons dans les roues en permanence.

C'est également afin de simplifier la vie de nos concitoyens en cas de mouvement social que je vous propose une mesure de bon sens. Aujourd'hui, en cas de grève dans les transports publics terrestres de voyageurs, les agents indispensables au bon fonctionnement du service indiquent individuellement quarante-huit heures en amont du mouvement qu'ils comptent y participer. Ils disposent alors d'un délai de rétractation supplémentaire de vingt-quatre heures.

Ces délais sont trop courts pour que les opérateurs optimisent efficacement leur offre de transport et définissent de façon appropriée les modalités de mise en place du plan de transport adapté. Par conséquent, ils n'ont pas la capacité d'assurer une information prévisible et fiable à destination des usagers en amont de la grève alors qu'ils ont l'obligation d'y procéder vingt-quatre heures avant son commencement.

Avancer ces délais de déclaration individuelle de vingt-quatre heures faciliterait donc l'organisation du service par les opérateurs de transport et garantirait la transmission d'une information plus fiable aux usagers dans les délais légaux.

En cas de grève, les « cols blancs » - même si je n'aime pas beaucoup cette expression - peuvent télétravailler. Ceux qui sont contraints de prendre tout de même les transports en commun sont souvent les travailleurs les plus modestes et les plus précaires, qui habitent d'ailleurs fréquemment loin de leur lieu de travail. Ne les laissons pas sur le quai de la gare, si je puis dire.

C'est également afin de mieux protéger ces mobilités du quotidien, notamment les trajets entre le domicile et le travail, que je vous propose d'adopter un amendement prévoyant que le niveau minimal de service en cas de grève, défini par l'autorité organisatrice de la mobilité (AOM), corresponde à la couverture des besoins essentiels de la population, notamment aux heures de pointe.

J'ai cherché une position d'équilibre, tout d'abord entre le droit de grève et les autres libertés constitutionnelles. Il est nécessaire de ne pas porter des atteintes disproportionnées ou non nécessaires au droit de grève. L'équilibre n'exclut d'ailleurs pas la fermeté : c'est bien pour cette raison que je suis formellement opposé à toute forme de détournement du droit de grève.

Ensuite, j'ai également tenté de trouver un point d'équilibre entre la protection des grands déplacements et les jours exceptionnels, d'une part, et celle du quotidien des Français, d'autre part. Pour citer Mao Tsé-toung, « il faut marcher sur ses deux jambes » : une forme de sanctuarisation des déplacements pendant certaines périodes est opportune, mais il faut également veiller à la qualité des transports pris chaque jour par des millions de Français.

M. Jacques Fernique. - L'exercice du droit de grève dans la Chine de Mao Tsé-toung est sujet à caution...

Cette proposition de loi relève d'une réaction disproportionnée et à l'emporte-pièce, plus épidermique qu'équilibrée.

Dans le contexte social actuel, et alors que les transports publics rencontrent de nombreuses difficultés à la veille des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), tant en matière de qualité que de capacité, rouvrir un chantier parlementaire sur l'exercice du droit de grève de manière aussi outrée n'est pas la meilleure façon de faire en sorte que nos services de transport abordent cette période compliquée dans de bonnes conditions.

L'euphémisme ne trompera personne : la suspension, c'est tout bonnement une interdiction, pendant 60 ou 30 jours par an, 15 ou 7 jours consécutifs et uniquement à certaines heures de la journée. Il s'agit bien de la suppression d'un droit essentiel et constitutionnel durant un temps donné, celui où l'exercice de ce droit a l'impact le plus fort. En fait, il s'agit d'une réquisition générale des agents durant ces périodes, alors que la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les besoins essentiels du pays est constante : les services de transport n'en font pas partie, car il existe des solutions alternatives en cas de grève, et l'arrêt du service n'est jamais total.

Nos transports collectifs revêtent une importance économique, sociale et climatique majeure. C'est un dialogue social performant et fluide qui assurera leur développement et leur qualité. Ce n'est pas en amputant le droit de grève et la liberté d'action syndicale que l'on y contribuera.

Je retrouve dans ce texte et dans de nombreux amendements des revendications des employeurs, qui visent à amoindrir, décourager et complexifier l'action collective des salariés. Pour cela, ils ont pointé certains abus, mais ceux-ci ont été montés en épingle et caricaturés. Or l'intérêt général passe par la recherche d'un équilibre, notamment en améliorant le fonctionnement du régime issu de la loi de 2007 : alarme sociale, période de dialogue prise au sérieux, facilitation de l'exercice des fonctions de représentation du personnel, valorisation du travail des organisations représentatives, déclarations individuelles d'intentions qui ne soient pas utilisées pour faire pression sur les salariés et les dissuader de faire grève, autant de pistes autrement plus positives que des interdictions, des réquisitions ou des sanctions pénales et disciplinaires.

Pour les usagers, la création du service organisé sur la base des grévistes prévus et l'information des voyageurs ont été de réels progrès : faisons fonctionner ces dispositifs au mieux plutôt que de limiter excessivement, de contraindre, et, finalement, d'attiser ce que l'on prétendait apaiser.

M. Stéphane Demilly. - L'aviation fait partie de mon ADN ; j'ai été maire et député d'une ville dont le développement reposait uniquement sur l'aéronautique.

En ma qualité de rapporteur pour avis sur les crédits relatifs au transport aérien dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, j'ai constaté que la concurrence était féroce dans ce secteur. C'est moins le cas pour le ferroviaire, qui, en raison de sa situation monopolistique, est en mesure de bloquer tous les déplacements en train du jour au lendemain. Résultat : nos concitoyens ne disposent pas de solutions alternatives pour se déplacer, pour reprendre un terme utilisé par Jacques Fernique. Cette proposition de loi est donc tout à fait légitime.

Comme l'a souligné le rapporteur, il n'est pas utile que ce texte couvre le champ du secteur aérien. Ce dernier est déjà encadré par la loi Diard de 2012, qui oblige tout salarié concourant directement à la réalisation des vols à se déclarer gréviste au plus tard quarante-huit heures avant le mouvement, et par la loi dont l'auteur était notre collègue Vincent Capo-Canellas de 2023, qui assure un haut niveau de prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social des contrôleurs aériens.

Je salue le travail de l'auteur du texte et du rapporteur : conscients de ces subtilités, ils sont parvenus à un consensus équilibré. Je citerai moi aussi Mao Tsé-toung : « Le fondement de la théorie, c'est la pratique. » Nous y sommes, grâce au consensus qui a été trouvé.

Cela dit, comment faire pour rassurer les acteurs du secteur qui craignent que la suspension du droit de grève pour une durée clairement limitée ne soit la porte ouverte à un encadrement plus large du droit de grève ?

M. Olivier Jacquin. - À mon tour de détourner Mao Tsé-toung, qui a aussi dit que « c'est dans l'ignorance que l'on dirige un peuple ». Pour notre part, nous ne serons pas ignorants : il s'agit bien d'un texte épidermique et de circonstance, dont le but est de nuire au droit de grève.

Voilà une étonnante inversion de la valeur travail : nos collègues en viennent à défendre le droit aux vacances...

Cette proposition de loi est probablement inconstitutionnelle ; de plus, elle opère de multiples confusions entre le pouvoir législatif et le pouvoir réglementaire.

Vous auriez plutôt dû utiliser votre énergie à améliorer les procédures de prévention des conflits en amont de la grève et le dialogue social, seul moyen de limiter la pratique de la grève et d'améliorer la situation générale du service public et celle des travailleurs.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - Je salue le talent de Philippe Tabarot et sa capacité à masquer une volonté à revenir sur le droit de grève...

On parle beaucoup ici de simplification des normes : je ne suis pas sûr que cela soit le cas avec ce texte, dont les failles complexifieront les choses.

La loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic de 2023 dont Vincent Capo-Canellas a été à l'origine concerne uniquement les contrôleurs aériens, pas le reste du personnel : pourquoi l'aviation, à moins qu'elle ne remplisse pas une mission de service public, serait-elle exclue du champ de ce texte ?

Comme j'ai pu l'entendre lors des auditions du rapporteur, dans certaines compagnies aériennes - c'est le cas pour Air France -, le dialogue social n'est pas mené de la même manière qu'à la SNCF : il évite aux agents de recourir à la grève, solution ultime ; on ne fait jamais grève pour le plaisir. La grève résulte toujours d'une faille dans le dialogue social de l'entreprise. À entendre Philippe Tabarot, on dirait que tout va bien dans ces entreprises. Or ce n'est pas le cas.

Comme l'a souligné Olivier Jacquin, ce texte opère des confusions entre ce qui relève de la loi et du règlement.

Dans mon territoire, nos concitoyens se plaignent non pas des grèves, mais de la situation dégradée des transports du quotidien. Prenez le cas de la ligne ferroviaire entre Lyon et Ambérieu-en-Bugey : entre ces deux extrémités, le service fonctionne correctement. En revanche, si vous habitez à Montluel, vous courez le risque que votre train ne s'arrête pas à la gare, voire qu'il soit supprimé. Résultat : les personnes concernées utilisent de nouveau leur voiture au quotidien.

J'ai le sentiment que la droite évolue : elle essayait de supprimer le droit de grève au nom du droit au travail. Aujourd'hui, elle revient à la charge au nom du droit aux congés.

M. Pierre Barros. - Merci pour votre brillante intervention, monsieur le rapporteur.

De nombreuses propositions de loi ont été déposées depuis plusieurs années à ce sujet, notamment par Bruno Retailleau, Stéphane Le Rudulier et vous-même, Philippe Tabarot.

Je me place du point de vue des usagers. Si la dégradation du service de transport était due aux grèves, tout irait très bien ! Lors des grèves, nous sommes avertis en temps et en heure. Ce n'est pas le cas lors des dysfonctionnements techniques, qui durent souvent plusieurs heures et pendant lesquels l'information fait souvent défaut. Ceux-ci expliquent la plupart des retards, notamment en Île-de-France. Trains en panne, défaut d'alimentation électrique ou manque de conducteurs : voilà le quotidien des usagers. Les grèves ne représentent pas la majorité des problèmes.

Ce texte est une énième tentative pour empêcher les gens de se mobiliser. La grève représente un moment particulier du dialogue social. Les négociations ont évidemment commencé bien avant : comme l'ont indiqué les organisations syndicales lors des auditions préparatoires, la grève intervient en dernier ressort en cas de rupture dans les négociations. Elle est source de pertes de salaire et les agents sont bien conscients des problèmes causés aux usagers. Salariés et employeurs, tous sont alors responsables de la situation.

Avec ce texte, on retire la capacité aux salariés de disposer d'outils pouvant peser sur la négociation collective. C'est très dangereux. Le patronat a besoin des organisations syndicales : sans elles, le système s'effondre. Les syndicats sont les garants d'un amortisseur social. J'irai plus loin : ce sont les meilleurs amis des gestionnaires, à condition de travailler à armes égales avec eux. Si les outils des uns sont disproportionnés par rapport à ceux des autres, le résultat est dommageable, avec, notamment, le développement de collectifs de salariés qui peuvent faire grève de façon autonome. On arrive à un dérapage, qui est le résultat d'un matraquage systématique du droit des salariés à se mobiliser et à se mettre en grève.

Le jour où les grandes organisations syndicales telles que la CGT et la CFDT seront remplacées par des collectifs spontanés de salariés issus de groupes WhatsApp, la situation sera nettement plus difficile qu'aujourd'hui.

M. Cédric Chevalier. - Remettre en cause certains sujets, faire évoluer notre droit dans certaines matières, c'est normal. Et le rapporteur a cherché à préserver les équilibres actuels.

La grève, c'est l'échec du dialogue social. C'est seulement lorsque les différentes parties ne s'entendent plus que ce droit doit être mis en oeuvre. C'est l'arme ultime. La grève affecte les usagers, qu'ils aillent travailler ou se divertir, le bilan financier et la réputation de l'entreprise, les salariés grévistes - on ne fait pas grève par plaisir - et les salariés mobilisés pour maintenir la continuité du service ; pensons à ces femmes et à ces hommes mobilisés pour maintenir un service minimum pour l'ensemble des usagers ! À mon avis, on ne tient pas assez compte des conséquences d'une grève sur leur vie personnelle et professionnelle : ils peuvent être rappelés alors qu'ils étaient en congé !

Aussi, je défendrai un amendement tendant à prendre compte les jours ouvrés plutôt qu'un délai de quarante-huit ou de soixante-douze heures concernant les déclarations individuelles de participation à la grève. Cela permet de répondre à la situation de ceux qui doivent organiser le service, et qui ont aussi le droit au repos.

Ce texte permet de conserver l'équilibre entre ceux qui font grève et les autres, d'améliorer les conditions de dialogue entre l'ensemble des collaborateurs, tout en préservant la richesse des entreprises, c'est-à-dire les femmes et les hommes qui la composent.

M. Saïd Omar Oili. - La particularité du mode de transport en outre-mer n'a pas été prise en compte dans ce texte, me semble-t-il. À Mayotte, pour nous rendre sur l'île de la Petite-Terre ou de la Grande-Terre, nous sommes obligés de prendre une barge ; l'unique mode de transport est maritime. En Guyane, les enfants vont à l'école en pirogue.

Comment la limitation du droit de grève, prévue par ce texte, pourra-t-elle s'appliquer à ce mode de transport, propre à nos collectivités ?

M. Hervé Reynaud. - Il est heureux de pouvoir réfléchir sur des sujets déjà bien établis.

En tant qu'élus locaux, nous avons, à de nombreuses occasions, discuté avec des représentants d'organisations syndicales. Cependant, le droit de grève est souvent dévoyé, et je le regrette : certains acteurs syndicaux responsables, avec lesquels nous pouvons parfaitement travailler, sont débordés par des collectifs qui utilisent des préavis dormants.

Avançons sur ce sujet ! Les cols blancs et les cols bleus, pour reprendre l'expression de notre rapporteur, doivent pouvoir aller travailler tous les jours.

Cette proposition de loi n'a pas pour objet de gérer l'amélioration des transports du quotidien, pour laquelle il faut prendre en compte d'autres facteurs, et nous avons débattu de la sûreté dans les transports voilà quelques semaines. Il nous appartient de faire en sorte que notre pays - son image est en jeu - organise de grands événements dans de bonnes conditions ou que les Français puissent partir en vacances ; souvent bien méritées, elles sont aussi l'aboutissement de luttes antérieures, ne l'oublions pas.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Monsieur Reynaud, nous partageons votre constat.

Monsieur Chevalier, j'ai la même analyse que vous et j'entends votre message, malgré une petite différence par rapport à l'amendement que vous proposez.

Monsieur Omar Oili, si l'excellent amendement déposé par M. Mandelli est adopté, le texte répondra concrètement à la situation dans les territoires d'outre-mer.

Monsieur Demilly, à la suite des auditions de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), d'Air France, de l'Union des aéroports français (UAF) et d'ADP, nous avons décidé de ne pas inclure le transport aérien dans ce texte. Il n'a pas semblé opportun à nos interlocuteurs de légiférer de nouveau sur ce point, étant donné qu'a été récemment promulguée la loi relative à la prévisibilité de l'organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l'adéquation entre l'ampleur de la grève et la réduction du trafic, déposée par M. Capo-Canellas. De plus, pour répondre à Gilbert-Luc Devinaz, peu de lignes servent à assurer la continuité du service public.

Nous avons précisé les périodes concernées par les suspensions - les événements d'importance majeure comme les examens, les grandes compétitions sportives et culturelles - au cours desquelles notre pays ne doit pas être bloqué, notamment pour des raisons de sécurité. D'ailleurs, le fiasco du Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions le 28 mai 2022 est dû en partie à une grève dans les services de transports en commun et à un manque d'information des usagers. Si le délai de soixante-douze heures, plutôt que de quarante-huit heures, pour les déclarations individuelles avait été la règle, des problèmes auraient sans doute été évités.

Nous avons complété le texte initial en y ajoutant des mesures portant spécifiquement sur les mobilités du quotidien et en veillant à sa constitutionnalité. Jacques Fernique, le Conseil constitutionnel ne s'est jamais prononcé sur le caractère essentiel du transport public de voyageurs ; sa jurisprudence précise seulement qu'il revient au législateur d'assurer la bonne conciliation entre le droit de grève et les autres droits auxquels il est susceptible de porter atteinte.

Nous avons souhaité faire évoluer la suspension - ou l'interdiction, c'est selon - pour qu'elle concerne des plages horaires ; mais elle ne s'applique qu'au personnel indispensable au bon fonctionnement du service.

J'ai entendu les remarques de MM. Jacquin, Barros, Devinaz et Fernique. Lors des auditions préparatoires auxquelles je vous ai conviés dans un souci de transparence, vous avez pu entendre les positions des différents acteurs. D'ailleurs, vous n'avez pas fait preuve de la même ouverture en ne m'invitant pas à entendre à vos côtés certains acteurs ! Vous aviez sans doute des secrets à vous partager, notamment pour préparer vos armes...

Tous les mercredis matin, nous vous écoutons, attentivement toujours et longuement souvent, et nous partageons même certains de vos constats, empreints de bon sens. En revanche, lorsqu'il s'agit de préserver la sûreté dans les transports ou d'éviter le détournement du droit de grève, votre idéologie prend le dessus. Et la défense du ferroviaire, sujet qui vous intéresse - vous déposez avec nous des amendements en la matière -, ne retient alors plus votre attention !

Une forte grève peut coûter 10 millions d'euros par jour à la SNCF, et même jusqu'à 100 millions d'euros, comme on le voit dans les résultats financiers de l'entreprise. C'est autant d'investissements en moins dans le réseau que nous défendons pourtant ensemble, alors même qu'ils sont à la charge de l'entreprise, l'État n'étant plus en mesure de les faire. Et vous prétendez que ce n'est pas un sujet, que le problème, c'est l'absence de dialogue social ? Je ne comprends pas ; on ne peut pas défendre le ferroviaire et ne pas regarder en face les répercussions financières importantes des mouvements sociaux.

Avez-vous vu les derniers sondages ? La SNCF est l'entreprise la plus détestée des Français ; elle a perdu vingt-deux places au classement des entreprises françaises. C'est en partie lié aux grèves...

M. Olivier Jacquin. - N'importe quoi !

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Avez-vous vu les images des quais bondés du mois de février ? Avez-vous entendu parler de ces familles qui n'ont pas pu se retrouver ? Certains parents séparés ont eu des difficultés à emmener leurs enfants à l'autre parent pendant les vacances scolaires.

Quand on parle de droit de grève et de sûreté dans les transports, vous êtes aveuglés par une idéologie qui n'est plus d'actualité, et vous perdez votre logique.

Parlementaires, nous sommes aussi les représentants des usagers, alors que vous considérez être uniquement les représentants des grévistes. La situation a beaucoup changé, et c'est à cette aune qu'il faut revoir les conditions de l'exercice du droit de grève, car l'abus n'est pas un droit.

Voilà un certain nombre d'années que le droit de grève est, à mon sens, dévoyé. Et certains syndicats eux-mêmes l'ont reconnu. Personne n'a nié l'existence de grèves de confort. Écoutez M. Barros : en décembre 2022 et en février 2024, des corporations, au sein d'entreprises ferroviaires, ont souhaité lancer des grèves sur les réseaux sociaux sans l'accord de syndicats ; ils en ont eu cependant besoin pour fonder leur mouvement de s'appuyer sur les préavis dormants que les syndicats avaient déposés auparavant. Si cette procédure avait été limitée, ces corporations n'auraient pas été en mesure de faire grève.

Bien sûr, le dialogue social peut se heurter à certaines difficultés dans notre pays, mais si la grève devient le préalable à tout dialogue social, alors c'est du chantage !

Déclencher un mouvement de grève ne doit être qu'une solution - extrême - de dernier recours, qui intervient après des jours et des nuits de discussion dans le cadre du dialogue social. Cela ne doit pas consister à choisir de déposer des jours de grève, après avoir consulté le calendrier des manifestations importantes en France, au prétexte que cela donnerait de la force dans le dialogue social ; c'est du chantage !

Pensez-vous que Jean-Pierre Farandou ou Jean Castex sont contre le dialogue social ? Les présidents d'AOM - et vous l'avez été - sont-ils opposés au dialogue social ? Non !

Si nous ne luttons pas contre le détournement - j'y insiste - du droit de grève, alors nous lui ferons perdre son essence. Toutes les grandes avancées que notre pays a connues dans le ferroviaire en particulier et dans les autres modes de transport en général sont aujourd'hui dévoyées par le détournement du droit de grève et des mouvements sociaux.

M. Jean-François Longeot, président. - Je partage le propos de notre rapporteur.

Monsieur Fernique, les images des usagers attendant sur les quais un train qui n'est jamais arrivé ne sont pas caricaturales.

Issu de la fonction publique territoriale, je défends l'idée que le service public doit être au service du public. Lorsque ce n'est pas le cas, les agents publics sont caricaturés ; on se moque d'eux et l'on explique alors qu'ils coûtent cher et qu'ils ne servent à rien, ce que je ne veux pas entendre ! La notion de service public est importante.

De plus, dans certains territoires, les réseaux sont dans un si mauvais état qu'il faut absolument s'en occuper ; la SNCF ne peut pas se priver de recettes, au risque que les usagers choisissent un autre mode de déplacement. Nous voulons défendre l'utilisation des transports en commun, des modes de transport qui protègent notre environnement, etc.. Si nous ne réglons pas le problème de la continuité, nous ferons l'inverse de ce que nous souhaitons.

M. Hervé Gillé. - Monsieur le rapporteur, je trouve votre position excessive ; et tout ce qui est excessif est insignifiant.

Nous n'avons jamais dit que nous étions contre le dialogue social ! Au contraire, chacun d'entre nous cherche à renforcer la qualité du dialogue social et à remettre en perspective les conditions dans lesquelles les conflits surviennent : on peut penser qu'un dialogue social de qualité aurait permis de les éviter.

En revanche, vos propos renforcent-ils la qualité du dialogue social ? Rien n'est moins sûr !

Le dialogue social répond à des qualités de médiation et d'équilibre qui permettent d'avancer ensemble. Nous ne contestons pas que, aujourd'hui, il existe des positions qui sont pour ainsi dire irritantes, mais un tel constat mérite d'être analysé en profondeur.

Au reste, la situation française est-elle en décalage par rapport à celle des autres pays européens ? Non ; pour s'en convaincre, il suffit de regarder le nombre de journées de grève déclenchées en Allemagne. Aujourd'hui, la situation française est plus favorable qu'auparavant. Mesurez vos propos !

Il n'est pas possible de tenir des propos aussi caricaturaux, surtout lorsqu'il s'agit de travailler ensemble, comme nous le faisons souvent au sein de cette commission sur nombre de sujets. Je ne puis adhérer à vos propos, monsieur le rapporteur ; ce n'est pas la philosophie de travail de cette commission.

M. Didier Mandelli. - Je rappelle que nous sommes des parlementaires, représentants d'un territoire et soucieux du bien public.

Une proposition de loi n'arrive jamais par hasard. Elle répond à une situation particulière et vise à améliorer le droit en vigueur.

Le rapporteur a travaillé et procédé à des auditions : le texte qu'il défend tente de répondre à de réelles difficultés qu'il a constatées, au même titre que l'auteur de la proposition de loi.

Le rapporteur a réussi à éviter les clichés et les caricatures et a tenté de répondre avec finesse à cette situation ; et je partage ce qu'il a dit sur la nature de vos propos, mes chers collègues : nous aurions eu intérêt à poursuivre nos débats avec des échanges de qualité, car ce texte répond à une situation que nous connaissons tous.

Je rappelle que, lors des auditions que nous menons au titre de l'article 13 de la Constitution, les candidats à la présidence de la SNCF ou de la RATP affichent comme priorité le dialogue social ; relisez les comptes rendus des auditions !

Le dialogue social existe, il est bien mené, mais depuis quelque temps, nous assistons à un dévoiement du droit de grève, qui n'est pas digne de ceux qui engagent ces démarches, qui discréditent le mouvement syndical. Ceux qui se sont battus pour le droit de grève doivent se retourner dans leur tombe lorsque de prétendues revendications sont posées comme préalables à tout dialogue. Agiter en permanence le chiffon rouge n'est pas digne des représentants syndicaux.

M. Franck Dhersin. - S'inspirer du système italien, qui fonctionne parfaitement depuis trente ans, est-ce une caricature ? Non !

Instaurer trente jours de sanctuarisation, est-ce une caricature ? Absolument pas !

Fixer de manière précise les jours d'importance majeure après concertation ? Non plus !

Préférer des sanctions disciplinaires plutôt que pénales ? Toujours pas !

Lutter contre le détournement du droit de grève ? Absolument pas !

Lutter contre des grèves de cinquante-neuf minutes en heure de pointe, est-ce une caricature ? Non et non !

Cette proposition de loi est légitime, souhaitable et attendue par tous les usagers. Elle préserve le dialogue social.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - La région où est élu Franck Dhersin a subi les effets des grèves.

Monsieur Gillé, entre 2012 et 2021, en Allemagne, il y a eu dix-huit jours non travaillés en raison de grève par an en moyenne pour 1 000 salariés, contre quatre-vingt-douze en France à la même période.

Chaque année, dans ma région nous subissons l'impact de quatre-vingt-dix jours de grèves. Voilà la réalité et non la caricature !

En ce moment, il y a vingt-deux préavis dormants à la RATP et il y en a jusqu'en 2045 à la SNCF, n'est-ce pas ça la caricature ? Voilà pour les faits.

Mes propos sont ceux d'un passionné, d'un membre d'un exécutif local qui a subi cette situation, qui veut se faire le porte-parole des usagers qui ne supportent plus un certain nombre de pratiques.

Nous respectons le droit de grève ; mais aujourd'hui il est dévoyé.

J'en viens à présent à la présentation à la commission du périmètre pour l'établissement du texte au regard de l'article 45 de la Constitution et de l'article 44 bis du règlement du Sénat. Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux conditions de préservation de la continuité du service public de transport de voyageurs en cas de grève ; aux modalités d'encadrement de l'exercice du droit de grève des personnels concourant au fonctionnement des services de transport de voyageurs ; aux modalités de négociation avec les partenaires sociaux dans la mise en oeuvre de ces règles et aux sanctions prévues en cas de non-respect de ces règles.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - L'amendement  COM-8 a pour objet de renforcer la constitutionnalité de la proposition de loi. En premier lieu, il précise son champ d'application : seraient ainsi concernés par cette mesure les services publics de transport terrestre régulier de personnes ainsi que les services librement organisés de transport ferroviaire de voyageurs, hormis les liaisons internationales.

En second lieu, il procède à plusieurs évolutions afin que le dispositif soit davantage proportionné à l'objectif poursuivi, qui est d'assurer la continuité des services de transport terrestre lors de journées balisées et caractérisées par d'importants afflux de voyageurs, mais également de préserver la liberté d'aller et venir et de veiller au respect de l'ordre public.

Pour ce faire, cet amendement vise notamment à restreindre l'application de la suspension de l'exercice du droit de grève aux seuls personnels dont le concours est indispensable au fonctionnement des services de transport. Il a également pour objet de préciser les périodes concernées par ces suspensions, à la fois les types de jours concernés - jours fériés, vacances, élections, événements d'importance majeure, à l'instar des épreuves du baccalauréat -, mais aussi les plages horaires, en privilégiant les heures de pointe. Il tend également à diminuer le nombre maximum de jours concernés par cette suspension, en les portant de soixante à trente par an, sur des périodes de sept jours continus maximum, plutôt que quinze et à remplacer les sanctions pénales par des sanctions disciplinaires, qui sont plus adaptées et plus proportionnées à un manquement à une obligation professionnelle.

L'amendement  COM-14 de M. Hochart a pour objet d'abaisser considérablement le nombre de jours pendant lesquels la suspension du droit de grève pourrait être appliquée, en les restreignant aux seuls week-ends compris dans la période de vacances scolaires. Or ces dispositions conduiraient à limiter la portée du dispositif et à ne pas pouvoir l'appliquer pendant certaines périodes où cela s'avérerait pourtant nécessaire, à l'instar de certains grands événements, d'élections, ou de jours fériés. Aussi, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement  COM-13 de M. Hochart vise à supprimer la peine d'un an d'emprisonnement prévu par l'article unique de la proposition de loi. Son amendement est en partie satisfait par le mien. Pour autant, il ne revient ni sur l'amende de 15 000 euros ni sur la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle en lien avec un service public pour une durée de cinq ans maximum.

Ces sanctions, qui me semblent disproportionnées, constituent une fragilité d'ordre constitutionnelle. C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. Joshua Hochart. - Mes deux amendements visent à restreindre la limitation, la suspension, ou l'interdiction - chacun utilisera le mot qu'il souhaite - du droit de grève, afin que les décisions relèvent moins du domaine du règlement ; on connaît les conséquences d'un pouvoir réglementaire trop large ! Il s'agit également d'alléger les peines. Ces dispositions étant reprises dans votre amendement COM-8, je les retire, au bénéfice de l'amendement COM-8.

Les amendements COM-13 et COM-14 sont retirés.

M. Olivier Jacquin. - Je regrette la tonalité de la réponse du rapporteur. C'est la première fois que je vois une telle attitude en commission...

M. Jean-François Longeot, président. - Il faut vous exprimer sur l'amendement, mon cher collègue.

M. Olivier Jacquin. - Je répondrai non pas ici, mais en séance publique, au chiffon rouge agité devant nous !

M. Jacques Fernique. - Cet amendement prévoit de diviser par deux les dispositions de la proposition de loi, en passant de soixante jours à trente jours, de périodes de quinze jours à sept jours, et de transformer la sanction pénale en sanction disciplinaire.

J'ai l'impression que le sentiment sur la disproportion de la proposition de loi est partagé...

M. Jean-François Longeot, président. - Vous allez donc voter l'amendement du rapporteur...

M. Jacques Fernique. - Non, car la notion d'interdiction est mentionnée, ce qui soulève un véritable problème.

L'amendement COM-8 est adopté.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - L'amendement  COM-15 a pour objet de réduire le délai de quatre-vingt-dix à soixante jours entre la publication du décret fixant les périodes concernées par la suspension de l'exercice du droit de grève et la première période concernée.

Compte tenu de la limitation apportée au droit de grève qu'implique le dispositif prévu, il me semble nécessaire de permettre au personnel concerné, tout comme aux voyageurs, de bénéficier d'un maximum de prévisibilité et d'anticipation. C'est pourquoi la réduction du délai prévue par cet amendement ne me paraît pas opportune. Avis défavorable.

L'amendement COM-15 n'est pas adopté.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - L'amendement  COM-4 tend à simplifier la procédure de suspension de l'exercice du droit de grève dans les transports publics prévue au présent article à l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ; une multitude de préavis de grève a été déposée lors de cet événement international, ô combien important pour notre pays.

Il réduit ainsi, à titre transitoire, le délai minimal entre la parution du décret déterminant la période de suspension et le commencement de ladite période, en le faisant passer de quatre-vingt-dix jours à trente jours. Il prévoit également que la période de négociation avec les partenaires sociaux préalable à la publication dudit décret soit ramenée de trente jours à quinze jours.

Le temps dévolu à la navette parlementaire ne permettra vraisemblablement pas que cette proposition de loi soit adoptée suffisamment rapidement pour être applicable pour les jeux Olympiques. Le dispositif prévu par l'amendement, qui résout cette difficulté sans pour autant sacrifier le principe d'une négociation avec les partenaires sociaux, me semble opportun.

J'y suis donc favorable, sous réserve de l'adoption du sous-amendement de coordination  COM-16 à l'amendement COM-8 que je vous ai présenté.

Le sous-amendement  COM-16 est adopté. L'amendement COM-4, ainsi sous-amendé, est adopté.

L'article unique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article unique

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Les amendements identiques COM-10 et COM-1 rectifié ter ont pour objet de lutter contre les préavis de grève permanents dits préavis dormants dans les services publics de transport terrestre de voyageurs.

Ils prévoient ainsi la caducité des préavis qui n'ont pas donné lieu à une cessation concertée du travail par au moins deux agents pendant quarante-huit heures. Ils tendent également à encadrer la durée maximale de ces préavis, dont la validité ne pourrait excéder trente jours.

En effet, des préavis d'une durée illimitée peuvent être utilisés pour déclencher des grèves des mois ou des années après leur dépôt sans que le temps dévolu au dialogue social dans le cadre de la procédure dite d'alarme précoce, prévue avant le dépôt d'un préavis, ait lieu. En outre, certains préavis peuvent être utilisés par certains salariés pour des raisons individuelles, alors que la grève est un droit collectif et revendicatif.

M. Jacques Fernique. - Les préavis dormants soulèvent des questions, s'agissant d'une action collective utilisée pour des convenances individuelles.

Cela étant dit, le diagnostic est différent selon que l'on écoute les employeurs ou les syndicalistes. Certains parlent de dizaines de préavis pour des dizaines d'années ; d'autres parlent de moins.

Cette question relève du cadre général fixé par la loi de 1963 relative à certaines modalités de la grève dans les services publics. S'il faut revoir ce cadre, un dialogue serein est nécessaire.

Les amendements identiques COM-10 et COM-1 rectifié ter sont adoptés et deviennent article additionnel.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Les trois amendements suivants ont pour objet de renforcer la prévisibilité du trafic et l'information des voyageurs en cas de grève dans les transports.

Les amendements identiques COM-9 et  COM-2 rectifié augmentent de vingt-quatre heures les délais des déclarations individuelles de participation à la grève et de rétractation, en les faisant passer respectivement de quarante-huit heures à soixante-douze heures et de vingt-quatre heures à quarante-huit heures.

L'amendement  COM-7 les fait passer, respectivement, à trois jours ouvrés et à deux jours ouvrés.

Un allongement de ces délais serait de nature à faciliter l'organisation du service par les opérateurs de transport et donc la continuité du service public en cas de grève. Cela faciliterait la transmission d'une information plus fiable dans les délais légaux aux usagers, ce qui éviterait qu'ils ne se rendent dans les gares sur le fondement d'informations erronées. Cela éviterait assurément des troubles à l'ordre public.

Je suis favorable à un simple allongement de vingt-quatre heures des délais existants, sans mention des jours ouvrés. Une telle modification paramétrique, qui ne porterait pas d'atteinte disproportionnée à l'exercice du droit de grève, aurait de nombreux effets salutaires.

En revanche, l'introduction de la notion de jours ouvrés aurait des effets de bord problématiques. Les organisations syndicales étant tenues de déposer un préavis de grève cinq jours francs avant la grève, un délai de trois jours ouvrés, qui peut correspondre à un délai réel de cinq jours, dans le cas où le préavis serait déposé le jeudi ou le vendredi, ne laisserait pas le temps nécessaire aux salariés pour se déclarer grévistes après le dépôt du préavis. Une telle disposition, qui en pratique rend plus difficile l'exercice du droit de grève, pourrait être regardée comme y portant une atteinte disproportionnée.

J'émets un avis favorable sur l'amendement COM-2 rectifié, identique à mon amendement COM-9, mais j'émets un avis défavorable sur l'amendement COM-7.

M. Cédric Chevalier. - L'objet de l'amendement COM-7 est de préserver la quiétude des salariés qui avaient décidé de ne pas faire grève et qui sont rappelés pour aider lors des jours de congés, afin de préserver leur qualité de vie au travail. Et cela éviterait qu'ils fassent grève pour demander, demain, une amélioration de leurs conditions de travail !

Je loue votre capacité à préserver le droit de grève, monsieur le rapporteur. Je retire donc mon amendement.

L'amendement COM-7 est retiré.

Les amendements identiques COM-9 et COM-2 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - L'amendement  COM-11 concerne le recours aux grèves de cinquante-neuf minutes. Cette pratique se multiplie ; elle a lieu en plein milieu du service ; cela désorganise complètement le service !

L'amendement COM-11 est adopté et devient article additionnel.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - L'amendement COM-3 rectifié vise lui aussi à lutter contre le recours abusif aux grèves de courte durée. Il utilise pour cela un autre levier, celui du décompte des absences en cas de grève. En l'état actuel du droit, les salariés qui participent à une grève de cinquante-neuf minutes ne se voient décompter qu'une heure de salaire, même s'ils ne sont pas réaffectés par leur employeur et sont de ce fait inactifs pendant plusieurs heures.

Je suis favorable à l'objet poursuivi par cet amendement. Cependant, j'estime qu'il est déjà satisfait par mon amendement COM-11 qui prévoit qu'en cas de désordre manifeste les salariés indispensables à l'exécution du service ne puissent exercer leur droit de grève qu'au début de l'une de leurs prises de service et jusqu'à son terme, et répond ainsi aux difficultés posées par les grèves de courte durée.

En outre, cet amendement présente un risque conventionnel et constitutionnel, car toute règle de retenue sur salaire supérieure à la durée de participation à la grève pourrait être assimilée à une punition pour avoir fait grève, ce que l'on ne souhaite surtout pas !

M. Franck Dhersin. - L'amendement de la commission étant plus complet et plus précis que le mien, je retire le mien !

L'amendement COM-3 rectifié est retiré.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - L'amendement COM-6 rectifié ter de M. Mandelli vise à étendre aux transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises des dispositions relatives à la prévisibilité du trafic, au dialogue social et à l'exercice du droit de grève en vigueur dans les transports publics terrestres de voyageurs. Il prévoit en particulier l'application du dispositif de déclaration individuelle de participation à la grève pour le personnel indispensable à l'exécution du service en amont du mouvement au sein de ces services de transports.

J'émets un avis favorable sur cet amendement, car il résout une véritable anomalie. La continuité du service public et la prévisibilité du trafic doivent pouvoir être assurées dans des conditions satisfaisantes dans les liaisons maritimes à destination des îles françaises. Les transports maritimes sont en effet le seul mode de transport assurant une continuité territoriale entre les îles et le reste du territoire.

Nous avons souhaité exclure le transport aérien n'entre du champ de l'application de cette proposition de loi, car il semble satisfait par l'application de dispositions législatives existantes, ce qui n'est pas le cas pour le transport maritime.

L'amendement COM-6 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Mon amendement  COM-12 a pour objet de mieux prendre en compte les heures de pointe dans la définition du niveau minimal de service par l'AOM.

Ce point vient combler les trous dans la raquette de la loi de 2007 identifiés par ses auteurs, MM. Xavier Bertrand et Dominique Bussereau, lors de nos auditions.

L'amendement COM-12 est adopté et devient article additionnel.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - L'amendement  COM-5 pointe un véritable enjeu : le niveau minimal de service n'a de sens que si nous nous donnons les moyens de le garantir. C'est ce que tend à faire cet amendement, qui prévoit la possibilité, pour l'AOM d'enjoindre à l'entreprise de transport de requérir les personnels indispensables pour assurer ce niveau de service, et ce conformément à l'accord collectif ou au plan de prévisibilité.

Cette mesure est proportionnée, puisqu'elle ne serait mise en oeuvre que dans le cas où le niveau minimal de service ne serait pas constaté trois jours consécutifs. Cela doit rendre plus efficace la loi de 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, qui ne prévoit pas de service minimum garanti.

Le texte, ainsi modifié en commission, devrait permettre désormais d'assurer la continuité du service public. J'émets donc un avis très favorable.

M. Jacques Fernique. - Cet amendement nous fait franchir un cap ! La réquisition sur la base d'un service minimum n'existe pas aujourd'hui dans les services de transport terrestre. Si cet amendement était adopté, le texte serait donc totalement différent. Les opérateurs nous ont dit qu'ils ne souhaitaient pas fonctionner avec du personnel réquisitionné !

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Les opérateurs considèrent, il est vrai, que la réquisition ne serait pas indispensable, si les dispositions relatives au passage de quarante-huit heures à soixante-douze heures pour la déclaration individuelle et la lutte contre les grèves de cinquante-neuf minutes et les préavis dormants sont adoptées. Pour autant, nous nous sommes aperçus que la loi de 2007 n'a pas résolu concrètement le problème du service minimum.

Il est faux de dire que la réquisition n'est pas utilisée dans le domaine des transports, puisqu'elle est appliquée dans le cas des aiguilleurs du ciel. De plus, nombre de nos concitoyens n'ont pas le droit de faire grève, dans l'armée ou la police, par exemple.

Si le transport est un produit de première nécessité - et plusieurs d'entre nous revendiquent à ce titre que lui soit appliqué un taux de TVA réduit à 5,5 % -, alors il faut solliciter un certain nombre de salariés pour le garantir, faute de quoi le pays serait bloqué, ce qui entraînerait un trouble à l'ordre public.

C'est la raison pour laquelle je précise bien que cette mesure doit intervenir après toutes celles que nous avons votées. Si, au bout de trois jours de grève, le service de transport n'est pas assuré pour nos concitoyens, la réquisition me paraît nécessaire.

M. Pierre Barros. - Si la grève ne sert plus à rien parce que ses conséquences sont amoindries, à quoi cela peut-il servir de faire grève ? Par ailleurs, à quels membres du personnel s'adressera-t-on pour effectuer des tâches qui seraient normalement exécutées par des grévistes : des grévistes, ou des non-grévistes ? Si les conducteurs se mettent en grève, je doute que les autres agents présentent une polyvalence suffisante pour les remplacer au pied levé. Cette disposition semble donc difficilement applicable.

M. Philippe Tabarot, rapporteur. - Le service minimum n'est pas la panacée. L'enjeu est d'assurer par exemple la moitié du service aux heures de pointe, pour que les personnes qui sont obligées de se déplacer pour travailler puissent le faire.

Il revient aux AOM de veiller à la bonne organisation du service minimum. Les opérateurs savent qui peut être indispensable au fonctionnement du service. La réquisition interviendrait, j'y insiste, ultimement, au bout de trois jours de tentative de mise en place d'un service minimum.

L'amendement de M. Gueret est encadré et raisonnable. Il donne aux AOM et aux opérateurs la possibilité d'utiliser la réquisition, mais seulement en cas d'urgence absolue.

L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article unique

Auteur

N° 

Objet

Sort de l'amendement

M. TABAROT, rapporteur

8

Sécurisation juridique du dispositif prévu par l'article unique

Adopté

M. HOCHART

14

Préciser les jours concernés par la suspension de l'exercice du droit de grève

Retiré

M. HOCHART

13

Suppression de la peine d'un an d'emprisonnement

Retiré

M. HOCHART

15

Réduction de 90 à 60 jours du délai entre la publication du décret et la première période concernée par la suspension de l'exercice du droit de grève

Rejeté

M. SAVIN

4

Simplification de la procédure de suspension de l'exercice du droit de grève dans les transports publics à l'occasion des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024

Adopté

M. TABAROT, rapporteur

16

Coordination et précisions rédactionnelles

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article unique

M. TABAROT, rapporteur

10

Caducité des préavis de grève non utilisés et détermination d'une durée maximale de 30 jours pour les préavis de grève dans les services publics de transport terrestre de voyageurs

Adopté

M. DHERSIN

1 rect. ter

Caducité des préavis de grève non utilisés et détermination d'une durée maximale de 30 jours pour les préavis de grève dans les services publics de transport terrestre de voyageurs

Adopté

M. TABAROT, rapporteur

9

Allongement de 24 heures des délais des déclarations individuelles de participation à la grève et de rétractation

Adopté

M. DHERSIN

2 rect.

Allongement de 24 heures des délais des déclarations individuelles de participation à la grève et de rétractation

Adopté

M. CHEVALIER

7

Allongement des délais des déclarations individuelles de participation à la grève et de rétractation, pour les porter respectivement à trois jours ouvrés et deux jours ouvrés

Retiré

M. TABAROT, rapporteur

11

Exercice du droit de grève à compter du début de l'une des prises de service et jusqu'à son terme

Adopté

M. DHERSIN

3 rect.

Modalités de décompte de l'absence des salariés indispensables à l'exécution du plan de transports en cas de grève

Retiré

M. MANDELLI

6 rect. ter

Extension aux transports maritimes réguliers publics pour la desserte des îles françaises des dispositions relatives à la prévisibilité du trafic, au dialogue social et à l'exercice du droit de grève en vigueur dans les transports publics terrestres de voyageurs

Adopté

M. TABAROT, rapporteur

12

Prise en compte des heures de pointe dans la détermination par l'AOM du niveau minimal de service

Adopté

M. GUERET

5

Réquisition des personnels indispensables pour assurer le niveau minimal de service

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie35(*) ».

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie36(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte37(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial38(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a arrêté, lors de sa réunion du 3 avril 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 344 (2023-2024) visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève, sur la proposition du rapporteur.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- aux conditions de préservation de la continuité du service public de transport de voyageurs en cas de grève ;

- aux modalités d'encadrement de l'exercice du droit de grève des personnels concourant au fonctionnement des services de transport de voyageurs ;

- aux modalités de négociation avec les partenaires sociaux dans la mise en oeuvre de ces règles ;

- aux sanctions prévues en cas de non-respect de ces règles.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 12 mars 2024

- M. Bruno RETAILLEAU, Sénateur de la Vendée, président du groupe Les Républicains, auteur de la proposition de loi n° 166 (2019-2020) tendant à assurer l'effectivité du droit au transport, à améliorer les droits des usagers et à répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève

M. Hervé MARSEILLE, Sénateur des Hauts-de-Seine, président du groupe Union centriste, auteur de la proposition de loi

- Île-de-France Mobilités (IDFM) : M. Laurent PROBST, directeur général

Jeudi 14 mars 2024

- M. Dominique BUSSEREAU, Secrétaire d'État chargé des Transports de France de 2007 à 2010

Vendredi 15 mars 2024

- Régie autonome des transports parisiens (RATP) : MM. Nicolas BLAIN, directeur des affaires publiques nationales, européennes et internationales, Jean AGULHON, directeur des ressources humaines, et John-David NAHON, responsable des affaires publiques et parlementaires

- Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) : MM. Bruno GAZEAU, président et Michel QUIDORT, vice-président de la FNAUT et président de la fédération européenne des voyageurs

- Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités : MM. Laurent GRAU, sous-directeur du droit social des transports terrestres, Philippe THÉBAULT, adjoint au sous-directeur du droit social des transports terrestres, Christian PRAT, chef du bureau du droit social des transports ferroviaires ou guidés et des réseaux de transport public urbain et Grégoire DESTAILLEUR, adjoint au chef du bureau du droit social des transports ferroviaires, fluviaux et dans les ports

- Société nationale des chemins de fer français (SNCF) : MM. Philippe BRU, directeur des ressources humaines et Jean-Robert JAUBERT, directeur des relations sociales, Mme Laurence NION, conseillère parlementaire du Groupe SNCF

Lundi 18 mars 2024

- Direction générale du travail : Mmes Élise TEXIER, sous-directrice du droit social des transports terrestres et Léa LOUBIER, cheffe du bureau de la négociation de branches

Table ronde 

· Fédération Nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM) : M. Laurent TIMSIT, délégué général et Mme Hélène CLAVÉ, directrice générale adjointe en charge des affaires sociales

· Union des Aéroports Français (UAF) : M. Nicolas PAULISSEN, délégué général

· Groupe ADP : MM. Régis LACOSTE, directeur de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle et Paul BEYOU, responsable des affaires publiques nationales

- Table ronde 

MM. Pierre ESPLUGAS-LABATUT, professeur de droit public à l'Université Toulouse 1 Capitole, Stéphane MICHEL, maître de conférences en droit privé à l'Université polytechnique Hauts-de-France et Christophe RADÉ, professeur de droit privé à l'Université de Bordeaux

Mardi 19 mars 2024

- Union des Transports Publics et Ferroviaires (UTP) : Mme Florence SAUTEJEAU, déléguée générale, MM. Mathieu DUFOUR, directeur des affaires sociales et Charles-Édouard ROEHRICH, chargé de mission affaires institutionnelles au sein du département des affaires publiques

Vendredi 22 mars 2024

- Groupe Air France-KLM : MM. Aurélien GOMEZ, directeur affaires publiques et Patrick TIZON, directeur des ressources humaines

M. Xavier BERTRAND, président du Conseil régional des Hauts-de-France, Ministre du Travail de France de 2007 à 2009 et Ministre du Travail, de l'Emploi et de la Santé de France de 2010 à 2012

- Groupement des autorités responsables de transport (GART) : M. Guy LE BRAS, directeur général

- Direction générale de l'aviation civile : MM. Emmanuel VIVET, sous-directeur des services aériens, Pierre GIRARD, sous-directeur des études, des statistiques et de la prospective, Geoffroy VILLE, adjoint au directeur de la stratégie et des ressources à la direction de services de la navigation aérienne, Mmes Magali TEYSSIE, cheffe par intérim de la mission du travail et des affaires sociales, Alix LE MASSON, sous-directrice des affaires juridiques au secrétariat général et M. Jean GOUADAIN, directeur de cabinet du directeur général

Vendredi 29 mars 2024

- Table ronde avec les organisations syndicales

· Force ouvrière (FO) : MM. Zaïnil NIZARALY, secrétaire général de la fédération FO équipement, environnement transports et services, Stéphane SALMON, président du Syndicat national du personnel navigant commercial -FO, Fernando MARTINS, secrétaire fédéral en charge des transports urbains, Jean-Claude DELPRAT, secrétaire fédéral en charge de la RATP et José ANGULO, secrétaire fédéral en charge des transports urbains et transports routiers de voyageurs

· Confédération générale des cadres (CFE-CGC) : Mme Christine LÊ, secrétaire nationale en charge du dialogue social, restructuration des branches et représentativité

· Confédération française démocratique du travail (CFDT) : M. Sébastien MARIANI, secrétaire général adjoint de la Fédération générale des transports et de l'environnement (FGTE)

· Confédération générale du travail (CGT) : MM. Thierry NIER, secrétaire général Fédération CGT Cheminots, Jacky ALBRAND, secrétaire fédéral Fédération CGT Transports et Damien PAGNONCELLI, membre de la direction confédérale

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- M. Bertrand MATHIEU, Professeur émérite de l'Université Paris 1 - Panthéon-Sorbonne, président émérite de l'Association française de droit constitutionnel

- Association française du Rail (Afra)

- Armateurs de France

- La compagnie Océane

- Union nationale des syndicats autonomes (Unsa)

- Mouvement des entreprises de France (Medef)

- Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-344.html


* 1 Décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, cons. 1.

* 2 Décision n° 87-230 DC du 28 juillet 1987, cons. 7.

* 3 Décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, cons. 1 ; Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, cons. 78 ; Décision n° 87-230 DC du 28 juillet 1987, cons. 7 ; Décision n° 2007-556 DC du 16 août 2007, cons. 10 ; Décision n° 2008-569 DC du 7 août 2008, cons. 8 ; Décision n° 2019-790 DC du 1er août 2019, cons. 48.

* 4 Décision n° 2023-859 DC du 21 décembre 2023, cons. 5.

* 5 Décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, cons. 1.

* 6 Décision n° 79-105 DC du 25 juillet 1979, cons. 1 ; Décision n° 86-217 DC du 18 septembre 1986, cons. 78.

* 7 Leymarie, Constance, « Le droit de grève à la Radiodiffusion-Télévision française (La loi n° 79-634 du juillet 1979 et la décision du Conseil constitutionnel) », Droit social, janvier 1980 (I), n° 1, p. 16.

* 8 Décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, cons. 4.

* 9 Décision n° 2012-650 DC du 15 mars 2012, cons. 7.

* 10 Décision n° 2019-790 DC du 1er août 2019, cons. 49.

* 11 Décision n° 80-117 DC du 22 juillet 1980, cons. 7.

* 12 Décision n° 2019-790 DC du 1er août 2019, cons. 50.

* 13 Article L. 2512-1 du code du travail.

* 14 Dont les dispositions sont désormais codifiées au sein du code des transports.

* 15 L'application de ces dispositions a en effet été étendue aux services librement organisés de voyageurs (hors services internationaux) en application de l'article 12 de l'ordonnance n° 2019-552 du 3 juin 2019 portant diverses dispositions relatives au groupe SNCF.

* 16 Article L. 1324-2 du code des transports.

* 17 Article L. 1324-3 du code des transports.

* 18 Article L. 1324-4 du code des transports.

* 19 Article L. 1324-6 du code des transports.

* 20 Article L. 1222-1 du code des transports.

* 21 Article L. 1222-2 du code des transports.

* 22 Article L. 1222-3 du code des transports.

* 23 Article L. 1222-2 du code des transports.

* 24 Étant entendu que ces dispositions ne s'appliquent pas à Fret SNCF.

* 25 Article L. 1324-7 du code des transports.

* 26 Article L. 1222-8 du code des transports.

* 27 Dares, février 2023, «  Les grèves en 2021 - Une hausse portée par des revendications salariales ».

* 28 Cour de cassation, chambre sociale, 12 octobre 2017, STE Air France C/ SYND des pilotes d'Air France.

* 29 Arrêté du 8 juillet 2008 relatif à la désignation des personnels devant demeurer en fonction en cas de cessation concertée du travail dans les services de la navigation aérienne.

* 30 Lien vers l' Essentiel du rapport.

* 31 Cass. Soc. 21 avril 2022, n° 20-18.402.

* 32 Ou, à défaut d'accord, un plan de prévisibilité déterminé unilatéralement par l'employeur.

* 33 Décisions n° 2007-556 DC du 16 août 2007 et n° 2012-650 DC du 15 mars 2012.

* 34 Décision n° 2019-790 DC du 1er août 2019.

* 35 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 -- Loi portant réforme des retraites.

* 36 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 37 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 38 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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