B. LE RÉGIME DE LA PROTECTION TEMPORAIRE CONNAÎT DES LIMITES, DONT CERTAINES POURRAIENT EXPLIQUER LE REPORT ACTUEL DE SES BÉNÉFICIAIRES VERS LE RÉGIME DE L'ASILE
Les bénéficiaires de la protection temporaire ont connu dans certains cas des difficultés d'intégration, liées notamment à l'accès délicat aux épreuves du permis de conduire. Il est en effet nécessaire pour se présenter à cet examen de justifier d'une « résidence normale », laquelle n'aurait pas été reconnue en pratique à ces bénéficiaires du fait de la particularité de leur situation administrative. De la même manière, les propriétaires d'un véhicule n'auraient pas pu souscrire une police d'assurance automobile en l'absence de reconnaissance, par la France, de leur permis de conduire.
Les professionnels de santé, qui ont fait l'objet d'une attention particulière, ont bénéficié de l'autorisation d'exercice temporaire. Il s'agit d'un mécanisme dérogatoire prévu notamment pour les réfugiés et les apatrides, qui a été abrogé par la loi du 27 décembre 2023 au bénéfice d'un dispositif général entré en vigueur au 1er janvier 2025.
Enfin et surtout, le régime de la protection temporaire semble connaître des limites, dans la mesure où un nombre croissant et significatif de ses bénéficiaires se porte désormais vers une demande d'asile. Ce phénomène propre à la France prend une ampleur considérable. Ainsi, 12 031 demandes d'asile ont été formulées par des Ukrainiens auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) en 2024, contre 3 250 en 2023. Cela représente une multiplication par 3,7 depuis 2023 et par 5,7 depuis 2021.
Source : Office français de protection des réfugiés et des apatrides
Cette tendance s'accentue significativement. L'Ukraine, qui était le deuxième pays de provenance des demandeurs d'asile en 2024, occupe la première place au premier trimestre de l'année 2025, avec 4 723 demandes. La France reçoit donc près de 50 % des demandes d'asile formulées par des ressortissants ukrainiens au sein de l'Union européenne.
Les personnes auditionnées par la rapporteure ont identifié plusieurs facteurs d'explication de ce phénomène, qu'il s'agisse de la fréquence des démarches administratives attachées à ce régime, de l'incertitude qui plane sur la sortie de celui-ci, de la difficulté parfois rencontrée à trouver un hébergement, de la volonté de s'installer durablement en France ou encore de l'insuffisance des aides sociales auxquelles ce régime ouvre droit.
La proposition de loi s'attache donc à remédier à ces différents problèmes, en postulant que ce report vers la demande d'asile résulte principalement de l'insuffisance des aides sociales associées à la protection temporaire.