EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Extension aux
bénéficiaires de la protection temporaire d'un dispositif
dérogatoire d'accès aux épreuves de vérification
des connaissances organisées pour les professionnels de santé
diplômés
hors de l'Union européenne
L'article 1er vise à appliquer aux bénéficiaires de la protection temporaire une disposition qui prévoit que le nombre maximum de candidats susceptibles d'être reçus dans le cadre des épreuves de vérification des connaissances n'est pas opposable à certaines catégories de ressortissants étrangers, au premier rang desquels les réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire. Il s'agit donc de favoriser l'accès à l'emploi des professionnels de santé bénéficiaires de la protection temporaire.
La commission a constaté le bien-fondé de cette mesure et l'a donc adoptée en lui apportant une modification strictement rédactionnelle.
Elle a par ailleurs souhaité rétablir un dispositif dérogatoire d'exercice temporaire qui a été utile à l'insertion dans l'emploi des professionnels de santé bénéficiaires de la protection temporaire et qui avait été supprimé par la loi du 27 décembre 2023. La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
1. L'emploi des professionnels de santé bénéficiaires de la protection temporaire a été favorisé dans le cadre de dispositifs d'accueil des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) que la proposition de loi vise à améliorer
a) Le gouvernement a eu recours à plusieurs dispositifs existants et spécifiques aux professionnels de santé pour faciliter l'emploi de ces derniers
Un décret n° 2022-468 du 1er avril 2022 relatif au droit du travail des bénéficiaires d'une protection temporaire a inséré à l'article R. 581-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) un alinéa qui prévoit explicitement que l'autorisation provisoire de séjour qui leur est octroyée « ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle ».
Cette disposition générale, annoncée par l'instruction ministérielle du 10 mars 20222(*), a été complétée par le recours à plusieurs dispositions particulières aux praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue).
Un courrier du ministre de la santé et des solidarités du 22 mars 2022 a indiqué aux directeurs d'établissements et aux présidents de commission d'établissement que les agences régionales de santé mettraient en oeuvre, au profit des bénéficiaires de la protection temporaire, « la procédure prévue pour tout praticien à diplôme hors Union européenne [Padhue] ayant le statut de réfugié, d'apatride [...] ou bénéficiant de la protection subsidiaire ».
Cette procédure permet au directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) compétente d'autoriser temporairement le bénéficiaire de la protection temporaire à exercer sa profession médicale et à être pour ce faire « [recruté] de gré à gré par un établissement de santé ou médico-social ». Cette autorisation exige du bénéficiaire de la protection temporaire d'apporter la preuve qu'il « [dispose] de la qualité professionnelle requise (médecin, chirurgien-dentiste, etc.) et des diplômes ou titres nécessaires pour exercer cette profession en Ukraine ». Le courrier précise au surplus que « les circonstances exceptionnelles en cause justifient que les pièces transmises soient appréciées de manière plus souple ». Au surplus, le professionnel concerné doit « s'engager à participer aux épreuves de vérification des connaissances » (EVC) régies par les articles L. 4111-2 et L. 4221-12 du code de la santé publique.
Les Padhue qui satisfont à ces EVC et justifient d'un « niveau suffisant de maîtrise de la langue française » peuvent ensuite obtenir une autorisation individuelle d'exercer leur profession en France. Il revient à un décret de déterminer le nombre maximum de candidats susceptibles d'être reçus. Or, ce numerus clausus n'est pas opposable, notamment, aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire, en vertu du troisième alinéa du I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique.
La politique d'insertion des professionnels de santé bénéficiaires de la protection temporaire reposait donc sur le dispositif dérogatoire d'autorisation d'exercice temporaire prévu à l'ancien quatrième alinéa du I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique, qui a été supprimé par l'article 36 de la loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels. À l'automne 2022, ce dispositif avait permis d'attribuer, pour les :
- médecins, 54 autorisations d'exercice, pour 186 dossiers déposés ;
- pharmaciens, une autorisation d'exercice, pour 22 dossiers déposés ;
- chirurgiens-dentistes, six autorisations d'exercice, pour 43 dossiers déposés.
Les agences régionales de santé avaient alerté la direction générale de l'offre de soins (DGOS) dès l'automne 2022 sur les difficultés rencontrées par les bénéficiaires de la protection temporaire pour réunir les documents nécessaires à la constitution du dossier, les traduire et atteindre le niveau de maîtrise de la langue française exigé pour exercer une profession médicale.
Depuis l'entrée en vigueur de cette disposition le 1er janvier 2025, les bénéficiaires de la protection temporaire doivent désormais solliciter une attestation permettant un exercice provisoire, qui ne peut excéder treize mois, en vertu de l'article L. 4111-2-1 du code de la santé publique, introduit par la loi du 27 décembre 2023 précitée.
b) L'article 1er vise à étendre aux bénéficiaires de la protection temporaire un mécanisme dérogatoire qui s'applique aujourd'hui notamment aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire
L'article 1er propose de prévoir que le numerus clausus déterminé pour l'attribution d'une autorisation individuelle à exercer une profession médicale n'est pas opposable aux bénéficiaires de la protection temporaire, comme c'est déjà le cas pour les « réfugiés, apatrides, bénéficiaires de l'asile territorial et bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux Français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises », conformément au troisième alinéa du I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique.
La DGOS, qui a versé une contribution écrite aux travaux de la rapporteure, estime que cette évolution serait bien de nature à faciliter l'accès des bénéficiaires de la protection temporaire au « plein exercice » de leur profession médicale.
2. L'exercice des professionnels de santé bénéficiaires de la protection temporaire pourrait être favorisé par le dispositif prévu par la proposition de loi
La commission, sensible à la nécessité de faciliter l'insertion dans l'emploi des professionnels de santé bénéficiaires de la protection temporaire, a accueilli favorablement l'extension à ces derniers du dispositif dérogatoire d'accès à une autorisation individuelle d'exercice d'une profession médicale.
Elle a toutefois adopté, à l'initiative de sa rapporteure, un amendement rédactionnel COM-1 à cette disposition, dans la mesure où elle ne nécessite pas de prévoir un renvoi explicite à l'article L. 581-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2 (supprimé)
Introduction d'une
procédure dérogatoire d'immatriculation d'un véhicule
L'article 2 instaure une procédure dérogatoire d'immatriculation d'un véhicule pour permettre aux propriétaires de véhicules immatriculés à l'étranger qui ne disposent pas d'un permis de conduire reconnu par la France de souscrire plus facilement une assurance automobile.
Le dispositif ainsi conçu n'est toutefois pas apparu opportun à la commission, dans la mesure où il soulève plusieurs difficultés juridiques et pourrait en outre entraîner des effets de bord inconsidérés, qui dépassent tant la question de l'assurance des véhicules que la situation des bénéficiaires de la protection temporaire.
La commission a donc supprimé cet article.
1. L'article 2 crée une procédure dérogatoire d'immatriculation d'un véhicule pour faciliter la conclusion d'un contrat d'assurance
Les bénéficiaires de la protection temporaire propriétaires d'un véhicule immatriculé à l'étranger auraient rencontré des difficultés à conclure un contrat d'assurance automobile couvrant le territoire français.
Si plusieurs administrations entendues par la rapporteure n'ont pas été sollicitées à ce sujet, qu'il s'agisse de la délégation à la sécurité routière (DSR) ou de la préfecture de région d'Île-de-France, d'autres personnes auditionnées, au premier rang desquelles les représentants associations d'Ukrainiens en France, ont fait état de ces difficultés. Il est en effet obligatoire en France de souscrire une assurance automobile garantissant la responsabilité civile, en vertu des articles L. 211-1 à L. 211-28 du code des assurances.
Durant les premiers mois du conflit, la fédération nationale France Assureurs avait fourni à titre gratuit une assurance automobile en responsabilité civile aux déplacés ukrainiens. Cette attestation, valable un mois, renouvelable une fois, a été offerte jusqu'au 30 juin 2022. Il incombe depuis cette date aux bénéficiaires de la protection temporaire propriétaires d'un véhicule de le faire assurer en souscrivant soit à une assurance nationale, soit à une extension de garantie couvrant le territoire français auprès de leur assureur, soit à une assurance frontière auprès d'un bureau de douane.
Or, le caractère temporaire de l'assurance
frontière, qui ne peut « prévoir de garantie que
pour une période de trente jours ou de quatre-vingt-dix jours,
renouvelable une seule fois dans les mêmes conditions que celles
initialement souscrites », suivant l'article R. 211-23 du
code des assurances, et les difficultés pratiques à souscrire une
extension de garantie auprès d'assureurs ukrainiens
expliquent que la
conclusion d'un contrat d'assurance automobile français ait pu
être favorisée. Celle-ci est cependant en principe
conditionnée à l'immatriculation en France du véhicule.
Concernant la seule question de l'immatriculation, la DSR a informé la rapporteure que le gouvernement a considéré qu'il n'était « pas opportun d'exiger la ré-immatriculation des véhicules ukrainiens » et qu'il était « tout à fait légitime de les considérer en circulation internationale », conformément à la convention de Vienne du 8 novembre 1968 sur la circulation routière, publiée en France par le décret n° 77-1040 du 1er septembre 1977 portant publication de la convention sur la circulation routière faite à Vienne le 8 novembre 1968.
Certaines demandes d'immatriculation ont toutefois été formulées du fait de l'installation dans le temps du conflit ; le gouvernement a alors donné pour consigne « d'y procéder dès lors que les conditions étaient réunies ». Parmi ces conditions figure notamment la détention « d'un permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré », en vertu des articles L. 322-1-1 et R. 322-1 du code de la route.
Si les permis de conduire attribués par un État, ni membre de l'Union européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peuvent être reconnus durant un an après l'acquisition de la résidence normale de leur titulaire et, durant ce délai, être échangés contre un permis français, en vertu de l'article R. 222-3 du code de la route et d'un arrêté du 12 janvier 20123(*), ce n'est pas le cas du permis de conduire ukrainien. L'Ukraine ne figure en effet pas au sein de la liste des pays avec lesquels la France procède à l'échange des permis de conduire, qui a été établie par la circulaire du 3 août 2012 relative à la mise en oeuvre de l'arrêté du 12 janvier 2012.
Pour faciliter la conclusion d'un contrat d'assurance automobile par les bénéficiaires de la protection temporaire, l'article 2 insère donc après l'article L. 322-2 du code de la route un nouvel article L. 322-2-1 qui dispose que :
« Les véhicules immatriculés à l'étranger et autorisés à circuler sur le sol français doivent faire l'objet d'un certificat d'immatriculation français dès lors que la personne physique propriétaire du véhicule établit sa résidence normale en France.
« Par dérogation à l'article L. 322-1-1, le certificat d'immatriculation est délivré à la personne physique propriétaire mentionnée au premier alinéa du présent article qui ne possède pas de permis de conduire français correspondant à la catégorie du véhicule considéré si celle-ci est titulaire d'un autre document ou certificat l'autorisant à conduire ladite catégorie au moment de la demande de certificat d'immatriculation.
« Les modalités d'application du présent article sont précisées par décret. »
Or, cette disposition soulève plusieurs difficultés juridiques :
- elle apparaît de nature réglementaire : les modalités d'immatriculation des véhicules sont établies à l'article R. 322-1 du code de la route et précisées par l'arrêté du 9 février 2009 relatif aux modalités d'immatriculation des véhicules ;
- elle se réfère à la notion de « résidence normale », que le code de la route retient pour l'obtention du permis de conduire, notamment en son article R. 221-1. Or, la procédure d'immatriculation repose à l'article R. 322-1 du code de la route sur le terme de « domicile » ;
- elle présuppose une obligation qui n'existe pas, en renvoyant à la possession d'un « permis de conduire français ». L'article L. 322-1-1 du code de la route ne spécifie en rien l'origine nationale du « permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré » dont doit en principe être titulaire la personne physique qui entend procéder à l'immatriculation du véhicule dont elle est propriétaire.
Cet article présente de surcroît le risque d'entraîner des conséquences inconsidérées, dans la mesure où il ne concerne pas spécifiquement les bénéficiaires de la protection temporaire, ni même les ressortissants étrangers, comme l'affirme pourtant l'exposé des motifs de la proposition de loi. Il permettrait ainsi à toute personne physique propriétaire d'un véhicule immatriculé à l'étranger d'obtenir un certificat d'immatriculation français alors même qu'elle ne possèderait pas de permis de conduire reconnu par la France.
Le dispositif surmonterait ainsi d'une manière inopportune l'obstacle principal à l'immatriculation française d'un véhicule ukrainien, qui tient à l'absence de reconnaissance, par la France, du permis de conduire octroyé par l'Ukraine.
La DSR a par ailleurs précisé lors de son audition par la rapporteure que les autorités ukrainiennes « ont exprimé le souhait d'engager un processus d'échange des permis de conduire ukrainiens contre les permis de conduire français ». Cette procédure, qui avait été ajournée durant l'épidémie de Covid-19, puis au début du conflit armé, a récemment été engagée. Une délégation de la DSR s'est ainsi rendue à Kiev du 8 au 11 avril 2025, « pour y examiner les progrès accomplis par les autorités ukrainiennes », notamment en matière de fraude à l'attribution du permis ou d'usurpation d'identité. La DSR estime que ces échanges ont ouvert « des perspectives plus favorables à moyen terme pour l'échange de ces permis en France ».
Enfin, une reconnaissance dérogatoire du permis de conduire des bénéficiaires de la protection temporaire a été prévue par le règlement (UE) 2022/1280 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2022 établissant des mesures spécifiques et temporaires relatives aux documents du conducteur délivrés par l'Ukraine conformément à sa législation, compte tenu de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. L'article 3 de ce règlement dispose que les permis de conduire ukrainiens « sont reconnus sur le territoire de l'Union lorsque leurs titulaires bénéficient d'une protection temporaire ou d'une protection adéquate en vertu du droit national [...] jusqu'au moment où cette protection temporaire prend fin ». Cette mesure, qui introduit une exception au délai d'un an prévu à l'article R. 222-3 du code de la route, permet donc aux bénéficiaires de la protection temporaire titulaires d'un permis de conduire ukrainien de circuler librement sur le territoire national.
2. Le dispositif envisagé apparaît inopportun, outre les défauts juridiques qu'il soulève, et a donc été supprimé par la commission
Si l'objectif que poursuit l'article 2 apparaît fondé à la commission, dans la mesure où il est nécessaire que les bénéficiaires de la protection temporaire puissent souscrire une police d'assurance automobile couvrant le territoire national, le dispositif envisagé pour ce faire apparaît inopportun.
L'article 2 introduirait une procédure dérogatoire d'obtention de l'immatriculation française pour tout propriétaire d'un véhicule immatriculé à l'étranger qui ne serait pas titulaire d'un permis de conduire reconnu par la France. Cette mesure générale, dont l'application n'est en rien cantonnée aux bénéficiaires de la protection temporaire, pourrait entraîner des effets indésirables. Elle contrevient en outre largement à la logique même de la politique française de reconnaissance des permis de conduire octroyés par des États étrangers.
La commission estime enfin qu'il n'appartient pas à la loi de résoudre les difficultés rencontrées par les bénéficiaires de la protection temporaire pour souscrire un contrat d'assurance. Il revient à cette fin à l'Exécutif de solliciter les acteurs du secteur de l'assurance et, le cas échéant, d'adopter les mesures réglementaires appropriées.
En conséquence, la commission a adopté l'amendement COM-2 de suppression, présenté par sa rapporteure.
La commission a supprimé l'article 2.
Article 3 (supprimé)
Attribution à
l'autorisation provisoire de séjour de la qualité de
justificatif
de la résidence normale exigée pour solliciter le
permis de conduire
L'article 3 vise à permettre aux bénéficiaires de la protection temporaire d'établir, grâce à l'autorisation provisoire de séjour qui leur est octroyée, la preuve de la résidence normale requise pour se présenter au permis de conduire.
Si la commission est sensible à l'objectif que poursuit cet article, elle a constaté qu'il est déjà satisfait par le droit en vigueur et l'a donc supprimé.
1. L'article 3 vise à permettre aux bénéficiaires de la protection temporaire de prouver la résidence normale qui est exigée pour se présenter à l'examen du permis de conduire
Le code de la route impose à « toute personne sollicitant un permis de conduire, national ou international, [de] justifier de sa résidence normale ainsi que, le cas échéant, de son droit au séjour en France » en vertu de l'article R. 221-1 du code de la route.
L'article 3 de la proposition de loi apporte une modification au régime de la protection temporaire pour prévoir que le document provisoire de séjour qui y est attaché permet d'établir la résidence normale requise pour solliciter le permis de conduire.
a) L'article 3 apporte une précision au régime de la protection temporaire, tel qu'il est défini par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda)
La proposition de loi vise en son article 3 à faciliter l'accès des bénéficiaires de la protection temporaire à l'examen du permis de conduire, dans la mesure où ces derniers ont rencontré des difficultés pour justifier de la résidence normale exigée par le code de la route.
Pour ce faire, elle apporte une modification à l'article L. 581-3 du Ceseda, qui est l'une des dispositions qui régissent le régime de la protection temporaire (articles L. 581-1 à L. 581-10 du même code).
Article L. 581-3 du Ceseda
« L'étranger appartenant à un groupe spécifique de personnes visé par la décision du Conseil mentionnée à l'article L. 581-2 bénéficie de la protection temporaire à compter de la date mentionnée par cette décision. Il est mis en possession d'un document provisoire de séjour assorti, le cas échéant, d'une autorisation provisoire de travail. Ce document provisoire de séjour est renouvelé tant qu'il n'est pas mis fin à la protection temporaire.
« Le bénéfice de la protection temporaire est accordé pour une période d'un an renouvelable dans la limite maximale de trois années. Il peut être mis fin à tout moment à cette protection par décision du Conseil.
« Le document provisoire de séjour peut être refusé lorsque l'étranger est déjà autorisé à résider sous couvert d'un document de séjour au titre de la protection temporaire dans un autre État membre de l'Union européenne et qu'il ne peut prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 581-6. »
L'article 3 complète le premier alinéa de cet article d'une phrase ainsi rédigée : « Il permet de justifier de la résidence normale en France requise pour solliciter un permis de conduire ».
Au-delà de la nature manifestement réglementaire d'une telle disposition et du caractère inadéquat de son inscription au sein du Ceseda, il apparaît que le droit existant satisfait déjà l'objectif poursuivi par cet article.
b) Le cadre réglementaire qui détaille l'application de ces dispositions du code de la route a été modifié pour permettre aux bénéficiaires de la protection temporaire de solliciter un permis de conduire
L'article R. 221-1 du code de la route requiert en effet de toute personne sollicitant un permis de conduire la justification de sa résidence normale en France. Il précise en sa troisième division que l'« on entend par résidence normale le lieu où une personne demeure habituellement, c'est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d'attaches personnelles ou professionnelles, ou, dans le cas d'une personne sans attaches professionnelles, en raison d'attaches personnelles révélant des liens étroits entre elle-même et l'endroit où elle demeure ». Cette formule correspond à celle qu'emploie l'article 12 de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire.
L'application de cette disposition a toutefois soulevé en pratique certaines difficultés pour les bénéficiaires de la protection temporaire.
L'arrêté du 20 avril 2012 fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire, pris pour l'application de l'article R. 221-1 précité, ne précisait ainsi pas explicitement la situation des bénéficiaires de la protection temporaire. Le 3° du III de son article 1er n'évoquait que le cas des ressortissants étrangers non-ressortissants de l'Union européenne en tant que titulaires d'un titre de séjour ; or, l'autorisation provisoire de séjour constitue non un titre de séjour au sens du titre Ier du livre III du Ceseda, mais un « document provisoire de séjour », en vertu de l'article L. 811-3 du Ceseda.
L'arrêté du 23 décembre 2016 relatif à la justification de l'identité, du domicile, de la résidence normale et de la régularité du séjour pour l'obtention du permis de conduire a néanmoins en partie levé cette difficulté, en prévoyant notamment en son article 2 que la preuve de l'identité peut être apportée par « l'autorisation provisoire de séjour, quelle que soit la mention apposée sur la carte à la condition qu'elle prolonge un séjour sur le territoire d'une durée supérieure à 185 jours » et en son article 3 que « pour les ressortissants étrangers dispensés d'un titre de séjour [...] la preuve de la résidence normale peut être établie au moyen de tout document suffisamment probant et présentant des garanties d'authenticité, mettant en évidence leurs attaches personnelles ou professionnelles en France ainsi que la durée de leur séjour qui ne peut être inférieure à 185 jours ». Il en résulte que le renouvellement de l'autorisation provisoire de séjour pourrait donc en principe permettre aux bénéficiaires de cette dernière d'établir leur résidence normale sur le territoire français.
Plusieurs personnes auditionnées par la rapporteure ont toutefois affirmé que les ressortissants ukrainiens bénéficiant du régime de l'autorisation provisoire ont rencontré des difficultés à justifier d'un séjour d'au moins 185 jours sur le sol national.
La délégation à la sécurité routière, « plusieurs fois sollicitée » à ce sujet, a donc oeuvré à remédier aux incertitudes qui pouvaient naître de la lecture croisée de ces arrêtés, en adoptant, pour le ministre de l'intérieur et par délégation, l'arrêté du 10 février 2025 modifiant l'arrêté du 20 avril 2012 modifié fixant les conditions d'établissement, de délivrance et de validité du permis de conduire. Cet arrêté dispose désormais explicitement au 3° du III de son article 1er que « pour les ressortissants étrangers bénéficiaires d'un droit au séjour en France au titre de l'article L. 581-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la date d'acquisition de la résidence normale est celle de la remise de la première autorisation provisoire de séjour ».
Le gouvernement a ainsi adopté une solution spécifique et dérogatoire pour les bénéficiaires de la protection temporaire, qui peuvent justifier d'une résidence normale sur le territoire national dès l'octroi de leur première autorisation provisoire de séjour - soit, en principe, bien avant l'expiration du délai de présence de 185 jours que mentionne l'article R. 221-1 du code de la route et l'article 12 de la directive du 20 décembre 2006 précitée. Les réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire ne peuvent par exemple établir cette résidence normale qu'à compter de « la remise du récépissé constatant la reconnaissance d'une protection internationale ».
2. La commission a constaté que le droit en vigueur permet déjà aux bénéficiaires de la protection temporaire d'attester d'une résidence normale et a donc supprimé cet article
Si la commission souscrit à l'objectif qu'entendait poursuivre cet article, dans la mesure où le permis de conduire constitue un ressort significatif d'intégration, notamment par le travail, des ressortissants étrangers en France, il lui est toutefois apparu que cet article soulève plusieurs difficultés juridiques - et qu'il est désormais satisfait par le droit en vigueur.
Le dispositif apporte en premier lieu une modification inopportune au Ceseda, dans la mesure où elle concerne le code de la route - et qu'elle est de surcroît de nature réglementaire.
En second lieu et surtout, les incertitudes qui résultaient de la lecture combinée des arrêtés du 20 avril 2012 et du 23 décembre 2016 précités ont été levées par l'adoption de l'arrêté du 10 février 2025. L'autorisation provisoire de séjour permet donc désormais de justifier d'une résidence normale en France ; l'article 3 de la proposition de loi est donc sans objet.
En conséquence, la commission a adopté l'amendement COM-3 de suppression, présenté par sa rapporteure.
La commission a supprimé l'article 3.
Article 4
Extension de l'octroi de plusieurs aides
sociales
aux bénéficiaires de la protection temporaire
Le régime de la protection temporaire, introduit en 2001 en droit de l'Union européenne, a été appliqué pour la première fois suite à l'invasion du territoire ukrainien par la Russie. Si ce dispositif a participé à la qualité de l'accueil des ressortissants ukrainiens, un nombre significatif et croissant de ces derniers s'en détourne désormais pour engager une demande d'asile. Or, l'asile n'apparaît pas tout à fait approprié à leur situation. Dans la perspective de prochaines crises humanitaires, l'article 4 vise donc à étendre le champ des aides sociales auxquelles les bénéficiaires de la protection temporaire sont éligibles pour améliorer ce dispositif et par là même éviter un report vers la demande d'asile.
La commission a été sensible à l'objectif poursuivi par cet article, qui entend tant remédier aux limites du régime de la protection temporaire qu'éviter le report des bénéficiaires de ce dernier vers le régime de l'asile. Quoi que la plupart de ces mesures puissent être adoptées par la voie réglementaire, la commission a donc adopté les dispositions qui attribuent à ces bénéficiaires l'accès à l'allocation personnalisée d'autonomie, à l'allocation aux adultes handicapés, à l'allocation de solidarité aux personnes âgées et à l'allocation supplémentaire d'invalidité. Elle a en revanche supprimé l'ouverture à ces bénéficiaires du revenu de solidarité active, dans la mesure où cette prestation sociale n'est pas adaptée au régime de la protection temporaire.
La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.
1. Le régime de la protection temporaire, qui confère à ses bénéficiaires l'accès à plusieurs aides sociales, est tendanciellement abandonné en France au profit de la demande d'asile
a) La protection temporaire est un dispositif du droit de l'Union européenne dont les modalités d'application sont précisées à l'échelle nationale
1.1. Le régime de la protection temporaire a été pour la première fois appliqué à l'occasion de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et a pour l'instant été prorogé jusqu'au 4 mars 2026
La protection temporaire a été introduite en droit de l'Union européenne par la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire.
Il s'agit d'un dispositif exceptionnel et temporaire, qui permet d'accueillir un flux conséquent de ressortissants d'États étrangers à l'Union européenne en situation de péril, en leur octroyant un titre de séjour aussi longtemps que perdure le danger, conformément à l'article 8 de la directive 2001/55/CE. En France, les bénéficiaires de la protection temporaire se voient attribuer une autorisation provisoire de séjour (APS) de six mois renouvelable jusqu'au terme du dispositif, en vertu de l'article R. 581-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).
Son engagement repose sur une décision du Conseil de l'Union européenne. Il s'agit en l'espèce de la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance de l'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire. C'est par ailleurs à l'instigation de la France que le Conseil a recouru au régime de la protection temporaire pour organiser l'accueil des déplacés ukrainiens.
Si la protection temporaire dure en principe un an, elle peut toutefois être prorogée « automatiquement par périodes de six mois pour une durée maximale d'un an », puis, « s'il subsiste des raisons de maintenir la protection temporaire, le Conseil peut décider à la majorité qualifiée, sur proposition de la Commission, [...] de proroger cette protection temporaire pour une période maximale d'un an », en vertu de l'article 4 de la directive 2001/55/CE précitée.
Les institutions de l'Union européenne ont retenu une interprétation littérale de cette disposition, en considérant qu'il était possible de proroger ce régime tant qu'il subsisterait des raisons de le maintenir, mais uniquement pour une période maximale d'un an.
La décision d'exécution (UE) 2023/2409 du Conseil du 19 octobre 2023 prorogeant la protection temporaire introduite par la décision d'exécution (UE) 2022/382 a donc prorogé l'application du régime jusqu'au 4 mars 2025 - et la décision d'exécution (UE) 2024/1836 du Conseil du 25 juin 2024 prorogeant la protection temporaire introduite par la décision d'exécution (UE) 2022/382, jusqu'au 4 mars 2026.
1.2. Les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent accéder en France à plusieurs dispositifs d'aide sociale
Le droit de l'Union européenne abandonne aux États membres le soin de préciser les dispositifs d'aide sociale attachés à la protection temporaire. L'article 13 de la directive 2001/55/CE prévoit ainsi par exemple que les États membres veillent à ce que les bénéficiaires de la protection temporaire « aient un accès à un hébergement approprié ou reçoivent, le cas échéant, les moyens de se procurer un logement » et qu'ils disposent du « soutien nécessaire, en matière d'aide sociale et de subsistance, lorsqu'ils ne disposent pas de ressources suffisantes, ainsi que de soins médicaux ».
Une instruction ministérielle du 10 mars 20224(*) a ainsi précisé les dispositifs d'aide sociale auxquels les bénéficiaires de la protection temporaire sont éligibles. Il s'agit principalement :
- de l'allocation pour demandeur d'asile (Ada), dont le montant varie en fonction de la composition familiale, des ressources du ménage et de la situation de ce dernier en matière d'hébergement ;
- des aides personnalisées au logement (APL) ;
- de la protection universelle maladie (Puma) et de la complémentaire santé solidaire (CSS) ;
- des prestations familiales d'entretien non affectées que sont les allocations familiales, le complément familial, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, l'allocation de soutien familial, l'allocation de base de la prestation d'accueil du jeune enfant et la prime à la naissance.
Une cellule interministérielle de crise « Ukraine » (CIC-Ukraine), dirigée par le préfet Joseph Zimet que la rapporteure a auditionné, a par ailleurs oeuvré au pilotage et à la cohérence de la politique d'accueil des déplacés ukrainiens. L'ensemble des personnes auditionnées par la rapporteure a salué la qualité de cette politique publique. Elle a en effet permis d'assurer la prise en charge de plus de 100 000 ressortissants ukrainiens et, partant, de satisfaire leurs besoins en matière d'hébergement, de travail, comme de scolarisation. Près de 20 000 élèves non francophones ont ainsi pu être intégrés dans des établissements scolaires français.
Aussi convient-il, au regard du bilan qui peut être dressé après trois années d'application, d'envisager des voies d'amélioration de ce régime dans la perspective de futures crises - spécialement dès lors que de nombreux bénéficiaires de la protection temporaire s'orientent depuis plusieurs mois vers une demande d'asile.
b) Les bénéficiaires de la protection temporaire se détournent progressivement de cette dernière pour formuler une demande d'asile en France, ce qui constitue une exception au sein de l'Union européenne
1.1. La décrue constante du nombre de bénéficiaires de la protection temporaire s'est récemment accompagnée d'une hausse sensible du nombre de demandes d'asile formulées par des ressortissants ukrainiens
La France est le neuvième pays d'accueil de l'Union européenne au regard du nombre de protections temporaires accordées. Selon les données de la Commission européenne communiquées à la rapporteure par le secrétaire général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), elle a attribué ce régime à 111 299 ressortissants ukrainiens, ce qui représente 2,4 % de l'ensemble - et plus de dix fois moins que l'Allemagne, qui en a octroyé 1,19 million, soit près d'un quart du total.
Pays |
Nombre de protections temporaires accordées |
Proportion de l'ensemble des protections accordées |
Allemagne |
1,19 million |
25 % |
Pologne |
990 000 |
21 % |
République tchèque |
430 000 |
9 % |
Espagne |
230 000 |
5 % |
Italie |
204 000 |
4,3 % |
Slovaquie |
135 000 |
3 % |
Pays-Bas |
126 000 |
2,7 % |
Irlande |
111 945 |
2,4 % |
France |
111 299 |
2,4 % |
Source : Office français de protection des réfugiés et des apatrides
Selon la direction générale des étrangers en France (DGEF), 109 346 déplacés d'Ukraine bénéficient de la protection temporaire au 18 mars 2025 et « il est probable qu'environ 80 000 personnes déplacées d'Ukraine soient présentes sur le territoire », ce qui souligne la mobilité de cette population.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) dispose d'un suivi du nombre de bénéficiaires de la protection temporaire qui sont également bénéficiaires de l'allocation pour demandeur d'asile (Ada), dans la mesure où il est responsable de son versement. Ces statistiques permettent d'identifier une tendance à la baisse du nombre d'allocataires de l'Ada au titre de la protection temporaire, qui a été divisé par deux depuis son plus haut niveau en septembre 2022 - et continue de décroître de 500 à 1 000 bénéficiaires par mois.
La dépense annuelle résultant du versement de l'Apa aux bénéficiaires de la protection temporaire s'est ainsi élevée à 218,5 millions d'euros en 2022, 171,2 millions d'euros en 2023 et 130,4 millions d'euros en 2024.
Nombre de bénéficiaires de la
protection temporaire
allocataires de l'Ada
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
|
Janvier |
82 809 |
64 423 |
47 278 |
|
Février |
84 326 |
63 514 |
46 580 |
|
Mars |
31 150 |
83 847 |
61 833 |
45 320 |
Avril |
69 663 |
82 021 |
57 748 |
|
Mai |
85 415 |
76 085 |
55 290 |
|
Juin |
91 899 |
72 046 |
54 318 |
|
Juillet |
95 636 |
72 980 |
54 562 |
|
Août |
95 639 |
72 688 |
52 999 |
|
Septembre |
97 447 |
71 855 |
50 792 |
|
Octobre |
90 088 |
67 183 |
48 406 |
|
Novembre |
82 351 |
66 104 |
47 555 |
|
Décembre |
81 885 |
64 622 |
47 118 |
Source : Office français de l'immigration et de l'intégration
Or, si le nombre de bénéficiaires de la protection temporaire allocataires de l'Ada diminue, celui des demandes d'asile issues de ressortissants ukrainiens a quant à lui tendanciellement augmenté ces deux dernières années ; le nombre de ces demandes avait même décru entre 2021 et 2022, passant de 2 127 à 1 882. Ainsi, 12 031 demandes d'asile ont été formulées par des Ukrainiens auprès de l'Ofpra en 2024, contre 3 250 en 2023. Cela représente donc une multiplication par 3,7 depuis 2023 et par 5,7 depuis 2021. Il semble au surplus bien s'agir d'un report de la protection temporaire vers l'asile, car, parmi les demandes déposées par des ressortissants ukrainiens auprès de l'Ofpra en 2024, 76 % l'ont été par des Ukrainiens arrivés en France en 2022, 13 % en 2023 et 9 % en 2024.
Évolution mensuelle du nombre de demandes
d'asile formulées
par des Ukrainiens entre 2022 et 2025
Source : Direction générale des étrangers en France
Cette tendance s'accentue significativement ; l'Ukraine, qui était le deuxième pays de provenance des demandeurs d'asile, occupe la première place au premier trimestre de l'année 2025, avec 4 723 demandes, soit 11,8 % du flux, devant l'Afghanistan, dont proviennent 3 384 demandes.
Principaux pays de provenance des demandes d'asile en 2023 et en 2024
Source : Office français de protection des réfugiés et des apatrides
Le secrétaire général de l'Ofpra a par ailleurs précisé lors de son audition que le taux de protection s'élevait à 92,2 % en 2024 sur décision de l'Ofpra et à 93,4 % après saisine de la cour nationale du droit d'asile (CNDA). Dans près de 98 % des cas, le régime octroyé aux demandeurs d'origine ukrainienne est la protection subsidiaire - et non l'asile.
Ainsi, selon la DGEF, 704 Ukrainiens ont reçu une protection internationale de la France en 2022, 2 350 en 2023 et 6 908 en 2024. Cet indicateur a donc presque décuplé en deux ans.
Le report des bénéficiaires de la protection temporaire vers la demande d'asile alerte d'autant plus qu'il constitue une exception à l'échelle de l'Union européenne. La France est en effet à la fois le pays qui a le moins accueilli de bénéficiaires de la protection temporaire relativement à sa population et celui qui reçoit le plus de demandes d'asile de ressortissants ukrainiens.
Nombre de bénéficiaires de la protection temporaire par millions d'habitants dans le pays d'accueil en 2024
Source : Agence de l'Union européenne pour l'asile5(*)
Les ressortissants ukrainiens ont ainsi formulé près de 27 400 demandes d'asile en 2024 au sein de l'Union européenne, ce qui représente une augmentation de près de 90 % par rapport à l'année 2023. La France reçoit près de 49 % de ces demandes d'asile et occupe donc la première place au regard de cet indicateur ; la Pologne, deuxième pays au regard de cet indicateur, n'est saisie que de 26 % de ces demandes d'asile, et l'Italie, troisième pays, que de 5,6 %.
Le secrétaire général de l'Ofpra a
indiqué à la rapporteure durant son audition que la tendance
se poursuit en 2025. 10 748 demandes d'asile ont été
formées par des ressortissants ukrainiens au sein de l'Union
européenne au premier trimestre de l'année 2025, ce qui
représente une hausse de 80 %
par rapport à la même
période en 2024. La France continue de traiter près
de 50 % de ces dernières, devant la Pologne, qui a
été destinataire de 32 % de celles-ci.
Cette volonté partagée par de nombreux ressortissants ukrainiens de changer de situation administrative a suscité des appréciations diverses parmi les personnes auditionnées par la rapporteure. Si les représentants de la DGEF et de l'Ofpra ont rappelé que la demande d'asile résulte d'une démarche individuelle, le consul de l'Ukraine à Paris et les associations représentant les Ukrainiens en France ont signifié à la rapporteure leur inquiétude à ce sujet. Ils considèrent en effet que l'asile n'est en rien approprié à la situation des ressortissants ukrainiens, qui ont vocation à rentrer en Ukraine au terme du conflit. Le directeur général de l'Ofii, également entendu par la rapporteure, partage cette appréciation et craint que cette évolution ne « dénature » l'asile. La DGEF estime quant à elle que la protection internationale « ne semble pas [adaptée] » à la situation des bénéficiaires de la protection temporaire, du fait de leur mobilité et de la position des autorités ukrainiennes à ce sujet.
L'articulation entre la protection temporaire et l'asile
Les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent en principe formuler une demande d'asile. Il s'agit d'une exigence de la directive 2001/55/CE, qui dispose en son article 17 qu'ils « doivent avoir la possibilité de déposer une demande d'asile à tout moment ».
Le droit français garantit cette possibilité, dont l'article L. 581-4 du Ceseda précise les modalités. Le bénéficiaire de la protection temporaire qui sollicite l'asile s'inscrit dans une situation dérogatoire, dans la mesure où il « reste soumis au régime de la protection temporaire pendant l'instruction de sa demande ». Cela lui permet notamment de conserver une couverture sociale plus conséquente que celle prévue pour les demandeurs d'asile. Au surplus, il préserve durant l'examen de sa demande l'accès au marché du travail, tandis que dernier est restreint pour les demandeurs d'asile, conformément à l'article L. 554-1 du Ceseda.
Or, au-delà de ces considérations procédurales et pratiques, la protection internationale conférée au titre de l'asile ou de la protection subsidiaire emporte des conséquences significatives sur la situation du bénéficiaire, qui n'apparaissent pas adaptées à la situation des déplacés ukrainiens. La protection internationale interdit en effet en principe à ceux qui l'obtiennent :
- de quitter le territoire national jusqu'à la fin de l'instruction de leur demande. Les demandeurs d'asile remettent donc leur passeport à l'Ofpra lors de l'introduction de leur demande ;
- de regagner leur pays d'origine jusqu'à l'échéance de leur statut, sauf s'ils établissent des motifs exceptionnels qui justifient qu'une dérogation soit admise. Il convient ainsi de noter que le bénéficiaire de la protection subsidiaire reçoit un titre de séjour de quatre ans et que les réfugiés disposent d'une carte de résident de dix ans.
Aussi n'apparaît-il pas opportun d'octroyer la protection internationale aux déplacés ukrainiens, qui se caractérisent par leur mobilité sur le territoire de l'Union européenne et qui ont surtout vocation à rentrer en Ukraine à l'issue du conflit.
La DGEF a informé la rapporteure que, « pour éviter cette forte « affluence » vers la demande d'asile, la France a déjà mis en place une communication afin d'inciter ces demandeurs à se tourner vers un titre de séjour plus pérenne ».
Elle a notamment présenté l'exemple de la préfecture des Alpes-Maritimes, qui a instauré une procédure spécifique d'orientation des bénéficiaires de la protection temporaire vers le séjour de droit commun depuis septembre 2024. Un accueil dédié est organisé avec le concours de l'association franco-ukrainienne Côte d'Azur (AFUCA) pour accompagner ces bénéficiaires vers les titres de séjour de droit commun appropriés, en dehors donc d'une demande d'asile.
1.2. Les personnes auditionnées par la rapporteure ont présenté plusieurs facteurs explicatifs de ce report des ressortissants ukrainiens vers la demande d'asile
Le report significatif et croissant des bénéficiaires de la protection temporaire constitue donc un phénomène essentiellement français. La Pologne reçoit certes près du tiers des demandes d'asile formulées par les ressortissants ukrainiens, mais celles-ci représentent une part bien moindre du nombre total des bénéficiaires de la protection temporaire qu'elle accueille.
Plusieurs facteurs explicatifs de ce phénomène ont été avancés par les personnes auditionnées par la rapporteure :
1. Les démarches administratives fréquentes associées au régime de la protection temporaire en France engendreraient une certaine lassitude chez ses bénéficiaires. L'APS n'est en effet valable que 6 mois et nécessite d'être renouvelée en préfecture à chaque échéance. Près de 450 000 APS ont ainsi été attribuées depuis le déclenchement du régime de la protection temporaire. Certaines personnes auditionnées par la rapporteure ont donc exprimé le souhait que l'APS soit octroyée pour une durée supérieure.
La DGEF estime cependant que ce délai de validité présente trois avantages majeurs :
- il fournit le moyen de s'assurer régulièrement de la présence des bénéficiaires de la protection temporaire ;
- il favorise la célérité de la procédure, car l'octroi d'une APS se fait immédiatement en préfecture et ouvre simultanément l'accès aux droits sociaux, tandis qu'un titre de séjour exige des formalités supplémentaires ;
- il permet de vérifier à échéance régulière la situation des bénéficiaires et donc de les orienter vers le droit commun si elle s'y prête.
Une circulaire du Premier ministre du 4 décembre 2024 donne ainsi aux préfets de région et de département l'instruction d'« engager une stratégie d'autonomisation progressive des publics en 2025 » et, partant, d'orienter les bénéficiaires de la protection temporaire « vers un titre de séjour plus durable et favorisant [leur] insertion professionnelle et sociale ».
La DGEF a en outre rappelé que l'APS ne constitue pas un titre de séjour au sens du Ceseda, mais un document provisoire. Une APS ne peut donc qu'être attribuée pour un délai inférieur à un an, sans quoi elle rejoindrait la catégorie des titres de séjour, qui sont soumis à des exigences spécifiques.
2. Les bénéficiaires de la protection temporaire s'en détourneraient du fait de l'incertitude qui plane quant à la sortie du dispositif, qui demeure applicable jusqu'au 4 mars 2026. Selon plusieurs personnes auditionnées par la rapporteure, dont les associations représentant les Ukrainiens en France et la DGEF, des bénéficiaires de la protection temporaire déposeraient une demande d'asile pour éviter de ne disposer d'aucun statut protecteur à cette échéance.
Un Conseil « Justice et affaires intérieures » devrait aborder la question du dispositif de la protection temporaire en juin 2025. L'Ofii, l'Ofpra et la DGEF ont informé la rapporteure que, selon les travaux préparatoires de ce conseil, la majorité des États membres de l'Union européenne souhaiterait aboutir à la prolongation du régime et l'assortir d'un dispositif de transition vers sa clôture. La diffusion de cette information, notamment par les préfectures, sera primordiale.
3. La difficulté à trouver un hébergement pourrait inciter les bénéficiaires de la protection temporaire à solliciter l'asile pour bénéficier du dispositif national d'accueil (DNA) - suivant une logique que la circulaire du 10 mars 2022 écartait explicitement, en rappelant « que les personnes bénéficiant de la protection temporaire n'ont pas vocation à être hébergées au sein du dispositif national d'accueil pour demandeurs d'asile dès lors qu'elles ne relèvent pas de ce statut ».
Cette hypothèse, avancée par le directeur de la cellule interministérielle de crise consacrée à l'accueil des ressortissants ukrainiens et par le préfet de région d'Île-de-France, est notamment fondée sur les récentes incertitudes attachées au financement de la politique d'hébergement des bénéficiaires de la protection temporaire.
Le partage de la compétence « hébergement » entre la DGEF, qui est responsable du programme 303 « Immigration et asile », et la délégation interministérielle à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal), du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » aurait ainsi entraîné des difficultés selon plusieurs personnes auditionnées par la rapporteure, dans la mesure où il a nui à la cohérence de la politique d'accueil des déplacés ukrainiens.
Selon le préfet de région d'Île-de-France, certains bénéficiaires de la protection temporaire qui éprouveraient des difficultés à se loger ou qui craindraient l'échéance du 4 mars 2026 à cet égard pourraient formuler une demande d'asile pour se rattacher au DNA, dont le financement apparaît garanti.
4. La volonté de s'installer durablement en France, au regard de la pérennisation du conflit et de la cristallisation des lignes de front. L'obtention d'un titre de séjour pluriannuel, de quatre ans pour la protection subsidiaire et de dix ans pour l'asile, participerait donc de cette logique, quoiqu'il existe d'autres titres de séjour de droit commun, qui n'entraînent pas l'interdiction de regagner le pays d'origine.
5. L'insuffisance des aides sociales attachées à la protection temporaire orienterait les bénéficiaires de la protection temporaire vers la demande d'asile. C'est là l'interprétation de l'auteure de la proposition de loi et dont résulte l'article 4.
2. Le dispositif étend le champ des aides sociales accessibles aux bénéficiaires de la protection temporaire
L'article 4 apporte plusieurs modifications au code de l'action sociale et des familles (CASF) et au code de la sécurité sociale (CSS) pour attribuer aux bénéficiaires de la protection temporaire l'éligibilité à certaines aides sociales.
a) L'allocation personnalisée d'autonomie (Apa)
Cette allocation peut actuellement être octroyée « à toute personne attestant d'une résidence stable et régulière et remplissant les conditions d'âge et de perte d'autonomie » en vertu de l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles.
L'article 4 vise donc à faire du bénéfice de ce régime un critère alternatif à la condition de « résidence stable et régulière » exigée pour être éligible à l'Apa.
Concernant cette condition, l'article R. 232-2 du CASF précise que « peuvent prétendre de plein droit à l'allocation personnalisée d'autonomie, sous réserve de remplir les conditions d'âge et de perte d'autonomie mentionnées à l'article L. 232-2 [du même code], les personnes étrangères titulaires de la carte de résident ou d'un titre de séjour exigé pour résider régulièrement en France en application du livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou en application de traités et accords internationaux ».
Si les bénéficiaires de la protection temporaire ne sont pas titulaires d'une carte de résident ou d'un titre de séjour, mais d'un « document provisoire de séjour » qui leur est octroyé dans le cadre d'un régime qui figure au livre V du Ceseda, il pourrait toutefois être considéré qu'ils sont éligibles à l'Apa.
Suivant l'interprétation que la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) retient de ces dispositions, les bénéficiaires de la protection temporaire pourraient en effet déjà « entrer dans leur champ d'application », car ils détiennent une attestation provisoire de séjour qui leur est attribuée en application du droit de l'Union européenne. L'article 8 de la directive 2001/55/CE prévoit ainsi explicitement qu'ils « disposent de titres de séjour pendant toute la durée de la protection temporaire ».
Il apparaît en tout état de cause qu'une mesure réglementaire serait plus appropriée qu'une mesure législative pour étendre l'Apa aux bénéficiaires de la protection temporaire.
La DGCS a versé aux travaux de la rapporteure une estimation du nombre potentiel de bénéficiaires de cette mesure, qui est fort approximative en l'absence de données précises sur cette cohorte. Elle repose donc sur l'application, au nombre total de bénéficiaires de la protection temporaire, de la proportion de personnes immigrées originaires des « autres pays d'Europe » de plus de 65 ans et de celle des bénéficiaires de l'Apa parmi les personnes âgées de plus de 60 ans. Suivant cette méthode et sous toute réserve, près de 800 bénéficiaires de la protection temporaire seraient éligibles à l'Apa, ce qui représenterait une dépense d'environ 4,1 millions d'euros et entraînerait donc une hausse de 0,06 % des dépenses liées au versement de l'Apa.
b) Le revenu de solidarité active
Cette prestation sociale est conditionnée, pour les étrangers, à la possession, « depuis au moins cinq ans, d'un titre de séjour autorisant à travailler », en vertu de l'article L. 262-4 du CASF.
Cette condition ne vaut toutefois pas pour :
- les réfugiés, bénéficiaires de la protection subsidiaire, apatrides et étrangers titulaires de la carte de résident ou d'un titre de séjour prévu par les traités et accords internationaux conférant des droits équivalents ;
- les personnes ayant droit à la majoration prévue à l'article L. 262-9 du CASF, c'est-à-dire les personnes isolées qui assument la charge d'au moins un enfant et les femmes enceintes isolées.
La DGCS a indiqué durant son audition par la rapporteure que les bénéficiaires de la protection temporaire pouvaient recevoir le revenu de solidarité active majoré au titre de cette seconde exception. En 2024, 19 bénéficiaires de la protection temporaire étaient allocataires de cette aide sociale.
Plusieurs personnes auditionnées par la rapporteure ont signalé que la question de l'ouverture du droit au revenu de solidarité active aux bénéficiaires de la protection temporaire avait fait l'objet de vifs débats en 2022 lors de la définition du cadre d'accueil des ressortissants ukrainiens.
Le Gouvernement a décidé d'octroyer aux bénéficiaires de la protection temporaire l'allocation pour demandeur d'asile (Ada), dans la mesure où cette garantie de ressources minimales correspond davantage à ce régime.
Au-delà de son caractère temporaire, la protection temporaire s'est en effet singularisée par la mobilité géographique de ses bénéficiaires au sein de l'Union européenne.
La DGCS a signalé à la rapporteure qu'elle n'était « pas en capacité d'évaluer [les conséquences financières] d'une telle mesure ».
c) Les allocations aux personnes âgées
L'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et l'allocation supplémentaire d'invalidité (Asi) sont en principe ouvertes aux personnes de nationalité étrangère titulaires « depuis au moins dix ans d'un titre de séjour autorisant à travailler » en vertu de l'article L. 816-1 du code de la sécurité sociale.
Ce même article prévoit toutefois deux autres catégories de ressortissants étrangers éligibles à ces allocations :
- les ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;
- les réfugiés, les apatrides, les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les ressortissants étrangers ayant combattu pour la France.
L'article 4 vise donc à étendre l'éligibilité à ces allocations aux bénéficiaires de la protection temporaire.
La direction de la sécurité sociale (DSS), dont ces allocations relèvent, a été sollicitée tant par la rapporteure pour une audition que par la DGCS pour une contribution écrite - et n'a donné suite à aucune de ces démarches.
La rapporteure regrette donc de devoir proposer à la commission d'adopter une position relative à une disposition qui n'a pas pu faire l'objet d'un examen véritable. Elle a toutefois constaté que l'article R. 111-3 du CSS étend déjà aux titulaires d'une autorisation provisoire de séjour le bénéfice de l'Aspa.
d) L'allocation aux adultes handicapés (AAH)
L'AAH est ouverte en principe aux ressortissants étrangers de pays extérieurs à l'Union européenne ou à l'Espace économique européen lorsqu'ils sont « en situation régulière au regard de la législation sur le séjour ou si [ils] sont titulaires d'une attestation de demande de renouvellement de titre de séjour », conformément à l'article L. 821-1 du CSS.
L'article D. 821-8 du CSS prévoit que les titres ou documents qui confèrent l'éligibilité à l'AAH sont énumérés à l'article D. 115-1 du CSS. Or, ce dernier a été abrogé par le décret n° 2017-736 du 3 mai 2017 relatif aux règles d'identification, d'affiliation et de rattachement des bénéficiaires des prestations de sécurité sociale et portant modifications de diverses dispositions relatives à l'assurance maladie sans que ce renvoi ait été pris en considération. Au surplus, l'autorisation provisoire de séjour attribuée aux bénéficiaires de la protection temporaire ne figurait pas dans la liste qu'il dressait. Elle paraît toutefois au rang des documents mentionnés par l'arrêté du 10 mai 2017 fixant la liste des titres de séjour prévu au I de l'article R. 111-3 du code de la sécurité sociale, qui s'est substitué à l'article D. 115-1 du CSS. Selon la DGCS, certains tribunaux ont donc considéré qu'il n'était pas possible de refuser le droit à l'AAH à des titulaires d'une autorisation provisoire de séjour, et ce en dépit du fait que l'AAH ne figure pas parmi les prestations ou aides sociales auxquelles renvoie l'article R. 111-3 précité.
Cette situation a fait naître une certaine incertitude quant à l'accès à l'AAH des bénéficiaires de la protection temporaire. Si le principe d'une exclusion de ces derniers du champ de couverture de l'AAH apparaît établi pour la DGCS, la CNSA a toutefois signalé à la rapporteure que plusieurs MDPH ont estimé que les bénéficiaires de la protection temporaire étaient éligibles à l'AAH et ont donc procédé à l'évaluation de leur taux d'incapacité.
En revanche, la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui est l'organisme payeur de l'AAH, continue, dans le silence des textes et en accord avec l'État, d'appliquer le décret abrogé. Elle requiert donc des caisses d'allocations familiales de ne pas procéder au versement de cette allocation à ses bénéficiaires potentiels.
La DGCS et la CNSA ont en outre signalé à la rapporteure que la Défenseure des droits s'est saisie de cette question au deuxième semestre de l'année 2024 et a sollicité la CNAF à ce sujet.
La DGCS n'a pas été en mesure d'évaluer les conséquences financières de cette disposition.
L'article 4 prévoit en conséquence d'accorder l'éligibilité à l'AAH aux bénéficiaires de la protection temporaire, pour clarifier la situation dans un sens favorable à ces derniers.
3. La commission juge utile d'étendre l'ouverture de certaines prestations et aides sociales aux bénéficiaires de la protection temporaire, mais surtout nécessaire d'établir un véritable bilan de cette politique publique
La commission a considéré qu'il était opportun d'ouvrir l'accès à certaines prestations et aides sociales aux bénéficiaires de la protection temporaire, tant dans une démarche d'amélioration de ce régime que pour éviter le report de ses bénéficiaires vers le régime de l'asile. Cette dernière n'apparaît en effet généralement pas adaptée aux ressortissants ukrainiens qui ont fui le conflit armé actuel, dans la mesure où ils ont vocation à retourner en Ukraine à son issue.
Elle a donc conservé l'extension de l'Apa, de l'AAH, de l'Aspa et de l'Asi aux bénéficiaires de la protection temporaire.
Concernant les allocations de solidarité aux personnes âgées, elle a adopté l'amendement rédactionnel COM-5 présenté par sa rapporteure, tout en constatant que le droit en vigueur permettait déjà d'attribuer l'Aspa aux bénéficiaires de la protection temporaire.
En revanche, la commission a adopté l'amendement COM-4 présenté par sa rapporteure, qui supprime l'extension du droit au revenu de solidarité active aux bénéficiaires de la protection temporaire. Si l'installation dans le temps du conflit en Ukraine peut conduire à la révision de l'approche initialement retenue en la matière par la voie réglementaire, la commission a estimé qu'il ne convient pas d'apporter une modification législative au régime de la protection temporaire. Cela reviendrait à préjuger des prochains cas d'application de ce régime.
Plus généralement, elle a observé que les évolutions ainsi envisagées pourraient être adoptées par la voie réglementaire.
Elle estime enfin que le report actuel des bénéficiaires de la protection temporaire vers une demande d'asile ne résulte pas du seul facteur lié à l'insuffisance éventuelle des prestations sociales attachées à ce régime.
Il importera ainsi de dresser le bilan de la première application de la protection temporaire dans la perspective de crises futures, spécialement en ce qui concerne l'adéquation d'une APS de six mois à ces situations, la prévisibilité quant à la sortie du dispositif et la cohérence de la politique d'hébergement qui l'accompagne.
La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.
Article 5
Gage financier de la proposition de
loi
L'article 5 vise à gager les conséquences financières entraînées par l'adoption de la présente proposition de loi pour l'État et les collectivités territoriales par, respectivement, l'augmentation de la fiscalité sur les produits du tabac et la majoration de la dotation globale de fonctionnement.
La commission a adopté cet article sans modification.
La proposition de loi prévoit en son article 5 de gager les conséquences financières induites par la proposition de loi en trois volets :
- le I gage les éventuelles conséquences financières qui résulteraient pour l'État de l'adoption de la proposition de loi par « la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services » ;
- le II gage les conséquences financières éventuelles qui affecteraient les collectivités territoriales, au premier rang desquelles les départements, par une hausse de leur dotation globale de fonctionnement ;
- le III compense la perte de recettes que représente pour l'État le II par la création d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs.
La commission a adopté l'article 5 sans modification.
* 2 Instruction relative à la mise en oeuvre de la décision du Conseil de l'Union européenne du 4 mars 2022, prise en application de l'article 5 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 (NOR : INTV2208085J).
* 3 Arrêté du 12 janvier 2012 fixant les conditions de reconnaissance et d'échange des permis de conduire délivrés par les États n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen.
* 4 Instruction relative à la mise en oeuvre de la décision du Conseil de l'Union européenne du 4 mars 2022, prise en application de l'article 5 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 (NOR : INTV2208085J).
* 5 Agence de l'Union européenne pour l'asile (EUAA), Les dernières tendances du droit d'asile pour 2024. Analyse annuelle (« Latest Asylum Trends 2024. Annual Analysis »), mars 2025.