EXAMEN DES ARTICLES

Chapitre Ier : Améliorer l'accueil et la formation des étudiants en santé par la transparence et la territorialisation des besoins

Article 1er
Rénover le numerus apertus en renforçant la prise en compte
des besoins de santé du territoire

Cet article vise à renforcer la prise en compte des besoins de santé du territoire dans la fixation des capacités d'accueil des formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique en deuxième et troisième années de premier cycle et dans la définition des objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Le numerus apertus a permis d'augmenter le nombre d'étudiants recrutés mais présente toutefois d'importantes limites

1. Le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus

a) Les conséquences dommageables du numerus clausus

· Le système du numerus clausus permettait, jusqu'en 2019, au Gouvernement de fixer annuellement le nombre d'étudiants admis dans les filières médicales et pharmaceutique.

Instauré en 1971 pour les études de médecine et d'odontologie1(*), ce système a progressivement été étendu aux filières pharmacie et maïeutique, recrutant par la même voie. La loi de 1984 sur l'enseignement supérieur confie, ainsi, aux ministres de la Santé et de l'Éducation nationale le soin de fixer « le nombre des étudiants admis, pendant le premier cycle, à poursuivre des études médicales, odontologiques ou pharmaceutiques (...) compte tenu des besoins de la population, de la nécessité de remédier aux inégalités géographiques et des capacités de formation des établissements concernés »2(*). Insérées postérieurement dans le code de l'éducation, ces dispositions ont été étendues par la loi de 2004 relative à la politique de santé publique aux sages-femmes, qui faisaient l'objet d'un numerus clausus depuis 19773(*).

Le dispositif n'a, par la suite, que très peu évolué jusqu'à sa suppression. Sur le fondement de ces dispositions, les ministres ont, en conséquence, annuellement arrêté jusqu'en 2020 le nombre d'étudiants pouvant être admis dans les filières MMOP, à l'issue de la première année des études de santé.

· Le numerus clausus est accusé d'avoir largement contribué aux tensions démographiques actuelles, du fait du nombre insuffisant d'étudiants recrutés dans les dernières décennies.

D'abord justifié par la nécessaire régulation du nombre d'étudiants au regard des capacités d'accueil des établissements de santé dispensant les formations cliniques, le numerus clausus a progressivement été abaissé dans les années 1970 et 1980 pour des motifs attachés davantage à des considérations financières et sectorielles.

Le numerus clausus de médecine a ainsi chuté de 8 671 à 3 500 entre 1977 et 1993, alors que la population française augmentait d'environ 8 % sur la même période. À partir de 1994, il n'a été que très progressivement relevé pour dépasser 4 000 en 2001 et 6 000 en 20054(*).

Évolution du numerus clausus en médecine entre 1971 et 2015

Source : Direction générale du Trésor, lettre Trésor-Eco n° 247 publiée en octobre 2019

Dans un rapport récent relatif à l'accès aux études de santé, la Cour des comptes constate que la diminution du numerus clausus a été décidée « sans lien suffisant avec les projections démographiques des professionnels de santé et sans étude des besoins ». Elle l'attribue à « une logique de limitation des dépenses de soins et de maintien de revenus importants pour les médecins »5(*). La direction générale du Trésor estime également que la baisse importante du numerus clausus dans les années 1970 et 1980 a été justifiée par la « crainte de la demande induite » qui serait associée à une augmentation du nombre de médecins6(*).

Face à l'augmentation constatée des besoins de santé, portée notamment par l'accroissement de la population, son vieillissement, et la prévalence grandissante des maladies chroniques, le relèvement du numerus clausus entre le milieu des années 1990 et la fin des années 2000 a concerné l'ensemble des professions incluses dans le dispositif.

Évolution du numerus clausus national pourvu en odontologie,
pharmacie et maïeutique entre 1972 et 2019

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Drees (2021)

b) Le numerus apertus mis en place par loi de 2019

Accusé d'avoir permis la baisse du nombre d'étudiants admis dans les études de santé et, en conséquence, favorisé l'apparition des tensions démographiques constatées, le numerus clausus a été remplacé, par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé de 20197(*), par un nouveau système dit du « numerus apertus » qui s'en distingue sur plusieurs points.

· Désormais, les capacités d'accueil en deuxième et troisième années de premier cycle dans les filières médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie (MMOP) sont déterminées annuellement par les universités elles-mêmes8(*).

Ces dernières doivent fixer, avant le 1er octobre de chaque année, les capacités d'accueil pour l'année universitaire suivante ainsi que leur prospective de capacité d'accueil pour les cinq années suivantes9(*).

Pour ce faire, les universités doivent tenir compte de deux catégories d'objectifs pluriannuels, selon ce que le rapporteur Alain Milon avait qualifié, lors de l'examen du texte par la commission des affaires sociales du Sénat, de « mécanique à triple détente »10(*).

· Chaque université doit, d'abord, prendre en compte, pour déterminer ces capacités d'accueil, les objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle.

Ces objectifs pluriannuels sont arrêtés par l'université sur avis conforme des agences régionales de santé (ARS) concernées. Avant de rendre leur avis, ces dernières doivent consulter les conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) concernées.

Les conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA)

Créées par la loi dite « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) de 200911(*), les CRSA sont placées auprès de chaque ARS et chargées de participer par leurs avis à la définition des objectifs et des actions de l'agence dans ses domaines de compétences12(*). Elles émettent notamment des avis sur les projets régionaux de santé et peuvent faire toute proposition au directeur général de l'ARS sur l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation de la politique de santé dans la région13(*).

Au moins une fois par an, le directeur général de l'ARS doit rendre compte à la CRSA de la mise en oeuvre de la politique régionale de santé et l'informer des suites qui ont été données à ses avis14(*).

Les CRSA sont composées de 109 membres au plus ayant voix délibérative, auxquels s'ajoutent les membres du collège des conseils territoriaux de santé (CTS) ayant également voix délibérative. Ses membres sont répartis en huit collèges comprenant notamment :

- un collège des représentants des collectivités territoriales ;

- un collège des représentants des usagers de services de santé ou médico-sociaux ;

- un collège des représentants des CTS ;

- un collège des offreurs des services de santé15(*).

Les objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle doivent tenir compte, d'une part, des capacités de formation et, d'autre part, des besoins de santé du territoire.

Pour renforcer la prise en compte des besoins de santé dans la détermination de ces objectifs, la loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels de 2023, dite « Valletoux », a hiérarchisé ces deux critères16(*) : désormais, les universités doivent tenir compte des besoins de santé en priorité, puis des capacités de formation17(*).

· Ces objectifs pluriannuels sont eux-mêmes définis au regard d'objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former établis par l'État dans la poursuite de trois objectifs énumérés par la loi :

- répondre aux besoins du système de santé ;

- réduire les inégalités territoriales d'accès aux soins ;

- permettre l'insertion professionnelle des étudiants18(*).

Les objectifs nationaux pluriannuels sont définis pour une durée de cinq ans par arrêté, sur proposition d'une conférence nationale réunissant des représentants des acteurs du système de santé et des organismes et institutions de formation, présidée conjointement par les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé19(*).

Les mêmes ministres peuvent, avant l'échéance des cinq ans, saisir la conférence nationale pour actualiser les objectifs nationaux pluriannuels.

La conférence nationale chargée de proposer les objectifs nationaux pluriannuels

1. La composition de la conférence nationale

La composition de la conférence nationale est fixée par arrêté. Elle comprend notamment :

- les directeurs généraux des ARS ;

- des représentants des professions concernées (présidents des organisations syndicales représentatives dans les secteurs libéral et hospitalier, présidents des ordres professionnels concernés) ;

- les présidents des associations nationales représentant les élus locaux ;

- trois représentants des associations d'usagers du système de santé ;

- des représentants des structures de formation (président de la conférence des présidents des universités, présidents des conférences de doyens) ;

- les présidents des associations représentatives des étudiants ;

- les présidents des fédérations hospitalières ;

- des représentants de l'administration centrale et de l'assurance maladie20(*).

L'Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) est chargé du secrétariat de la conférence nationale21(*). Ce dernier regroupe, sous l'autorité d'un président nommé pour trois ans par arrêté, un conseil d'orientation et des comités régionaux22(*).

2. Les modalités de détermination des objectifs nationaux pluriannuels

Pour proposer aux ministres les objectifs nationaux pluriannuels, la conférence nationale doit prendre en compte :

- des propositions relatives au nombre de professionnels à former, établies par les ARS en considérant les besoins de santé et d'accès aux soins et les capacités de formation sur leur territoire ;

- des données nationales relatives, notamment, à la démographie des professionnels de santé, à l'organisation de l'offre de soins, à l'évolution des progrès techniques et à l'insertion professionnelle des étudiants23(*).

La conférence nationale s'appuie, pour proposer ses orientations, sur les travaux préparatoires de l'ONDPS. Six mois avant la tenue de la conférence nationale, l'ONDPS engage un processus de concertation aux niveaux régional et national dont les modalités sont définies par un arrêté de 2019 :

- le directeur général de chaque ARS organise une concertation régionale d'une durée minimale de deux mois, associant des acteurs du système de santé, des collectivités territoriales, des usagers, des acteurs de la formation et des organisations représentatives des étudiants ;

- à l'issue de cette concertation, le directeur général de l'ARS adresse à l'ONDPS une proposition d'objectifs de professionnels de santé à former, pour chaque formation et chaque université, encadrée par un seuil minimal et maximal d'évolution possible ;

- le président de l'ONDPS recueille, notamment auprès des organismes statistiques de l'État et des ordres, les données utiles relatives à la démographie, à la répartition et à l'exercice des professionnels de santé ;

- en associant les membres de la conférence nationale, l'ONDPS établit une synthèse des propositions et données recueillies ;

- ces travaux sont présentés à la conférence nationale et débattus, puis le président de l'ONDPS transmet aux ministres les propositions arrêtées, par formation et par université, pour la période quinquennale concernée24(*).

Sur le fondement de ces dispositions et sur proposition de la conférence nationale, un arrêté de septembre 2021 a fixé les objectifs nationaux pluriannuels pour la période 2021-2025 à 81 055, ainsi répartis : 51 505 professionnels pour la médecine, 17 065 pour la pharmacie, 7 265 pour l'odontologie et 5 220 pour la maïeutique.

Comme le prévoit l'arrêté de 2019 relatif à l'accès aux formations MMOP, ces objectifs sont encadrés par des seuils minimal et maximal d'évolution dont l'écart avec l'objectif ne peut être, de part et d'autre, inférieur à 5 %25(*). Pour la période 2021-2025, le seuil minimal d'évolution est fixé à 76 655 et le seuil maximal d'évolution à 85 45526(*).

2. Les limites du numerus apertus mis en place

a) Une augmentation du recrutement étudiant à relativiser

· Les objectifs nationaux pluriannuels fixés pour la période 2021-2025 ont permis une augmentation sensible du recrutement étudiant par rapport aux années précédentes.

Ainsi, d'après la Cour des comptes, la comparaison du nombre d'admis dans les filières MMOP une année avant et trois années moyennées après la réforme fait apparaître une augmentation de l'ordre de 11 % sur l'ensemble des quatre filières27(*). Le nombre d'admis s'est révélé particulièrement important en 2021, lors de la première année d'application de la réforme, du fait d'une décision du Conseil d'État ayant conduit à admettre davantage d'étudiants que prévu pour garantir l'égalité de traitement entre les étudiants issus des différentes voies d'accès28(*).

Nombre d'étudiants inscrits en deuxième année du premier cycle
dans les filières MMOP entre 2017 et 2023

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Cour des comptes (2024)

· Toutefois, cette augmentation générale du nombre d'étudiants admis doit être relativisée.

D'abord, d'importantes disparités apparaissent entre filières. Alors que le nombre d'admis a augmenté de 18 % en médecine et de 14 % en odontologie, il a diminué en maïeutique et en pharmacie, respectivement de 4 % et 6 %. Cette baisse est en grande partie expliquée par l'aggravation récente du phénomène des places vacantes constaté dans ces deux filières : pour l'année universitaire 2022-2023, celles-ci atteignaient 10 % des capacités d'accueil en deuxième année de premier cycle en maïeutique et 14 % en pharmacie29(*).

Nombre d'étudiants inscrits en deuxième année du premier cycle
dans chaque filière, hors redoublants

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après des données Cour des comptes (2024)

Par ailleurs, l'augmentation des effectifs recrutés en médecine diffère grandement d'un territoire à un autre, sans que ces divergences ne semblent destinées à corriger les inégalités démographiques constatées.

La Cour des comptes observe, ainsi, que les régions Normandie, Hauts-de-France et Pays de la Loire, qui présentent historiquement des densités médicales faibles, connaissent une croissance des effectifs recrutés d'environ 10 %, inférieure à la moyenne nationale. Elle juge ces disparités de progression « inquiétantes, car elles contribuent à creuser des écarts déjà existants entre les territoires et obèrent à l'avenir leur capacité à obtenir des postes d'internes et à favoriser leur installation »30(*).

L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a, en effet, récemment rappelé l'importance du lieu de naissance et du lieu d'internat dans les choix liés à l'installation des médecins. Ainsi, 50 % des médecins généralistes formés pendant les années 2000 exerceraient, en 2019, à moins de 85 kilomètres de leur commune de naissance et 50 % à moins de 43 kilomètres de leur lieu d'internat. L'Insee observe que, parce qu'elle se révèle particulièrement structurante dans la vie d'un jeune médecin, la période de l'internat est « susceptible de modifier ses préférences initiales et de mener l'étudiant à choisir de finalement exercer dans sa région d'affectation »31(*).

Comparaison entre l'augmentation du recrutement étudiant
et la densité régionale standardisée en médecins

Source : Cour des comptes (2024)

b) Des limites méthodologiques et procédurales désormais bien documentées

En outre, la procédure de fixation des objectifs de recrutement dans les filières MMOP apparaît encore perfectible.

· La Cour des comptes relève, ainsi, plusieurs lacunes méthodologiques dans son rapport récent relatif à l'accès aux études de santé.

D'abord, la notion de besoins de santé, devant fonder la fixation des objectifs pluriannuels au niveau national comme au sein de chaque université, ne fait l'objet d'aucune définition précise. Il est seulement précisé par décret que ces besoins prennent en compte, notamment, les spécificités territoriales telles qu'elles découlent des caractéristiques géographiques ou d'aménagement du territoire ainsi que la prévalence des zones sous-denses identifiées par les ARS32(*).

Dans un article récent, Emmanuel Touzé, Agnès Bocognano et Yann Bourgueil observent ainsi que « les besoins de soins dépendent de facteurs démographiques et épidémiologiques, qui sont assez facilement quantifiables. Mais ils dépendent également de facteurs non démographiques plus difficilement quantifiables : politiques de santé publique, organisation du système, évolution des métiers. » Ils appellent à « mieux définir l'organisation du système de soins, notamment en ce qui concerne les coopérations interprofessionnelles, la gradation et la permanence des soins » pour permettre une meilleure projection33(*).

De la même manière, la Cour des comptes relève qu'il n'a pas été déterminé ni mis en place de suivi structuré, au niveau national, des capacités de formation des universités reposant sur des indicateurs standardisés tels que le taux d'encadrement pour les enseignements universitaires, l'équipement minimal nécessaire, le nombre et la typologie des terrains de stage, etc.34(*)

· De plus, la procédure de fixation des objectifs pluriannuels est complexe et ne permet qu'une réactivité limitée face à l'évolution rapide des besoins constatés.

La Cour des comptes relève que la prochaine conférence, initialement prévue en 2024, pourrait ne pas se tenir avant 2026 du fait du retard déjà accumulé35(*).

Le rythme quinquennal retenu apparaît, en outre, peu adapté à l'évolution rapide des besoins, de l'organisation du système de santé et des conditions d'exercice des professionnels. Si les ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé peuvent, avant l'échéance des cinq ans, saisir la conférence nationale pour actualiser les objectifs nationaux pluriannuels36(*), cette faculté n'a pour le moment pas été mise en oeuvre. La Cour des comptes a recommandé, en conséquence, de mettre en place un comité de pilotage commun aux deux ministères qui se réunisse au moins annuellement, de manière à permettre un réajustement régulier des objectifs de formation37(*).

B. L'article 1er vise à améliorer le numérus apertus en permettant une meilleure prise en compte des besoins de santé des territoires

Pour renforcer la prise en compte des besoins de santé des territoires dans la fixation des objectifs de recrutement, l'article 1er apporte plusieurs modifications à l'article L. 631-1 du code de l'éducation.

Dans le texte déposé, le 1° de l'article visait, d'abord, à prévoir que les capacités d'accueil en deuxième et troisième années de premier cycle seraient déterminées annuellement non plus seulement par les universités mais également par une commission dont la composition serait fixée par décret et comprendrait des représentants élus des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) du territoire ainsi que des parlementaires.

Le modifie les dispositions encadrant la fixation des objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle pour :

- d'une part, préciser que les besoins de santé doivent être pris en compte en priorité puis, à titre subsidiaire seulement, les capacités de formation ;

- d'autre part, prévoir que ces objectifs ne peuvent être établis qu'après avis conforme de la commission créée par le 1°.

Le 3° de l'article 1er insère dans le code de l'éducation des dispositions prévoyant que les besoins de santé du territoire doivent être déterminés notamment au regard des départs en retraite récents et des estimations des départs en retraite à venir des médecins exerçant sur ledit territoire.

Le , enfin, vise à mettre en place une procédure applicable dans les cas où les capacités de formation en deuxième et troisième années de premier cycle fixées par une université seraient jugées insuffisantes au regard des objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle par la commission créée par le 1°, l'ARS ou les ARS concernées. Dans ce cas, l'université devrait mettre en oeuvre des mesures visant à accroître ses capacités d'accueil. Ces mesures seraient transmises chaque année à la commission et aux ARS concernées, jusqu'à ce que les capacités d'accueil soient jugées suffisantes.

II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

· La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements modifiant l'article 1er et un sous-amendement.

Un amendement du rapporteur Yannick Neuder a, d'abord, supprimé la commission créée par le 1° de l'article pour la remplacer par les conseils territoriaux de santé (CTS). Ainsi modifié, l'article 1er confie ainsi aux CTS le soin :

- de déterminer, avec les universités, les capacités d'accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle ;

- d'émettre un avis conforme sur les objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle ;

- enfin, d'estimer si ces capacités d'accueil sont suffisantes au regard de ces objectifs et, dans le cas contraire, d'inviter l'université à mettre en place des mesures correctrices.

Un amendement de M. Pierre Dharréville (Gauche démocrate et républicaine) vise à préciser, par ailleurs, à l'article L. 631-1 du code de l'éducation, que les capacités d'accueil déterminées par les universités doivent viser à garantir la répartition optimale des futurs professionnels de santé sur le territoire au regard des besoins constatés.

Un amendement de M. Yannick Monnet (Gauche démocrate et républicaine) vise également à préciser, au même article du code de l'éducation, que les objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former établis par l'État doivent viser à réduire les inégalités sociales d'accès aux soins.

Enfin, un amendement de M. Sébastien Peytavie (Écologiste), sous-amendé par le rapporteur, vise à prévoir que, lorsque l'université informe les CTS et les ARS des mesures prises pour accroître ses capacités d'accueil, cette information est systématiquement accompagnée du détail des moyens financiers et humains nécessaires à la réalisation de ces mesures, ainsi que de la façon dont l'État doit y contribuer.

· En séance plénière, l'Assemblée nationale a adoptée trois amendements à l'article 1er.

Un amendement du rapporteur Yannick Neuder a, d'abord, supprimé les dispositions confiant aux CTS le soin de déterminer, avec les universités, les capacités d'accueil des formations en deuxième et troisième années de premier cycle.

Deux amendements identiques du rapporteur et de M. Jean-François Rousset (Renaissance) ont, enfin, réécrit les dispositions relatives au contrôle des ARS et des CTS sur les capacités d'accueil fixées par les universités. Désormais, celles-ci prévoient que, si les ARS ou les CTS concernés considèrent que ces capacités ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels arrêtés par l'université, cette dernière peut être appelée à mettre en oeuvre des mesures visant à accroître ses capacités d'accueil. Les modalités d'accroissement de ces capacités et d'information des CTS et ARS concernés relative aux mesures prises ou envisagées, notamment en matière de moyens financiers et humains dégagés par l'État, doivent être fixées par décret.

L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.

III - La position de la commission

La commission a favorablement accueilli ces dispositions. Elle juge que, si l'article 1er ne résoudra pas l'ensemble des difficultés constatées dans la mise en oeuvre du numerus apertus, il contribuera toutefois à améliorer le fonctionnement général de ce dispositif en permettant une meilleure prise en compte des besoins des territoires et en favorisant l'accroissement du recrutement étudiant.

· La commission juge utile, d'une part, d'associer plus étroitement les CTS à la définition des objectifs pluriannuels d'admission.

Les CTS, comprenant notamment des représentants des professionnels de santé, des établissements et structures participant à l'offre de soins sur le territoire et des collectivités territoriales, permettront de confronter ces objectifs aux besoins constatés dans le territoire. Selon la direction générale de l'offre de soins (DGOS), interrogée par le rapporteur, « l'avis conforme des CTS, en plus de l'avis conforme des ARS, qui consultent la conférence régionale de la santé et de l'autonomie, permettrait de renforcer la place des élus territoriaux, notamment ruraux, afin de mieux prendre en compte et de mieux répondre aux besoins de santé identifiés »38(*).

Ces dispositions apparaissent, en outre, cohérentes avec la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, portée par le président Philippe Mouiller et récemment adoptée par le Sénat, qui visait notamment à territorialiser la politique d'accès aux soins en associant davantage les élus locaux à sa définition et en confiant aux départements la capacité d'agir en matière de définition des besoins de santé sur leur territoire39(*).

· Pour favoriser l'augmentation du nombre d'étudiants admis, d'autre part, la commission a jugé souhaitable de permettre aux ARS et aux CTS d'appeler l'université à augmenter ses capacités d'accueil, lorsque celles-ci apparaissent inadaptées aux objectifs pluriannuels d'admission qu'elle a elle-même fixés.

Cette nouvelle faculté responsabilisera les universités dans la définition de leurs capacités d'accueil, et l'État dans l'allocation des moyens nécessaires à l'admission d'un nombre suffisant d'étudiants.

La DGOS a rappelé, à cet égard, que les capacités actuelles de formation demeurent inférieures à celles qui existaient avant la mise en place du numerus clausus en 1971, alors que la France compte près de 15 millions d'habitants supplémentaires. Le Gouvernement s'est engagé, dans le cadre du pacte relatif aux déserts médicaux présenté par le Premier ministre le 25 avril 2025, à augmenter de 20 % le nombre d'étudiants en santé formés sur le territoire d'ici 203040(*).

La commission a jugé ces mesures adéquates pour accompagner l'indispensable augmentation du recrutement dans les études médicales et pharmaceutique. Elle souhaite que cet effort soit prioritairement porté sur les territoires les plus dépourvus et que les besoins de santé mesurés localement soient pleinement pris en compte. Pour favoriser son entrée en vigueur rapide, la commission a adopté le présent article sans modification.

La commission a adopté cet article sans modification.


* 1 Article 14 de la loi n° 71-557 du 12 juillet 1971 aménageant certaines dispositions de la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur.

* 2 Article 14 de la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur.

* 3 Article 105 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

* 4 Direction générale du Trésor, lettre Trésor-Eco « Comment lutter contre les déserts médicaux ? », n° 247, 11 octobre 2019.

* 5 Cour des comptes, L'accès aux études de santé : quatre ans après la réforme, une simplification indispensable. Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, décembre 2024, p. 51.

* 6 Direction générale du Trésor, lettre Trésor-Eco « Comment lutter contre les déserts médicaux ? », n° 247, op. cit.

* 7 Article 1er de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé.

* 8 Article L. 631-1 du code de l'éducation.

* 9 Article R. 631-1-6 du code de l'éducation.

* 10 Rapport n° 524 (2018-2019) de M. Alain Milon, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 22 mai 2019.

* 11 Article 118 de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

* 12 Article L. 1432-1 du code de la santé publique.

* 13 Article L. 1432-4 du code de la santé publique.

* 14 Article L. 1432-2 du code de la santé publique.

* 15 Article D. 1432-28 du code de la santé publique.

* 16 Article 22 de la loi n° 2023-1268 du 27 décembre 2023 visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels.

* 17 Article L. 631-1 du code de l'éducation.

* 18 Ibid.

* 19 Article R. 631-1-6 du code de l'éducation.

* 20 Article 15 de l'arrêté du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique.

* 21 Article R. 631-1-6 du code de l'éducation.

* 22 Décret n° 2010-804 du 13 juillet 2010 relatif aux missions de l'Observatoire national de la démographie des professions de santé.

* 23 Article R. 631-1-6 du code de l'éducation.

* 24 Article 14 de l'arrêté du 4 novembre 2019 relatif à l'accès aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique.

* 25 Ibid.

* 26 Arrêté du 13 septembre 2021 définissant les objectifs nationaux pluriannuels de professionnels de santé à former pour la période 2021-2025.

* 27 Cour des comptes, L'accès aux études de santé : quatre ans après la réforme, une simplification indispensable. Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, opcit., p. 62.

* 28 Conseil d'État, 4e et 1ère chambres réunies, 8 juillet 2021, décision n° 452731.

* 29 Cour des comptes, L'accès aux études de santé : quatre ans après la réforme, une simplification indispensable. Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, opcit., p. 65.

* 30 Ibid., p. 69.

* 31 Insee première, « Les médecins généralistes libéraux s'installent souvent à proximité de leurs lieux de naissance ou d'internat », n° 2024, 12 novembre 2024.

* 32 Article R. 631-1-6 du code de l'éducation.

* 33 Emmanuel Touzé, Agnès Bocognano et Yann Bourgueil, « Former plus de médecins pour demain ? », Les Tribunes de la santé, n° 75, mars 2023, pp. 71 à 89.

* 34 Cour des comptes, L'accès aux études de santé : quatre ans après la réforme, une simplification indispensable. Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, opcit., p. 56.

* 35 Ibid., p. 70.

* 36 Article R. 631-1-6 du code de l'éducation.

* 37 Cour des comptes, L'accès aux études de santé : quatre ans après la réforme, une simplification indispensable. Communication à la commission des affaires sociales du Sénat, opcit., recommandation n° 5.

* 38 Réponses écrites de la DGOS au questionnaire transmis par le rapporteur.

* 39 Article 1er de la proposition de loi n° 118 (2024-2025) visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires, adoptée par le Sénat le 13 mai 2025.

* 40 Dossier de presse « Pacte de lutte contre les déserts médicaux », 25 avril 2025, p. 18.

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