B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. La lisibilité des crédits de la mission devrait enfin bénéficier de la suppression du programme 369 « Amortissement de la dette de l'État lié à la covid- 19 », actée par la loi de finances initiale pour 2025
Créé par la loi de finances initiale pour 2022, le programme 369 visait à retracer l'amortissement du surcroît de dette de l'État issu de la crise sanitaire sur vingt ans jusqu'en 2042, par l'affectation annuelle d'une fraction de 5,9 % des recettes fiscales nettes dégagées au-delà de leur niveau de 2020. Les crédits budgétaires correspondant abondaient, par le biais du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », la Caisse de la dette publique qui assurait le remboursement de la dette.
Comme le rapporteur spécial avait pu le souligner les années précédentes, aucun argument économique ou budgétaire n'était de nature à justifier l'isolement de la « dette covid », les recettes fiscales supplémentaires pouvant tout aussi bien servir à réduire le déficit budgétaire courant.
Ainsi que le relève la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, les modalités de fonctionnement du programme 369 aboutissaient ainsi à « une perte de lisibilité budgétaire »2(*). En particulier, la Cour souligne la « confusion entre opérations budgétaires et opérations de trésorerie » qui était entretenue par ce programme. En effet, l'amortissement de la dette constitue une charge de trésorerie au sens de l'article 25 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)3(*), et ne relève pas des charges budgétaires de l'État au sens de son article 5 : en toute rigueur, une telle opération ne devrait donc pas être retracée dans le budget de l'État.
Plus fondamentalement, l'amortissement de la dette covid ne modifiait pas le montant de dette que l'État devait rembourser à terme, en revanche elle venait annuellement dégrader son solde budgétaire, puisque le budget général était, à travers le programme 369, sollicité pour rembourser ce surplus de dette lié à la covid 19.
Alors que le projet de loi de finances pour 2025 prévoyait de doter le programme de 5,152 milliards d'euros de crédits de paiement, un amendement4(*), introduit par le Sénat à l'initiative du rapporteur spécial, repris dans le texte de la loi de finances initiale issu des travaux de la commission mixte paritaire (CMP), a finalement supprimé le programme 369.
Cette suppression représente ainsi une amélioration majeure en termes de lisibilité des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », qui était appelée de longue date par le rapporteur spécial ainsi que par son prédécesseur, lesquels avaient respectivement déposé des amendements en sens dans le cadre de l'examen des budgets 20235(*) et 20246(*). Suivant l'analyse sénatoriale, la Cour des comptes avait également recommandé, dans sa note d'exécution budgétaire 20237(*), de mettre fin à la budgétisation de l'amortissement de la dette covid.
Ainsi que le relève la Cour des comptes, les autorisations d'engagement (AE) restant à couvrir, d'un montant de 150,05 milliards d'euros, devraient en conséquence être annulées comptablement au cours de l'exécution 2025.
2. Une sinistralité croissante des prêts garantis par l'État, supérieure à la prévision
Mis en place en 2020 dans sa version dite « classique » dans le contexte de la crise sanitaire, puis en 2022 dans sa version dite « Résilience » en réponse aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine, le prêt garanti par l'État (PGE) vise à soutenir le financement bancaire des entreprises.
La garantie de l'État couvre un pourcentage du montant des prêts, en fonction de la taille de l'entreprise. Ainsi, le PGE « classique » peut couvrir jusqu'à 25 % du chiffre d'affaires annuel 2019 ou deux années de masse salariale. Quant au PGE « Résilience » (PGER), qui a remplacé le PGE « classique » au printemps 20228(*) et a pris fin au 31 décembre 2023, celui-ci peut couvrir jusqu'à 15 % du chiffre d'affaires annuel moyen au cours des trois dernières années et est cumulable avec les PGE déjà obtenus, permettant donc d'emprunter au total jusqu'à 40 % du chiffre d'affaires.
En 2024, les garanties des PGE et PGER ont été appelées à hauteur de 1,74 milliard d'euros, contre une prévision en LFI de 1,44 milliard d'euros, soit un écart d'environ + 300 millions d'euros. Surtout, le montant des appels en garantie correspondants enregistre une croissance notable par rapport à l'exécution 2023, qui s'élevait à 1,62 milliard d'euros.
Les appels en garantie concernent ainsi 29 061 entreprises au titre des PGE et 104 entreprises au titre des PGER, contre respectivement environ 26 000 entreprises pour les PGE et 65 entreprises pour les PGER en 2023.
En rapportant le nombre cumulé de garanties appelées sur le nombre total de dossiers déposés, le taux de défaillance des PGE et PGER s'élève à 11,73 % en 2024, en nette hausse par rapport à 2023 (7,3 %). Rapporté au nombre de dossiers encore ouverts en 2024, ce taux est de 6,4 % (contre 4,6 % en 2023) et concerne, pour 58 %, des entreprises en situation de liquidation judiciaire9(*).
Selon les données de Bpifrance, le capital restant dû des PGE et PGER représente désormais 38,25 milliards d'euros au 31 décembre 2024, soit seulement 26,36 % de l'encours octroyé.
En dépit de difficultés persistantes concernant l'évaluation des projections d'appels en garantie, la Cour des comptes relève que les estimations de la Banque de France disponibles à ce jour « ne laissent pas présager un coût significatif pour l'État, lequel dépendra in fine du taux de défaut des bénéficiaires » des PGE et PGER10(*). En tenant compte du montant des primes d'émission au 30 septembre 2024, le coût net cumulé des appels en garantie des PGE et PGER est ainsi estimé à 3,96 milliards d'euros.
* 2 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2024, mission « Engagements financiers de l'État », avril 2025.
* 3 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
* 4 Amendement n° II-35, article 42 (état B) du projet de loi de finances pour 2025, présenté par M. Albéric DE MONTGOLFIER, au nom de la commission des finances.
* 5 Amendement n°II-443, article 27 (état B) du projet de loi de finances pour 2023, présenté par M. Jérôme BASCHER, au nom de la commission des finances.
* 6 Amendement n° II-1, article 35 (état B) du projet de loi de finances pour 2024, présenté par M. Albéric DE MONTGOLFIER, au nom de la commission des finances.
* 7 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2023, mission « Engagements financiers de l'État », avril 2024.
* 8 Le PGE « classique » a pris fin au 30 juin 2022. Le PGE « Résilience » a été créé le 7 avril 2022.
* 9 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2024, mission « Engagements financiers de l'État », avril 2025.
* 10 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire précitée ; voir également Cour des comptes, « Le déploiement des prêts garantis par l'État », rapport public annuel 2022, février 2022.