N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 15a Crédits non répartis Transformation et fonction publiques Rapporteur spécial : M. Claude NOUGEIN |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
La mission « Gestion des finances publiques »
1. L'exécution des crédits de la mission en 2024 est inférieure à l'autorisation parlementaire octroyée en loi de finances initiale, avec un écart de - 1,44 % sur les autorisations d'engagement (AE) et de - 2,8 % sur les crédits de paiement (CP). Cet écart s'explique notamment par les annulations de crédits qui ont marqué l'année 2024 dans le cadre des mesures transversales de rétablissement des finances publiques.
2. Au total, près de 3,1 % des crédits initialement ouverts ont été annulés en cours d'exercice, ce qui traduit la contribution importante de la mission « Gestion des finances publiques » au redressement des comptes publics. Toutefois, cet effort doit être relativisé par le fait que les annulations décidées par le Gouvernement ont en grande partie été absorbées par une surbudgétisation des dépenses de personnel. Le rapporteur spécial invite le ministère de l'économie et des finances à fiabiliser davantage la budgétisation des dépenses de titre 2 lors des prochains exercices budgétaires.
3. Par ailleurs, la transformation du réseau territorial de la DGFiP s'est poursuivie en 2024, avec la quasi-finalisation du nouveau réseau de proximité (NRP) et la relocalisation de services en dehors de la région parisienne et des grandes métropoles. Le rapporteur spécial regrette qu'il n'existe à ce jour aucune évaluation précise sur les gains budgétaires attendus de cette réforme.
4. Le rapporteur spécial constate qu'année après année, les projets informatiques connaissent d'importants dépassements de calendrier et de coûts. Il se satisfait néanmoins du changement d'approche opéré depuis 2020, avec une hausse tendancielle du budget informatique. Au regard des enjeux en matière de résorption de la dette technologique des administrations de la mission et de déploiement des nouveaux projets visant à améliorer la gestion des dépenses et des recettes de l'État, il est impératif que cette trajectoire se poursuive. À cet égard, la distinction entre dépenses de fonctionnement et d'investissement doit être améliorée lors de la prévision budgétaire.
5. Enfin, il convient de relever la sous-exécution particulièrement importante des dépenses d'intervention (- 24,7 %), qui mettent en évidence des prévisions trop optimistes de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) sur les demandes d'aides déposées par les buralistes dans le cadre du nouveau protocole de soutien à la transformation des débitants de tabac signé en 2023 entre l'État et le réseau des buralistes.
La mission « Crédits non répartis »
1. En 2024, près de 416,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 245,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP) ont été exécutés sur la mission « Crédits non répartis », soit respectivement 51,3 % et 48,2 % des crédits initialement ouverts en loi de finances initiale (LFI).
2. Le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques », initialement doté de 285,5 millions d'euros en AE et CP, a fait l'objet d'une exécution à hauteur de 76 millions d'euros pour financer diverses mesures de titre 2, dont aucune n'avait été annoncée lors de l'examen du PLF 2024. Il a notamment été utilisé pour compenser une mauvaise programmation des crédits de titre 2 du programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré ».
3. Le programme 552 « Dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles » (DDAI), initialement doté de 525 millions d'euros en AE et 225 millions d'euros en CP, a finalement été exécuté à hauteur de 340,5 millions d'euros en AE et 169,9 millions d'euros en CP. Si le DDAI a permis de couvrir certaines dépenses effectivement accidentelles ou imprévisibles comme celles relatives aux élections législatives ou aux conséquences du passage du cyclone Chido à Mayotte, le rapporteur spécial relève que certaines mesures financées n'ont pas respecté le principe d'imprévisibilité.
La mission « Transformation et fonction publiques »
1. Avec une exécution de 779,9 millions d'euros en AE et 913,6 millions d'euros en CP, le taux d'exécution des crédits autorisés en LFI s'élève à seulement 62,2 % en AE et 83,4 % en CP. Sept ans après la création de la mission, l'exécution n'est donc toujours pas conforme à l'autorisation parlementaire, affichant une dégradation par rapport à l'exécution 2023 (taux d'exécution de 94,6 % en AE et 84,9 % en CP) : les cinq programmes présentent des taux d'exécution très variables, s'écartant plus ou moins largement de l'autorisation initiale.
2. L'exercice 2024 a marqué l'achèvement de 13 nouveaux chantiers de rénovation de cités administratives, alors que 9 premiers sites avaient déjà été livrés en 2023. Les projets réceptionnés atteignent donc désormais le nombre de 22 sur un total de 36 sites programmés. Le programme de rénovation devrait ainsi connaître son terme en 2026.
I. LA MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES »
La mission « Gestion des finances publiques » porte les politiques publiques relevant du ministère chargé des comptes publics ainsi que l'essentiel des effectifs des ministères économiques et financiers1(*). Elle se compose de trois programmes :
- le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local », qui porte les crédits alloués à la direction générale des finances publiques (DGFiP) ;
- le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges », qui porte les crédits alloués à la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) ;
- le programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières », qui est placé sous la responsabilité du secrétaire général des ministères économiques et financiers. Il retrace les crédits et les effectifs des cabinets des ministres et secrétariats d'États, des directions et des services en charge de missions transversales (le budget, les achats de l'État...), de l'inspection générale des finances, du secrétariat général du ministère et de toutes les directions et entités exerçant des missions nécessaires au pilotage des politiques publiques ministérielles transversales ou interministérielles (expertise, conseil, contrôle).
Les trois programmes de la mission sont de poids inégaux, le programme 156 représentant près de 75 % des crédits de paiement (CP) exécutés en 2024.
Répartition par programme des
crédits de paiement
de la mission « Gestion des finances
publiques » exécutés en 2024
(en millions d'euros et en %)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS POUR L'ANNÉE 2024 A ÉTÉ MOINS ÉLEVÉE QUE PRÉVUE EN RAISON DES ANNULATIONS DE CRÉDITS VISANT À TIRER LES CONSÉQUENCES DE LA DÉGRADATION DES FINANCES PUBLIQUES
1. Des dépenses en hausse pour la deuxième année consécutive, mais un taux d'exécution légèrement en deçà de l'autorisation parlementaire
En intégrant la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits ouverts en loi de finances initiales (LFI) pour 2024 pour la mission « Gestion des finances publiques » étaient fixés à 10,8 milliards d'euros en AE et en 10,9 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 9,1 % et de 3,4 % par rapport à la LFI 2023. L'année 2024 constituait ainsi la deuxième année de hausse consécutive des crédits, après quatre programmations de suite programmées à la baisse. Cette prévision à la hausse s'expliquait notamment par le dynamisme naturel des dépenses de personnel, et la hausse des dépenses informatiques dans un contexte de résorption de la dette technologique des administrations de la mission (voir infra).
Près de 10,9 milliards d'euros en AE et 10,6 milliards d'euros en CP ont finalement été exécutés en 2023, ce qui correspond à un taux de consommation de 98,56 % pour les AE et à 97,2 % pour les CP. L'exécution est donc très proche de l'autorisation parlementaire. En dépit de la légère sous-exécution des crédits, les dépenses sont en hausse par rapport à l'année 2023, avec + 0,74 % en AE et + 1,39 % en CP. Malgré les annulations de crédits intervenues en cours d'exercice en réaction à la dégradation des finances publiques, l'année 2024 a été marquée par la poursuite de la dynamique de hausse des dépenses engagées depuis 2022.
Évolution des crédits exécutés sur la mission depuis 2019
(en CP, en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Les crédits ont été sous-exécutés sur l'ensemble des programmes. Les CP des programmes 156 et 302 font l'objet d'une légère sous-consommation, à hauteur de - 2,2 % et - 2 % respectivement. Le programme 218 fait l'objet d'une sous-exécution plus substantielle de - 8,68 % en CP, en raison des mesures de régulation budgétaire intervenues en cours d'année, mais aussi, de la suspension du projet immobilier Vincent Auriol (cf. infra).
Exécution des crédits de la mission par programme en 2023
(en % et en millions d'euros)
Programme |
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
Exécution 2024 |
Exécution 2024 / exécution 2023 |
Écart d'exécution 2024 |
|
[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local |
AE |
8 061,8 |
8 080,6 |
8 000,1 |
- 0,76 % |
- 1,00 % |
CP |
7 870,5 |
8 138,1 |
7 959,2 |
+ 1,13 % |
- 2,20 % |
|
[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières |
AE |
972 |
991,4 |
943,2 |
- 2,96 % |
- 4,86 % |
CP |
956,5 |
1 054,8 |
963,2 |
+ 0,70 % |
- 8,68 % |
|
[302] Facilitation et sécurisation des échanges |
AE |
1 646 |
1 739,4 |
1 711,9 |
+ 4,00 % |
- 1,58 % |
CP |
1 622,5 |
1 707,0 |
1 672,8 |
+ 3,10 % |
- 2,00 % |
|
TOTAL MISSION |
AE |
10 576,9 |
10 811,4 |
10 655,2 |
+ 0,74 % |
- 1,44 % |
CP |
10 449,5 |
10 899,8 |
10 595,1 |
+ 1,39 % |
- 2,80 % |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
2. Une année 2024 marquée par des mouvements de crédits importants dans un contexte de redressement des finances publiques
L'année 2024 a été marquée par d'importances annulations de crédits décidées par le Gouvernement en février puis lors de la loi de finances de fin de gestion (LFFG) pour 20242(*), dans le cadre de la dégradation des finances publiques.
Le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 et la LFFG pour 2024 ont respectivement annulé 244 millions et 95 millions d'euros en AE et CP sur l'ensemble de la mission « Gestion des finances publiques », soit un total de près de 339 millions d'euros.
Ces annulations de crédits ont en partie été absorbées par d'importants reports de crédits de l'exercice 2023 vers l'exercice 2024, à hauteur de 131 millions d'euros en AE et en CP. Ce montant particulièrement élevé a conduit à un dépassement par les programmes 218 et 302 du plafond de report de 3 % prévu par l'article 15 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le dépassement du plafond a été autorisé par l'article 176 de la LFI 2024, et s'explique par des retards sur les projets immobiliers et informatiques.
Mouvements
intervenus en cours de gestion 2024
sur la mission « Gestion des
finances publiques »
(en CP, en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
* 1 Le programme 148 « Fonction publique » a été rattaché en 2021 à la mission « Transformation et fonctions publiques ».
* 2 La loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de fin de gestion pour 2024.