B. LES INVESTISSEMENTS DIMINUENT MALGRÉ LA PERSISTANCE DE BESOINS CRIANTS

L'année 2024 a été marquée par des dépenses d'investissement inférieures de 266,0 millions d'euros, soit plus d'un quart, à celles qui étaient prévues en loi de finances initiale, et même inférieures de 47,1 millions d'euros, soit 6,0 %, à celles qui ont été réalisées en 2023. Dans le même temps les dépenses de fonctionnement (hors salaires) ont poursuivi leur progression.

Or la même sous-exécution des dépenses d'investissement avait eu lieu en 2023, ce qui montre les difficultés rencontrées par le ministère pour atteindre les objectifs de la loi de programmation.

Dépenses de fonctionnement et d'investissement
du ministère de la justice en 2023 et en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La sous-exécution concerne surtout le programme 166 « Justice judiciaire », qui a consacré 190,5 millions d'euros aux investissements, contre 363,9 millions d'euros prévus en loi de finances initiale (- 47,7 %). Cet écart de 173,4 millions d'euros ne peut être que partiellement expliqué par l'annulation de crédits de 124,4 millions d'euros, hors titre 2, réalisée par le décret du 21 février 2024.

Par ailleurs, ces moindres dépenses ne constituent pas des économies proprement dites, car elles correspondent plutôt à des retards de programmes, qui devront être menés à bien ultérieurement : le montant des restes à payer augmente sur le programme 166 de 2 298,7 millions d'euros fin 2023 à 2 482,5 millions d'euros fin 2024 (+ 183,8 millions d'euros), contraignant d'autant les dépenses futures. Ces restes à payer concernent tout particulièrement certains projets importants : restructuration du palais de justice historique de l'île de la Cité, à Paris, construction du tribunal de Paris et du palais de justice de Caen. Le palais de justice de Paris, à lui seul, correspond à une dette de 590 millions d'euros, soit 18,4 % de la dette liée à l'ensemble des contrats de partenariat public-privé (PPP) immobiliers6(*).

Une partie des autorisations d'engagement, de l'ordre de 200 millions d'euros, correspond toutefois, dans le cadre des marchés de partenariat, à une indemnité de dédit qui diminue au fur et à mesure de l'exécution du contrat, de sorte qu'il ne serait pas nécessaire de les couvrir par des crédits de paiement.

Sur le programme 107 « Administration pénitentiaire », les investissements ont été de 480,8 millions d'euros pour une prévision de 520,7 millions d'euros, soit un écart de - 39,9 milliards d'euros (- 7,7 %). En conséquence, l'annulation de crédits par le décret du 21 février 2024, qui s'est élevée à 103,0 millions d'euros sur ce programme, hors titre 2, n'a que partiellement porté sur les dépenses d'investissement. Le programme 107 représente ainsi les deux tiers des investissements du ministère en exécution, contre 52 % en prévision.

Le rapporteur spécial souligne l'importance de réserver une priorité aux dépenses d'investissement de l'administration pénitentiaire, qui constituent l'un des besoins les plus criants du ministère. La situation de surpopulation dans les prisons ne cesse en effet de s'aggraver, avec une densité carcérale de 133,0 % au 1er avril 2025 (contre 125,8 % un an plus tôt), et même 161,8 % dans les maisons d'arrêt ou quartiers de maison d'arrêt (hors mineurs)7(*).

À cet égard, la très forte sous-exécution des autorisations d'engagement, qui n'ont été que de 192,9 millions d'euros, contre une prévision de 715,0 millions d'euros sur ce programme, ne peut qu'inquiéter sur la capacité à mener à bien le plan de construction de 15 000 places. À la fin 2024, plus de la moitié des places programmées en étaient toujours au stade des études. Il est donc urgent de définir une nouvelle programmation crédible, car les retards entraînent un surcoût des programmes immobiliers, estimé à 73 millions d'euros pour l'année 20258(*).

S'agissant des dépenses de fonctionnement de la mission « Justice », la hausse par rapport à 2023 porte sur de nombreux postes.

En particulier, la gestion déléguée des établissements de l'administration pénitentiaire représente un coût en augmentation de 72,5 millions d'euros avec l'ouverture de nouvelles structures et l'effet d'une clause d'indexation des prix9(*). Or les dépenses à venir du programme 107 seront impactées par le poids des crédits destinés au renouvellement des marchés de gestion déléguée des établissements pénitentiaires passés fin 2024, qui constituent la majeure part des engagements budgétaires en cours, d'un montant total de 7,6 milliards d'euros.

Les dépenses d'immobilier occupant du programme 166, en revanche, sont stables en crédits de paiement (245,1 millions d'euros) en raison de la baisse du prix des fluides, qui compense une hausse des dépenses de nettoyage et des loyers. La hausse du coût des loyers résulte du renouvellement de certains baux, mais aussi à de nouvelles prises à bail liées à l'augmentation des effectifs. La majeure partie des dépenses de fonctionnement de ce programme correspondent toutefois à des frais de justice (voir infra).


* 6 Compte général de l'État 2024, p. 63.

* 7 Ministère de la justice, Statistiques mensuelles de la population détenue et écrouée.

* 8 Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) et direction de l'administration pénitentiaire, citées par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire relative à l'exécution des crédits de la mission « Justice » en 2024.

* 9 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire relative à l'exécution des crédits de la mission « Justice » en 2024, p. 27.

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