C. LA DÉPENSE CONTRAINTE DES FRAIS DE JUSTICE EXERCE UNE PRESSION TOUJOURS PLUS FORTE SUR L'ACTION DU MINISTÈRE

L'année 2024 n'a pas permis d'engager une réelle maîtrise de la progression des frais de justice : malgré les observations du rapport annuel de performances, qui voit un élément rassurant dans une augmentation du flux de mémoires un peu moins importante que les années précédentes, on constate que le montant absolu des frais de justice, déjà très élevé, continue à augmenter.

La hausse sur 10 ans, entre 2014 et 2024, a ainsi été de 52,3 %, alors que l'inflation était de 18,8 % seulement sur la même période. Or le projet de loi de finances pour 2025 prévoit une nouvelle progression de 10,1 %, laquelle pourrait être plus importante encore en exécution si, comme chaque année, les dépenses effectives sont supérieures à la prévision.

Évolution des frais de justice depuis 2014

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires et la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

Ce poste est en effet, presque chaque année, budgété de manière insuffisante en loi de finances initiale, ce qui non seulement correspond à une information insuffisante du Parlement mais entraîne des difficultés en gestion.

Dès le mois de mars 2024, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) a fait en effet état de l'insuffisance des crédits prévus en début d'année. Si les frais de justice ont été exonérés de la mise en réserve initiale et n'ont pas subi d'annulation en application du décret du 21 février 2025, ces mesures de régulation se sont nécessairement répercutées sur les autres dépenses du programme 166.

La dépense de frais de justice constitue en effet une quasi-dépense de guichet, très difficile à piloter en raison de la liberté de prescription des magistrats et officiers de police judiciaire. En conséquence, toute augmentation de ce poste de dépense par rapport à la prévision implique une réduction des autres dépenses. La sous-budgétisation chronique des frais de justice a donc un impact sur la capacité du ministère à faire face à ses autres dépenses de fonctionnement, qu'il s'agisse des dépenses liées à l'immobilier ou du fonctionnement courant.

Le ministère a pourtant engagé en 2022 un plan de maîtrise des frais de justice, qui depuis février 2024 implique, au-delà de la direction des services judiciaires (DSJ), les autres directions concernées, aussi bien au ministère de la justice10(*) qu'au ministère de l'intérieur11(*), ainsi que, à compter de 2025, l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).

Cette participation de plusieurs ministères est indispensable car le ministère de la justice supporte les coûts de prestations ordonnées non seulement par des magistrats instructeurs et des procureurs qui dépendent de ce ministère, mais aussi par des officiers de police judiciaire relevant du ministère de l'intérieur. La prévision d'augmentation des frais de justice actée par le projet de loi de finances pour 2025 montre toutefois que ce plan tarde à produire des résultats.

En raison du caractère structurel de l'inflation des frais de justice et de son impact sur la capacité du ministère à faire face à ses engagements, le rapporteur spécial a décidé de consacrer en 2025 un travail de contrôle budgétaire aux frais de justice, inclus dans le programme annuel de contrôle de la commission des finances.


* 10 Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), direction des affaires civiles et du sceau (DACS), Agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires (ANTENJ).

* 11 Directions générales de la police nationale (DGPN) et de la gendarmerie nationale (DGGN).

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