III. GENÈSE ET ENJEUX DE L'AVENANT

A. 2013-2025 : LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE L'ÉLABORATION DU TEXTE

La convention d'entraide judiciaire en matière pénale faisant l'objet du présent avenant avait été signée le 28 mai 1996.

Ce sont les autorités brésiliennes qui, début 2013, ont fait part à la France de leur souhait de moderniser ladite convention, afin notamment d'y inscrire les formes les plus modernes de l'entraide judiciaire pénale (investigations bancaires, saisies et confiscations d'avoirs criminels, interceptions téléphoniques, vidéoconférence, livraisons surveillées...).

Pour donner suite à cette demande, un premier projet d'avenant a été communiqué aux autorités brésiliennes en décembre 2017. Les observations de la partie brésilienne sur ce texte sont parvenues le 27 juillet 2018 à la partie française. Une session de négociation conclusive s'est finalement tenue à Brasilia du 16 au 18 avril 2019.

De longs échanges aux fins de concordance linguistique se sont ensuivis jusqu'en fin 2022.

Début 2023 cependant, les deux parties ont envisagé pour le texte un changement de forme, à savoir la rédaction d'une nouvelle convention plutôt qu'une procédure par voie d'avenant. À la demande de la Partie brésilienne, cette option a finalement été écartée en raison du surcroît de délais et de complexité qu'induirait une telle procédure.

La France a alors observé que, compte tenu de l'évolution de la jurisprudence intervenue depuis la négociation de la clause initialement prévue par l'avenant, la rédaction de l'article relatif à la protection des données à caractère personnel n'était plus à jour ; aussi, afin de renégocier sa rédaction, a-t-il fallu conduire trois réunions complémentaires, en visioconférence (avril, juillet et septembre 2023) entre les deux délégations, pour parvenir au texte définitif du présent avenant.

C'est à l'occasion de la visite d'État du Président de la République française au Brésil que l'avenant à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale a enfin pu être signé par les ministres des affaires étrangères des deux pays, le 28 mars 2024 à Brasilia, après 11 années de pourparlers.

B. UN OUTIL D'ORES ET DÉJÀ OPÉRATIONNEL, AVEC DES FLUX D'ENTRAIDE RÉGULIERS MAIS PARFOIS RALENTIS

L'entraide judiciaire avec le Brésil, telle que mise en place sur le fondement de la convention bilatérale de 1996 fonctionne et est considérée comme globalement satisfaisante35(*). Les flux sont équilibrés, avec environ 140 demandes d'entraide adressées par les autorités françaises aux autorités brésiliennes compétentes (demandes dites « actives ») et 180 demandes d'entraide transmises par les autorités brésiliennes aux autorités françaises (demandes « passives »). Elles interviennent principalement dans le cadre de procédures relatives à des faits en lien avec la criminalité organisée transfrontalière et les trafics de stupéfiants dans toutes leurs dimensions criminelles, dont le blanchiment qui constitue un enjeu majeur.

Les demandes françaises sont transmises à l'autorité centrale brésilienne, (service dédié à la coopération pénale internationale au sein du ministère de la justice) qui est en charge de faire le nécessaire pour leur exécution.

Globalement, les échanges entre les autorités judiciaires des deux Parties sont fluides, les canaux de transmission respectés, et l'exécution des demandes plutôt diligente des deux côtés. L'entraide s'avère toutefois plus compliquée avec les États brésiliens frontaliers de la Guyane36(*), qui présentent un taux d'aboutissement des demandes plus faible.

On constate parfois par ailleurs certaines difficultés ponctuelles liées au formalisme de l'autorité centrale brésilienne, ou de sa méconnaissance du système judiciaire français et notamment de la qualité de juge d'instruction, qui n'existe pas dans le système brésilien.

Enfin, la signature en 2025 du premier accord portant sur la création d'une équipe commune d'enquête entre la France et le Brésil relative à un important trafic international de stupéfiants a pâti de la lenteur du processus, faute d'un cadre juridique adéquat.

On soulignera par ailleurs qu'une convention bilatérale d'extradition, signée le même jour que la convention relative à l'entraide judiciaire, existe entre la France et le Brésil. Celle-ci n'est pas concernée par le présent avenant.


* 35 On précisera par ailleurs que, la France et le Brésil sont d'ores et déjà toutes deux Parties à plusieurs conventions multilatérales spécialisées adoptées sous l'égide de l'Organisation des Nations unies :notamment, la convention unique des Nations unies sur les stupéfiants du 30 mars 1961 ; la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ; la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988 , la convention contre la criminalité transnationale organisée du 15 décembre 2000 , et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003.

* 36 Ces régions plus isolées apparaissent relativement délaissées juridiquement et administrativement. En outre, l'exécution des demandes en lien avec des faits pouvant être considérés par le Brésil comme des troubles frontaliers sans gravité et éloignés des préoccupations majeures du pays - notamment les faits d'orpaillage, dont l'impunité constitue un enjeu pourtant essentiel au territoire de la Guyane - est plus difficile à obtenir.

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