D. HARMONISER LES PRATIQUES, MODERNISER LES OUTILS ET RENFORCER LA PRÉVENTION
1. L'harmonisation des pratiques territoriales et la professionnalisation des acteurs constituent des leviers majeurs pour garantir l'équité et l'efficacité du dispositif de gestion des indus
La gestion des indus dans la branche famille demeure marquée par des disparités territoriales persistantes, tant en matière de détection que de recouvrement. Afin de garantir une équité de traitement sur l'ensemble du territoire et d'optimiser la performance globale du dispositif, il apparaît indispensable de poursuivre la mise en oeuvre du référentiel national de bonnes pratiques. Un dispositif d'accompagnement renforcé devrait être déployé spécifiquement auprès des caisses d'allocations familiales les moins performantes, en prenant en compte leurs spécificités territoriales, afin de leur apporter un appui méthodologique, organisationnel et technique adapté à leurs besoins. Cette démarche vise à résorber les écarts de performance constatés et à garantir une application uniforme des procédures nationales.
Parallèlement, la professionnalisation des acteurs chargés de la lutte contre la fraude et la gestion des indus doit être consolidée. L'adaptation de la formation « gestionnaire fraude » constitue une priorité, avec l'instauration d'une certification obligatoire et d'un recyclage périodique pour l'ensemble des agents concernés. Ce dispositif de formation devra intégrer les nouvelles typologies de fraudes, notamment celles liées à la digitalisation croissante des démarches et à l'utilisation de techniques sophistiquées d'usurpation d'identité ou de falsification documentaire. La montée en compétence des équipes, associée à une culture commune du contrôle et du recouvrement, est un gage d'efficacité et de sécurisation du dispositif.
Proposition n° 14 : Renforcer l'harmonisation des pratiques territoriales en matière d'indus frauduleux au sein de la branche famille et la professionnalisation des acteurs.
2. L'accélération de la modernisation informatique et la révision des seuils économiques permettent de rationaliser la gestion et d'optimiser l'allocation des ressources
La modernisation des outils informatiques constitue un axe structurant pour la détection et le traitement des indus. Le déploiement anticipé de la refonte du système d'information Corali, avec l'intégration native d'outils de datamining et d'intelligence artificielle, doit permettre d'améliorer la détection préventive des fraudes et de cibler plus efficacement les contrôles. Cette évolution technologique s'inscrit dans une logique d'anticipation et de rationalisation des moyens, en facilitant le repérage des situations à risque et en réduisant les délais de traitement. Elle doit également s'accompagner d'une simplification des procédures de qualification des indus frauduleux, notamment par la révision du « mémento fraude ».
Par ailleurs, la révision des seuils économiques applicables à la mise en recouvrement et à l'admission en non-valeur (ANV) serait essentielle pour éviter d'engager des coûts de gestion disproportionnés par rapport au montant des créances.
Aux yeux du rapporteur, plusieurs mesures structurantes sont à mettre en avant. Premièrement, le relèvement du seuil de mise en recouvrement à 1,27 % du plafond mensuel de la sécurité sociale en vigueur (article D. 133-2 du code de la sécurité sociale), permettrait de concentrer les efforts sur les créances à fort enjeu et de limiter le traitement des dossiers de faible montant, dont la gestion représente un coût administratif élevé. Deuxièmement, le relèvement du seuil d'ANV pour faible montant de la créance à 5,3 % du plafond mensuel de la sécurité sociale (soit 209 euros au 1er janvier 2025, contre 80 euros actuellement), en accord avec les arrêtés du 25 août 1995 et du 26 décembre 2001, constituerait un levier d'optimisation des ressources. Enfin, la création d'un nouveau motif d'ANV pour les indus frauduleux issus d'usurpations d'identité, dans les situations d'impossibilité d'identification du débiteur (article D. 133-2-1 du code de la sécurité sociale), permettrait d'éviter l'engagement de procédures coûteuses et sans perspective de recouvrement effectif.
La combinaison de l'harmonisation des pratiques, de la professionnalisation des acteurs, de la modernisation des outils et de la rationalisation économique des seuils permettrait d'apporter une réponse structurée et efficace aux enjeux de gestion des indus dans la branche famille. Elle permet de recentrer les moyens sur les situations à fort enjeu, d'améliorer la performance globale du dispositif et de renforcer la confiance des usagers dans la capacité de la branche à garantir l'équité et la rigueur dans la gestion des fonds publics.
Proposition n° 15 : Accélérer la modernisation informatique.
Proposition n° 16 : Réviser les seuils économiques applicables à la mise en recouvrement et à l'admission en non-valeur.
3. Une extension de la solidarité à la source pourrait réduire le volume et la gravité des indus
La prévention des indus doit également s'appuyer sur la généralisation de la solidarité à la source, actuellement seulement utilisée pour les aides au logement, le RSA et la prime d'activité. Pour le moment, la Cnaf ne prévoit pas d'étendre la solidarité à la source mais un tel projet pourrait être contractualisé dans le cadre d'une future convention d'objectifs et de gestion.
Comme indiqué, la solidarité à la source consiste à préremplir automatiquement les données nécessaires au calcul des droits à partir des informations détenues par l'administration fiscale, les employeurs ou d'autres organismes. Ce dispositif limite les erreurs ou omissions déclaratives et contribue à réduire le risque de fraude. L'harmonisation des règles de gestion et la simplification des procédures participent également à la diminution des indus liés à des décalages réglementaires. Enfin, la conduite de campagnes régulières de sensibilisation et la mise en place de dispositifs de tiers-déclaration complètent cette approche préventive, en responsabilisant l'ensemble des acteurs et en facilitant la régularisation des situations à risque.
Par ailleurs, la solidarité à la source constitue un levier déterminant pour remédier à la non-certification des comptes de la branche famille par la Cour des comptes. En effet, la Cour relève que l'insuffisante fiabilité des données déclarées par les allocataires demeure la principale cause du volume élevé d'erreurs non détectées, frauduleuses ou non, estimé à plus de 6 milliards d'euros en 2024, ce qui empêche la certification des comptes depuis 2022. La solidarité à la source permettrait de réduire significativement le risque d'erreur déclarative et, par conséquent, d'améliorer la qualité comptable des prestations versées. Selon la Caisse nationale des allocations familiales, l'extension de ce dispositif répondrait ainsi aux exigences de fiabilité attendues par la Cour des comptes et pourrait permettre, à terme, de lever la réserve majeure qui pèse sur la certification des comptes de la branche famille.
Ces recommandations s'inscrivent dans une démarche d'amélioration continue et vise à garantir l'efficience, l'équité et la soutenabilité du dispositif de gestion des indus dans la branche famille de la sécurité sociale.
Proposition n° 17 : Étudier la possibilité d'étendre la solidarité à la source à de nouvelles prestations.