EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

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Article unique
Pérennisation de la possibilité de recourir
à un contrat de professionnalisation pour l'acquisition de compétences définies par l'employeur et l'opérateur de compétences

Cet article propose de pérenniser l'expérimentation introduite par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, visant à permettre, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, d'acquérir des compétences définies entre l'employeur et l'opérateur de compétence.

La commission a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif proposé

A. Élargir le recours au contrat de professionnalisation à l'acquisition de blocs de compétences

1. Le contrat de professionnalisation : un outil en faveur de l'insertion professionnelle des moins qualifiés

a) Les modalités du contrat de professionnalisation

Le contrat de professionnalisation a été créé par l'accord national interprofessionnel (ANI) du 5 décembre 2003 relatif à l'accès des salariés à la formation tout au long de la vie professionnelle, puis institué par les articles 12 et 13 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie2(*). Il a remplacé les anciens contrats en alternance, hors apprentissage4(*).

• À la main de l'employeur à condition qu'il contribue au financement de la formation continue5(*), le contrat de professionnalisation vise à l'insertion professionnelle et à l'acquisition de qualifications de personnes éloignées de l'emploi6(*). Ce contrat peut être conclu par l'employeur avec7(*) :

- des personnes de 16 à 25 ans ;

- des demandeurs d'emploi de plus de 26 ans ;

- des bénéficiaires du revenu de solidarité active, de l'allocation de solidarité spécifique ou de l'allocation aux adultes handicapés ;

- des personnes ayant bénéficié d'un contrat unique d'insertion8(*).

Le contrat de professionnalisation peut prendre la forme d'un contrat à durée indéterminée (CDI)9(*), auquel cas la formation doit se dérouler en début de contrat, ou bien être conclu sous la forme d'un contrat à durée déterminée (CDD) pouvant aller de six à douze mois10(*).

• La rémunération des salariés en contrat de professionnalisation est fixée par la loi11(*), et varie selon l'âge du bénéficiaire ainsi que son niveau de formation initiale.

Niveau de rémunération en contrat de professionnalisation
selon les caractéristiques du bénéficiaire

Niveau de formation

Moins de 21 ans

De 21 à 25 ans

Plus de 26 ans

Diplôme inférieur au bac ou niveau IV

55 % du Smic

70 % du Smic

100 % du Smic

(ou 85 % en cas d'accord de branche)

Diplôme supérieur ou égal au bac

65 % du Smic

80 %du Smic

• Le recours au contrat de professionnalisation est relativement stable depuis 2020, et en 2024 plus de 87 000 contrats ont été conclus. En revanche, la forte progression de l'apprentissage à la suite de la réforme de 201812(*) a conduit à un effet d'éviction des jeunes vers ces contrats, expliquant le décrochage perceptible en 2020 sur le nombre de contrats de professionnalisation signés.

Nombre de contrats de professionnalisation conclus entre 2012 et 2024

Source : Dares

Par ailleurs, l'essor de l'apprentissage est également venu modifier le profil des bénéficiaires du contrat de professionnalisation, puisque ce dernier est depuis 2022 plus utilisé par des demandeurs d'emplois que par des jeunes de moins de 26 ans.

Nombre de nouveaux contrats de professionnalisation selon l'âge des bénéficiaires (2013-2023)

Source : France compétences, Rapport sur l'usage des fonds de la formation professionnelle (Ruf) 2024

b) Le contrat de professionnalisation prévoit des actions de formation afin de renforcer les compétences des bénéficiaires

Le contrat de professionnalisation se distingue par une période de professionnalisation, pouvant durer de six à douze mois13(*), durant laquelle alternent des séquences d'activité en entreprise et des séquences de formation. Le salarié bénéficie de cette formation gratuitement, et voit sa rémunération maintenue, en contrepartie de quoi il s'engage à la suivre avec assiduité.

• Les temps de formation, générale, professionnelle ou technologique, peuvent être dispensés par des organismes de formation ou par l'entreprise elle-même. Ces actions doivent cependant représenter entre 15 et 25 % de la durée du contrat14(*), ou davantage sous réserve qu'un accord de branche le prévoie15(*) comme dans le secteur sanitaire, social et médico-social privé à but non lucratif ou de l'hospitalisation privée.

• L'article L. 6325-1 du code du travail, qui définit le contrat de professionnalisation, précise en outre que les qualifications qu'il doit permettre d'acquérir sont celles relevant du droit à la qualification professionnelle16(*), c'est-à-dire des formations :

- permettant d'acquérir une qualification du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP)17(*) ;

- permettant d'acquérir une qualification reconnue dans les classifications d'une convention collective nationale de branche ;

- ouvrant droit à un certificat de qualification professionnelle (CQP) de branche ou interbranche.

La carte d'étudiant des métiers

L'article L. 6325-6-2 du code du travail prévoit que l'organisme ou le service de formation puisse délivrer une carte d'étudiant des métiers aux salariés en contrat de professionnalisation de moins de 26 ans. Cette carte n'est accessible que dans le cas d'une action de formation durant plus de douze mois, et visant à l'acquisition d'une qualification du répertoire national des certifications professionnelles.

La carte d'étudiant des métiers donne accès, dans les mêmes conditions qu'un étudiant de l'enseignement supérieur, à l'hébergement et à la restauration universitaires, aux réductions pour activités de loisirs et sportives et à des tarifs préférentiels dans les transports.

• Enfin, le financement des actions de formation dans le cadre d'un contrat de professionnalisation est assuré, tout ou en partie, par l'opérateur de compétences (Opco) dont dépend la branche professionnelle à laquelle appartient l'entreprise.

À ce titre, les services de France compétences interrogés par le rapporteur ont fait état de montants de financement très divers selon les Opco, et le recours au contrat de professionnalisation des branches qui y sont rattachées. Cependant, en 2023, 1,02 milliard d'euros ont été engagés pour prendre en charge un peu moins de 116 000 contrats de professionnalisation. Parmi ces contrats, seuls 5 % ont vu l'employeur participer lui-même au financement du coût pédagogique par des versements volontaires à l'Opco.

Le coût unitaire d'un contrat de professionnalisation s'élevait donc, en 2023, à 8 762 euros, en baisse de 17 % par rapport à 2021 du fait de la réduction des aides à l'embauche. Il faut noter que dans ce coût, plus de 58 % est constitué par les frais pédagogiques.

Les aides à l'embauche dans le cadre d'un contrat de professionnalisation

Afin d'inciter au recrutement de personnes éloignées de l'emploi, le contrat de professionnalisation fait l'objet d'aides uniques à l'embauche dont le montant et la nature dépendent du salarié recruté :

l'aide forfaitaire à l'employeur (AFE), pour les demandeurs d'emploi de plus de 26 ans, et pouvant aller jusqu'à 2 000 euros ;

l'aide à l'embauche d'un demandeur d'emploi de plus de 45 ans, pouvant aller jusqu'à 2 000 euros et cumulable avec l'AFE ;

l'aide à l'embauche d'un salarié en situation de handicap, pouvant aller jusqu'à 5 000 euros, cumulable avec l'AFE et l'aide à l'embauche d'un demandeur d'emploi de plus de 45 ans ;

l'aide à l'embauche pour les structures de l'insertion par l'activité économique (IAE), mise en place en 202118(*), pouvant aller jusqu'à 4 000 euros.

En revanche, l'aide exceptionnelle à l'embauche de salariés de moins de 30 ans en contrat de professionnalisation, mise en place dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », a été supprimée en 202419(*).

Décomposition du coût unitaire d'un contrat de professionnalisation
en 2023 (en euros)

2. L'expérimentation d'un contrat visant à acquérir des compétences définies entre l'employeur et l'opérateur de compétences

a) La création d'un « contrat de professionnalisation expérimental » plusieurs fois prolongée

La loi dite « travail » du 8 août 201620(*) a mis en place une expérimentation visant à la conclusion d'un contrat de professionnalisation en vue d'acquérir des qualifications autres que celles prévues par l'article L. 6325-1 du code du travail. Prévue jusqu'au 31 décembre 2017, cette expérimentation était destinée aux seuls demandeurs d'emploi et bénéficiaires d'une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH).

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel21(*) a relancé une expérimentation jusqu'au 31 décembre 2020, en précisant cependant que l'ensemble des bénéficiaires du contrat de professionnalisation étaient éligibles, et que les compétences visées par le contrat devaient être « définies par l'employeur et l'opérateur de compétences, en accord avec le salarié. » Cette expérimentation visait à diversifier les qualifications accessibles par des offres de parcours de formation plus personnalisées.

Le contrat de professionnalisation expérimental a de nouveau été prolongé jusqu'au 28 décembre 2023 par la loi du 17 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi22(*).

L'expérimentation est arrivée à terme sans avoir été renouvelée. Cependant, dans un courrier du 20 décembre 2023, la ministre Carole Grandjean avait confirmé aux Opco le prolongement du dispositif en 2024 malgré l'absence de base légale.

C'est finalement la ministre Catherine Vautrin qui a évoqué en juillet 2024 « une décision du cabinet du Premier ministre » habilitant France compétences « à verser aux opérateurs de compétences les sommes permettant la prise en charge des coûts pédagogiques des contrats de professionnalisation expérimentaux conclus en 2024 avec une portée rétroactive au 29 décembre 2023 »23(*).

Enfin, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, le Gouvernement a cherché à pérenniser l'expérimentation via un amendement24(*) dont le dispositif était identique à celui de la présente proposition de loi. Cet amendement a cependant été déclaré irrecevable au regard de la loi organique relative aux lois de finances25(*).

b) Un bilan de l'expérimentation encourageant

L'article 28 de la loi de 2018 dite « avenir professionnel » prévoyait que « au plus tard trois mois avant son terme, le Gouvernement présente au Parlement un rapport d'évaluation de cette expérimentation. »

· Ce document, tardivement communiqué au rapporteur, établit que plus de 35 000 contrats avaient été conclus sous cette forme entre 2018 et 2023, ce qui représente plus de 3,8 % des contrats de professionnalisation conclus sur cette période. En dépit de la multiplication des aides à l'embauche, ces contrats ont principalement bénéficié aux demandeurs d'emploi et aux jeunes de moins de 26 ans.

Caractéristiques des personnes qui ont conclu
un contrat de professionnalisation expérimental

Ce rapport souligne également la prépondérance des réinsertions durables par l'emploi. En effet, à titre d'exemple dans le secteur des entreprises de proximité, plus de 58% des contrats expérimentaux ont été conclus sous la forme d'un CDI, contre 83% de CDD dans le cas des contrats de professionnalisation non expérimentaux en 2021, tous secteurs confondus.

Par ailleurs, le rapport communiqué insiste sur l'intérêt de ce contrat expérimental dans le cas des entreprises ne trouvant pas de profils adaptés au poste, ou pour lesquelles aucune formation unifiée n'existe du fait de la spécificité du poste - par exemple, les opérateurs de dorure en imprimerie.

· Interrogé par le rapporteur, les services de France compétences ont fourni le nombre de contrats conclus depuis la relance du dispositif par l'instruction ministérielle de juillet dernier, ainsi que les frais pédagogiques associés.

Nombre de contrats de professionnalisation et coût pédagogique
pour les Opco en 202426(*)

(en euros)

Secteur de l'Opco

Nombre de contrats

Frais pédagogiques

Finances et conseil

23

115 550

Agriculture et agroalimentaire

355

2 647 773

Industriel

159

672 066

Culturel

101

347 398

Branches à forte intensité de main-d'oeuvre

85

393 308

Cohésion sociale

74

367 360

Construction

30

153 378

Entreprises de proximité

151

409 273

Mobilités

431

1 621 323

Total

1 409

6 727 429

Source : France compétences

B. Le dispositif proposé : une pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental

Le présent article vise à pérenniser l'expérimentation permettant de recourir à un contrat de professionnalisation pour l'acquisition de compétences définies par l'employeur et l'opérateur de compétences. Contrairement au contrat de professionnalisation en vigueur de droit commun, qui vise à l'obtention d'une certification professionnelle totale, l'élargissement proposé vise à permettre la validation d'un ou de plusieurs blocs de compétences seulement.

Pour cela, le I du présent article modifie l'article L. 6325-1 du code du travail en précisant que le contrat de professionnalisation peut viser à l'obtention de seulement un ou plusieurs blocs de compétences de certification professionnelle, ainsi que l'article L. 6325-3 du même code à des fins de coordination juridique.

Le II gage le dispositif de la présente proposition de loi en créant une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs.

II - La position de la commission

Le rapporteur constate que l'expérimentation initiée en 2018 a répondu à l'objectif porté par ses promoteurs, en renforçant l'insertion des personnes les plus éloignés de l'emploi grâce à une plus grande individualisation des parcours.

Il relève notamment que la souplesse de ce dispositif de formation professionnelle a été salué par les organisations représentatives des employeurs qu'il a consultées, de même que par les Opco. De plus, en permettant de ne suivre qu'un bloc de compétences, le contrat expérimental a permis des parcours de formation plus courts, répondant aux contraintes de certaines entreprises dans les secteurs en tension.

De même, le rapporteur constate que certains emplois très spécifiques ne correspondent à aucune offre de formation, et que seul un parcours sur mesure, parfois mis en place au sein de l'entreprise, permet de former le salarié à la prise de son poste.

Enfin, il constate que les contrats de professionnalisation expérimentaux ont également permis de répondre aux problématiques spécifiques rencontrées par des demandeurs d'emploi de longue durée, ou par des personnes allophones, publics qui peuvent tous deux nécessiter un panachage de formations professionnelles spécifiques au poste, et linguistiques, ou relevant du savoir-être.

Le rapporteur se réjouit également que la pérennisation du dispositif permette d'en étendre le bénéfice aux employeurs à aux salariés dont l'entreprise relève d'un Opco qui refusait de s'inscrire dans cette expérimentation, du fait de l'instabilité qu'elle supposait.

Pour l'ensemble de ces raisons, le rapporteur soutient la pérennisation de l'expérimentation.

La commission a adopté cet article sans modification.


* 2 Articles 12 et 13 de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie3 et au dialogue social.

* 4 À savoir le contrat de qualification (jeune et adulte), le contrat d'orientation et le contrat d'adaptation.

* 5 Article L. 6241-2 du code du travail.

* 6 Article L. 6325-1 du code du travail.

* 7 À ces publics listés par l'article L. 6325-1 du code du travail dans sa version alors en vigueur s'ajoutait jusqu'au 1er janvier 2016 les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion et de l'allocation de parent isolé dans les seuls départements d'outre-mer et les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

* 8 Article L. 5134-19-1 du code du travail.

* 9 Article L. 6325-5 du code du travail.

* 10 Cette durée peut être étendue à 36 mois pour les publics dits « nouvelle chance » énumérés à l'article L. 6325-1-1 du code du travail : les jeunes de moins de 26 ans n'ayant pas validé un second cycle de l'enseignement secondaire, les demandeurs d'emploi sur les listes depuis plus d'un an ou les bénéficiaires de minima sociaux.

* 11 Articles L. 6325-8 et L. 6328-9 du code du travail.

* 12 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 13 Article L. 6325-11 du code du travail.

* 14 Article L. 6325-13 du code du travail.

* 15 Article L. 6325-14 du code du travail.

* 16 Article L. 6314-1 du code du travail.

* 17 Article L. 6113-1 du code du travail.

* 18 Décret n° 2020-1741 du 29 décembre 2020 relatif à l'aide à l'embauche des personnes éligibles à un parcours d'insertion par l'activité économique en contrat de professionnalisation.

* 19 Décret n° 2024-392 du 27 avril 2024 portant suppression de l'aide exceptionnelle aux employeurs de salariés en contrat de professionnalisation.

* 20 Article 74 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 21 Article 28 de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

* 22 Article 17 de la loi n° 2020-1577 du 17 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi.

* 23 Agence AEF, le 24 juillet 2024.

* 24 Amendement n° II-1138.

* 25 Loi organique n2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances

* 26 Ces données agrègent les montants engagés au 30 septembre 2024 ainsi que le prévisionnel pour le complément de l'année.

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