EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 25 juin 2025, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de M. Xavier Iacovelli, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 475 (2024-2025) portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous en venons à l'examen du rapport de notre collègue Xavier Iacovelli sur la proposition de loi portant pérennisation du contrat de professionnalisation expérimental, déposée par notre collègue Nadège Havet, et inscrite à l'ordre du jour de la séance publique du jeudi 3 juillet 2025. Deux amendements ont été déposés sur ce texte, dont l'un a été déclaré irrecevable au regard de l'article 40 de la Constitution.

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Cette proposition de loi vise à pérenniser un dispositif en faveur des personnes les plus éloignées de l'emploi, que nous avons soutenu dès son origine. Cette expérimentation, dite du « contrat de professionnalisation expérimental », visait à permettre de recourir à un tel contrat en vue d'une formation ne correspondant qu'à un ou plusieurs blocs de compétences d'une certification, et non à son intégralité.

Le dispositif de la présente proposition de loi s'inscrit dans le champ du droit de la formation professionnelle, et concerne plus particulièrement le contrat de professionnalisation. Ce dernier a la particularité de permettre aux employeurs de recruter un salarié éloigné de l'emploi en lui permettant de suivre une formation donnant lieu à certification. Durant cette phase de professionnalisation, le salarié se voit maintenir son salaire, qui peut en conséquence être inférieur au Smic suivant l'âge et le niveau de diplôme du bénéficiaire.

Ce type de contrat, qui peut être conclu en CDD, mais également en CDI, est plébiscité par les employeurs pour sa flexibilité, ce dont témoignent les 87 000 contrats conclus en 2024. Pour rappel, en 2023, ces contrats ont représenté plus de 1 milliard d'euros de prise en charge par les opérateurs de compétences (Opco), pour un coût moyen de 8 762 euros par contrat.

Afin d'inciter les employeurs à recourir au contrat de professionnalisation, ce dernier fait l'objet d'aides à l'embauche pouvant aller de 2 000 euros dans le cas général à 7 000 euros cumulés pour un adulte en situation de handicap. Cette aide directe s'ajoute au financement par l'opérateur de compétences de la formation retenue par l'employeur, qui n'est contraint de la cofinancer que dans 5 % des contrats selon France compétences.

Dans ce contexte, la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a initié une expérimentation, pour une durée de deux ans, afin de permettre aux employeurs de recourir au contrat de professionnalisation pour répondre avec plus de flexibilité à leurs besoins. En temps normal, les formations doivent en effet conduire à l'obtention par le salarié d'une certification relevant du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou bien reconnue par une branche professionnelle ou au niveau interprofessionnel.

Cette expérimentation a été prolongée une première fois jusqu'au 28 décembre 2023 par la loi du 17 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi, puis de manière informelle par un courrier de la ministre Catherine Vautrin, envoyé en juillet dernier à France compétences, qui a habilité l'organisme à continuer le financement de cette expérimentation de manière rétroactive et jusqu'à la fin de l'année 2024.

Alors qu'il nous est demandé de pérenniser son principe, quel bilan peut-on tirer de cette expérimentation ? Le rapport d'évaluation prévu par la loi de 2018 est sans ambiguïté sur ce point : ce dispositif complète utilement les outils à la main de l'employeur pour concourir à l'insertion des publics les plus fragiles, les moins qualifiés ou les plus éloignés de l'emploi.

En effet, plus de 35 000 contrats ont été conclus sous cette forme entre 2018 et 2023, soit près de 4 % des contrats de professionnalisation, ce qui montre qu'il n'y a pas eu de phénomène de prédation sur les contrats de professionnalisation classiques.

Par ailleurs, les organisations patronales interrogées ont salué la possibilité offerte d'adapter au plus près des besoins le parcours de formation du salarié, qui n'est pas forcément certifiant ou diplômant. Cette possibilité a particulièrement été utilisée dans les entreprises de l'industrie agroalimentaire ou dans le secteur des mobilités.

Il faut en outre souligner que les employeurs concernés ont joué le jeu de l'insertion durable, puisque, à titre d'exemple, dans le secteur des entreprises de proximité, plus de 58 % des contrats expérimentaux ont été conclus sous la forme d'un CDI, contre 83 % de CDD dans le cas des contrats de professionnalisation non expérimentaux en 2021, tous secteurs confondus.

De plus, cet outil a constitué un vrai levier pour les secteurs en tension et pour les entreprises ne trouvant pas de profils adaptés à des postes pour lesquels aucune formation unifiée n'existe du fait de leur spécificité. C'est le cas, par exemple, des opérateurs de dorure en imprimerie.

Dans ce contexte, la présente proposition de loi vise à pérenniser la possibilité de recourir à un contrat de professionnalisation pour l'acquisition de seulement un ou plusieurs blocs de compétences définis par l'employeur et l'opérateur de compétences.

Cette pérennisation me semble souhaitable, car elle facilite l'insertion des personnes les plus éloignées de l'emploi grâce à une plus grande individualisation des parcours.

Il faut souligner que certains Opco, notamment dans les secteurs de la santé, du commerce et de la construction, n'ont pas souhaité s'inscrire dans l'expérimentation, de peur de l'instabilité à laquelle ils risquaient de soumettre leur organisation. Cette pérennisation permettrait donc aux salariés et aux employeurs de ces secteurs d'en bénéficier à l'avenir.

Se pose enfin la question du périmètre exact de cette pérennisation, certaines branches professionnelles s'étant émues de la formulation retenue - un ou plusieurs blocs de compétences -, en lieu et place de la simple mention, durant l'expérimentation, d'une « formation définie par l'employeur et l'opérateur de compétences, en accord avec le salarié ». La formule retenue est plus restrictive, et j'entends qu'elle ne permettra plus de financer des formations pourtant réellement utiles pour certains employeurs. Cependant, je pense que cette restriction est nécessaire pour éviter les quelques cas où le contrat a été utilisé à des fins étrangères au dispositif, par exemple le financement de l'adaptation au poste de travail, qui doit être financé par le plan de développement des compétences.

En définitive, nous avons là un exemple concret de politique publique qui a été testée, évaluée, et qui a fait la preuve de son utilité. Il est donc logique, cohérent et responsable d'en assurer aujourd'hui la pérennisation.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter ce texte sans modification.

Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut des dispositions relatives au contrat de professionnalisation. En revanche, ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs à la formation et à l'exécution du contrat de travail ; à l'insertion par l'activité économique ; aux contrats aidés ; au financement de la formation professionnelle.

Il en est ainsi décidé.

Mme Corinne Féret. - Nous nous étions opposés à la loi du 5 septembre 2018, en particulier à cette expérimentation, qui par ailleurs n'a pas fait, selon moi, l'objet d'une véritable évaluation. On a des tendances, mais pas d'évaluation chiffrée très précise de ses effets en matière d'insertion professionnelle pour justifier sa généralisation.

Il s'agit enfin d'un nouveau contrat dérogatoire, qui, même s'il peut répondre à certains besoins, va nuire encore un peu plus à la lisibilité et à la cohérence du droit du travail.

Mme Frédérique Puissat. - Je ne peux évoquer la loi de 2018 sans avoir une petite pensée pour notre ancienne collègue Catherine Fournier, qui nous a quittés trop rapidement.

À l'époque, le but de l'expérimentation était d'adapter le droit et de le corriger. Nous avions en effet noté que, en dépit de la modification des contrats de professionnalisation par la loi de 2016, nous n'arrivions pas à toucher les personnes ayant un niveau de formation inférieure au baccalauréat.

On peut quand même regretter d'avoir reçu l'évaluation il y a seulement trois jours. Comme le soulignait Corinne Féret, c'est encore un contrat de plus, et il peut devenir difficile de se repérer au sein de ce maquis.

Monsieur le rapporteur, avez-vous évalué financièrement le dispositif ? France compétences fonctionne selon une logique de guichet - plus on conclut de contrats, plus on dépense -, mais l'assiette financière reste la même et France compétences reste en déséquilibre financier.

En outre, vous faites le choix dans la proposition de loi de pérenniser l'expérimentation en rendant son périmètre moins flexible, avec la nécessité d'acquérir des « blocs de compétences ». Le cadre plus souple de l'expérimentation permettait une meilleure adaptation de la formation aux besoins des employeurs, mais celle-ci était également moins valorisable sur le marché. Au bout du compte, ne s'agira-t-il pas plutôt d'un nouveau type de contrat ? Est-ce qu'il fonctionnera ?

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - La ministre s'est engagée à fournir au Parlement le rapport d'évaluation de ce contrat de professionnalisation. Nous l'avons reçu en amont, ce qui nous a permis d'inclure certains éléments d'évaluation dans notre rapport. Le coût de ce contrat supplémentaire, pour France compétences, est difficile à estimer. Cependant, durant l'expérimentation, il représentait environ 6,5 millions d'euros de financement.

Le rapport sera disponible dans son ensemble dès son dépôt par la ministre, comme elle s'y est engagée.

Sur la restriction des critères d'utilisation, seuls 20 % des contrats expérimentaux seraient exclus, selon la branche de la métallurgie.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.

Après l'article unique

M. Xavier Iacovelli, rapporteur. - Je demande le retrait de l'amendement COM-2, sinon j'y serai défavorable. En effet, cet amendement est satisfait dans la mesure où la direction générale à l'emploi et à la formation professionnelle m'a transmis son rapport, pour examiner cette proposition de loi. En outre, les services de la ministre se sont engagés à le déposer officiellement auprès du Parlement dans les meilleurs délais.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Je m'étonne du calendrier aberrant. C'est un manque de respect du Parlement. Avant de pérenniser une mesure, on lit le rapport qui la concerne et on en discute. Le rapport vous a été transmis, monsieur le rapporteur : grand bien vous fasse ! Mais non, à ce jour, l'amendement n'est pas satisfait.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

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