II. UNE NAVETTE QUI SE POURSUIT, MALGRÉ L'IMPOSSIBILITÉ DE PARVENIR À UN ACCORD ENTRE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET LE SÉNAT ET EN DÉPIT DES ENGAGEMENTS PRIS PAR LE GOUVERNEMENT

A. L'IMPOSSIBILITÉ DE PARVENIR À UN ACCORD ENTRE LES DEUX CHAMBRES

Convoquée le mardi 24 juin 2025, la commission mixte paritaire n'est pas parvenue à élaborer un texte de compromis sur la réforme du mode de scrutin applicable à Paris, Lyon et Marseille.

Les échanges entre les deux rapporteurs à cette occasion, qui se sont tenus dans un état d'esprit constructif, ont permis d'évoquer plusieurs propositions d'évolution pour répondre aux objections formulées par le Sénat, avec en particulier l'exclusion de Lyon du champ de la réforme et la désignation des maires d'arrondissement comme membres de droit des conseils municipaux des trois villes, afin d'y garantir la représentation de chaque arrondissement.

Ces suggestions ne sont toutefois pas apparues de nature à emporter l'adhésion du Sénat, compte tenu des multiples difficultés qui perdureraient et de la fragilité des solutions proposées.

En particulier, l'intégration des maires d'arrondissement comme membres de droit des conseils municipaux, seule proposition concrète transmise à la rapporteure, aurait pour effet d'intégrer des membres désignés automatiquement - et non pas des membres élus - au conseil municipal, ce qui semble aller à l'encontre du principe de la libre administration des collectivités territoriales. Ce principe implique en effet que les collectivités territoriales s'administrent par un conseil élu au suffrage universel direct ou indirect. Comme précisé à cet égard par le professeur de droit public André Roux, « si la Constitution n'exige pas que l'élection soit assurée au suffrage universel direct, elle interdit évidemment l'institution d'organes délibérants composés en partie de membres élus et en partie de membres nommés1(*) ».

De plus, la mise en oeuvre de cette proposition pourrait poser des difficultés opérationnelles en ce qu'elle conduirait à l'introduction d'un effectif variable au sein des conseils municipaux.

Certains maires d'arrondissement pourraient en effet être élus directement conseillers municipaux, dans le cas où ils figureraient à la fois sur une liste pour le conseil d'arrondissement et sur une liste pour le conseil municipal. Dans ce cas, ils siégeraient au conseil municipal en tant que conseiller municipal et ne seraient donc pas nommés en tant que « membre de droit » dans ce conseil.

Les autres maires d'arrondissement, qui n'auraient pas souhaité se présenter parallèlement sur une liste pour le conseil central ou qui n'auraient pas été élus, seraient quant à eux nommés « membres de droit ». Leur nombre, qui varierait en fonction du nombre de maires d'arrondissement déjà élus conseillers municipaux, s'ajouterait donc à l'effectif initial du conseil municipal.

La mise en oeuvre de cette proposition conduirait en outre à faire coexister plusieurs sources de légitimité au sein d'un même organe délibérant. Certains membres seraient en effet élus à l'échelle de la commune, tandis que les membres de droit seraient élus au sein de chaque arrondissement. La coexistence de ces différentes sources de légitimité serait susceptible de créer des difficultés - comme l'avait du reste déjà estimé la commission des lois en 2019, lors de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires, en notant, à propos d'un dispositif qui aurait conduit à faire coexister au sein des conseils communautaires plusieurs catégories de délégués de communes, « les difficultés que pourrait occasionner un tel système où les différents membres du conseil communautaire puiseraient leur légitimité à des sources différentes2(*) ».

Enfin, cette solution ne résoudrait pas l'ensemble des autres difficultés posées par la proposition de loi et exposées précédemment3(*), ni la question de la représentativité des arrondissements les plus peuplés au conseil municipal.

Toutes ces raisons ont par conséquent empêché la commission mixte paritaire d'aboutir à un compromis sur l'évolution du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille.


* 1 André Roux, « Le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales », Revue française de droit administratif, 1992, n° 3, pp. 435-452.

* 2 Rapport n° 470 (2018-2019) du 30 avril 2019 de Dany Wattebled sur la proposition de loi tendant à renforcer les synergies entre les conseils municipaux et les conseils communautaires.

* 3 Rapport n° 648 (2024-2025) du 21 mai 2025 de Lauriane Josende sur la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille.

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