N° 33
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 octobre 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local,
Par Mmes Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, Anne-Sophie PATRU et M. Éric KERROUCHE,
Sénatrices et Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Marc-Philippe Daubresse, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, MM. Marc Séné, Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Première lecture : 263, 366, 367 et T.A. 78 (2023-2024)
Deuxième lecture : 854 (2024-2025) et 34 (2025-2026) |
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Assemblée nationale (17ème législ.) : |
Première lecture : 136, 1603 rect. bis et T.A. 168 |
AVANT PROPOS
Plus d'un an et demi après son adoption en première lecture par le Sénat, et alors que l'échéance des élections municipales approche à grands pas, l'examen en deuxième lecture de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local offre l'occasion de concrétiser les nombreuses avancées prévues par ce texte au bénéfice des élus locaux.
Face à la crise de l'engagement local, il apparaît en effet plus que jamais nécessaire de répondre aux inquiétudes légitimes exprimées par les élus locaux et d'enrayer la dégradation des conditions d'exercice des mandats locaux et d'éviter de pénaliser financièrement les citoyens ayant choisi de s'engager localement, en faveur de l'intérêt général.
C'est dans cette perspective que le 15 octobre 2025, la commission a examiné le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale qui l'avait adopté le 10 juillet 2025 en première lecture.
Si la plupart des évolutions proposées par le Sénat afin de faciliter l'engagement et les conditions d'exercice du mandat ont emporté l'adhésion des députés, ces derniers ont apporté au texte, via l'adoption de 236 amendements, un nombre substantiel de modifications.
Certaines de ces modifications sont venues enrichir le texte, dans le sens d'une meilleure protection des élus locaux, tandis que certaines mesures pourtant indispensables ont été largement revues à la baisse par l'Assemblée nationale, voire supprimées.
La commission s'est donc attachée à préserver l'équilibre ainsi que l'esprit initial de la proposition de loi.
Pour ce faire, et par l'adoption de 47 amendements des rapporteurs, de Pierre-Alain Roiron et de Nadine Bellurot, elle a donc veillé à rétablir les dispositifs adoptés par le Sénat, lorsque ceux-ci présentaient un caractère plus ambitieux que ceux adoptés par les députés, tout en conservant certains apports bienvenus introduits par l'Assemblée nationale, de nature à renforcer l'attractivité des mandats locaux ou à garantir l'opérationnalité ou la sécurité juridique des dispositifs introduits par le Sénat.
La commission a enfin souhaité insister sur la nécessité d'adopter au plus vite ce texte transpartisan, qui porte des mesures de nature à réellement renforcer l'attractivité des mandats locaux et qui demeure largement attendu par l'ensemble des élus locaux.
I. UN TEXTE QUI ENTEND ENRAYER LA DÉGRADATION DES CONDITIONS D'EXERCICE DES MANDATS LOCAUX
A. UNE CRISE DE L'ENGAGEMENT LOCAL LIÉE À LA DÉGRADATION DES CONDITIONS D'EXERCICE DES MANDATS LOCAUX
Comme mis en lumière par la commission des lois en première lecture1(*), les élus locaux font état d'un sentiment de lassitude grandissant, lié à la dégradation des conditions d'exercice du mandat.
Ce malaise persistant se traduit par une augmentation du nombre de démissions, notamment parmi les maires. Ainsi, selon Martial Foucault, professeur des universités à Sciences Po, « le nombre de démissions volontaires de maires a été multiplié par quatre entre 2008-2014 et le mandat en cours. Avec près de 2 200 démissions depuis juillet 2020 (date d'installation des conseils municipaux), c'est environ 6 % de maires qui ont quitté leur fonction depuis leur élection. Ce chiffre en nette augmentation confirme la fragilité de la fonction et les difficultés à enrayer sa progression. Cela correspond à plus d'une démission quotidienne transmise et acceptée par les préfets2(*) ».
* 1 Rapport n° 366 (2023-2024) fait par Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel et Éric Kerrouche au nom de la commission des lois sur la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, 28 février 2024.
* 2 Martial Foucault, « Les démissions de maires : enquête sur un phénomène sans précédent », juin 2025.