N° 51

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 octobre 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi autorisant
l'
approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion
et de la
fraude fiscales, et l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume
de
Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale
en matière d'
impôts sur le revenu et sur la fortune (procédure accélérée),

Par Mme Vanina PAOLI-GAGIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

855 (2024-2025) et 52 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

Réunie le 21 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Vanina Paoli-Gagin sur le projet de loi n° 855 (2024-2025) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales, et l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Le Sénat est la première assemblée saisie de ce texte.

I. LA CONVENTION FISCALE FRANCO-FINLANDAISE : UNE RÉNOVATION BIENVENUE DES RELATIONS FISCALES BILATÉRALES

A. LA CONVENTION BILATÉRALE DE 1970 PARAISSAIT OBSOLÈTE ET RENDAIT POSSIBLE DES ABUS FISCAUX

En l'état du droit, les relations fiscales bilatérales entre la France et la Finlande sont régies par une convention du 11 septembre 1970 tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Pour autant, si la convention franco-finlandaise, signée en 1970, est conforme au modèle de convention de l'OCDE de 1963, elle n'apparaît plus conforme à la pratique conventionnelle française ni aux derniers standards internationaux, en particulier ceux développés dans le modèle de convention fiscale de l'OCDE de 20171(*). Ce texte n'a, de plus, jamais fait l'objet d'un avenant depuis son entrée en vigueur et constituait l'une des plus anciennes conventions fiscales bilatérales encore en vigueur.

En particulier, en prévoyant une retenue à la source nulle sur les dividendes, la convention franco-finlandaise rendait possible des montages d'arbitrage de dividendes « externes » (dit « CumCum » externes).

B. LA NOUVELLE CONVENTION DU 4 AVRIL 2023 INTÈGRE LES DERNIERS STANDARDS DE L'OCDE

La nouvelle convention, signée le 4 avril 2023, intègre les derniers standards établis par l'OCDE dans son modèle de convention fiscale concernant le revenu et la fortune de 2017 ainsi que dans la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, également désignée comme « instrument multilatéral » (IM). Elle prévoit ainsi :

- l'introduction dans la convention de clauses anti-abus et de coopération fiscale conforme aux apports de l'IM (une clause relative aux procédures de règlement amiable des différends, une clause relative aux échanges de renseignement, une clause sur l'assistance au recouvrement et une clause générale anti-abus) ;

- une définition de l'établissement stable conforme au modèle de l'OCDE ;

- une redéfinition du partage des droits d'imposition sur différentes catégories de revenus, dont les revenus passifs (voir tableau infra) ;

- une modernisation des mécanismes d'élimination des doubles impositions ; la France retenant désormais la méthode dite de l'imputation.

Évolution des impositions sur les revenus passifs

(en pourcentage)

Type de revenus

Convention de 1970

Modèle OCDE de 2017

Convention de 2023

Dividendes

Exonération de retenue à la source

Imposition dans l'État de résidence avec une possibilité pour l'État de source d'appliquer une retenue à la source plafonnée à 5 % au-delà de 25 % de participation.

Retenue à la source plafonnée à 15 % avec une exonération au-delà de 5 % de participation

Intérêts

Partage du droit d'imposition avec une retenue à la source plafonnée à 10 %

Imposition dans l'État de résidence avec une possibilité pour l'État de source d'imposition ces revenus si sa législation le permet

Imposition exclusive dans l'État de résidence

Redevances

Imposition exclusive dans l'État de résidence

Imposition exclusive dans l'État de résidence

Imposition exclusive dans l'État de résidence

Source : commission des finances

C. UNE CONCESSION FAITE À LA FINLANDE : LE PARTAGE D'IMPOSITION DES PENSIONS PRIVÉES

Le principal point de blocage identifié au cours des négociations franco-finlandaises a été la volonté de la Finlande de prévoir un partage d'imposition des pensions privées. En effet, dans la convention de 1970 (à son article 17), les pensions et autres rémunérations similaires faisaient l'objet d'une imposition exclusive dans l'État de résidence du bénéficiaire. Seules les pensions publiques étaient imposables dans l'État de source de ces revenus.

La convention de 2023 conserve le principe d'une imposition des pensions privées dans l'État de résidence du bénéficiaire. Néanmoins, il prévoit également un droit d'imposition pour l'État de source. Une fois l'impôt acquitté dans l'État de résidence, l'État de source perçoit la différence entre l'impôt dû dans cet État et l'impôt déjà acquitté dans l'État de résidence.

Pour éliminer les doubles impositions, la convention prévoit un mécanisme de « crédit d'impôt inversé » : l'État de source des pensions privées octroie une déduction d'impôt égale à l'impôt versé à l'État de résidence.

L'application concrète de ce mécanisme peut être illustrée par le cas d'un retraité finlandais établi en France et percevant 10 000 euros en pensions en provenance de Finlande, dans l'hypothèse où la Finlande appliquerait un taux d'imposition de 10 % (soit 1 000 euros d'imposition). Si la France soumet ces revenus à une imposition de 5 %, soit 500 euros, la Finlande devrait accorder un crédit d'impôt égal à ce montant et conserverait le différentiel de 500 euros.

D. DE NOUVELLES STIPULATIONS PERMETTANT DE PRÉVENIR LES MONTAGES EXTERNES D'ARBITRAGE DE DIVIDENDES

La convention de 1970, en exonérant les dividendes de retenue à la source, permettait des montages abusifs d'arbitrage de dividendes visant à échapper à l'imposition interne sur ces revenus passifs.

Parmi les neuf conventions fiscales bilatérales prévoyant une telle exonération (Arabie Saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Finlande, Koweït, Liban, Oman et Qatar), la Finlande se trouve être le seul État européen.

La nouvelle convention de 2023 vient corriger cette anomalie et devrait permettre de prévenir tout montage abusif en matière d'arbitrage de dividendes. Son article 10 introduit une retenue à la source, plafonnée à 15 %, pour les dividendes versés à un bénéficiaire détenant moins de 5 % du capital de la société distributrice. Il conserve toutefois une exonération pour les dividendes versés au bénéficiaire détenant plus de 5 % du capital de la société distributrice pendant une durée supérieure à 365 jours, qui correspond au régime « mère-fille » conventionnel.

Cette exonération sera compatible avec la retenue à la source « anti-CumCum externes » introduite par la loi de finances pour 2025, à l'initiative de la commission des finances, à l'article 119 bis A du code général des impôts dont l'entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2026. De plus, elle ne devrait pas, selon la direction de la législation fiscale, susciter de nouveaux abus : les deux critères de seuil et de durée de détention paraissent trop contraignants pour mener de telles opérations.

La nouvelle convention permet à la Finlande de sortir de la liste des conventions fiscales prévoyant un taux de retenue à la source nul sur les dividendes

Pour autant, au-delà de la convention franco-finlandaise, huit autres conventions bilatérales prévoient toujours un taux d'imposition nul pour les dividendes et devraient être inscrites au sommet des priorités de la rénovation de notre réseau conventionnel.

II. L'AVENANT À LA CONVENTION FISCALE FRANCO-SUÉDOISE : L'INTÉGRATION DES APPORTS DE L'INSTRUMENT MULTILATÉRAL DE L'OCDE

A. UN AVENANT QUI DÉCOULE DU REFUS DE LA SUÈDE DE NOTIFIER LA COUVERTURE DE LA CONVENTION FRANCO-SUÉDOISE PAR L'INSTRUMENT MULTILATÉRAL DE L'OCDE

En 2013, l'OCDE a lancé un projet contre « l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices », dit BEPS (Base Erosion and Profit Shifting). Dans le cadre du projet BEPS, les États membres de l'OCDE ont adopté une convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices, dite « instrument multilatéral » (IM).

Les conventions fiscales bilatérales sont automatiquement modifiées, par le biais de « clauses de compatibilité », une fois que les parties ont notifié leur intention de voir ces conventions couvertes. Toutefois, les États peuvent également opter pour intégrer les apports de l'IM dans leurs conventions fiscales par voie d'avenant, une solution plus chronophage qui n'a pas la préférence de la France.

En raison de difficultés juridiques internes et à l'instar d'autres États, la Suède a choisi de ne pas notifier l'OCDE de la couverture de son réseau conventionnel par l'instrument multilatéral et de modifier ses conventions fiscales bilatérales par la voie d'avenants.

B. UN ACCORD QUI SE BORNE À INTÉGRER LES APPORTS DE L'INSTRUMENT MULTILATÉRAL

Quatre articles composent l'avenant du 22 mai 2022 à la convention du 27 novembre 1990. Les trois premiers ont pour objectif d'y intégrer les apports de l'IM et l'article 4 précise les modalités d'entrée en vigueur.

- L'article 1er remplace le préambule de la convention de 1990 par celui préconisé par le dernier modèle de l'OCDE, pour y inscrire l'objectif de lutte contre l'évasion et la fraude fiscales.

- L'article 2 modifie l'article 25 de la convention pour réformer la procédure de règlement des différends en élargissant les possibilités de saisine pour le contribuable : toute personne peut désormais soumettre sa situation à l'une ou l'autre des autorités compétentes, dès lors qu'elle estime que les mesures prises par les États cocontractants entraînent ou entraîneront pour elle une imposition non conforme aux dispositions de la présente convention.

- L'article 3 introduit dans la convention, au travers d'un nouvel article 28 A, la clause générale anti-abus, qui permet de refuser un avantage conventionnel lorsqu'un des principaux objets d'un montage ou d'une transaction est l'octroi de cet avantage.

La commission des finances a adopté le projet de loi sans modification.


* 1 Modèle de Convention fiscale concernant le revenu et la fortune de l'OCDE, 21 novembre 2017.

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