EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 21 octobre 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur, et élaboration du texte de commission, sur le projet de loi n° 855 (2024-2025), autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport de Vanina Paoli-Gagin sur le projet de loi autorisant, d'une part l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Finlande pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et, d'autre part, l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume de Suède en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur. - Notre commission est saisie d'un projet de loi prévoyant l'entrée en vigueur de deux accords internationaux en matière fiscale. Composé de deux articles, ce texte a pour objet d'autoriser l'approbation de la convention fiscale bilatérale franco-finlandaise du 4 avril 2023, d'une part, et de l'avenant du 22 mai 2022 à la convention fiscale franco-suédoise du 27 novembre 1990, d'autre part.
Comme vous le savez, en application de l'article 53 de la Constitution, l'entrée en vigueur des traités et de certains accords internationaux, dont les conventions fiscales, est subordonnée à l'autorisation du Parlement. Les projets de loi concernés, qui ne sauraient modifier le contenu des conventions, ont pour unique objet de valider, ou de rejeter, les solutions négociées par l'exécutif.
Le Sénat se trouve être la première assemblée saisie de ce projet loi.
Comme il est d'usage sur les conventions fiscales, la France est en retard par rapport à ses partenaires sur l'approbation de ces deux accords : la Suède a notifié la France en décembre 2023 de l'accomplissement de ses procédures internes d'approbation et la Finlande a fait de même en juillet 2024.
Je commencerai par présenter le contenu du texte le plus significatif : la nouvelle convention fiscale franco-finlandaise.
En l'état du droit, les relations fiscales entre la France et la Finlande sont régies par une convention bilatérale du 11 septembre 1970. Ce texte, l'un des plus anciens de notre réseau conventionnel à ne pas avoir fait l'objet d'un avenant, ne paraissait plus compatible avec les derniers standards de l'OCDE. De plus, comme nous l'expliquerons par la suite, l'absence de retenue à la source sur les dividendes posait une difficulté majeure. La négociation d'une nouvelle convention était donc doublement nécessaire.
Le texte sur lequel se sont accordées les deux parties s'appuie très largement sur les derniers travaux de l'OCDE. Pour rappel, deux instruments de l'OCDE orientent désormais la politique conventionnelle française en matière fiscale. Il s'agit tout d'abord du modèle de convention fiscale de l'OCDE, mis à jour en 2017. Ce modèle a été complété par l'instrument multilatéral de l'OCDE, issu du plan d'action pour lutter contre l'évitement fiscal et moderniser le droit fiscal international, mieux connu sous son acronyme anglais « BEPS ».
La nouvelle convention intègre par conséquent des stipulations conformes aux avancées de l'OCDE et à la pratique conventionnelle de la France.
Tout d'abord, elle prévoit une définition modernisée de l'établissement stable. Cette notion permet de déterminer si une activité industrielle, commerciale ou libérale est imposable dans l'État où elle est exercée ou dans l'État de résidence de l'entreprise.
Ensuite, elle intègre également les clauses anti-abus et de coopération fiscale les plus récentes.
En outre, elle précise et redéfinit le partage des droits d'imposition entre les deux États sur différentes catégories de revenus et notamment sur les revenus passifs.
Enfin, elle modernise les mécanismes d'élimination des doubles impositions. La France a opté pour la méthode dite de l'imputation, qui consiste à accorder au contribuable un crédit d'impôt imputable sur son impôt français.
En réalité, les négociations bilatérales se sont concentrées sur deux points.
Le premier concerne l'instauration d'un partage d'imposition sur les pensions privées, ce qui était la principale revendication émise par nos partenaires finlandais.
La solution retenue est similaire à celle adoptée par la convention fiscale franco-danoise, que nous avons examinée, il y a deux ans, sur le rapport de notre collègue Vincent Delahaye. Elle repose sur un mécanisme atypique de « crédit d'impôt inversé » et permet de dégager une solution qui préserve les intérêts du Trésor français tout en reconnaissant à la Finlande un droit d'imposition résiduel sur ces revenus. Concrètement, une fois la convention entrée en vigueur, les retraités finlandais installés en France continueront d'être assujettis à l'impôt français pour l'intégralité des montants de pensions privées qu'ils perçoivent. Néanmoins ils seront également imposables en Finlande à hauteur de la différence entre l'impôt payé en France et l'impôt qu'ils auraient payé au Finlande sur ces revenus.
Le second point concerne l'introduction d'une imposition sur les dividendes, afin de prévenir tout risque de montage abusif d'arbitrage de dividendes en la matière. C'était l'objectif majeur des Français dans cette renégociation.
La convention franco-finlandaise de 1970 fait partie des neuf conventions fiscales bilatérales prévoyant un taux nul de retenue à la source sur les dividendes. Une telle stipulation ouvre la voie à des montages CumCum externes : à l'approche de la date de versement des dividendes, afin d'échapper à la retenue à la source, le propriétaire français de l'action la prête au résident d'un État dont la convention fiscale signée avec la France ne prévoit aucune retenue à la source.
Pour prévenir ce risque, la convention nouvellement signée introduit une retenue à la source, plafonnée à 15 %, pour les dividendes versés à un bénéficiaire détenant moins de 5 % du capital de la société distributrice. Elle conserve toutefois une exonération pour les dividendes versés au bénéficiaire détenant plus de 5 % du capital de la société distributrice pendant une durée supérieure à 365 jours, qui correspond au régime « mère-fille » conventionnel.
Je me suis cependant assurée de la compatibilité de ces stipulations avec le dispositif de retenue à la source préventive anti-CumCum externe que le Sénat a introduit dans la loi de finances pour 2025. À compter du 1er janvier 2026, une retenue à la source sera appliquée à titre conservatoire sur les dividendes et produits assimilés versés à des personnes établies ou ayant leur résidence dans un État dont la convention fiscale ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits.
Le désormais célèbre Bulletin officiel des finances publiques (Bofip) du 17 avril 2025, révisé le 24 juillet 2025, précise bien que le dispositif ne s'applique pas aux dividendes versés dans le cadre du régime mère-fille.
J'en viens maintenant à l'avenant à la convention fiscale franco-suédoise, dont le contenu est plus limité.
Comme je l'ai indiqué, l'OCDE a établi en 2016 un modèle de convention multilatérale - « l'instrument multilatéral » - pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices ou « instrument multilatéral ».
Pour intégrer l'apport de l'instrument multilatéral, les États peuvent recourir à deux méthodes : soit une notification par les deux parties de leur volonté de mettre à jour leur convention bilatérale sur ce point, ce qui a pour effet de modifier automatiquement le contenu de la convention en vigueur ; soit une modification de la convention par avenant.
En raison de contraintes juridiques internes, la Suède a choisi de ne pas notifier l'OCDE de la couverture de son réseau conventionnel par l'instrument multilatéral et donc de modifier ses conventions fiscales bilatérales par la voie d'avenants.
L'avenant du 22 mai 2023 a donc pour but de modifier la convention en vigueur afin d'y insérer les stipulations de l'instrument multilatéral. Les négociations, effectuées par échanges écrits, ont été rapides et n'ont soulevé aucune difficulté.
L'accord reprend les principales stipulations de l'instrument multilatéral de l'OCDE et intègre une mise à jour du préambule de la convention au regard de l'objectif de lutte contre l'évasion et la fraude fiscale ; une modernisation de la procédure de règlement des différends ; et une clause générale anti-abus, pour lutter contre les montages fiscaux abusifs.
À l'issue de cette présentation, les deux accords trouvés me paraissent équilibrés. La convention franco-finlandaise prévoit des concessions réciproques, mais l'objectif principal de limiter les possibilités de CumCum externes a été atteint. L'avenant à la convention franco-suédoise répond à l'intention de la France de couvrir l'ensemble de son réseau conventionnel par l'instrument multilatéral de l'OCDE.
Je vous propose par conséquent, mes chers collègues, d'émettre un avis favorable à l'entrée en vigueur de la convention fiscale bilatérale franco-finlandaise du 4 avril 2023 et de l'avenant du 22 mai 2022 à la convention fiscale franco-suédoise du 27 novembre 1990, c'est-à-dire, d'adopter le présent projet de loi sans le modifier.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le travail de notre rapporteur s'inscrit dans le prolongement de nos travaux visant à lutter contre la fraude CumCum, liée aux mécanismes d'arbitrage de dividendes.
En application de l'article 53 de la Constitution, le Parlement ne dispose pas du droit d'amendement en ce qui concerne les conventions fiscales. Il peut simplement voter ou rejeter le texte qui lui est soumis. Je rappelle toutefois qu'il nous est arrivé dans le passé, comme en 2011 ou en 2014, de rejeter certains textes.
La convention fiscale franco-finlandaise datait de 1970. Il était temps de la réviser, notamment pour régler le problème de la fraude CumCum externe. Toutefois, d'autres conventions fiscales continuent d'exonérer les dividendes de tout prélèvement à la source. J'aimerais savoir si Bercy souhaite renégocier ces conventions.
À compter du 1er janvier 2026, une retenue à la source devrait être appliquée à titre conservatoire sur les dividendes et produits assimilés versés à des personnes établies ou ayant leur résidence dans un État dont la convention fiscale ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits. Toutefois, à ma connaissance, l'administration fiscale n'a toujours pas publié l'instruction fiscale nécessaire dans le Bofip pour mettre en oeuvre cette mesure.
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur. - Lorsque la nouvelle convention fiscale franco-finlandaise sera entrée en vigueur, la France sera encore signataire de huit conventions fiscales bilatérales qui prévoient une exonération de retenue à la source des dividendes. Il s'agit des conventions signées avec l'Arabie saoudite, le Bahreïn, l'Égypte, les Émirats arabes unis, le Koweït, le Liban, Oman et le Qatar. La direction de la législation fiscale (DLF), qui est chargée de la négociation et du suivi de ces conventions, a inscrit à son programme de négociations la révision des conventions avec l'Arabie saoudite et l'Égypte. Ces deux États ont accepté le principe d'une révision des accords existants et, potentiellement, l'introduction de stipulations similaires à celles figurant à l'article 10 de la nouvelle convention franco-finlandaise.
Enfin, Monsieur le rapporteur général, l'administration fiscale devrait publier l'instruction fiscale spécifique à cette mesure prochainement, mais on ne sait pas quand...
Mme Christine Lavarde. - Traditionnellement les conventions internationales sont adoptées selon une procédure d'examen simplifié : la commission des affaires étrangères les examine et nous nous contentons, en séance publique, d'entériner sa position, sans discussion. Est-ce cette procédure qui sera retenue ou bien aurons-nous une discussion dans l'hémicycle ? On peut toutefois s'interroger sur la plus-value d'un examen en séance publique puisque le texte est à prendre ou à laisser.
M. Claude Raynal, président. - Le projet de loi sera examiné en séance publique selon la procédure classique. Certains groupes politiques, comme le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K), ont pu s'opposer au recours à la procédure d'examen simplifié pour les conventions fiscales. Ces textes peuvent en effet contenir des dispositions sensibles.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il y a quelques années, Bercy avait essayé de faire ratifier nuitamment, par voie d'amendement au projet de loi de finances, des conventions fiscales. Cela n'avait pas été très bien perçu !
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Le projet de loi est adopté sans modification.