EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 22 octobre sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Nathalie Goulet, rapporteur, et élaboré le texte de commission sur la proposition de loi n° 496 (2024-2025), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire.
M. Claude Raynal, président. - Nous examinons aujourd'hui la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire.
Cet examen intervient selon la procédure de législation en commission, prévue par les articles 47 ter à 47 quinquies du Règlement du Sénat, conformément à la décision prise en ce sens par la Conférence des présidents.
Selon cette procédure, le droit d'amendement des sénateurs et du Gouvernement s'exerce uniquement en commission, la séance plénière étant centrée sur les explications de vote et le vote du texte. La proposition de loi fera l'objet d'un seul vote en séance publique le 29 octobre prochain et ne pourra pas faire l'objet d'amendements en séance, sauf si le retour à la procédure normale est demandé d'ici à vendredi prochain, avant 17 heures. Si tel n'est pas le cas, seuls seront recevables en séance les amendements visant à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d'autres textes en cours d'examen ou avec des textes en vigueur, ou à procéder à la correction d'une erreur matérielle.
La réunion est ouverte à l'ensemble des sénateurs. Si chacun peut s'exprimer à l'occasion de l'examen des articles et des amendements, seuls les membres de notre commission peuvent voter.
Notre réunion est ouverte au public et fait l'objet d'une captation vidéo, retransmise en direct sur le site internet du Sénat.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Nous examinons la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la fraude bancaire, qui a été déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 4 février dernier par Daniel Labaronne.
Dans la mesure où l'objectif de lutte contre la fraude aux moyens de paiement est consensuel, la proposition de loi a été accueillie favorablement sur tous les bancs de l'Assemblée et elle a finalement été adoptée, à l'unanimité, le 31 mars dernier.
Notre réunion de ce matin s'inscrit donc dans un processus législatif consensuel et relativement rapide. Ce texte est attendu.
Pour permettre ce renforcement rapide de notre arsenal de lutte contre la fraude aux moyens de paiement, j'ai procédé aux auditions relatives à ce texte dès le mois de juillet dernier. Nous étions ainsi prêts pour l'examen de ce texte dès le début du mois de septembre, conformément au calendrier initialement fixé, mais celui-ci a été perturbé par les péripéties gouvernementales que je n'ai pas besoin de rappeler.
La fraude aux moyens de paiement est un phénomène de masse qui concerne chacun d'entre nous, comme usager et comme victime potentielle. Le préjudice total était estimé, en 2023, à 1,2 milliard d'euros par l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement (OSMP).
Le montant de la fraude au paiement Sepa - espace unique de paiement en euros -, dans l'espace unique de paiement en euros, qui concerne la fraude au virement et au prélèvement bancaire, d'une part, et la fraude au chèque, d'autre part, est estimé à 698 millions d'euros chaque année. La proposition de loi couvre par conséquent 58 % des montants annuels des fraudes au paiement.
Nous avons pris du retard en matière de sensibilisation et de prévention. La question est non pas de savoir si nous allons nous faire pirater un jour, mais quand ! Il faut donc sensibiliser les gens à cette fraude. C'est un sujet d'une importance capitale lorsque l'on sait que les organismes de sécurité sociale peuvent eux-mêmes être piratés et que les données ainsi collectées sont susceptibles d'être utilisées pour d'autres usages, comme la fraude aux moyens de paiement.
La Cour de cassation a rappelé expressément, dans un arrêt rendu le 15 janvier 2025, que si un client indiquait de mauvaises coordonnées bancaires pour un virement après avoir été manipulé par un fraudeur, la banque était entièrement dégagée de sa responsabilité. Dans le cas d'espèce, un couple, qui avait viré une somme d'argent vers un compte frauduleux en pensant régler un concessionnaire automobile, a dû subir seul le préjudice de la fraude dont il a été victime.
Un nombre croissant de nos concitoyens sont victimes de ce type de fraude par détournement d'un virement légitime. Selon un mode opératoire fréquemment rencontré, la boîte mail d'un commerçant ou d'un artisan est piratée et l'ensemble de leurs correspondants reçoivent alors un courriel indiquant que leur paiement doit être fait sur un nouveau compte bancaire, dont le numéro Iban n'est pas celui du commerçant ou de l'artisan. Évidemment, les fonds sont à ce moment-là détournés. Il s'agit d'une fraude d'une facilité déconcertante qui, malheureusement, a un impact très important. Il est donc impératif que nous agissions.
Sur le plan de la technologie, les schémas de fraude sont en constante évolution. Les outils de piratage informatique ne cessent de se perfectionner et il y a fort à craindre que le perfectionnement de l'intelligence artificielle (IA) générative, en particulier des technologies d'imitation de la voix ou d'une vidéo (deepfake), ne se traduise par une aggravation inquiétante des cas de fraude par manipulation.
Pour lutter contre la fraude au paiement Sepa, la proposition de loi crée un nouveau dispositif : le fichier national des comptes signalés pour risque de fraude (FNC-RF).
Ce fichier national, qui recensera les coordonnées bancaires - c'est-à-dire les Iban - jugées douteuses ou suspectes par les prestataires de services de paiement et notamment les banques, constituera un outil essentiel de partage d'information pour lutter contre la fraude.
En effet, dans l'état actuel du droit, le secret bancaire empêche les banques qui le souhaiteraient d'échanger entre elles des informations sur les comptes qu'elles identifient comme suspects.
L'introduction d'un fichier centralisé géré par un tiers de confiance, qui sera en l'espèce la Banque de France, permet de concilier le double objectif de protection proportionnée des données personnelles, d'une part, et de partage rapide et efficace des soupçons de fraude portant sur un ou plusieurs Iban, d'autre part.
J'ajoute que la création de ce fichier s'inscrit pleinement en cohérence avec l'évolution actuelle ou à venir du cadre européen de sécurisation des virements Sepa.
Comme de nombreux usagers ont pu le constater, l'entrée en vigueur du règlement européen du 13 mars 2024 sur les virements instantanés a eu pour effet d'imposer aux prestataires de paiement de la zone euro, depuis le 9 octobre dernier, de mettre en place un service gratuit de vérification de la cohérence des coordonnées bancaires. Grâce à ce service, nous sommes désormais tous mis en mesure de vérifier la cohérence entre l'Iban que nous indiquons et le nom du bénéficiaire avant de valider un virement.
À moyen terme, le renforcement du partage d'information entre les prestataires de services de paiement est l'un des leviers de lutte contre la fraude identifiée par la Commission européenne dans sa proposition de règlement sur les services de paiement publiée en juin 2023. La création du fichier national des comptes signalés pour risque de fraude constituera donc une mise en conformité anticipée du droit français avec le droit européen - ce qui placera la France aux avant-postes sur ce sujet.
En matière de fraude au chèque, les mesures prévues par le texte concernent essentiellement l'amélioration du fonctionnement du fichier national des chèques irréguliers (FNCI).
Créé en 1992 et géré directement par la Banque de France, le FNCI est un outil majeur de la lutte contre la fraude au chèque. Il permet de recenser l'ensemble des personnes frappées par une interdiction bancaire ou pénale d'émettre un chèque, ainsi que l'ensemble des comptes clôturés, des faux chèques et des chèques sur lesquels une opposition a été activée pour cause de perte ou de vol.
La proposition de loi prévoit deux mesures techniques qui seront précieuses pour renforcer l'utilisation du FNCI, car celui-ci est sous-utilisé : son taux de consultation était seulement de 3,2 % en 2023.
La première mesure consiste à inscrire dans la loi une obligation de signalement à la Banque de France lorsqu'une banque rejette un chèque contrefait ou falsifié.
La seconde mesure vise à élargir le nombre des personnes susceptibles de pouvoir interroger le FNCI avant d'accepter un chèque en intégrant les banquiers lors de la présentation du chèque au paiement.
Après avoir présenté ces mesures essentiellement techniques, je voudrais aborder maintenant les perspectives. En effet, madame la ministre, nous allons examiner un certain nombre de textes relatifs à la lutte contre la fraude dans les prochaines semaines. Il sera utile de muscler encore les dispositifs existants. Ce n'est pas possible à l'occasion de l'examen de ce texte, car son adoption est urgente et qu'il me paraît plus sage que le Sénat l'adopte dans des termes conformes au texte transmis pour assurer son entrée en vigueur rapide. Toutefois, l'examen des textes à venir nous permettra de débattre et d'adopter d'autres dispositifs.
En ce qui concerne la fraude bancaire liée à une usurpation d'identité, je pense que des mesures doivent être prises pour renforcer l'accessibilité du fichier national des comptes bancaires et assimilés (Ficoba) pour les particuliers. En effet, ce fichier, qui recense l'ensemble des comptes et coffres-forts ouverts dans un établissement bancaire en France, est un instrument efficace pour lutter contre les usurpations d'identité. Or il n'existe pas de Ficoba européen. Il me semble urgent d'en créer un. Malheureusement, ce n'est pas possible. Nous en avions discuté au sein de la commission des affaires européennes du Sénat. Rappelons que plusieurs pays européens n'ont pas de fichier centralisé des comptes bancaires. Voilà qui retarde à la fois les recherches, les poursuites et, évidemment, les sanctions. Cela complique singulièrement la lutte contre la fraude. Le projet de Ficoba européen reste donc un doux rêve ; c'est dommage, mais il faut manifestement s'y résigner, car il n'y a pas d'autre solution.
Compte tenu de l'ampleur des fuites de données récentes, il est très probable que chacun d'entre nous puisse être victime, un jour ou l'autre, d'une ouverture de compte par usurpation d'identité.
Pour mieux lutter contre ce risque, j'avance deux solutions simples : d'abord permettre à tous les particuliers de consulter en temps réel leurs données personnelles inscrites au Ficoba depuis leur espace sécurisé du site impots.gouv.fr ; ensuite, prévoir un mécanisme de notification systématique envoyée à l'usager lorsqu'un compte bancaire est ouvert à son nom, sur le modèle des notifications qui peuvent être envoyées lorsque l'on effectue un paiement par carte bancaire. Cette proposition semble emporter l'adhésion de la Fédération bancaire française (FBF) ou de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Je pense qu'une mise en place rapide de ce dispositif permettra d'éviter de nombreuses fraudes et arnaques.
Le fichier national des comptes signalés, dont la création est prévue par le texte, englobera fort heureusement les paiements effectués par l'Agence de services et de paiement (ASP), qui verse chaque année 27 milliards d'euros d'aides publiques par le biais de 12 millions de virements. J'ajoute également que pour renforcer la lutte contre la fraude aux aides publiques, il conviendrait dans un autre texte d'envisager d'étendre le principe d'un fichier centralisé aux numéros Siret suspects.
En conclusion, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter sans modification cette proposition de loi, qui prévoit principalement la création d'un nouveau fichier, dispositif associant l'ensemble des acteurs, et qui ne coûte rien aux contribuables puisque l'intégralité des coûts du dispositifs seront supportés par les prestataires de services de paiement.
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique, chargée de l'intelligence artificielle et du numérique. - La lutte contre la fraude aux moyens de paiement est un sujet majeur, et je me réjouis de participer avec vous ce matin à l'amélioration du cadre législatif existant. Je me tiens par ailleurs à votre disposition, madame le rapporteur, pour travailler sur ce sujet à l'avenir.
Le Gouvernement attache une importance toute particulière à la lutte contre la fraude bancaire, car celle-ci s'accompagne de réalités humaines et économiques lourdes de conséquences : des particuliers sont abusés par de faux conseillers bancaires, des entreprises sont fragilisées par des détournements de virements, des collectivités sont confrontées à des pratiques frauduleuses de plus en plus sophistiquées. Il ne faut pas négliger les traumatismes humains suscités par ces pratiques.
Selon l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement, la fraude aux paiements a représenté en 2024 un préjudice de près de 1,2 milliard d'euros. Même si le montant global diminue légèrement en tendance, les techniques employées se renouvellent sans cesse et les fraudeurs savent exploiter les moindres failles du système.
Il est crucial pour l'action publique de maintenir la confiance dans les paiements : protéger cette confiance, c'est aussi protéger notre économie et nos concitoyens.
C'est dans ce contexte que le député Daniel Labaronne, que je tiens ici à saluer, s'est personnellement engagé sur ce sujet. Son initiative s'enracine dans une conviction simple : notre droit doit évoluer pour renforcer la protection de nos concitoyens face à des fraudes de plus en plus sophistiquées.
Lorsque des chèques volés ou des moyens de paiement usurpés servent à régler des amendes, des cotisations ou des prestations, ce sont les finances de l'État, de la sécurité sociale ou des collectivités territoriales qui en pâtissent directement.
En ce sens, la lutte contre la fraude n'est pas seulement un enjeu de sécurité : il s'agit également d'un impératif de justice fiscale et de crédibilité de l'action publique. Il y va, au fond, du lien de confiance entre les citoyens et les institutions.
Lutter contre la fraude implique avant tout - c'est ma conviction - de renforcer la coopération entre l'ensemble des acteurs concernés : les établissements bancaires, les autorités publiques et l'État.
C'est en partageant l'information, en coordonnant les analyses et en harmonisant les pratiques que nous pourrons construire une réponse réellement efficace. Le numérique offre à cet égard un potentiel majeur. Il permet de mettre en réseau nos capacités de détection et d'alerte.
En recourant à des bases de données plus agiles, interopérables et sécurisées, nous pouvons renforcer la prévention, améliorer la réactivité face aux menaces émergentes et élever notre niveau d'alerte collectif.
Cette approche, fondée sur la coopération et la confiance, doit guider l'action publique dans les années à venir.
L'article 1er de la proposition de loi crée un fichier national auprès de la Banque de France, afin de recenser les comptes signalés comme étant potentiellement frauduleux : il sera ainsi possible de bloquer, avec davantage de célérité, des virements vers ces comptes, sous le contrôle de la Banque de France.
Ce mécanisme renforcera l'efficacité globale du dispositif de lutte contre la fraude au virement. Les montants concernés s'élevaient à un total de 351 millions d'euros en 2024.
Afin de maintenir un dispositif cohérent et centré sur la fraude aux paiements, le Gouvernement n'est pas favorable à une extension de l'accès à ce fichier à d'autres entités privées que celles qui ont été énumérées dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.
Le Gouvernement est également très attentif aux problématiques relatives au traitement des données à caractère personnel et au respect du cadre fixé par le règlement général sur la protection des données (RGPD). Il y va du maintien de garanties fondamentales pour les citoyens et pour les entreprises. Je tiens également à saluer l'extension des compétences de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui pourra contrôler et accompagner les acteurs lors de leur utilisation du fichier, au regard des exigences définies par la RGPD.
La mobilisation de la Cnil dans ce dispositif s'inscrit dans la continuité de ses missions existantes. Elle est déjà compétente pour superviser l'utilisation, par les établissements bancaires, des données issues de deux fichiers nationaux tenus par la Banque de France : le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP), qui permet de prévenir et de traiter les situations de surendettement, et le fichier national des chèques irréguliers, qui permet d'informer les commerçants sur la régularité des chèques remis en paiement. Dans les deux cas, la Cnil exerce pleinement ses pouvoirs de contrôle et, le cas échéant, de sanction, conformément aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le dispositif prévu par la proposition de loi s'inscrit donc dans une architecture juridique déjà éprouvée, qui garantit la proportionnalité du traitement des données et la protection des droits des usagers, tout en renforçant notre capacité d'action collective contre la fraude.
C'est pourquoi nous soutenons les protections pour les utilisateurs qui ont été inscrites dans le texte lors des débats à l'Assemblée nationale.
Ces garde-fous visent notamment à interdire la clôture d'un compte au seul motif qu'il a été signalé, à inscrire une obligation d'effectuer des déclarations correctives en cas de disparition du soupçon de fraude, ou encore à obliger l'établissement teneur du compte signalé à effectuer sans délai des vérifications sur le caractère frauduleux du compte.
Le Gouvernement souhaite également que l'efficacité de ce fichier national puisse être mesurée et évaluée dans le rapport annuel de l'OSMP, comme le prévoit l'article 1er bis de la proposition de loi.
Enfin, je tiens à mentionner ici les travaux en cours au niveau européen sur ces sujets.
La procédure de révision de la deuxième directive sur les services de paiement est parvenue au stade du trilogue, et elle devrait aboutir à la création d'un mécanisme européen de partage de données à des fins de lutte contre la fraude aux paiements.
Dans ces négociations, le Gouvernement est très attentif à veiller à la compatibilité entre les propositions européennes et le fichier dont nous débattons aujourd'hui.
La lutte contre la fraude doit également concerner les chèques. Ces derniers constituent de loin le moyen de paiement le plus fraudé, même si leur utilisation diminue depuis plusieurs années. Si le montant des opérations frauduleuses par chèque a fléchi de 25 % en 2024, il s'établissait tout de même à 270 millions d'euros en 2024. Les personnes qui utilisent le plus les chèques sont les personnes les plus fragiles et les plus vulnérables aux fraudes ; je songe notamment aux personnes âgées. Il est donc important de renforcer la panoplie à disposition des banques pour lutter contre ces fraudes. C'est l'enjeu des articles 2 et 3 du texte.
Cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 31 mars dernier. Elle vise à renforcer les moyens d'action des prestataires de services de paiement, tout en respectant scrupuleusement les droits des utilisateurs.
Le Gouvernement soutient pleinement ce texte et souhaite que celui-ci puisse entrer en vigueur sans délai.
J'appelle donc le Sénat à l'adopter de manière conforme, afin que ses dispositions puissent être mises en oeuvre rapidement.
La lutte contre les fraudes exige une mobilisation totale. Vous pouvez compter sur mon engagement sur ce sujet, comme je sais pouvoir compter sur la mobilisation de tous les parlementaires. Il s'agit d'une priorité qui doit nous rassembler, au-delà des clivages partisans, afin de répondre à une attente majeure de nos concitoyens.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je pense, madame la ministre, que votre appel sera entendu et que nous devrions parvenir à un vote conforme.
Nous passons beaucoup de temps, au travers des différents textes que nous examinons, à légiférer sur des aspects parcellaires de la lutte contre la fraude. Nous avons sans cesse le sentiment de « bricoler » des bouts de texte, sans avoir de vue d'ensemble. Considérant l'ampleur des enjeux et des problèmes, ce n'est pas une manière de procéder. Pardonnez-moi, mais nous avons quelque peu l'impression de vider l'océan avec une petite cuillère !
Mme Christine Lavarde. - C'est vrai !
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il est nécessaire de pouvoir répondre rapidement au problème de la fraude bancaire. Un simple clic peut parfois suffire à placer quelqu'un dans une situation très difficile. Tout le monde est concerné. Lorsque l'on doit aller vite et que l'on n'a pas forcément le temps, on est tous vulnérable. Certes, les personnes âgées sont particulièrement exposées à ce type de fraude, mais de nombreuses entreprises ont aussi été victimes de telles malversations. Même les professionnels du secteur sont parfois la cible d'escroqueries.
Je souscris évidemment aux orientations et aux propositions de notre rapporteur.
Je voudrais vous interroger sur la fraude au chèque bancaire. Les chèques sont de moins en moins utilisés. Disposez-vous d'éléments précis sur le recul de son usage et sur les perspectives d'évolution de recours à ce moyen de paiement ? En tout état de cause, si l'on constate que la fraude à ce moyen de paiement reste élevée, il conviendra de prendre des mesures pour y remédier et les aménagements prévus par la proposition de loi vont de ce point de vue dans le bon sens.
M. Marc Laménie. - Je remercie notre rapporteur pour sa présentation très pédagogique et passionnée.
Le nombre de chèques émis chaque année diminue. Un certain nombre de commerçants ou d'artisans n'acceptent d'ailleurs plus ce moyen de paiement. Le paiement par carte bancaire se développe de plus en plus, y compris pour de petites sommes, au détriment des espèces. Or les fraudes concernant les cartes bancaires sont très importantes. Elles frappent souvent les personnes les plus fragiles, notamment les personnes âgées. Les cartes peuvent être volées et les codes piratés. La proposition de loi prend-elle en compte cet aspect ?
M. Michel Canévet. - Je tiens à remercier notre rapporteur pour son engagement sur la question de la lutte contre la fraude sous toutes ses formes.
Il est très important de lutter contre la fraude bancaire. À cet égard, je voudrais attirer l'attention sur deux sujets, qui pourraient d'ailleurs être traités par voie réglementaire.
J'évoquerai tout d'abord la question des paiements par prélèvement Sepa. La durée de validité des mandats Sepa est très longue. En théorie, un mandat pour lequel aucun ordre de prélèvement Sepa n'a été présenté pendant 36 mois ne peut plus être utilisé, mais, en fait, il reste actif. Le scandale de l'affaire SFAM est ainsi lié à une utilisation, après une longue période d'inactivité, de mandats de prélèvement qui avaient été autorisés dans le passé et qui étaient encore actifs, car les clients n'avaient pas expressément demandé leur résiliation auprès de l'établissement bancaire. Les victimes ne s'étaient pas rendu compte immédiatement des prélèvements. Ce texte, s'il est adopté, permettra au pouvoir réglementaire de traiter ce problème.
Ensuite, il me semble important que les sociétés de financement puissent aussi avoir accès aux fichiers créés par le texte. Il est utile que ces opérateurs, qui dépendent des établissements bancaires et qui réalisent des opérations d'ampleur - de leasing par exemple -, puissent disposer d'informations sur ceux qui sont susceptibles de frauder.
M. Albéric de Montgolfier. - Je connais le cas d'une personne qui a été victime d'une usurpation d'identité. Grâce à son RIB, qui était valable, les escrocs ont pu mettre en place des prélèvements sur son compte bancaire, ouvrir de multiples lignes téléphoniques et appeler des numéros surtaxés. Ces opérations ont abouti à des prélèvements de plusieurs dizaines de milliers d'euros.
Pensez-vous que l'article 1er du texte permettrait de répondre à ce cas de figure ? J'en doute, car le RIB n'était pas suspect. Comment dès lors lutter contre ce type de fraude ? Est-il prévu d'instaurer un mécanisme d'alerte en cas de prélèvement ? Les victimes de ces arnaques découvrent toujours après coup que leur compte a été prélevé.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Monsieur le rapporteur général, selon les données de l'OSMP, on observe que l'utilisation des chèques a effectivement baissée de 48 % entre 2018 et 2023, ce qui vaut aussi bien pour le montant des transactions concernées que pour le nombre d'opérations réalisées, lequel est passé de 891 millions à 467 millions. La fraude au paiement par chèque reste néanmoins un sujet. On a ainsi constaté, dans certaines affaires, que des entreprises en difficulté ou en voie de liquidation avaient conservé, à des fins d'escroquerie, des formules de chèques pouvant encore être utilisées. Nous ne plaidons nullement pour l'interdiction des chèques, mais force est de constater que leur utilisation est manifestement en chute libre, sous l'effet du développement de nouveaux modes de paiement.
Monsieur Laménie, le texte ne concerne pas les cartes bancaires. Il porte uniquement sur les prélèvements et sur les virements pour ce qui concerne le fichier national des comptes signalés pour risque de fraude.
Monsieur de Montgolfier, les dispositions du texte que nous examinons permettent de répondre à la situation que vous avez évoquée, puisque l'Iban sera signalé dès qu'un virement ou un prélèvement aura été effectué sur le compte.
M. Albéric de Montgolfier. - Certes, mais il sera alors trop tard, car le mal sera fait !
L'idéal serait d'être alerté en cas de prélèvement. Le cas très concret que j'ai exposé a abouti à un préjudice de 60 000 euros, en raison de l'ouverture frauduleuse de lignes téléphoniques auprès de la société SFR, que je souhaite dénoncer publiquement, car son service de lutte contre la fraude ne fonctionne pas le dimanche, et les escrocs le savent ! Ils sont allés dans de petites boutiques, qui ont accepté d'ouvrir de multiples lignes téléphoniques, qui ont permis ensuite d'appeler des numéros surtaxés. Dans ce cas, l'Iban n'est pas suspect, mais lorsque la personne découvre les prélèvements quinze jours plus tard, le mal est fait.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Dans le cas que vous évoquez, les prélèvements sont répétitifs. L'article 1er, s'il était déjà en vigueur, ne permettrait pas, malheureusement, d'empêcher l'ouverture de la ligne téléphonique ni le premier prélèvement, mais il permettrait de signaler la fraude pour éviter les prélèvements ultérieurs.
M. Albéric de Montgolfier. - Il faudrait que l'on soit informé par une alerte lorsque notre compte est prélevé.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Monsieur Canévet, les sociétés de financement ne sont pas des établissements de crédit. Elles ne sont pas prestataires de services de paiement. C'est pourquoi elles ne sont pas concernées par ce texte. J'ai bien noté les pistes d'amélioration réglementaire que vous avez évoquées.
Enfin, notre rapporteur général a déploré, à juste titre, que nos travaux en matière de lutte contre la fraude soient saucissonnés. Le Sénat examinera ainsi, en séance publique, le 5 novembre prochain, la proposition de loi pour la sécurisation juridique des structures économiques face aux risques de blanchiment, qui découle des travaux de la commission d'enquête du Sénat sur la criminalité organisée. Puis, le 12 novembre, nous examinerons le projet de loi sur la fraude, qui portera sur la fraude fiscale et la fraude sociale, qui est un peu un texte « ramasse-miettes ». Madame la ministre, ce n'est vraiment pas une méthode de travail !
La commission des finances appelle depuis longtemps de ses voeux un « grand soir » de la lutte contre la fraude fiscale et la fraude sociale. Il est grand temps, tant pour des questions de sécurité que pour des questions budgétaires, de prendre ce sujet à bras-le-corps.
Mme Anne Le Hénanff, ministre déléguée. - Mme le rapporteur et M. le rapporteur général ont entièrement raison : nous devons avoir une vision globale du problème de la fraude. Pour l'instant, nous adaptons progressivement notre système. Nous devons faire preuve d'agilité, car les fraudeurs ont toujours un temps d'avance pour repérer les failles des dispositifs existants. Nous devons accepter l'idée que les fraudes vont se multiplier à l'avenir et être de plus en plus diverses et variées. Nous traitons aujourd'hui de la fraude bancaire, mais il existe bien d'autres formes de fraudes.
C'est en marchant que l'on apprend. Nous améliorons notre dispositif antifraude au fur et à mesure. La France est particulièrement en avance sur ce sujet par rapport à d'autres pays européens - il est parfois bon de comparer -, même si notre législation n'est pas suffisante. Toutefois, progressivement, nous réussirons à avoir une approche globale du problème. Nous avons donc, madame le rapporteur, les mêmes objectifs.
En ce qui concerne les chèques, la fraude recule plus vite que leur usage ne diminue. L'utilisation des chèques a diminué de 16 %, tandis que la fraude a baissé de 25 %. En fait, les fraudeurs ont bien compris que la fraude au chèque n'est pas ce qui rapporte le plus. Ils se tournent plutôt vers les paiements dématérialisés.
L'instauration de la double authentification a constitué récemment une grande avancée pour sécuriser les paiements par carte bancaire. Voilà une mesure qui protège les utilisateurs, tout en leur faisant prendre conscience qu'ils peuvent être une cible, car, comme vous le dites fort justement, la question est non pas de savoir si nous serons un jour victime d'une fraude, mais quand.
Monsieur Canévet, peut-être à l'avenir pourra-t-on ouvrir l'accès au nouveau fichier aux sociétés de financement, mais dans l'immédiat ce n'est pas possible en raison de l'application du RGPD. Les sociétés de financement sont des sociétés privées, et non des établissements bancaires. En raison de la législation sur les données à caractère personnel, il n'est pas possible de leur ouvrir l'accès à ce fichier à ce stade. Mais nous pouvons continuer à travailler sur le sujet pour lever ce frein.
M. Claude Raynal, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif de la proposition de loi. Nous vous proposons de considérer que ce périmètre inclut des dispositions relatives à la création d'un fichier aux fins de prévention, de recherche et de détection de la fraude en matière de paiement ; les dispositions relatives aux cas dans lesquels les prestataires de service de paiement ont l'obligation d'informer la Banque de France aux fins de mise à jour du fichier national des chèques irréguliers ; et les dispositions relatives à la mission d'information assurée par la Banque de France en matière de vérification de la régularité d'un chèque.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES SELON LA PROCÉDURE DE LÉGISLATION EN COMMISSION
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - L'article 1er contient la principale mesure de la proposition de loi. Il vise à créer un nouveau fichier centralisée géré par la Banque de France : le fichier national des comptes signalés pour risque de fraude. Ce fichier sera alimenté par les prestataires de services de paiement, c'est-à-dire principalement les banques, lorsque leur système de contrôle interne aura identifié un compte suspect. Les coordonnées du compte en question, c'est-à-dire son Iban, seront alors inscrites dans le fichier, ce qui imposera au teneur de compte de procéder aux diligences nécessaires pour déterminer si ce compte est frauduleux et pour le fermer le cas échéant.
J'ajoute que ce fichier n'aura pas de coût pour les finances publiques puisque les frais associés seront entièrement pris en charge par les prestataires de services de paiement.
Ce dispositif constituera un instrument utile pour lutter contre la fraude. Sa création est attendue par les acteurs de place.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter cet article sans modification.
L'amendement COM-1 rectifié bis, repoussé par le rapporteur et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté sans modification.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Cet article vise à inscrire dans la loi le fait que le rapport annuel de l'Observatoire de la sécurité des moyens de paiement devra inclure des indicateurs de performance relatifs au fonctionnement du fichier national des comptes signalés pour risque de fraude. Il est pertinent de mesurer la performance de nos instruments de lutte contre la fraude. Aussi je vous propose d'adopter cet article sans modification.
L'article 1er bis est adopté sans modification.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Cet article apporte une modification technique au fonctionnement du FNCI en inscrivant dans le code monétaire et financier une obligation pour les banques de réaliser un signalement à la Banque de France lorsqu'elles rejettent un chèque contrefait ou falsifié.
Cet article codifie utilement une pratique de place. Je vous propose par conséquent de l'adopter sans modification.
L'amendement COM-2 rectifié bis, repoussé par le rapporteur et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté sans modification.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Cet article apporte également une modification technique au fonctionnement du FNCI. Il prévoit la création d'un service d'interrogation du FNCI par les banques lorsqu'elles reçoivent un chèque à l'encaissement.
Dans l'état actuel du droit, les seules personnes autorisées à interroger le FNCI sont celles qui reçoivent un chèque comme paiement d'un bien ou service, ce qui n'est pas le cas du banquier qui reçoit un chèque à l'encaissement. Cet article vise à élargir à ces banquiers la possibilité d'interroger le FNCI. Cela permettra d'accélérer la détection de la fraude au chèque.
Je vous propose donc d'adopter cet article sans modification.
L'article 3 est adopté sans modification.
Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Cet article, ajouté par voie d'amendement à l'Assemblée nationale, procède aux coordinations juridiques nécessaires pour assurer la bonne application des dispositions du texte dans les territoires d'outre-mer.
Je vous propose d'adopter cet article sans modification.
L'article 4 est adopté sans modification.
Après l'article 4 (nouveau)
L'amendement COM-3 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
TABLEAU DES SORTS
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Article 1er |
|||
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
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M. BILHAC |
1 rect. bis |
Anticipation de la date d'entrée en vigueur de l'article 1er |
Rejeté |
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Article 1er bis (nouveau) |
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Article 2 |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
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M. BILHAC |
2 rect. bis |
Fixation d'un délai maximal de trois jours pour le signalement à la Banque de France par le tiré d'un cas de rejet d'un faux chèque |
Rejeté |
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Article 3 |
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Article(s) additionnel(s) après Article 4 (nouveau) |
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Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
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M. BILHAC |
3 rect. |
Modification de la définition de la notion d'authentification dans le code monétaire et financier |
Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier) |