II. MODÉRER LES ATTENTES VIS-À-VIS D'UN PROJET DE LOI PEU AMBITIEUX
Un citron du Brésil |
Les crevettes de Madagascar |
Le Gouvernement a présenté depuis plusieurs mois ce projet de loi comme une initiative majeure, à même d'avoir un effet économique significatif pour le pouvoir d'achat de nos compatriotes ultramarins.
Or, les différentes mesures proposées, même cumulées, ne devraient avoir qu'un effet mineur sur la formation des prix en outre-mer.
Il ne faut donc pas donner de faux espoirs : ce projet de loi ne fera pas disparaître le phénomène de la vie chère en outre-mer, il pourra tout au plus contribuer à améliorer modestement la situation en venant renforcer la législation en vigueur pour faciliter l'accès aux produits de première nécessité et lutter contre les abus.
De fait, ce projet de loi ne traite pas de questions essentielles qui pourraient permettre à l'économie des territoires ultramarins de se développer.
Il est totalement silencieux sur la question des revenus du travail et n'évoque que peu de pistes pour soutenir le tissu économique ultramarin et créer des emplois. Autre dossier majeur qui n'est pas même abordé : celui de l'insertion des territoires ultramarins dans leur environnement régional, qui est très largement insuffisante. Un ensemble de mesures disparates sans portée structurelle
Le projet de loi s'articule en quatre titres censés revaloriser le pouvoir d'achat de nos concitoyens ultramarins, améliorer la transparence sur les avantages commerciaux consentis par les industriels aux distributeurs, renforcer la concurrence sur ces territoires et soutenir le tissu économique de chacun de ces territoires.
A. SOUTENIR LE POUVOIR D'ACHAT
L'article 1er exclut, dans les collectivités territoriales ultramarines, le prix du transport des produits du seuil de revente à perte. La commission a supprimé cet article, estimant que son impact réel sur les prix serait incertain et qu'il serait susceptible de renforcer les positions dominantes des gros distributeurs, de fragiliser le commerce de proximité et de pénaliser la production locale.
L'article 2 modifie le régime du bouclier qualité-prix (BQP). Il l'étend aux services, de sorte qu'il ne soit plus limité aux produits de consommation courante, et introduit un objectif de santé publique et de réduction des écarts de prix avec la France hexagonale.
La commission a adopté deux amendements, l'un qui prévoit que l'élaboration de la liste des produits qui composent le BQP doit prendre en compte, outre les impératifs de santé publique, ceux de promotion des produits locaux, l'autre visant à rendre obligatoire la négociation chaque année d'un BQP dédié aux services.
L'article 3 précise les conditions dans lesquelles le Gouvernement peut réglementer le prix des produits de première nécessité outre-mer et donne la faculté au président de l'observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR) de saisir le préfet en cas de variation excessive des prix. La commission a adopté deux amendements identiques qui étendent aux présidents des exécutifs locaux, en plus des présidents des OPMR, la faculté de saisir le représentant de l'État dans ces situations.
L'article 4 institue, dans le cadre d'une expérimentation, un service public de gestion logistique en Martinique dit « E-Hub », pour une durée de cinq ans. Il serait confié par l'État à un opérateur privé, dans le cadre d'un contrat de concession, afin de remédier à la carence de l'initiative privée sur ce territoire en matière de mutualisation des flux logistiques.
La commission a adopté trois amendements à cet article pour prévoir que :
- le E-Hub bénéficie en priorité aux entreprises établies en Martinique, tant pour leurs activités d'importation que d'exportation ;
- les entreprises qui y ont recours doivent respecter des critères de responsabilité sociale et environnementale définis par décret ;
- les autres collectivités territoriales ultramarines puissent demander à leur tour à l'État la mise en place d'un E-Hub deux ans après la promulgation de la présente loi.
L'article 5 habilite le Gouvernement à mettre en place, par ordonnance, un mécanisme de péréquation visant à réduire les frais d'approche des produits de première nécessité importés dans les collectivités territoriales ultramarines, ce qui aurait pour conséquence de majorer ces frais pour d'autres catégories de produits. La commission a supprimé cette habilitation, dans l'attente de la proposition d'un dispositif par le Gouvernement en séance publique.