C. DES MODALITÉS DE DISCUSSION COMPLEXIFIÉES PAR L'ABSENCE DE MAJORITÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. Rappel des principales règles de discussion du PLFSS
a) Un texte qui doit être examiné dans un délai de 50 jours et promulgué avant le 1er janvier

Les délais d'examen du PLFSS par le Parlement sont synthétisés par le schéma ci-après.

Délais d'examen du PLFSS par le Parlement

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Depuis la révision en 2022 des dispositions organiques du code de la sécurité sociale (CSS), l'article L.O. 111-6 du CSS prévoit que le PLFSS est déposé au plus tard le 1er mardi d'octobre (et non le 15 octobre comme auparavant). Cette date est donc désormais la même que celle du PLF.

Selon l'article 47-1 de la Constitution, l'Assemblée nationale dispose d'un délai de 20 jours pour examiner le projet de loi. À l'expiration de ce délai, le Gouvernement le transmet au Sénat, que l'Assemblée l'ait examiné dans son intégralité ou pas, en retenant le cas échéant les amendements adoptés et acceptés par lui.

Le Sénat dispose alors de 15 jours pour analyser le texte, en débattre, éventuellement le modifier et le voter en première lecture.

Si, au total, le Parlement ne s'est pas prononcé dans le délai de 50 jours depuis le dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement dispose de la faculté d'en mettre en oeuvre les dispositions par ordonnance.

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, et de manière analogue à ce qui est le cas pour le PLF, les délais de 50 et 20 jours ne courent qu'à compter de la lettre du Gouvernement récapitulant les annexes du PLFSS. Habituellement, cette lettre est transmise mi-octobre à l'Assemblée nationale, ce qui permet d'allonger le délai de plus de deux semaines. Par ailleurs, le point de départ du délai de 15 jours dont dispose le Sénat est la date de transmission du texte au Sénat par le Gouvernement, ce qui permet habituellement au Sénat de disposer d'une semaine supplémentaire.

b) Les règles en cas de non-respect du délai de 50 jours ou d'absence de texte au 1er janvier

Le tableau ci-après synthétise les règles constitutionnelles et organiques applicables au PLF et au PLFSS si le Parlement ne se prononce pas dans le délai constitutionnel ou en cas d'impossibilité de promulguer le texte avant le début de l'exercice.

Conséquences d'un non-respect du délai de 70 jours (PLF) ou 50 jours (PLFSS) ou d'une absence de loi au 1er janvier

 

PLF

PLFSS

Si le Parlement ne se prononce pas dans le délai constitutionnel

   

Délai

Art. 47 C et 40 LOLF : 70 jours

Art. 47-1 C : 50 jours

Procédure

Art. 47 C et 40 LOLF : mise en oeuvre par ordonnance

Art. 47-1 C : mise en oeuvre par ordonnance

Si le texte ne peut être promulgué avant le début de l'exercice

Art. 47 C et 45 LOLF : autorisation de percevoir les impôts (1re partie PLF ou loi spéciale) et ouverture par décret des services votés

• Pas de procédure prévue

• Domaine exclusif de la LFSS : autorisation de recourir à l'emprunt

• 2025 : « loi spéciale »24(*)

C : Constitution. Lolf : loi organique relative aux lois de finances. PLF : projet de loi de finances. PLFSS : projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Si le Parlement ne se prononce pas dans le délai constitutionnel (de 70 jours pour le PLF et 50 jours pour le PLFSS), le Gouvernement peut mettre en oeuvre le projet de loi par ordonnance.

Si le Parlement rejette le texte, une mise en oeuvre par ordonnance n'est bien entendu pas possible.

Si le texte ne peut être promulgué avant le début de l'exercice, il convient d'assurer la continuité de la vie nationale. Ainsi, dans le cas du PLF, la Constitution et la loi organique prévoient que le Gouvernement doit obtenir du Parlement l'autorisation de percevoir les impôts (dans la première partie du PLF ou dans une loi spéciale) et ouvrir par crédit les services votés.

Aucune disposition constitutionnelle ou organique ne prévoit en revanche ce qui se passe en cas de rejet du PLFSS par le Parlement.

Certes, la situation est différente de celle du budget de l'État. La sécurité sociale n'a pas besoin d'une autorisation de percevoir les cotisations sociales ou de réaliser les dépenses. Par ailleurs, l'autorisation de percevoir les impôts affectés résulte de la loi de finances, leur affectation aux différentes branches étant prévue par l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, régulièrement modifiée par les LFSS25(*).

Toutefois, il résulte de l'article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale que les plafonds d'emprunt de la sécurité sociale, comme celui de l'Acoss, sont du domaine exclusif des LFSS. Pour mémoire, du fait des déficits accumulés, ce plafond est en 2025 de 65 milliards d'euros pour la seule Acoss, et le présent PLFSS prévoit de porter ce montant à 83 milliards d'euros en 2026. En l'absence de telles dispositions, la sécurité sociale ne pourrait pas financer sa trésorerie, et certaines prestations ne pourraient donc être versées.

La solution retenue dans le cas du PLFSS pour 2025 a consisté à insérer un article ad hoc dans la loi spéciale prévue dans le cas de l'État (cf. infra).

2. La discussion du PLFSS pour 2025
a) Une discussion complexe, avec l'adoption d'une loi spéciale

La discussion du PLFSS pour 2025 a été particulièrement complexe, comme l'illustre le schéma ci-après.

Calendrier de discussion du PLFSS pour 2025

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

Le texte a été déposé le 10 octobre, soit neuf jours après la limite organique du premier mardi d'octobre. L'Assemblée nationale n'ayant pas pu examiner la totalité du texte dans son délai de 20 jours, le texte a été transmis au Sénat avec les seuls amendements acceptés par le Gouvernement.

La commission mixte paritaire (CMP) est parvenue à adopter des conclusions, pour la première fois depuis le PLFSS pour 2011.

Toutefois, le gouvernement de Michel Barnier a été censuré après avoir engagé sa responsabilité devant l'Assemblée nationale sur le texte de la CMP, ce qui a amené à adopter une « loi spéciale », notamment pour autoriser la sécurité sociale à emprunter.

Afin de respecter la lettre de l'article 45 de la Constitution26(*), et d'éviter tout risque d'inconstitutionnalité, le Sénat a examiné le texte de la CMP, qu'il a en l'occurrence adopté.

Conformément à l'article 45 de la Constitution, le texte examiné en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale a été le texte adopté par le Sénat avant la CMP. Le Gouvernement a eu recours au troisième alinéa de l'article 40 de la Constitution sur chacune des trois parties du texte, qui était donc considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

Le Sénat a adopté le texte conforme le 17 février 2025.

b) Des mesures d'amélioration du solde fortement réduites au cours des débats

L'absence de majorité à l'Assemblée nationale s'est également traduite par la forte réduction des mesures d'amélioration du solde au cours des débats.

Comme le montre le graphique ci-après, le déficit prévisionnel de la sécurité sociale pour les années 2025 à 2028, déjà très élevé en 2024, s'est aggravé de manière continue au cours des versions successives du texte.

Solde de la sécurité sociale (Robss + FSV) :
prévision des versions successives du texte

(en milliards d'euros)

 

2023

2024 (p)

2025 (p)

2026 (p)

2027 (p)

2028 (p)

Texte initial et texte transmis par le Gouvernement au Sénat

Recettes

600,0

625,3

645,4

663,6

684,3

702,5

Dépenses

610,7

643,4

661,5

681,4

701,6

722,4

Solde

- 10,8

- 18,0

- 16,0

- 17,7

- 17,2

- 19,9

Texte adopté par le Sénat en première lecture

Recettes

600,0

624,8

646,5

665,8

686,1

706,2

Dépenses

610,7

643,4

661,5

681,4

701,5

722,2

Solde

- 10,8

- 18,5

- 15,0

- 15,6

- 15,4

- 16,0

Texte proposé par la CMP et texte sur lequel le gouvernement Barnier a été censuré

Recettes

600,0

624,8

642,6

660,5

680,6

700,4

Dépenses

610,7

643,4

660,9

680,8

701,1

721,9

Solde

- 10,8

- 18,5

- 18,3

- 20,3

- 20,5

- 21,5

Texte adopté en nouvelle lecture

Recettes

600,0

624,7

644,3

662,2

682,6

702,5

Dépenses

610,7

642,9

666,4

685,4

705,6

726,6

Solde

- 10,8

- 18,2

- 22,1

- 23,2

- 23,0

- 24,1

FSV : Fonds de solidarité vieillesse. Robss : régime obligatoire de base de sécurité sociale.

NB : Les montants, non actualisés, sont ceux indiqués par le Gouvernement lors de l'examen du texte.

Source : Commission des affaires sociales, d'après les textes indiqués

Cette dégradation du solde provient de la réduction au cours des débats des mesures d'amélioration du solde.

Comme dans le texte initial, les mesures se répartissaient à peu près également entre recettes et dépenses.

Toutefois leur montant est passé d'environ 15 milliards d'euros à 9 milliards d'euros.

Si les mesures réglementaires prévues ont été analogues à celles initialement envisagées (6 milliards d'euros, contre 8,1 milliards d'euros), les mesures législatives ont été divisées par plus de 2 (passant de 7,3 milliards d'euros à 2,8 milliards d'euros).

Principales mesures prévues pour 2025 : états successifs du PLFSS pour 2025

(en milliards d'euros)

Un montant positif indique une amélioration du solde,
un montant négatif une dégradation du solde

Première lecture

Texte proposé par la CMP

Nouvelle lecture (Assemblée)

Texte initial3

Texte Sénat

Principales mesures réglementaires améliorant le solde

8,1

8,1

9,0

6,3

Freinage de la trajectoire de l'Ondam (« dépenses au titre des soins de ville, des produits de santé et des établissements sanitaires et médico sociaux ») 1,2

4,9

5,5

6,1

4,3

dont maîtrise des prix des produits de santé, et des volumes

1,4

ND

ND

ND

dont ticket modérateur

1,1

ND

ND

ND

dont optimisations des achats à l'hôpital

0,7

ND

ND

ND

dont indemnités journalières (baisse du plafond)

0,6

ND

ND

ND

dont gage de la hausse des taux de la CNRACL pour les employeurs de la FPT 1

1,1

ND

ND

ND

dont « effort supplémentaire de 600 millions d'euros sur le médicament qui sera contractualisé avec les industries de santé » 2

 

0,6

0,6

0,6

dont « 600 millions d'euros de mesures complémentaires de modération de la dépense et d'efficience, qui devront notamment être documentées par des mesures réglementaires » 2

 

 

0,6

0,0

Hausse du taux de cotisation à la CNRACL

2,3

1,7

1,7

1,7

Hausse des taux de l'évaluation forfaitaire de l'avantage en nature relative aux véhicules de fonction

0,3

0,3

0,3

0,3

Accord sur les cotisations de retraite des travailleurs transfrontaliers 

0,3

0,3

0,3

0,0

Fusion des sections hors Ondam - recettes fiscales indéterminées 

0,3

0,3

0,3

ND

« Élargir l'assiette soumise à cotisation et à écrêter les niches socio-fiscales » 2

 

 

0,2

0,0

« Mesures d'efficience dans la gestion des organismes de sécurité sociale » 2

 

 

0,1

0,0

Principales mesures législatives améliorant ou dégradant le solde

7,3

9,7

3,0

2,8

Reprofilage des allègements généraux

4,1

3,1

1,6

1,6

Revalorisation des retraites

2,9

2,5

0,0

0,0

Contribution de solidarité par le travail

 

2,5

0,0

0,0

Attributions gratuites d'actions

 

0,5

0,5

0,5

Obligation d'utiliser le dossier médical partagé et mesures contre la fraude

 

0,5

0,5

0,5

Réduction de niches sociales (contrats d'apprentissage, entreprises d'armement maritime, jeunes entreprises innovantes)

0,3

0,1

0,1

0,1

Réforme de la taxe sur les boissons sucrées

 

0,2

0,2

0,2

Réforme de la fiscalité des jeux

 

0,23

0,2

0,2

Augmentation de la fiscalité sur le tabac

 

0,2

0,0

0,0

Économies sur les médicaments biosimilaires

 

0,2

0,2

0,2

Fonds d'urgence pour les Ehpad

 

- 0,1

- 0,1

- 0,3

Départements (PCH et APA)

 

- 0,2

- 0,2

- 0,2

Total

15,4

17,8

12,0

9,1

Recettes

7,6

9,4

5,4

4,5

Dépenses

7,8

8,4

6,6

4,5

1 Les économies globales indiquées pour l'Ondam sont celles du rapport annexé au PLFSS (article 14 du PLFSS). Elles diffèrent de celles figurant dans l'annexe 3 au PLFSS (1,6 milliard d'euros pour le texte initial), qui, comme le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, intègre certaines mesures « habituelles » dans la croissance spontanée ; et de celles figurant dans le rapport économique, social et financier (Resf) annexé au PLF (3,8 milliards d'euros), « 1,1 milliard d'euros d'économies sur l'Ondam ayant vocation », selon la direction de la sécurité sociale, « à gager la hausse de taux CNRACL de 2025 pour les employeurs de la FPT [fonction publique territoriale] ».

Expressions figurant dans le rapport annexé (article 14 du PLFSS).

3 La réforme de la fiscalité des jeux résulte d'une modification apportée en première lecture par l'Assemblée nationale et maintenue dans le texte transmis au Sénat.

Source : Commission des affaires sociales, d'après : pour la version initiale, l'annexe 3 du PLFSS et le rapport économique, social et financier (Resf) annexé au PLF ; pour les versions suivantes, les données transmises par le Gouvernement et les estimations de la commission des affaires sociales

3. Les conditions de discussion du présent PLFSS
a) L'annonce du Premier ministre de l'absence de recours à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution et une lettre rectificative décalant d'une génération les mesures d'économie de la réforme des retraites de 2023

Lors de son discours de politique générale le 14 octobre 2025, le Premier ministre a annoncé sa décision de ne pas recourir à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution afin de faire adopter ce texte. Il a également formulé une proposition de « suspension » de la réforme des retraites de 2023 (cf. infra et commentaire de l'article 45 bis). Il a également indiqué la tenue d'une « conférence sur les retraites et le travail ».

Le 23 octobre 2025, le Conseil des ministres a adopté une lettre rectificative, qui insère au PLFSS un article 45 bis mettant en oeuvre la mesure relative aux retraites, sous la forme d'un décalage d'une génération de la mise en oeuvre des mesures de la réforme de 2033 tendant à repousser l'âge de départ à la retraite.

La déclaration du Premier ministre sur les retraites
lors de son discours de politique générale (14 octobre 2025)

« Je proposerai au Parlement dès cet automne que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu'à l'élection présidentielle. Aucun relèvement de l'âge n'interviendra à partir de maintenant jusqu'à janvier 2028, comme l'avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d'assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu'à janvier 2028.

Mais je le dis ici très directement : suspendre pour suspendre n'a aucun sens. La suspension en préalable de rien serait irresponsable. Cette suspension doit installer la confiance nécessaire pour bâtir de nouvelles solutions. La suspension pour faire mieux est la solution, si chaque acteur sait en tirer quelque chose.

Mesdames et messieurs les parlementaires, résumons : l'Assemblée voulait que je n'utilise pas le 49-3 : je m'y suis engagé.

L'Assemblée voulait débattre à nouveau des retraites : elle en débattra, et chaque parlementaire pourra défendre ses opinions. L'Assemblée voulait que le gouvernement suspende la réforme en attendant un débat, une solution, un vote. Je le fais. Ce qui permettra d'éclairer le débat lors de la future élection présidentielle. Mais je veux être très clair : je n'endosserai pas n'importe quoi. Le coût de la suspension pour notre système de retraite est de 400 millions d'euros en 2026 et de 1,8 milliard d'euros en 2027. Cette suspension bénéficiera, à terme, à 3,5 millions de Français. Elle devra donc être compensée financièrement, y compris par des mesures d'économie. Elle ne pourra pas se faire au prix d'un déficit accru.

J'ai pris des engagements, ceux que les oppositions demandaient. J'en prends un supplémentaire et il doit être entendu par chacun, y compris, mesdames et messieurs les députés, par nos prêteurs sur les marchés financiers : je n'endosserai pas un résultat qui mettrait en danger la crédibilité de notre pays, et encore moins notre système de retraite tout entier. Je fais des pas en avant, à chacun, aussi, d'en faire.

Mesdames et messieurs les parlementaires, je veux être encore plus précis. Suspendre doit être une opportunité. Débattre de la question des retraites n'est pas seulement une équation financière. Elle est partie intégrante de notre contrat social. Et ce contrat a besoin, lui aussi, d'une refondation, d'innovations, de ruptures. Ce gouvernement est prêt à renforcer le paritarisme, à faire confiance à la démocratie sociale.

Une fois encore, suspendre la réforme n'a de sens que si c'est pour aller plus loin. Je propose, dans les prochaines semaines, d'organiser une Conférence sur les retraites et le travail, en accord avec les partenaires sociaux. Grâce à la suspension, cette Conférence aura le temps de se prononcer avant l'élection présidentielle.

Elle se posera la question de l'ensemble de la gestion de notre système de retraite. Certains veulent des systèmes par points, d'autres par capitalisation, d'autres veulent abandonner toute référence d'âge. Mais ces propositions ne valent que si l'on sait qui est responsable. Aux partenaires sociaux de s'emparer ou non de cette responsabilité de gérer le régime.

Ce serait revenir aux sources historiques de notre modèle de retraite, c'est d'ailleurs ce que font toujours nos voisins européens. Le gouvernement y est prêt. J'ai confiance dans la démocratie sociale, confiance dans la démocratie parlementaire. Si la conférence conclut, le Gouvernement transposera l'accord dans la loi, et le Parlement décidera. Sinon, il appartiendra aux candidats à l'élection présidentielle de faire leurs propositions, et aux Français de les trancher.

Elle pourra rendre ses premières conclusions au printemps prochain. »

La procédure de la lettre rectificative

La lettre rectificative permet au Gouvernement de modifier ou de compléter le texte d'un projet de loi déjà déposé sur le bureau d'une assemblée parlementaire27(*).

Bien que la procédure soit rare, le Gouvernement y a eu recours à plusieurs reprises ces dernières années28(*).

Selon l'article 39 de la Constitution, « la présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique ». Dans son article 8, cette loi organique (n° 2009-403 du 15 avril 200929(*)) prévoit que « les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact », dont elle précise le contenu.

Dans le cas des PLFSS, l'article L.O. 111-4-1 du code de la sécurité sociale prévoit qu'est jointe au PLFSS une annexe comprenant cette étude d'impact30(*). Celle-ci correspond à l'annexe 9 au PLFSS. Cette obligation ne s'applique toutefois qu'aux dispositions non exclusives des PLFSS31(*).

Selon le secrétariat général du Gouvernement et le Conseil d'État, « la lettre rectificative obéit aux prescriptions relatives aux projets de loi de l'article 39 de la Constitution : elle est soumise au Conseil d'Etat, puis au conseil des ministres, comme un projet de loi ordinaire. Elle doit faire l'objet d'une étude d'impact, qui peut prendre la forme d'une modification de l'étude d'impact du projet de loi initial »32(*).

Une version complétée de l'annexe 9 au PLFSS, comprenant l'évaluation préalable de l'article 45 bis, a bien été déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale et mise en ligne sur le site de celle-ci.

b) Le texte transmis par le Gouvernement

Le délai organique de 20 jours courait à partir du dépôt de la lettre rectificative le 23 novembre, et expirait donc le mercredi 12 novembre à minuit - date à laquelle l'Assemblée nationale n'avait pas achevé l'examen du texte.

L'article L.O. 111-7 du code de la sécurité sociale dispose que « si l'Assemblée nationale n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale dans le délai prévu à l'article 47-1 de la Constitution, le Gouvernement saisit le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié le cas échéant par les amendements votés par l'Assemblée nationale et acceptés par lui ».

Le Gouvernement a fait le choix de transmettre au Sénat le texte modifié par l'ensemble des amendements adoptés par l'Assemblée nationale.


* 24 Loi n° 2024-1188 du 20 décembre 2024, en particulier son article 4.

* 25 Dans leur article dit « article tuyau » (article 12 du présent PLFSS).

* 26 Selon lequel « le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées ».

* 27 Cf. notamment Conseil constitutionnel, décisions n° 78-100 DC du 29 décembre 1978 ; n° 90-285 DC du 28 décembre 1990 ; n° 2000-433 DC du 27 juillet 2000.

* 28 Le recours à la procédure de la lettre rectificative a eu lieu, notamment, dans le cas du projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique (loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019) ; du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière soumises respectivement au conseil des ministres du 18 mars et du 17 juin 2020 (loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020) ; du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi n° 2022-217 du 21 février 2022).

* 29 Loi organique relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.

* 30 Selon l'article L.O. 111-4-1 précité, est jointe au PLFSS une annexe « comportant, pour les dispositions relevant du paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 1 du présent chapitre, les documents mentionnés aux dix derniers alinéas de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ».

* 31 « Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) font l'objet d'exigences comparables à celles des projets de loi ordinaire pour leurs dispositions non exclusives. La réalisation d'une étude d'impact est prévue à l'article L.O. 111-4-1 du code de la sécurité sociale (dont le 9° renvoie à l'article 8 de la loi organique du 15 avril 2009) et les études d'impact figurent à l'annexe 9 du PLFSS. L'évaluation ne porte que sur les dispositions relevant du domaine facultatif, tel que défini au V de l'article L.O. 111-3 du code la sécurité sociale » (circulaire du Premier ministre n° 6502/SG, 1er septembre 2025).

* 32 Source : Secrétariat général du Gouvernement, Conseil d'État, fiche 2.2.4. « Discussion parlementaire des projets de loi », in Guide de légistique (fiche 2.2.4. datée du 25 novembre 2024).

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