B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR GÉNÉRAL
Les sections qui suivent présentent les principales ouvertures et annulations de crédits et appelant des observations spécifiques. Les montants sont, sauf mention contraire, identiques en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
1. Les réévaluations de dépenses à caractère social
Le collectif budgétaire de fin de gestion réévalue couramment le montant de dépenses, souvent de guichet ou à caractère social, dont le niveau dépend du flux des demandes en cours d'année.
Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires » souffre d'une sous-budgétisation systématique en loi de finances initiale, ce qui nécessite des ouvertures de crédits de 150 à 250 millions d'euros en cours d'année (tous projets de loi de finances rectificative ou de fin de gestion confondus), et même 440 millions d'euros en 2020 et 700 millions d'euros en 2021.
L'ouverture de crédits de 119,5 millions d'euros proposée par le présent projet de loi de finances de fin de gestion, est la plus faible ouverture de crédits en cours d'année depuis plus de 10 ans. Il n'en reste pas moins que ces ouvertures de crédits, même limitées, sont le signe d'une budgétisation insuffisante en loi de finances initiale ou d'une insuffisante maîtrise des dépenses en cours d'année, alors que l'année 2025 n'a pas été marquée par des crises particulières.
Prévision et exécution des crédits sur le programme 177
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Une ouverture de crédits importante est également demandée pour le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », à hauteur de 327,0 millions d'euros, au titre de la prime d'activité. Le projet de loi présente le motif de ces ouvertures comme résultant de la forte dynamique de la prime d'activité. Cette dynamique conduit donc à dépasser le niveau des crédits initialement ouverts dans la loi de finances initiale pour 2025, dans la mesure où l'ouverture demandée dans le présent projet de loi de finances de fin de gestion excède le montant des annulations intervenues en cours de gestion (18,5 millions d'euros).
La nécessité de procéder à d'importantes ouvertures de crédits au titre de la prime d'activité en fin d'année est une source d'inquiétude. En effet, la majorité des économies attendues en 2025 et en 2026 sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » résultaient de l'effet de mesures paramétriques permettant de réduire significativement le coût de ce dispositif pour les finances publiques. Si ces mesures s'avéraient inefficaces, c'est la soutenabilité de l'ensemble de la mission qui pourrait être mise en question.
De même, les besoins relevant de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) sont rehaussés de 121,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 121,4 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 157 « Handicap et dépendance » de la même mission.
Enfin, trois programmes de la mission « Régimes sociaux et de retraite » font l'objet d'ouvertures de crédits plus limitées, tendant à prendre en compte les prévisions de recettes et de dépenses des différents régimes23(*).
2. Les autres mouvements de crédits significatifs, dont les compensations de charges du service public de l'énergie et les crédits de l'audiovisuel public
Outre les dépenses à caractère social, certaines dépenses du budget général et des comptes spéciaux ont un caractère peu pilotable et peuvent nécessiter une réévaluation en cours d'année.
Le montant d'ouvertures de crédits le plus important, qui concerne le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », constate la réévaluation à la hausse, dans une délibération de la CRE du 10 juillet dernier24(*), des compensations de charges de service public de l'énergie dues par l'État au titre de l'année 2025. Il nécessite une ouverture de crédits de 1 125,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1 144 millions d'euros en crédits de paiement.
Sur le programme 114 « Appels en garantie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État », une sinistralité plus importante que prévu en 2025 sur les prêts garantis par l'État conduit à réévaluer les besoins et demander des crédits supplémentaires de 425,0 millions d'euros.
Sur la même mission, les crédits du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État », en revanche, font l'objet d'une annulation importante de 2 879,4 millions d'euros. La baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) a en effet contribué à tirer à la baisse les taux courts d'une manière plus importante qu'il n'avait été anticipé. Les crédits de ce programme sont évaluatifs et cette révision permet surtout de donner une image plus sincère des comptes prévisionnels de l'année.
Les deux programmes de la mission « Remboursements et dégrèvements » font l'objet d'annulations de crédits, à hauteur de 3 111,2 millions d'euros pour les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (programme 200) et de 118,8 millions d'euros pour ceux portant sur les impôts locaux (programme 201). Ces crédits, qui sont évaluatifs, tendent à s'adapter aux prévisions de recettes fiscales. Lors de son audition devant la commission des finances le 12 novembre 2025, la ministre de l'action et des comptes publics a expliqué que les remboursements et dégrèvements sont en baisse de 3,3 milliards d'euros pour la TVA et de 1,5 milliard d'euros pour l'impôt sur le revenu, mais qu'ils sont en hausse de 1,4 milliard d'euros pour l'impôt sur les sociétés.
Par ailleurs, la mission « Investir pour la France de 2030 » fait l'objet d'une ouverture de crédits de 242,0 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 45,5 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 425 « Financement structurel des écosystèmes d'innovation », afin de financer, par redéploiement de crédits, des aides structurelles à l'innovation. En crédits de paiement, ce financement nouveau atteint même 83 millions d'euros si l'on prend en compte un moindre besoin d'abondement de la trésorerie des organismes gestionnaires des crédits, à hauteur de 37,5 millions d'euros.
Ces redéploiements correspondent à des annulations de crédits sur les autres programmes de la mission25(*), lesquels font également l'objet de prélèvements sur la trésorerie excédentaire des organismes gestionnaires.
Si le principe du prélèvement sur la trésorerie excédentaire doit être approuvé, le Parlement n'est pas suffisamment informé sur le niveau de la trésorerie des opérateurs du plan France 2030, comme l'ont rappelé les rapporteurs spéciaux de la mission devant la commission le 29 octobre dernier26(*). Quant aux redéploiements de crédits entre programmes, ils peuvent relever d'une volonté de gérer les crédits de la manière la plus efficiente, mais cette pratique est peu transparente et limite la possibilité de suivi et de contrôle par le Parlement.
Hors du budget général, le compte de concours financiers « Audiovisuel public » fait l'objet, comme en 2024, d'ajustements de crédits afin de régulariser le montant de la compensation par l'État des effets fiscaux résultant de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Des crédits sont ainsi ouverts à hauteur de 9,9 millions d'euros sur le programme 844 « France Médias Monde » et de 0,7 million d'euros sur le programme 847 « TV5 Monde », tandis qu'ils sont annulés à hauteur de 0,2 million d'euros sur le programme 842 « ARTE France ».
Ces montants sont surtout significatifs pour le France Médias Monde, dont ils représentent 19,6 % des crédits non consommés, qui s'établissaient à 50,7 millions d'euros27(*).
S'agissant du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », une prévision de recettes plus élevée que prévu conduit logiquement à un rehaussement de 39,5 millions d'euros des crédits du programme 755 « Désendettement de l'État ». Ce programme, dont les crédits étaient de 724,9 millions d'euros en loi de finances initiale, reçoit en effet une fraction du produit des amendes forfaitaires, laquelle, retracée dans les recettes du compte d'affectation spéciale à l'état A annexé au projet de loi de finances de fin de gestion, est en hausse de + 84,1 millions d'euros . Ce montant est reversé par le programme 755 au budget général et contribue donc effectivement à la réduction du déficit budgétaire : la ligne 2501 de l'état A, annexé au projet de loi de finances, fait l'objet d'un abondement du même montant.
Le programme 833 « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes » du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » fait, pour sa part, l'objet d'une annulation de 856,3 millions d'euros, soit 0,6 % des 134,1 milliards d'euros ouverts en loi de finances initiale. Le solde de ce compte reste toutefois quasiment stable, car, comme il a été vu supra, le montant des recettes fait l'objet d'une révision à la baisse de 826,4 millions d'euros.
3. Les dépenses liées à la défense
D'importantes ouvertures de crédits concernent les dépenses liées à la défense et liées à la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire.
Sur la mission « Défense » proprement dite, les ouvertures de crédits portent d'une part sur le programme 212 « Soutien de la politique de la défense », à hauteur de 209 millions d'euros sur les crédits de personnel, afin de couvrir les surcoûts opérationnels. Sur le programme 146 « Équipement des forces », des crédits de paiement sont ouverts à hauteur de 140 millions d'euros afin d'acquérir des armements.
C'est également la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire qui explique, selon l'exposé des motifs du projet de loi de finances de fin de gestion, l'ouverture de 60 millions d'euros de crédits sur le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » de la mission « Recherche et enseignement supérieur », afin de financer la recherche duale dans le domaine aérospatial. Ce montant d'ouverture est important puisqu'il conduit presque à doubler les crédits de ce programme, qui étaient de 72,7 millions d'euros en loi de finances initiale et sur lesquels 30,3 millions d'euros de crédits étaient encore disponibles au 12 novembre 202528(*). Ce rehaussement permet de rétablir en grande partie les crédits prévus pour ce programme par le projet de loi de finances pour 2025, avant leur réduction par un amendement d'origine gouvernementale29(*), et de les rapprocher des crédits, à hauteur de 150 millions d'euros, qui sont demandés pour l'année prochaine par le projet de loi de finances pour 2026.
4. La prise en compte d'éléments imprévus
Le projet de loi de finances de fin de gestion permet aussi de prendre en compte différents éléments survenus en cours de gestion, non prévus en loi de finances initiale ou dont les effets avaient été sous-estimés.
Une ouverture de 45,3 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » de la mission « Outre-mer » porte sur des dépenses liées à des crises à Mayotte et à La Réunion.
Toujours concernant les outre-mer, des crédits de 2,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 5,0 millions d'euros en crédits de paiement sont demandés sur le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « Santé » pour combler les déficits de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna et financer la hausse des dépenses d'indemnisation des victimes de la Dépakine. L'agence de santé de Wallis-et-Futuna avait pourtant reçu une dotation de plus de 50 millions d'euros en début d'année30(*) afin, précisément, d'engager la résorption de son déficit structurel. De même, 24,4 millions d'euros étaient prévus pour l'indemnisation, pour le compte de l'État ou en substitution d'autres responsables (exploitants et professionnels de santé) des victimes de la Dépakine.
Sur la mission « Sécurités », des ouvertures de crédit sont demandées pour les programmes 176 « Police nationale » (39,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 13,8 millions d'euros en crédits de paiement) et 152 « Gendarmerie nationale » (40,0 millions d'euros en autorisations d'engagement et 54,8 millions d'euros en crédits de paiement) pour divers motifs liés à l'activité des forces de l'ordre, concernant notamment le dispositif de sécurisation en Nouvelle-Calédonie et les conséquences du cyclone à Mayotte, ainsi que pour financer la remise à niveau de leur parc automobile.
Des besoins complémentaires apparus sur la dotation de solidarité en faveur des événements climatiques (DSEC) justifient une ouverture de crédits de 13,6 millions d'euros en autorisations d'engagement sur le programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Par ailleurs, sur le programme 305 « Stratégies économiques » de la mission « Économie », une ouverture de 59,0 millions d'euros en autorisations d'engagement et 21,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit 8,9 % des autorisations d'engagement et 3,0 % des crédits de paiement ouverts sur ce programme, doit permettre, selon l'exposé des motifs, de régulariser la rémunération de la Banque de France. Ce programme finance en effet les subventions versées à la Banque de France au titre des prestations qu'elle effectue pour le compte de l'État, que l'État doit lui rembourser en application de l'article L. 141-7 du code monétaire et financier.
S'agissant de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », une ouverture d'autorisations d'engagement est demandée à hauteur de 6,7 millions d'euros sur le programme 155 « Soutien des ministères sociaux » au titre, selon l'explication peu explicite donnée dans l'exposé des motifs, des besoins associés au fonctionnement des services. Ce programme disposait pourtant encore, au 12 novembre, de 264,1 millions d'euros d'autorisations d'engagement non consommées, y compris une réserve de 16,3 millions d'euros, sur des autorisations d'engagement ouvertes de 1 943,9 millions d'euros au total.
Enfin, une ouverture de crédits de 0,5 million d'euros est demandée sur le programme 385 « Jeux olympiques et paralympiques d'hiver 2030 » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » afin de financer une avance à destination du comité d'organisation des Jeux.
S'agissant des comptes spéciaux, le comptes de concours financiers « Prêts à des États étrangers » fait l'objet de deux demandes d'ouvertures de crédits : 83,7 millions d'euros en autorisations d'engagement sur le programme 851 « Prêts du Trésor à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France » dans le cadre du financement d'infrastructures ferroviaires au Maroc et 224,0 millions d'euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sur le programme 852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France » en raison, notamment, d'un décalage sur le traitement de la dette du Sri Lanka, initialement prévu en 2024.
* 23 Ces ouvertures sont de + 62,8 millions d'euros sur le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », + 27,0 millions d'euros sur le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » et de + 27,3 millions d'euros sur le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA, et divers ».
* 24 Commission de régulation de l'énergie, Délibération n° 2025-180 du 10 juillet 2025 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie à compenser en 2026 et à la réévaluation des charges de service public de l'énergie à compenser en 2025.
* 25 Ainsi sont annulés, en autorisations d'engagement, 151,5 millions d'euros sur le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » et 90,5 millions d'euros sur le programme 424 « Financement des investissements stratégiques », soit 240 millions d'euros au total.
* 26 Thomas Dossus et Laurent Somon, Note de présentation de la mission « Investir pour la France de 2030 », présentée devant la commission des finances du Sénat le 29 octobre 2025.
* 27 Calculs d'après le fichier des crédits ouverts et consommés publié par la direction du budget, en annexe au projet de loi de finances de fin de gestion.
* 28 Commission des finances, extraction Chorus.
* 29 Amendement II-2195, déposé par le Gouvernement au Sénat le 19 janvier 2025, sur le projet de loi de finances pour 2025.
* 30 Projet annuel de performances de la mission « Santé », annexé au projet de loi de finances pour 2025.
