EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits relatifs à la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 45).
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 28 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial, relatif à la participation de la France au budget de l'Union européenne (article 45).
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport spécial sur la mission « Participation de la France au budget de l'Union européenne ».
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial de la mission « Participation de la France au budget de l'Union européenne ». - Mes chers collègues, comme chaque année, le projet de loi de finances (PLF) fournit une évaluation du prélèvement sur recettes du budget de l'État qui est versé au profit de l'Union européenne. Cette année, l'addition est douloureuse puisque, dans le présent texte, ce prélèvement s'élèvera en 2026 à 28,8 milliards d'euros, soit une hausse de 5,7 milliards d'euros par rapport au PLF précédent.
En 2025, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE) avait été évalué, en loi de finances initiale (LFI), à 23,1 milliards d'euros. Finalement, la contribution effective n'a pas été très éloignée : 23 milliards d'euros.
La hausse du prélèvement s'explique essentiellement par une hausse des crédits de paiement proposée à l'échelle européenne, sous l'effet d'un phénomène de rattrapage des paiements effectués au titre de la politique de cohésion.
En effet, traditionnellement, le cadre financier pluriannuel (CFP) européen présente une dimension cyclique, avec une concentration des décaissements en fin de cycle. Ces mouvements ont été accentués pour le CFP 2021-2027, la politique de cohésion ayant mis du temps à démarrer dans certains pays du fait de phénomènes de cannibalisation de ces fonds par le plan de relance européen, qui devait être décaissé plus rapidement. Cela explique donc le rattrapage observé cette année.
La hausse du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne proposée au travers du PLF 2026 était donc attendue. On peut même parler de bonne surprise puisque la contribution de 28,8 milliards d'euros budgétée est inférieure aux prévisions émises l'an dernier, la direction du budget anticipant alors un prélèvement de 30,4 milliards d'euros. Pourquoi un tel écart ?
Bercy a revu ses prévisions au premier semestre et, dès cet été, la ministre du budget est venue vanter l'action de son gouvernement lors des auditions budgétaires organisées par les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale. D'après elle, la force et l'habileté des négociations menées par les pays contributeurs à l'échelle européenne auraient permis de maîtriser la hausse des dépenses de cohésion.
Quelques mois plus tard, il ressort toutefois de mes échanges avec la direction du budget que la ministre a présenté son action sous un jour très favorable. En réalité, la trajectoire des dépenses de cohésion a bien été révisée, en partie du fait de l'ajustement administratif de paramètres à l'échelle européenne, mais ceci n'explique qu'un tiers de la baisse observée. Le reste se justifie par des facteurs techniques, comme des corrections sur les exercices extérieurs, ou, pire, par la révision à la baisse de la clef de contribution française en mai dernier. En effet, je ne sais pas si nous devons nous réjouir de la part moindre occupée par la France dans l'économie européenne.
Quoi qu'il en soit, je ne peux que déplorer une communication gouvernementale qui privilégie les effets de manche à l'information du Parlement et, ce faisant, entrave notre mission de contrôle.
Je rappelle enfin, comme il se doit, que le montant évaluatif de ce prélèvement sur recettes pourra être actualisé par amendement du Gouvernement au cours de l'examen du projet de loi de finances, lorsque le budget de l'Union européenne sera définitivement adopté. Pour l'heure, la Commission européenne a présenté son projet pour 2026 en juin dernier en proposant un niveau de dépenses s'élevant à 193 milliards d'euros en crédits d'engagement et à 192 milliards d'euros en crédits de paiement.
Au-delà de la question du montant de l'évaluation de la contribution de la France pour l'année 2026, j'attire à présent votre attention sur son niveau attendu pour les années à venir et les défis de taille qui se présentent à nous.
Une nouvelle progression de la contribution française est prévue pour 2027, sujet le plus urgent et le plus certain : cette dernière devrait atteindre 31,2 milliards d'euros. Comme pour 2026, cette hausse est essentiellement cyclique et a fait l'objet d'une révision à la baisse cette année, étant initialement estimée à 32,4 milliards d'euros. Un PSR-UE à 31,2 milliards d'euros constitue toutefois une progression significative, un effort supplémentaire de 2,4 milliards d'euros qu'il faut bien garder à l'esprit.
Les choses risquent néanmoins de s'accélérer fortement à partir de 2028, avec le début d'un nouveau cadre financier pluriannuel pour les années 2028-2034. Une première proposition de CFP a été formulée par la Commission européenne : ce budget est simplifié, du fait d'un nombre moindre de programmes, ceux-ci étant ramenés de cinquante-deux à seize, et de rubriques budgétaires, qui passent de sept à quatre. En soi, ces évolutions sont favorables puisqu'elles permettent d'assurer plus de lisibilité aux acteurs les plus modestes, qui pourront mieux identifier les subventions auxquelles ils peuvent prétendre.
Comme je vous l'indiquais, les négociations sur ce prochain CFP ne font que commencer et les États devront se prononcer sur la proposition de la Commission, mais des arbitrages seront nécessaires : nous ne pourrons pas maintenir l'existant et financer l'avenir à PSR-UE constant.
De surcroît, nous ne sommes pas au bout de nos peines puisque, comme je vous l'expliquais il y a quelques semaines, le budget européen, du fait de la forte progression des engagements extrabudgétaires de l'Union, notamment d'une multiplication des prêts en faveur de l'Ukraine et d'États membres aux finances incertaines, se retrouve exposé à un risque de défaut. Ce risque ne se manifesterait toutefois qu'à partir de 2035 : à chaque jour suffit sa peine.
Je veux dire quelques mots, pour conclure, sur les recettes, et plus particulièrement sur la sempiternelle question des nouvelles ressources propres. Comme vous le savez, l'Union européenne s'est endettée pour financer le plan de relance européen et les États membres ont alors convenu que le volet subventions de ce plan serait remboursé grâce à l'introduction de nouvelles ressources propres.
La Commission européenne a multiplié les propositions à ce sujet depuis 2021. Sa dernière proposition, formulée l'été dernier, prévoit l'introduction de cinq nouvelles ressources, pour un rendement annuel estimé à environ 50 milliards d'euros, soit plus de deux fois le montant annuel nécessaire pour payer les annuités de l'emprunt ayant financé le plan de relance européen, intérêt et capital.
Les cinq ressources envisagées sont les suivantes : une ressource fondée sur les revenus issus du marché carbone européen, pour 10,8 milliards d'euros ; une ressource fondée sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, pour 1,5 milliard d'euros ; une ressource fondée sur la taxation des déchets électroniques non recyclés, pour 16,9 milliards d'euros ; un prélèvement sur le chiffre d'affaires des grandes entreprises opérant au sein de l'Union, pour 7,6 milliards d'euros ; une dernière ressource, enfin, fondée sur les accises sur les produits du tabac, pour 12,6 milliards d'euros. Cela fait bien, au total, une cinquantaine de milliards d'euros.
Plusieurs de ces ressources souffrent d'imperfections techniques et toutes peineront à susciter l'unanimité qui doit être réunie s'agissant de questions fiscales. Or le statu quo a un coût : pour la France, il serait de l'ordre de 2,5 milliards d'euros par an à compter de 2028.
Mes chers collègues, pour ce qui concerne le prélèvement sur recettes, en l'état actuel des données disponibles, je recommande à la commission l'adoption sans modification de l'article 45 du projet de loi de finances pour 2026.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Quelle appréciation portez-vous sur ces cinq nouvelles ressources propres destinées à apporter des recettes supplémentaires ? Une part non négligeable de ces ressources a trait au carbone. Compte tenu des difficultés que nous avons pour mobiliser quelques millions d'euros au bénéfice des collectivités, pensez-vous vraiment que le passage à l'échelle européenne nous permettra de dégager une enveloppe d'une douzaine de milliards d'euros, en additionnant marché carbone et mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ?
Je m'interroge également sur ce que l'on peut attendre d'une nouvelle taxe sur les déchets électroniques.
Quid, enfin, de la ressource fondée sur les accises tabac ? Il s'agirait de la deuxième source de recettes supplémentaires la plus rentable ; vous paraît-elle crédible et bien calibrée ?
Ce sujet des ressources propres a souvent tendance à plonger dans les limbes : on en parle à chaque début de mandature, mais il y faudrait enfin une véritable traduction politique.
Mme Nathalie Goulet. - Je vais me montrer un peu plus inquiète que le rapporteur général...
Dans un rapport récent sur la transparence des financements accordés par l'Union européenne à des organisations non gouvernementales (ONG), la Cour des comptes européenne comptabilise 7,4 milliards d'euros de subventions à des ONG dont on n'est pas sûr qu'elles respectent toutes les valeurs de l'Union européenne. Et je ne parle même pas des divers et multiples financements engagés en faveur d'entités liées à l'islam radical...
C'est très bien, ces contributions obligatoires ; mais qu'en est-il des contrôles ? Les sommes en jeu sont considérables : 7,4 milliards d'euros perdus dans la nature... Nous ne pouvons pas amender ce budget, qui est une contribution obligatoire : nous sommes obligés de la verser sans qu'il y ait le moindre contrôle sur l'utilisation des fonds. C'est dommage !
Mme Christine Lavarde. - Nous évoquions ensemble, il y a quelques jours, la contribution fondée sur les déchets plastiques non recyclés, qui est la ressource propre mise en place dans le cadre financier pluriannuel en cours. La France en paie une quote-part substantielle. Il est prévu que, dans le prochain CFP, cette ressource propre soit maintenue et que le prélèvement correspondant soit même accru de 25 %. Autrement dit, sans effort sur la définition de nouvelles ressources propres à l'Union européenne, notre contribution est appelée à croître significativement.
Je précise, au passage, s'agissant de la ressource plastique, que nous n'abondons pas directement cette ressource propre : c'est l'Union européenne qui défalque du montant correspondant les fonds que nous devons recevoir d'elle - un peu comme une amende...
Je dirai un mot sur la création envisagée d'une contribution forfaitaire annuelle prélevée sur le chiffre d'affaires des grandes entreprises : on créerait, chose inédite, une fiscalité européenne sur les acteurs économiques. Après une première marche franchie dans l'actuel CFP - l'emprunt commun -, on gravirait une deuxième marche, celle de l'impôt européen, en tout cas à assiette commune...
Enfin, arrivera-t-on un jour à mettre en place un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières qui répercute vraiment les coûts complets des produits que nous importons, et qui soit susceptible, en tant que tel, de protéger notre industrie européenne ?
Mme Florence Blatrix Contat. - Nous voterons ces crédits, mais je partage l'inquiétude qui s'est exprimée : faute d'adoption de nouvelles ressources propres dans le futur cadre financier pluriannuel, la contribution française promet d'augmenter encore.
Le sujet est complexe : la liste des pays pénalisés - ou avantagés - varie pour chaque ressource propre. Il faudra donc vraisemblablement travailler à l'adoption unanime d'un pacte « ressources propres ».
Ces ressources propres sont le corollaire des engagements pris par l'Union ; à défaut de telles ressources, celle-ci aura bien du mal à mettre en oeuvre ses programmes et ses objectifs, en matière de compétitivité notamment. La France doit agir pour faire avancer ce dossier ; c'est d'autant plus difficile qu'en la matière l'unanimité est requise.
M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, les nouvelles ressources propres, j'y pense depuis très longtemps : c'est l'Arlésienne...
La direction générale du Trésor croit beaucoup aux ressources propres liées au carbone ; ce n'est pas un argument, me direz-vous. Comme l'a rappelé Florence Blatrix Contat, en ces matières, l'unanimité est requise. Beaucoup d'États membres sont tentés de se dire - cela tient lieu de stratégie, en particulier, aux pays dits « frugaux » - qu'à mesure que l'on s'approche de la négociation sur le cadre financier pluriannuel 2028-2034 les choses vont se décanter et qu'ils auront plus de poids pour refuser ce qui leur déplaît. Mais il est impossible de dire aujourd'hui comment les choses vont se passer : personne ne le sait, mais le risque est réel pour la France en cas d'échec des négociations puisque, comme je vous l'indiquais, la surcontribution potentielle s'élèverait à 2,5 milliards d'euros par an à compter de 2028.
C'est la construction - l'aventure ! - européenne qui est ainsi faite...
Pour ce qui est du marché carbone, les dernières propositions formulées par la Commission européenne s'efforcent de tenir compte de la position des pays de l'Est, qui y sont plutôt opposés. Tout reste à faire...
Quant à l'accise sur les produits du tabac, elle serait prélevée de manière harmonisée, en fonction des taux appliqués dans les différents États membres. J'observe qu'en France le tabac rapporte plus qu'auparavant. Cette recette a-t-elle vocation à abonder désormais le budget de l'Union européenne ? On parle de 12,6 milliards de ressources nouvelles liées au tabac : sur 50 milliards d'euros espérés, c'est significatif. J'ai échangé à ce sujet avec la direction générale du budget, la direction générale du Trésor et le secrétariat général aux affaires européennes : ces recettes font sens à leurs yeux et sont appelées à se concrétiser. Je ne dispose pas d'éléments qui m'inciteraient à douter de la pertinence de ces projections et de l'effectivité de ces recettes.
La taxe sur les déchets électroniques comme ressource, Bercy y est favorable, mais il faudra apprécier la qualité et la fiabilité des bases qui seront retenues. Comme au sujet de la ressource « plastique », évoquée par Christine Lavarde, on assiste à un jeu de poker menteur et les recettes ne sont pas particulièrement sécurisées ; tout dépend, je le répète, de la fiabilité du système qui est mis en place.
Je réponds enfin à la question délicate de Nathalie Goulet sur le bon emploi des crédits de l'Union européenne : la fraude existe partout, y compris au niveau européen. Je condamne, comme un certain nombre de responsables politiques, le dévoiement - 7,4 milliards d'euros ! - dénoncé par notre collègue, même si je rappelle que ce montant correspond à l'ensemble des fonds accordés par l'UE à des ONG sur la période 2021-2023.
L'Europe a de grands progrès à accomplir pour mettre fin à certaines dérives pointées par la Cour des comptes européenne. J'observe que M. le ministre Haddad s'est prononcé en faveur d'une lutte plus intense en ce domaine. Je suis, quant à moi, chargé d'estimer le prélèvement ; je ne me prononce pas sur les travers qui grèvent, hélas ! les politiques mises en oeuvre.
Les progrès sont réels, peut-être, mais très timides. En la matière, donc, il y aurait lieu d'accélérer fortement ; à défaut, on continuera de nourrir le sentiment antieuropéen, l'Europe étant un bouc émissaire assez aisé par les temps qui courent. Aussi l'Union européenne serait-elle avisée d'éviter de tels mésusages de ses crédits.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 45 du projet de loi de finances pour 2026.