EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
ARTICLE
70
Suppression du versement de l'avance de la compensation
des
coûts indirects du carbone
Le présent article prévoit de supprimer le mécanisme de l'avance de la compensation des coûts indirects du carbone.
La compensation carbone a vocation à protéger les entreprises exposées au risque de fuite de carbone contre le renchérissement de leur coût d'approvisionnement électrique dû au système d'échange de quotas de l'Union européenne (SEQE).
Ce dispositif a été complété, à compter du 1er janvier 2022, par un mécanisme d'avance visant à soutenir la trésorerie de ces entreprises, dans le contexte de la hausse des prix de l'énergie.
La commission est favorable à la suppression de ce mécanisme d'avance, qui avait vocation à être ponctuel et qui apparaît aujourd'hui moins justifié, compte tenu de la baisse des prix de l'énergie constatée ces derniers mois.
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : LA COMPENSATION CARBONE POUR LES SITES ÉLECTROINTENSIFS A ÉTÉ COMPLÉTÉE AU MOMENT DE LA CRISE DE L'ÉNERGIE PAR UN MÉCANISME D'AVANCE POUR SOUTENIR LA TRÉSORERIE DE CES ENTREPRISES
A. LA COMPENSATION CARBONE PERMET DE PROTÉGER LES ENTREPRISES EXPOSÉES AU RISQUE DE FUITE DE CARBONE CONTRE LE RENCHÉRISSEMENT DU COÛT DU QUOTA
Le I de l'article L. 122-8 du code de l'énergie prévoit un dispositif de compensation carbone qui a vocation à protéger les entreprises exposées au risque de fuite de carbone contre le renchérissement de leur coût d'approvisionnement électrique dû au système d'échange de quotas de l'Union européenne (SEQE).
Le II de ce même article précise que la liste des secteurs et sous-secteurs éligibles à cette aide est définie en annexe I de la communication de la Commission européenne du 21 septembre 2020 sur les lignes directrices concernant certaines aides d'état dans le contexte du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre après 202128(*). Ces lignes directrices sont actuellement en cours de révision et font l'objet de négociations entre les États membres de l'UE et la Commission européenne.
D'après le III de ce même article, le montant de la compensation carbone est assis sur les coûts des quotas du système européen d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l'électricité (SEQE). Il dépend de quatre facteurs :
- le facteur d'émission de l'électricité consommée en France. Il est établi sur la base d'une étude de la teneur en CO2 de la technologie marginale déterminant le prix effectif sur le marché européen de l'électricité. Il est fixé par décret et sa détermination a fait l'objet de discussions avec la Commission européenne ;
- le prix du quota du SEQE. Il est fixé par arrêté et correspond au prix moyen de la tonne de CO2 l'année précédente. Le prix du quota prévisionnel utilisé pour l'année 2026 serait, selon les projections, de 68,86 euros par tonne ;
- le référentiel d'efficacité, dont la valeur varie en fonction de l'activité de l'entreprise ;
- selon les cas, soit la production annuelle éligible de l'entreprise, soit la consommation d'électricité nécessaire à la production ;
Le V de l'article L. 122-8 du code de l'énergie précise que l'intensité de l'aide correspond à 75 % des coûts indirects éligibles de l'entreprise, niveau maximal autorisé par la Commission européenne.
Par ailleurs, d'après le VI de ce même article, lorsque le coût indirect restant à la charge de l'entreprise29(*), pour l'ensemble des sites éligibles de celle-ci, dépasse le seuil de 1,5 % de la valeur ajoutée brute de cette entreprise, au titre de l'année pour laquelle ces coûts sont supportés, un complément d'aide - le « supercap » - lui est versé. Il est égal au montant du dépassement, sans pouvoir excéder 25 % des coûts supportés.
B. UN MÉCANISME D'AVANCE INTRODUIT PENDANT LA CRISE DE L'ÉNERGIE POUR SOUTENIR LA TRÉSORERIE DES ENTREPRISES ELECTROINTENSIVES
L'article 182 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a introduit un IX bis au sein de l'article L. 122-8 du code de l'énergie qui permet de compléter chaque année la compensation carbone « par une avance au titre des coûts supportés au cours de la même année ». Ce mécanisme d'avance a été introduit à compter du 1er janvier 2022, dans le contexte de la hausse des prix de l'énergie.
Le 1 du IX bis prévoit que le montant de cette avance ne peut excéder 24,45 % du montant de l'aide à verser au titre de l'année en cours et est fixé chaque année par voie réglementaire. Pour l'année 2025, ce montant a été fixé à 10 % de l'aide par l'arrêté du 23 mai 202530(*).
En vertu du 2 de ce même IX bis, le montant de l'avance mentionnée est calculé sur la base des mêmes facteurs utilisés pour déterminer le montant de la compensation carbone, c'est-à-dire le facteur d'émission de l'électricité consommée en France, le prix à terme des quotas du SEQE et le volume de l'électricité éligible observé au cours de l'année précédente.
Le 3 du IX bis précise toutefois que l'avance ne peut couvrir les coûts résiduels mentionnés au VI, qui concerne la part de la compensation versée au titre du « supercap ».
Enfin le 4 du IX bis précise que l'avance est déduite du montant de l'aide devant être versée l'année qui suit celle pour laquelle l'avance est accordée. Celle-ci doit être remboursée par l'entreprise bénéficiaire en cas de trop perçu.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA SUPPRESSION DE L'AVANCE DE LA COMPENSATION CARBONE
Le I du présent article supprime le IX bis de l'article L. 122-8 du code de l'énergie, ce qui a pour conséquence de mettre fin au mécanisme d'avance de la compensation carbone.
Le II précise que cette mesure s'applique aux coûts des quotas du SEQE supportés à compter du 1er janvier 2026.
*
* *
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale. En conséquence, le présent article est considéré comme ayant été rejeté.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE QUI IMPACTE FAVORABLEMENT LA TRÉSORERIE DE L'ETAT SANS FRAGILISER LES ENTREPRISES CONCERNÉES PAR LA COMPENSATION CARBONE
Le mécanisme d'avance de la compensation carbone avait été instauré en 2022 pour soutenir ponctuellement la trésorerie des entreprises dans le contexte de la crise de l'énergie. Compte tenu de la baisse constatée des prix de l'électricité depuis plusieurs mois, il semble pertinent de revenir au mode de versement antérieur. Cette mesure ne remet pas en cause le bien-fondé de la compensation carbone et ne devrait pas, en tout état de cause, fragiliser financièrement les entreprises concernées.
Les rapporteurs spéciaux relèvent que, si l'évaluation préalable du présent article anticipe un rendement de 74 millions d'euros de cette disposition, celle-ci ne constitue en réalité qu'une mesure de trésorerie en faveur de l'État sans impact structurel sur les dépenses publiques.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE
71
Dissolution de l'Institut national de la consommation (INC)
L'Institut national de la consommation (INC), créé en 1966, est un centre de recherche, d'information et d'étude sur les problèmes de la consommation. Il est chargé depuis 1970 de la publication du magazine « 60 Millions de consommateurs ».
Le présent article prévoit la dissolution de l'INC et ouvre la voie à la cession de son activité de presse au secteur privé. Cette mesure s'inscrit dans le contexte des difficultés financières de l'INC, principalement dues à la chute des ventes du magazine « 60 millions de consommateurs ».
La commission prend acte de cette décision, qui semble logique au regard de la situation financière de l'établissement. Le maintien d'une activité de presse au sein de l'INC subventionnée par l'État n'est par ailleurs plus justifié compte tenu de l'absence de perspectives de rentabilité sérieuses.
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : L'INSTITUT NATIONAL DE LA CONSOMMATION EST EN GRANDE DIFFICULTÉ FINANCIÈRE
A. L'INC : UN CENTRE DE RECHERCHE ET D'INFORMATION SUR LA CONSOMMATION DEVENU ÉGALEMENT UN ORGANE DE PRESSE
L'Institut national de la consommation (INC), créé en 1966, est, d'après l'article 822-1 du code de la consommation, un « établissement public national à caractère industriel et commercial, doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière ». Il s'agit d'un « centre de recherche, d'information et d'étude sur les problèmes de la consommation. »
L'article L. 822 du code de la consommation précise que l'INC a pour objet de :
- fournir un appui technique aux associations de défense des consommateurs ;
- regrouper, produire, analyser et diffuser des informations, études, enquêtes et essais ;
- mettre en oeuvre des actions et des campagnes d'information, de communication, de prévention, de formation et d'éducation sur les questions de consommation à destination du grand public, ainsi que des publics professionnels ou associatifs concernés ;
- apporter un appui technique aux commissions placées auprès de lui et collaborer à l'instruction de leurs avis et recommandations.
La publication du magazine « 60 Millions de consommateurs » à partir de 1970 a profondément modifié son activité, le transformant en un organe de presse s'adressant directement au grand public.
B. L'INC FAIT FACE À UNE SITUATION FINANCIÈRE DÉLICATE DANS UN CONTEXTE DE CHUTE DE SON ACTIVITÉ DE PRESSE
Dans un rapport de mars 2025, la Cour des comptes a formulé plusieurs critiques sur la situation financière de l'INC et du magazine « 60 Millions de consommateurs ».
La situation financière de l'INC est jugée « catastrophique » par la Cour des comptes. Les pertes cumulées entre 2016 et 2023 s'établissent à 7,9 millions d'euros, ce qui a fait chuter la trésorerie de l'établissement de 77 % depuis 2016. L'établissement serait devenu « entièrement dépendant des aides de l'État » et, sans les 4,6 millions d'euros de ressources exceptionnelles reçues entre 2020 et 2022 (dotations et PGE), l'INC n'aurait pas pu poursuivre son activité31(*).
La crise de l'activité de presse de l'INC est la principale cause des difficultés structurelles de l'établissement. Les ventes de « 60 Millions de consommateurs » ont en effet chuté de 67 % entre 2016 et 2023. De plus, l'INC a pris un « retard considérable dans le développement d'une offre numérique32(*) » par rapport à son concurrent, l'UFC-Que Choisir, qui résiste mieux sur un marché de la presse magazine en déclin. Si le Gouvernement a envisagé en juin 2024 la mise en oeuvre d'un plan de « rebond » de l'INC, le Premier ministre Barnier a finalement décidé en novembre 2024 d'engager la cession du magazine « 60 Millions de consommateurs » à un acteur privé.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA DISSOLUTION DE L'INC ET LA POSSIBILITÉ DE CÉDER À UN ACTEUR PRIVÉ SON ACTIVITÉ DE PRESSE
Le I du présent article prévoit la dissolution de l'INC, dont les biens seront transférés à l'État.
Le II du même article prévoit toutefois que « les biens, droits et obligations afférents à l'activité de presse » de l'INC « peuvent être cédés au secteur privé », sur autorisation, par arrêté, du ministre chargé de la consommation.
Ce même II prévoit que la commission des participations et transferts mentionnée à l'article 25 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 201433(*) émet « un avis sur la valeur des éléments faisant l'objet de la cession selon les méthodes objectives couramment pratiquées en matière de cession partielle d'actifs d'entreprises ». Il précise que les dispositions de l'article 27 de cette même ordonnance sont applicables. Concrètement, cela implique que la commission rende « un avis sur les modalités de la procédure » de cession, et le respect, dans ce cadre des « intérêts du secteur public », ainsi que « sur le choix du ou des acquéreurs et les conditions de la cession proposés ».
Le III du présent article prévoit de supprimer les dispositions du code de la consommation relative à l'INC.
Le IV du même article prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise les modalités de la dissolution de l'INC et de la fin de son activité de presse, et notamment, les conditions dans lesquelles cette activité peut se poursuivre jusqu'à la cession de cette activité.
Le I précise que la dissolution de l'INC est effective à compter de l'entrée en vigueur de ce décret en Conseil d'État, et au plus tard le 31 mars 2026. Le V précise que la suppression des dispositions relatives à l'INC dans le code de la consommation entre logiquement en vigueur à la même date.
Comme le souligne l'évaluation préalable du présent article, la liquidation de l'INC se traduira par un coût de 8 millions d'euros en 2026, en raison notamment des procédures de licenciement des salariés et du remboursement des abonnements restant à courir. La dissolution de l'INC conduira également à la suppression de la subvention annuelle de 1,84 million d'euros qui lui est versée annuellement dans le PLF.
*
* *
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale. En conséquence, le présent article est considéré comme ayant été rejeté.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DISSOLUTION LOGIQUE COMPTE TENU DES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES STRUCTURELLES DE L'INC
La commission estime que le maintien d'une activité de presse de l'INC subventionnée n'est plus justifié compte tenu de l'absence de perspectives de rentabilité sérieuses. Le plan de rebond de l'INC envisagé par le Gouvernement, dont le coût est évalué entre 11 et 13 millions sur trois ans, a été jugé à la fois trop coûteux et risqué par la Cour des comptes34(*). Il ne semble pas constituer une solution crédible au problème de rentabilité structurelle de l'activité de presse de l'INC.
Par ailleurs, comme le souligne l'évaluation préalable du présent article, la cession de l'activité de presse « conduirait de fait à ce que l'établissement soit in fine réduit à une taille très faible avec ses seules missions de service public. » La commission souscrit à l'analyse du Gouvernement selon laquelle les coûts de structure de cet établissement ne permettent pas de justifier le maintien d'un INC réduit à ses seules missions de service public.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
* 28 Fabrication de vêtements en cuir, production d'aluminium, fabrication d'autres produits chimiques inorganiques, de base, métallurgie du plomb, du zinc ou de l'étain, fabrication de pâte à papier, fabrication de papier et de carton, sidérurgie, fabrication de produits pétroliers raffinés, production de cuivre, métallurgie des autres métaux non ferreux, les sous-secteurs suivants du secteur des matières plastiques , polyéthylène sous formes primaires, toutes les catégories de produits du secteur de la fonderie de fontek, mâts en fibres de verre, voiles en fibres de verre, hydrogène, composés oxygénés inorganiques des éléments non métalliques.
* 29 Soit le produit des quatre premiers facteurs susmentionnés.
* 30 Arrêté du 23 mai 2025 fixant le coefficient de l'avance accordée aux entreprises exposées à un risque significatif de fuite de carbone en raison des coûts du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l'électricité pour l'année 2025.
* 31 Cour des comptes, l'Institut national de la consommation, 5 mars 2025.
* 32 Ibid.
* 33 Ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique
* 34 Cour des comptes, l'Institut national de la consommation, 5 mars 2025.