EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». De même, sont considérés comme rejetés les articles 70 et 71.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 12 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Thierry Cozic et de Mme Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » et compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport de nos collègues Frédérique Espagnac et Thierry Cozic, rapporteurs spéciaux de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
Nous accueillons Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - Comme vous le savez, la mission « Économie » est une mission très composite. Elle porte des crédits de plusieurs administrations rattachées à Bercy ainsi que ceux d'un nombre conséquent d'opérateurs. En outre, elle héberge de nombreux instruments budgétaires, dont certains sont structurels, d'autres temporaires.
Le point commun de toutes ces administrations, opérateurs et instruments budgétaires, c'est qu'ils ont vocation à être déployés en faveur de l'emploi, de la croissance, des exportations, de la concurrence ou encore de la protection des consommateurs.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 s'inscrit dans la lignée de l'année précédente, puisque la mission « Économie » se voit de nouveau appliquer, dans le cadre de l'effort des finances publiques engagé par l'État, une logique de rabot budgétaire, au détriment de plusieurs dispositifs dont l'intérêt a pourtant largement été démontré !
Les crédits de la mission diminuent en effet d'environ 1,3 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une baisse de 27 %, et d'environ 187,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 5 %.
La diminution des AE s'explique par l'engagement exceptionnel l'année précédente d'une enveloppe de 1,6 milliard d'euros dédiée à la décarbonation de l'industrie. En ce qui concerne la baisse des CP, elle porte principalement sur deux programmes : le programme 134 « Développement des entreprises et régulations », qui porte près de 60 % des crédits de la mission, et le programme 305 « Stratégies économiques », qui porte une partie des crédits de la direction générale du Trésor et de son réseau international, ainsi que les crédits de plusieurs opérateurs tels que Business France.
Plutôt que d'entrer dans une analyse fastidieuse de l'évolution des nombreux outils portés par la mission, nous vous proposons de concentrer notre propos sur quelques faits saillants du budget pour 2026.
Concernant les moyens dédiés aux administrations et aux opérateurs, les dépenses de personnel de la mission sont, certes, en légère hausse de 3 %, mais l'effort demandé porte principalement sur les effectifs. Le plafond d'emplois des administrations et des opérateurs diminue respectivement de 48 et de 59 équivalents temps plein travaillé (ETPT).
La plupart des administrations de Bercy concernées par cette mission sont mises à contribution. Les effectifs de la direction générale des entreprises (DGE) et de la direction générale du Trésor (DGT) diminuent, pour chacune des deux administrations, de 10 ETP. Toutefois, nous nous félicitons de la préservation des emplois consacrés au réseau économique à l'étranger, conformément à la recommandation formulée dans notre rapport de contrôle de juin 2021 sur les services économiques régionaux de la DGT.
Les effectifs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) augmentent, quant à eux, de 5 ETP. Notre attachement à cette administration de terrain est bien connu. Nous avions recommandé, dans notre rapport de contrôle de septembre 2022, de mettre fin à la dynamique de suppression de postes amorcée en 2007. Si nos recommandations ont d'abord été entendues, l'année 2025 a marqué un regrettable retour en arrière, puisque 3 ETP ont été supprimés.
Nous nous félicitons que les moyens humains de la DGCCRF soient préservés, et même légèrement renforcés, dans ce projet de loi de finances pour 2026. Cette décision paraît nécessaire dans un contexte où, avec l'essor du e-commerce, le champ d'action de la DGCCRF s'élargit et se complexifie. Les récentes polémiques liées à certains produits importés par l'intermédiaire des grandes plateformes asiatiques ont démontré ceci : pour éviter que le commerce en ligne ne devienne une jungle, il est important que nous dotions nos services de moyens de contrôle pour faire respecter certains standards dans l'intérêt de nos concitoyens.
Lors des auditions, la directrice générale a précisé que des efforts supplémentaires seraient nécessaires pour moderniser cette administration, en particulier ses outils informatiques et numériques. Pour donner un exemple concret, les services de contrôle de la DGCCRF réalisent encore le suivi de leurs contrôles en matière de e-commerce sur des tableaux Excel. Sachant la massification des flux à traiter pour les contrôleurs, ces procédés ne sont plus envisageables. Il est donc impératif que, dans les prochaines années, la DGCCRF dispose de moyens lui permettant de résorber sa dette technique.
Certains opérateurs de la mission prennent également leur part dans le redressement de nos finances publiques ; je pense à Atout France et à l'Agence nationale des fréquences (ANFR), qui connaissent une baisse de leurs moyens.
J'évoquerai maintenant les principales évolutions des instruments budgétaires en faveur des entreprises portées par la mission. La première évolution concerne la compensation carbone octroyée aux sites électro-intensifs exposés au risque de fuite de carbone afin de compenser les coûts liés au système européen des quotas d'émissions. Sont notamment concernés les secteurs de la sidérurgie, du papier et de la chimie. Depuis plusieurs années, l'augmentation du prix du carbone conduit à une hausse mécanique du coût de la compensation. En 2025, celle-ci atteignait plus de 1 milliard d'euros.
L'année 2026 marque une rupture. Les crédits inscrits s'élèvent à 782 millions d'euros, soit une baisse de 269 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) de 2025. Cette diminution de la compensation carbone tient à deux facteurs : d'une part, la baisse en 2025 du prix du quota d'émission de gaz à effet de serre, qui constitue le déterminant principal de l'évolution du coût de la compensation carbone ; d'autre part, la suppression par l'article 70 du PLF pour 2026 du mécanisme d'avance de la compensation carbone, qui contribue à hauteur de 74 millions d'euros à la baisse de l'enveloppe globale. Ce mécanisme d'avance, mis en place à compter du 1er janvier 2022, a pour objet de soutenir la trésorerie de ces entreprises dans le contexte de la hausse des prix de l'énergie.
Nous proposons une mesure d'économie supplémentaire sur cette enveloppe. Nous présenterons deux amendements visant à supprimer le mécanisme de « supercap », une aide additionnelle accordée aux entreprises lorsque les coûts indirects restant à leur charge représentent plus de 1,5 % de leur valeur ajoutée. Cette mesure permettrait de réaliser une économie de 148 millions d'euros pour le budget de l'État.
Enfin, je souhaite évoquer un sujet sur lequel nous avions déjà alerté notre commission l'an dernier : le désengagement de l'État du financement des pôles de compétitivité.
Lors de l'examen du PLF pour 2025, le Gouvernement avait proposé de supprimer les 9 millions d'euros consacrés à cette politique. Les pôles de compétitivité ont pourtant fait la démonstration de leur intérêt pour le développement du tissu économique local et l'investissement privé dans la recherche et le développement. Le Sénat ne s'y était pas trompé et avait rétabli, sur l'initiative de notre commission, ces 9 millions d'euros. Nous vous proposons le même amendement cette année pour rétablir les crédits qui ne sont pas inscrits dans le texte initial.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». - J'évoquerai, pour ma part, le sujet du déploiement de la fibre optique, sur lequel M. Thierry Cozic et moi-même avons rendu un rapport cette année, ainsi que celui des compensations des missions de service public du groupe La Poste.
Le plan France Très Haut Débit (PFTHD) porte l'objectif d'un déploiement complet de la fibre optique à l'horizon 2025. Il est financé par le programme 343, dont l'objet est de subventionner les réseaux d'initiative publique (RIP) dans les zones où le déploiement de la fibre n'est pas rentable pour les opérateurs. Ces RIP sont mis en oeuvre dans le cadre de projets portés et financés par les collectivités territoriales.
Le taux de couverture du territoire par la fibre optique s'élevait à près de 90 % en 2024. Dans un rapport présenté à la commission des finances du Sénat en avril 2025, la Cour des comptes a présenté ce plan comme un succès. Pour autant, des disparités subsistent entre les territoires, et les « raccordements complexes » à la fibre dans certaines zones sont un facteur majeur de ralentissement du déploiement.
Une enveloppe de 16,1 millions d'euros en autorisations d'engagement - très modeste au regard des enjeux - a été votée dans la LFI de 2025 sur le programme 343 afin de financer un dispositif expérimental de soutien aux « raccordements complexes ». Un premier décaissement de 13,5 millions d'euros est prévu pour 2026, mais il faudra aller plus loin.
Par ailleurs, le PLF pour 2026 prévoit une enveloppe de 253 millions d'euros afin de poursuivre le déploiement des RIP. Ce montant interpelle, dans la mesure où la Cour des comptes a précisé, dans le cadre de l'enquête présentée à notre commission, que l'année 2026 serait marquée par un pic des besoins de crédits en faveur des RIP, à hauteur de 343 millions d'euros.
Nous avons interrogé la DGE sur cet écart de 85 millions d'euros entre les estimations de la Cour des comptes et les crédits finalement inscrits ; elle a confirmé que celui-ci serait comblé par des reports de crédits de l'année 2025 vers 2026. Nous serons vigilants sur ce point, car la disponibilité des crédits garantit un déploiement uniforme sur l'ensemble du territoire.
Je poursuis mon propos en évoquant les quatre compensations financées par la mission « Économie » et versées à La Poste au titre de ses différentes missions de service public. Nous alertons chaque année la commission sur la situation de sous-compensation chronique des missions de service public assurées par le groupe.
Selon La Poste, le coût de ces missions s'élève à 2 milliards d'euros par an ; or, l'entreprise n'a reçu en moyenne, ces dernières années, que 1 milliard d'euros de compensation par l'État. Cette situation limite les capacités d'investissement de La Poste, et pourrait à terme se répercuter sur la qualité du service au détriment de nos concitoyens. Le PLF pour 2026 prévoit une nouvelle baisse massive des compensations versées par l'État, qui s'élèvent à 802,2 millions d'euros contre 927,5 millions d'euros en 2025.
Concernant la compensation au titre de sa mission d'accessibilité bancaire, la baisse prévue en 2026 est conforme à la trajectoire pluriannuelle envisagée ; la dotation s'établit à 252 millions d'euros.
Enfin, la dotation pour financer la mission de transport postal de la presse, en baisse par rapport à 2025, est fixée à 24,2 millions d'euros en 2026. Depuis 2023, une réforme du transport de presse a été mise en oeuvre afin de favoriser le report des éditeurs vers le portage. Cette réforme, censée alléger les charges assumées par La Poste, n'a pas eu les effets escomptés. En parallèle, le montant de la compensation versée au titre du transport de presse a diminué de façon considérable. Cette situation n'est pas soutenable, et la représentation nationale doit s'interroger sur le financement de cette mission essentielle de service.
La mission de service public postal sera compensée en 2026 à hauteur de 450 millions d'euros, soit un montant inférieur de 50 millions d'euros à celui de l'année précédente.
Enfin, des questions majeures demeurent concernant la mission d'aménagement et de développement du territoire de La Poste. Cette mission essentielle, qui consiste à maintenir des points de contact dans l'ensemble du pays, fait l'objet d'un financement par le biais du fonds postal national de péréquation territoriale. Celui-ci est alimenté, d'une part, par des allégements de fiscalité locale et, d'autre part, par une dotation budgétaire.
L'objectif est d'apporter, par ces deux biais, une compensation globale de l'État à hauteur de 174 millions d'euros. L'an dernier, la dotation budgétaire de 105 millions d'euros, fixée par le PLF pour 2025, était insuffisante pour respecter cette compensation, dans la mesure où les abattements fiscaux dont bénéficie La Poste étaient estimés à 54 millions d'euros. Le Sénat avait donc adopté, sur l'initiative des rapporteurs spéciaux, un amendement de majoration des crédits du programme 134 de 15 millions d'euros en AE et en CP, afin de porter la subvention à 120 millions d'euros et de respecter le principe d'une compensation de 174 millions d'euros.
Le Gouvernement envisage cette année de ramener cette dotation à hauteur de 76 millions d'euros. Si l'on ajoute les 46 millions d'euros d'allégement de fiscalité locale anticipés pour 2026, le compte n'y est pas. Cette dotation est insuffisante pour garantir la préservation des services et des points de contact de La Poste sur l'ensemble du territoire ; nous présenterons un amendement pour y remédier.
J'insiste sur le fait qu'il s'agit d'une mission de service public essentielle à nos territoires. Cet amendement n'a vocation qu'à maintenir le niveau global de compensation prévu dans le cadre du contrat conclu entre l'État et La Poste.
En conclusion, nous considérons que le budget de la mission « Économie » pour 2026 n'est, en l'état, pas satisfaisant. Toutefois, nous sommes favorables à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption des amendements de crédits proposés.
M. Christian Redon-Sarrazy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Économie ». - S'agissant du volet consacré à l'industrie, les évolutions internes à la mission sont préoccupantes. En effet, les crédits de l'action n° 23 dédiée à l'industrie et aux services sont en baisse de 46 % en AE et de 13 % en CP par rapport à 2025. Pour la première fois, le seuil symbolique du milliard d'euros n'est pas atteint en CP, avec seulement 941 millions d'euros programmés.
La politique industrielle s'avère illisible. Les crédits sont éparpillés entre plusieurs missions et le plan France 2030. Il conviendrait d'avoir une maquette budgétaire donnant de la lisibilité au Parlement et aux entreprises. Certains, parmi ces dernières, ont déploré lors des auditions de ne pas pouvoir suivre les dotations qui les concernent dans le PLF. Tous les crédits consacrés à l'industrie devraient apparaître dans la mission « Économie ».
Enfin, nous avons besoin d'une véritable politique industrielle. Lors des auditions, la DGE a indiqué les deux priorités du Gouvernement en matière industrielle, à savoir les aides à la décarbonation et la compensation carbone. Ces deux mesures sont louables et contribuent à notre compétitivité, mais cela ne suffit pas à développer pour notre pays une politique industrielle digne de ce nom.
En conclusion, rien ne va dans ce budget, et cela s'avère très inquiétant pour notre économie et nos territoires.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ce rapport, très exhaustif, pose un certain nombre de questions. Concernant les amendements, j'ai une solution alternative à proposer, dans le cadre de l'examen du prochain projet de loi de fin de gestion pour 2025.
Le financement des pôles de compétitivité constitue effectivement un sujet récurrent. Concernant la Poste, il appartient d'abord au Gouvernement, en partenariat avec le groupe et l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), de trouver un accord pour régler le problème de la sous-compensation chronique des missions de service public. Il reviendra ensuite au Parlement de valider cet accord. Je profiterai de l'examen à venir du projet de loi de fin de gestion pour formaliser ce rappel à l'endroit du Gouvernement.
M. Grégory Blanc. - Il est paradoxal de constater que tout ce qui concerne nos infrastructures et la coordination de nos activités économiques pourrait être remis en question. À cela s'ajoute le débat que nous ne manquerons pas d'avoir sur les chambres de commerce et d'industrie (CCI). Cela dit quelque chose de la manière dont est envisagé le développement économique dans notre pays.
Je souhaite avoir des précisions sur l'enveloppe consacrée à la participation de l'État au financement des conseillers numériques France services. La suppression des crédits transfère cette charge aux collectivités locales. Si l'on veut préserver la solidité des maisons France Services et des collectivités qui contractualisent avec l'État dans les quartiers prioritaires et les territoires ruraux, nous devons être attentifs à ne pas fragiliser nos écosystèmes locaux.
M. Christian Bilhac. - Concernant La Poste, il faudrait parler de remboursement et non de subvention de l'État. Dans le cadre du contrat conclu, l'État demande à La Poste d'exercer des missions de service public. L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) chiffre le coût de ces missions et contrôle leur réalisation. Chaque année, nous constatons que l'État ne paie pas ce qu'il doit payer. Je n'arrive pas à comprendre que l'État n'honore pas ses engagements, et je me félicite de l'amendement déposé par les rapporteurs spéciaux.
En l'état actuel, le groupe La Poste ne pourra pas continuer de financer autant de points de contact. Et les collectivités, en particulier les communes, devront payer le fonctionnement de la présence postale.
Concernant l'acheminement de la presse, dans quelques années, du fait des abonnements numériques, celui-ci risque d'être caduc. Mais il existe encore des populations en zones rurales qui ne maîtrisent pas l'usage d'internet. Le portage quotidien du journal par La Poste est encore demandé par certains de nos concitoyens.
M. Jean-François Rapin. - Je salue la pugnacité des rapporteurs sur le sujet des pôles de compétitivité. Il est usant de devoir chaque année mener le même combat pour défendre des crédits affectés à des politiques publiques qui fonctionnent. Les élus, ainsi que les acteurs de l'économie locale et de la recherche, sont unanimes à ce sujet. Je soutiens l'amendement proposé dans la mesure où celui-ci vise bien le maintien des crédits.
Mme Florence Blatrix Contat. - Cette année, la baisse des crédits de 52 millions d'euros ne permettra plus d'assurer la mission de présence postale prévue dans le contrat qui lie La Poste à l'État. Je soutiens l'amendement des rapporteurs sur le sujet, ainsi que celui sur les pôles de compétitivité.
Je m'interroge sur la liquidation de l'Institut national de la consommation (INC). Les missions dévolues à l'organisme seront-elles transférées ?
Enfin, je déplore la forte baisse des crédits pour l'économie sociale et solidaire (ESS), à hauteur de 40 % en AE et 38 % en CP. L'ESS représente 10 % du PIB et plus de 10 % des emplois salariés. Amortisseurs de crise et vecteurs de cohésion sociale, les acteurs de l'ESS se déploient sur l'ensemble du territoire. L'amputation prévue sera insupportable pour le secteur.
M. Pierre Barros. - Les baisses de crédits prévues ne régleront pas le problème budgétaire national. En revanche, elles auront des conséquences sur le fonctionnement de divers services publics, notamment de La Poste.
Récemment, j'ai visité un important site logistique de La Poste à Gonesse, où sont triés des dizaines de milliers de courriers chaque jour. Ce site, très performant, est le fruit d'investissements et de réorganisations. Les dirigeants de ce site sont inquiets après les annonces concernant le PLF pour 2026. Dès maintenant, ils ont cessé toute contractualisation avec des partenaires et des clients ; et ils comptent sur nous pour rétablir une participation de l'État à la hauteur de la dimension industrielle du groupe.
Mme Christine Lavarde. - Les rapporteurs ont évoqué le fonds de décarbonation de l'industrie, dont le montant en AE s'élève à 2,1 milliards d'euros, en additionnant les montants ouverts en 2025 et dans ce PLF. Avez-vous des informations concernant les entreprises bénéficiaires ? Les dispositifs fiscaux existants ne pourraient-ils pas, dans des secteurs soumis à une forte pression internationale, inciter les entreprises à engager ces efforts de transition du modèle ?
Par ailleurs, je comprends que les informations sur le sujet sont difficiles à obtenir, dans la mesure où ce dispositif n'est pas géré par une entité relevant du ministère de l'économie. On en revient à ce problème des crédits délégués et sans suivi véritable.
Mme Sophie Primas. - Je souhaite attirer l'attention de la commission sur le cas de Business France. Sachez que l'agence fournit des efforts importants depuis la signature de la convention d'objectifs et de moyens (COM) en 2023, alors que celle-ci a été remise en cause quatre mois plus tard. La trajectoire budgétaire a baissé de 2,5 millions d'euros en 2024, puis de 14 millions d'euros - soit 15 % du budget - en 2025. Cette année, on observe une nouvelle baisse, même légère, qui s'annonce difficile à gérer. À cela s'ajoute l'absence de directeur général depuis un an et demi.
Malgré cela, les équipes s'efforcent d'obtenir des recettes extérieures. Elles travaillent avec des CCI à l'étranger afin de mutualiser les moyens, et cela fonctionne bien. Elles réorganisent, avec Atout France, les services à l'étranger, réalisant ainsi l'objectif fixé à l'époque par le Premier ministre Michel Barnier de fusionner les deux agences.
L'agence doit réaliser le double des efforts demandés aux autres agences de l'État. On arrive à un niveau de gestion très compliqué, et cela met en péril cette agence qui porte le commerce extérieur de notre pays.
M. Michel Canévet. - Je remercie également les rapporteurs spéciaux de leur travail.
Pensez-vous que le déploiement du plan France Très Haut Débit s'effectue de façon satisfaisante et les objectifs en sont-ils tenus ? En ce qui concerne le soutien financier de l'État, la situation est assez tendue et il importe qu'il y ait un report des CP correspondants ; 41 millions d'annulations de crédits sont prévus dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG), mais des inquiétudes sont-elles néanmoins à nourrir à ce sujet ?
Par ailleurs, avez-vous bien mesuré l'incidence possible sur certaines entreprises industrielles des amendements prévoyant la suppression du dispositif de compensation carbone, ou « supercap » ? On vise en effet de grandes ambitions pour réindustrialiser la France et il ne s'agirait pas de pénaliser les acteurs qui, malgré les charges qu'ils doivent assumer, y ont une action déterminée en matière de réduction de leurs émissions de CO2. Avant toute suppression, il faut s'assurer que cela n'aura pas de conséquence négative sur la viabilité économique des petites entreprises industrielles et que cela n'ira pas à rebours des objectifs de développement industriel affichés dans notre pays.
M. Victorin Lurel. - À mon tour, je félicite les deux rapporteurs spéciaux ainsi que le rapporteur pour avis.
Je soutiens leur amendement relatif à la participation de l'État au financement des pôles de compétitivité.
Comme Florence Blatrix Contat, je m'interroge sur la suppression de l'INC et la cession de ses activités au secteur privé. Ce choix me laisse perplexe, car une politique de protection et d'information des consommateurs reste nécessaire. En quoi la situation de l'INC, dans le giron de l'État, n'est-elle aujourd'hui pas redressable ? Disposez-vous du reste d'informations au sujet du groupe de presse qui reprendrait ces activités ?
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Le sort réservé à l'INC est certes regrettable. Mais la difficulté majeure réside dans le fait qu'il a manqué le virage numérique. L'Institut est aujourd'hui structurellement déficitaire et ne parvient plus à redresser la situation ; c'est ce qui motive la proposition de supprimer son activité de presse. Celle-ci devrait être mise en vente et, d'après les informations dont nous disposons, l'UFC-Que Choisir serait en mesure d'absorber la part du travail qui, jusqu'à présent, revenait à l'INC.
Les autres missions de service public de l'Institut - la recherche et l'information des consommateurs - devront également être abandonnées : les coûts de structure de l'établissement ne justifient en effet plus d'en maintenir l'existence avec un périmètre d'intervention aussi restreint. Nous arrivons malheureusement au terme du processus, l'INC n'ayant pas rebondi à temps.
M. Victorin Lurel. - Quel est l'effectif de l'INC ?
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - L'effectif total de l'INC au 1er septembre 2024 correspondait à 53,3 ETP.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Une baisse des effectifs est déjà intervenue. Un plan de reprise avait aussi été envisagé, mais a finalement été jugé beaucoup trop coûteux. L'INC a réagi trop tardivement et sa situation actuelle n'est plus tenable. Il est vrai que c'est très regrettable.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Pour sa part, si Business France, comme la plupart des acteurs publics, a largement été mis à contribution ces dernières années - la diminution de ses crédits était de 10 millions d'euros en 2025 - la subvention qui lui est attribuée au titre du programme 134 reste globalement stable dans le PLF pour 2026.
En ce qui concerne les pôles de compétitivité, les crédits qui leur avaient été dévolus en 2025 ont été presque intégralement exécutés, soit quelques 8,5 millions d'euros. On perçoit cependant chaque année la volonté du Gouvernement de supprimer cette enveloppe. Il avait ainsi, l'an dernier, lors de l'examen de la mission « Économie » en séance publique, émis un avis défavorable sur la reconduction des crédits à hauteur de 9 millions d'euros et c'est en définitive la commission mixte paritaire (CMP) qui avait réglé le problème. C'est donc un combat que nous porterons encore pour 2026 et je crains qu'il ne faille le répéter dans les années suivantes. Chacun, dans nos territoires, nous mesurons l'importance de ces pôles de compétitivité et l'attrait qu'ils y représentent.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Sur la visibilité de la politique industrielle française, nous constatons que ses crédits sont morcelés entre différentes missions du PLF.
Sur La Poste, nous partageons les remarques qui ont été formulées, à plus forte raison que nous commençons à observer dans nos territoires, et plus spécialement dans les milieux ruraux et en montagne, son désengagement des points de contact. Elle ne reconduit en effet pas les premiers engagements qu'elle avait conclus pour une durée de neuf ans avec certaines communes et qui arrivent à leur terme. Si ces contrats ne compensaient déjà qu'insuffisamment les collectivités locales pour le personnel qu'elles mettaient à la disposition des points de contact, ce coût risque désormais de revenir totalement à leur charge.
S'agissant de la diminution des crédits de l'ESS, le choix retenu par le Gouvernement aura, à mon sens, de lourdes conséquences sur la cohésion sociale dans nos territoires.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - La baisse prévue des crédits de l'ESS est en effet drastique et nous constatons que ce secteur s'avère le parent pauvre de la mission « Économie » dans le PLF 2026. La direction générale du Trésor nous a précisé vouloir privilégier le dispositif local d'accompagnement (DLA) qu'elle juge prioritaire parmi les missions financées au titre de l'ESS.
Au sujet des missions de service public de La Poste, sa nouvelle directrice générale, que nous avons entendue, nous a précisé que leur coût s'élève à 2 milliards d'euros. L'État le compense à hauteur de 1 milliard d'euros. Le Gouvernement considère qu'il est possible de s'en tenir à cette participation du fait du bénéfice que La Poste dégage, lequel atteint précisément le même montant. Cela n'est cependant pas sans poser de réelles difficultés à l'entreprise, tant sous l'angle des investissements qu'elle souhaiterait engager que sous celui de sa politique d'intéressement de ses salariés, dont les efforts ne sont pas récompensés à leur pleine mesure. Les difficultés s'étendent aux territoires et La Poste nous alerte sur le fonds de péréquation départemental, qu'elle nous indique ne pas avoir, cette année, les moyens d'alimenter.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Le déploiement du plan France Très Haut Débit se déroule dans de bonnes conditions, et, d'après la Cour des comptes, conformément aux objectifs fixés. Nous n'en relevons cependant pas moins d'évidentes disparités qui prévalent dans nos différents territoires : des pans entiers de villages peuvent être annoncés par l'Arcep comme étant en principe couverts, sans l'être en réalité.
Nous allons nous assurer auprès du Gouvernement que le montant inscrit dans le prochain PLFG sera bien conforme aux attentes. L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et nous-mêmes l'avons alerté sur le risque que des collectivités territoriales sous contrat avec l'Agence ne soient contraintes, faute de recevoir les financements nécessaires, d'y suppléer par leurs propres moyens ou de renoncer à aider les entreprises dans ce domaine. Il serait alors à craindre que certaines d'entre elles ne doivent envisager de cesser leur activité.
Par ailleurs, le projet de fusion de Business France et d'Atout France est, fort heureusement, abandonné. Thierry Cozic et moi-même nous en étions alarmés l'an dernier. Néanmoins, une mutualisation des réseaux internationaux des deux structures est prévue : une partie du personnel d'Atout France intervenant à l'international sera potentiellement licenciée ou transférée à Business France, ce qui pourrait induire, sinon un surcoût, du moins un surcroît de travail pour Business France.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - En matière de décarbonation de l'industrie, je confirme qu'une enveloppe de 1,6 milliard avait été inscrite en AE pour 2025. Nous manquons cependant encore de recul sur ce dispositif qui vient d'être lancé et qui est lié à des appels à projets sélectifs, les projets étant mis en concurrence sur la base de leur coût d'abattement, exprimé en euros par rapport à la tonne de CO2 évitée. Nous essayerons d'obtenir davantage d'informations dans le courant de 2026.
Mme Christine Lavarde. - L'ouverture de 500 millions d'euros d'AE supplémentaires en 2026 est-elle justifiée ?
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Ces ouvertures de crédits s'inscrivent dans la continuité des dispositifs d'aide à la décarbonation portés par les programmes « France Relance » et « France 2030 ». Nous partageons globalement l'objectif mais il serait effectivement souhaitable que le Parlement dispose de davantage d'informations sur le calendrier de décaissement de ces crédits.
Une autre question concernait la suppression du « supercap », un dispositif qui consiste, depuis 2022, en une aide additionnelle. Nous sommes à un moment où l'on demande des efforts à tous et la question s'est posée du bien-fondé de son maintien quand un certain nombre d'États européens ne l'ont pas mis en oeuvre. En France, il se concentre aujourd'hui sur quatre-vingt-quatre sites. Six entreprises captent près de 70 % du montant total de cette aide complémentaire, qui est répartie entre seulement neuf sites.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Le sujet des CCI et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) est important . À mon sens, nous en sommes arrivés au strict minimum pour le fonctionnement de ces deux institutions. Leur activité est à présent en péril, en dépit des énormes efforts auxquels elles ont consenti depuis des années, leurs crédits ayant été massivement amputés. On leur a fait facturer leurs services, mais la situation n'est pour elles plus tenable. Certains envisagent de les fusionner, ce qui me paraît devoir être contreproductif dans les territoires. Un rapprochement de leurs équipes respectives, voire dans certains cas une mutualisation, pourrait en revanche être envisagé.
M. Claude Raynal, président. - Vous nous proposez trois amendements de crédits sur la mission ainsi qu'un amendement sur les articles rattachés. Le rapporteur général souhaite nous présenter une proposition alternative.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La proposition des deux rapporteurs spéciaux me semble parfaitement honnête. Nous partageons la problématique persistante qui est à l'oeuvre sur les sujets de La Poste et des pôles de compétitivité - dont nous avions obtenu le maintien, l'an dernier, en CMP. J'ai relayé cette problématique auprès de la ministre chargée des comptes publics en proposant que nous la traitions par amendements de crédits au PLFG 2025. Une telle solution permettrait de satisfaire les demandes, sans porter préjudice aux industriels électro-intensifs.
De la même manière, il nous faut objectiver la situation des nombreux bureaux de poste qui, aujourd'hui, et aussi en ville, ferment ou réduisent leur amplitude horaire. Il convient de s'adapter à l'évolution de la fréquentation et des usages, notamment numériques, des uns et des autres. Ce qui est vrai de l'activité postale l'est également du réseau bancaire ou d'autres secteurs. Cette considération me semble devoir être au coeur de la négociation à mener entre La Poste d'un côté, les territoires et l'État de l'autre.
Je propose donc le retrait des amendements des rapporteurs spéciaux. J'aborderai aussi le sujet avec Amélie de Montchalin que nous accueillerons tout à l'heure et lui demanderai de nous confirmer son avis sur la proposition alternative que je formule.
M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Nous souscrivons à la proposition du rapporteur général. L'an dernier, lors de la réunion de la CMP, il n'avait pas été possible de retenir une proposition de crédits supplémentaires de 150 millions d'euros en faveur de La Poste. Utiliser le PLFG constitue un bon compromis pour satisfaire de telles demandes.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Le signal est important pour ne pas déstabiliser La Poste au moment où intervient un changement au sein de gouvernance.
Les amendements FINC.1, FINC.2, FINC. 3 et FINC.4 sont retirés.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Article 70
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 70.
Article 71
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 71.
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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.