C. LA BAISSE DÉMOGRAPHIQUE, UNE OPPORTUNITÉ POUR LES POLITIQUES DE L'ÉDUCATION NATIONALE

1. Des effectifs d'enseignants stables depuis 2015

Les effectifs des enseignants sont relativement stables entre 2015 et 2024. Ainsi, le nombre d'enseignants du premier degré, public et privé sous contrat confondus, a augmenté de 0,6 %, représentant 2 366 emplois supplémentaires. Dans le même temps, les effectifs des élèves ont diminué de 7,6 % dans le premier degré.

Dans le second degré, le nombre d'enseignants a augmenté de 0,7 %, représentant une hausse de 3 296 emplois. Les établissements du second degré ont dans le même temps gagné 2,3 % d'effectifs. Toutefois, par rapport à 2015, le second degré devrait perdre 0,6 % d'élèves dès 2026.

Évolution des effectifs d'enseignants du premier et du second degré public
entre 2015 et 2024

Note : il s'agit des effectifs physiques d'enseignants en emploi au 1er novembre de l'année considérée, et non des ETP.

Source : commission des finances d'après la DEPP

Ainsi, l'évolution des effectifs d'enseignants doit être réfléchie au regard des enjeux de baisse en cours et à venir des effectifs d'élèves, comme l'a d'ailleurs évoqué l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherché (IGESR) dans une revue de dépenses5(*), ainsi que la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport du Sénat dans son rapport6(*) Baisse démographique, réussite des élèves : quel maillage scolaire pour la France de demain ? Un rapport de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat devrait aussi paraitre prochainement à ce sujet.

Une baisse du nombre de classes difficile à mettre en oeuvre localement

L'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) ont proposé dans une revue de dépenses des recommandations pour limiter les dépenses d'éducation, à travers trois scénarios alternatifs proposant des suppressions de classes dans le premier et le second degré.

Les inspections constatent ainsi que la méthodologie retenue par le MENJ pour prédire les évolutions démographiques sur le territoire et donc les moyens nécessaires associés diffère de celles de la direction du Budget. Elles proposent donc trois scénarios conduisant à une nouvelle répartition des moyens budgétaires entre établissements sur les territoires : 

- Le scénario dit n° 1 conduit à supprimer les classes à effectifs réduits sans créer de classes à effectifs trop importants. La méthodologie, qui tient compte notamment de l'indice de position sociale des établissements, conduirait à supprimer près de 600 classes dans le premier degré, entre 1005 et 1436 classes au collège et entre 1387 et 1823 équivalents temps plein (ETP) au lycée.

Ces calculs ne prennent toutefois pas en compte la répartition territoriale. Il serait problématique de supprimer des classes dans des territoires déjà très enclavés, augmentant ainsi fortement le temps de trajet des élèves.

- Le scénario n° 2 conduit à relever le seuil de dédoublement en éducation prioritaire et en éducation prioritaire renforcée. Le taux actuel appliqué est de 12 élèves par professeur. Un seuil de dédoublement à 15 élèves par professeur se traduirait par la fermeture de 839 classes, dont 124 dans l'académie de Créteil et 136 dans celle de Versailles.

- Le scénario n° 3 conduit à adapter le maillage territorial des écoles et des établissements. L'IGF et l'IGESR estiment que 1 925 écoles (dont 105 en REP + et 166 en REP), représentant 4 % du total des écoles et 4 927 ETP pourraient être fermées, les élèves ayant accès à une offre scolaire équivalente de proximité. De même, 33 collèges représentant 796 ETP, dont 4 classés REP + et 6 classés REP, sont identifiés comme pouvant être fermés.

Source : commission des finances

2. Utiliser la baisse démographique comme une opportunité pour améliorer les rémunérations des enseignants

L'évolution des effectifs d'enseignants est toutefois à considérer en regard des politiques récentes qui ont nécessité le redéploiement d'effectifs d'enseignants :

- en particulier, la politique de dédoublement des classes de CP et de CE1 mise en oeuvre dès 2017 a nécessité le redéploiement de 10 800 postes d'enseignants du premier degré ;

- le prolongement de cette politique aux grandes sections de maternelle dès 2020 a entrainé le déploiement de 5 200 emplois dédiés. Ainsi, au total, la politique de dédoublement des classes dans les établissements d'éducation prioritaire a impliqué le déploiement de 16 000 emplois, soit 5 % de l'effectif d'enseignants du premier degré à la rentrée 2023. Il aurait donc été particulièrement difficile de faire baisser le nombre d'enseignants du premier degré dans les mêmes proportions que le nombre d'élèves entre 2017 et 2023 et d'instaurer dans le même temps le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 dans les écoles classées « REP » et « REP + » ;

- dans le second degré, la politique de choc des savoirs a nécessité en 2024 et 2025 l'utilisation de 2 800 emplois dédiés pour créer les « groupes de besoin » dans les classes de sixième et de cinquième. Devant les difficultés suscitées par la mise en oeuvre de la réforme des groupes de besoin, la ministre de l'Éducation nationale Elisabeth Borne a décidé de ne pas rendre obligatoire l'extension du dispositif aux classes de quatrième et troisième, laissant toute liberté aux établissements sur ce point.

La baisse des effectifs d'élèves constitue une opportunité pour que la mission « Enseignement scolaire » finance, sans hausse de budget, les politiques d'éducation les plus aptes à favoriser la réussite des élèves, et en particulier les revalorisations salariales des enseignants, condition nécessaire au rétablissement de l'attractivité de la profession enseignante.

Or, en considérant le plafond d'équivalents7(*) temps plein travaillés (ETPT) de la loi de finances initiale, qui s'élève pour les enseignants à 839 679 ETPT, une application stricte de l'évolution démographique du nombre d'élèves, en baisse de 1 %, aurait conduit à la suppression de 9 415 ETP pour 2026.

Évolution des effectifs d'élèves entre 2012 et 2029

Source : commission des finances d'après la DEPP

La baisse proposée par le présent PLF de 4 018 ETP d'enseignants est donc moitié plus faible que la reprise démographique prévue, d'autant qu'aucune suppression de postes n'a été opérée en loi de finances initiale pour 2025, malgré la proposition du Sénat en la matière.

Pourtant, si l'évolution démographique avait été appliquée strictement, ce sont 8 243 ETP d'enseignants qui auraient été supprimés en 2025, et donc au total 17 473 ETP entre 2024 et 2026.

Évolution simulée du nombre d'enseignants en cas d'application stricte des taux d'évolution démographique des élèves

(en ETP)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Le rapporteur spécial souhaite donc proposer d'aller plus loin dans la suppression des emplois d'enseignants pour le PLF 2026. Enlever 8 000 ETP d'enseignants, au total, permettrait de suivre l'évolution démographique, mais de manière beaucoup plus modérée que la suppression des 17 473 emplois que justifierait la tendance démographique.

Ainsi, il pourrait être possible de procéder au PLF 2026 :

- à la suppression de 4 373 ETP d'enseignants du premier degré, au lieu des 2 373 ETP actuellement envisagés ;

- à la suppression de 3 645 ETP d'enseignants du second degré, au lieu des 1 645 ETP envisagés par le présent texte.

Il est important de procéder aux suppressions d'emplois progressivement, chaque année, afin d'éviter des transitions trop brutales et insuffisamment préparées dans certains territoires. Les directeurs académiques des services de l'éducation nationale ont de plus les moyens de procéder à des modifications raisonnées dans l'ensemble des territoires, au plus près possible des besoins locaux.

Suivre l'évolution du nombre d'élèves en diminuant le nombre d'enseignants de manière raisonnée permettra, à terme, de dégager des marges budgétaires nécessaires pour le ministère de l'éducation nationale, notamment pour revaloriser davantage les enseignants insuffisamment rémunérés.

Une attention particulière doit de plus être portée aux écoles rurales. Entre 2015 et 2023, les écoles publiques rurales ont en effet perdu près de 96 000 élèves de niveau élémentaire, soit un recul de 8,6 % des effectifs. Il parait pourtant compliqué de ne cibler que les écoles rurales pour la suppression de postes d'enseignants, au regard des enjeux d'attractivité du territoire et de proximité des services publics dans des endroits parfois très enclavés. C'est aussi une position d'aménagement du territoire, une désertification scolaire ne pouvant qu'accélérer la désertification préoccupante de certains espaces ruraux du pays.

Ainsi, la baisse des effectifs d'élèves ne peut permettre d'imputer mécaniquement une baisse du nombre d'enseignants. L'évaluation doit également tenir compte tant des spécificités des territoires que des politiques mises en oeuvre. Une baisse plus mesurée des effectifs d'enseignants que des effectifs d'élèves permettrait notamment de diminuer le nombre d'élèves par classe, afin de faciliter les apprentissages, ainsi que d'augmenter les effectifs d'enseignants remplaçants.


* 5 « Dispositifs en faveur de la jeunesse », avril 2024.

* 6 Baisse démographique, réussite des élèves : quel maillage scolaire pour la France de demain ? Rapport d'information n° 749 (2024-2025) par M. Jacques Grosperrin et Mmes Annick Billon et Colombe Brossel.

* 7 Un équivalent temps plein désigne un emploi occupé par un agent multiplié par la quotité de travail. Un ETPT est un emploi travaillé en année pleine. Dans le PLF, la suppression d'un ETP au schéma d'emploi implique que cet ETP ne sera supprimé qu'au 1er septembre, soit au bout des deux-tiers de l'année. Une suppression d'un ETP au schéma d'emploi implique donc la suppression d'un tiers d'ETPT dans le plafond d'emplois.

Partager cette page