III. MALGRÉ DES EFFORTS DE REVALORISATION CES DERNIÈRES ANNÉES, DES RÉMUNÉRATIONS DES ENSEIGNANTS ENCORE INSUFFISANTES

A. LES DÉPENSES DE PERSONNELS, PRINCIPAL POSTE DE DÉPENSE DE LA MISSION

1. Près d'1,2 million de personnes rémunérées
a) La mission compte 70 % d'enseignants

La mission « Enseignement scolaire » se caractérise par l'ampleur des dépenses de personnel. Le ministère de l'Éducation nationale constitue le premier employeur public. Ainsi, à la rentrée 2024, 1,2 million de personnes sont rémunérées par le ministère de l'Éducation nationale au titre de l'enseignement scolaire, dont 712 806 enseignants dans le secteur public et 139 946 dans le secteur privé. Ce sont 11 291 agents qui n'ont aucune affectation, dont 10 048 enseignants. Il s'agit d'agents en congé longue durée ou en congé de formation professionnelle.

Les personnels de l'enseignement scolaire
selon leur mission et leur corps en 2024-2025

(en effectifs physiques)

Source : Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP)

En 2024-2025, 353 947personnes sont rémunérées au titre du ministère chargé de l'Éducation nationale pour des missions autres que l'enseignement.

Les enseignants représentent 70 % des personnels du ministère. Le premier degré représente 43 % des effectifs d'enseignants.

Répartition des enseignants en 2024 selon leur statut

Source : commission des finances d'après la DEPP

Plus de 9 % des enseignants sont des contractuels, ce qui représente 81 283 emplois.

Cette proportion est particulièrement importante dans l'enseignement privé, dans la mesure où elle atteint près d'un cinquième des enseignants dans le second degré. Elle a d'ailleurs été augmentée d'un tiers dans le premier degré.

Suite aux difficultés de recrutement rencontrées en 2022 et 2023 dans le public, malgré une légère atténuation en 2024, la part des enseignants contractuels du public a augmenté de près moitié dans le second degré et été multipliée par 5,8 dans le premier degré. Dans le public, le premier degré compte ainsi 2,7 % d'enseignants contractuels et le second degré 11,1 %. Près de 51 969 enseignants sont contractuels en 2024.

Évolution de la part des enseignants contractuels entre 2015 et 2023

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la DEPP

b) Une hausse des personnels non-enseignants de l'éducation nationale en raison de la politique de l'école inclusive

Les personnels non-enseignants de l'éducation nationale représentent près de 353 947 emplois en 2024, soit 292 698 ETP. Ils sont composés à hauteur de 45,1 % de l'ensemble des personnels dits « d'assistance éducative », y compris les accompagnants en situation de handicap (AESH), soit plus de 139 993 personnes.

Répartition des personnels non-enseignants de l'éducation nationale

(en pourcentage et en ETP)

Note : les personnels de soutien à l'enseignement « interviennent dans la classe avec l'enseignant pour l'aider », les personnels d'animation pédagogique « interviennent dans un rôle de conseil à l'enseignant » et les personnels d'éducation comprennent essentiellement les conseillers principaux d'éducation.

Source : commission des finances d'après la DEPP

Le personnel administratif proprement dit ne concerne que 56 310 personnes, soit 16 % des personnels non-enseignants, essentiellement en poste dans les établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), comme développé dans un rapport de contrôle8(*) du rapporteur.

Les effectifs des personnels non-enseignants ont significativement augmenté ces dernières années, de près de 54,2 %, essentiellement en raison de la hausse du nombre d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). En effet, près de 112 500 emplois de personnels d'assistance éducative, soit les AESH et les assistants d'éducation, ont été créés depuis 2015.

Évolution des effectifs des personnels non-enseignants
entre 2015 et 2024

(en nombre d'emplois)

Source : commission des finances d'après la DEPP

L'embauche d'effectifs supplémentaires d'AESH est liée directement à la mise en oeuvre de l'école inclusive, développée infra.

Les effectifs des autres personnels non-enseignants de l'éducation nationale sont stables depuis 2015.

2. Une globale stabilité des dépenses de personnels

La mission « Enseignement scolaire » a la particularité d'être essentiellement constituée de dépenses de personnel (titre 2), qui correspondent à 94 % des dépenses de la mission hors CAS « Pensions ».

Les programmes 140 et 141 portent quasiment uniquement des dépenses de personnel, en grande majorité liées à la rémunération des enseignants comme indiqué plus haut. Le programme 139 comporte une part plus importante de dépenses d'intervention du fait du soutien apporté aux établissements scolaires privés. Le programme 230 est par construction le seul où les dépenses de personnel sont minoritaires, dans la mesure où il porte les crédits immobiliers et informatiques.

a) Une stabilisation des dépenses de personnels, après la hausse des dépenses des années 2023 et 2025

Les dépenses de personnels sont stables en 2026, comme en 2025, après deux années de hausse importante, en 2023 et 2024. Le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel représente ainsi 59,23 milliards d'euros hors CAS « Pensions », en augmentation de 0,7 % seulement par rapport à l'année précédente.

Dépenses de personnel (titre 2)

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les dépenses de personnels hors contribution au CAS « Pensions » ont augmenté de près de 20 % depuis 2019, soit une hausse moyenne de 5 % par an, concentrée essentiellement sur les années 2023 et 2024. Par rapport à 2019, les dépenses de personnels auront ainsi augmenté en 2026 de 12 milliards d'euros hors contribution au CAS « Pensions », et de seulement 402,3 millions d'euros par rapport à la LFI 2025.

Les hausses de dépenses de personnels de ces dernières années étaient liées tant à des mesures catégorielles qu'à des mesures générales. Lors de la présentation du PLF pour 2024, les mesures catégorielles de revalorisation salariale représentaient une hausse de 1,3 milliard d'euros des dépenses par rapport à 2023. Elles comprenaient notamment le relèvement des principales indemnités de fonction perçues par les personnels enseignants, avec le doublement de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), versée aux enseignants du premier degré, et de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), attribuée aux enseignants du second degré. La prime d'attractivité avait été revalorisée pour les quinze premières années de carrière.

Les mesures générales comportaient les hausses successives du point d'indice, en 2022 et 2023, qui ont représenté 2,5 milliards d'euros en 2024, ou encore les mesures du « rendez-vous salarial » annoncé en juin 2023, notamment la prime de pouvoir d'achat pour un coût de près de 300 millions d'euros en 2023.

b) Une évolution des dépenses de personnels déterminée par les mouvements de tendance

En 2026 comme en 2025, et à la différence des années précédentes, l'évolution des dépenses de personnels est davantage impactée par les mouvements de tendance, que par les mesures de revalorisations, générales ou catégorielles. Notamment, le glissement vieillesse-technicité - GVT augmente de 419 millions d'euros les dépenses de personnels. En comparaison, les revalorisations catégorielles n'ont représenté qu'une hausse de 11 millions d'euros des dépenses de personnel par rapport à 2025.

Les autres dépenses de personnel, dont le montant s'élève au total à 50 millions d'euros, inclut en réalité le coût de 303 millions d'euros pour le ministère de l'éducation nationale de la mise en oeuvre de la protection sociale complémentaire pour les agents, à compter du 1er mai 2026. L'État prendra à sa charge 50 % de la protection santé, obligatoire, soit environ 40 euros par agent. Une protection « prévoyance » sera également proposée de manière facultative, avec une participation du ministère de 7 euros. Le ministère a fait le choix de la MGEN comme organisme de protection sociale complémentaire. Cette dépense est contrebalancée par d'autres mesures (transferts de dépenses etc.).

Répartition de la hausse des dépenses de personnels
sur la mission Enseignement scolaire entre 2025 et 2026 (hors CAS « Pensions »)

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

3. Un effort budgétaire incontestable et stabilisé depuis 2025 pour améliorer les rémunérations des personnels
a) Un coût budgétaire évalué à 4,2 milliards d'euros en 2026 pour revaloriser les salaires des enseignants

Entre 2021 et 2026, les dépenses de personnels ont augmenté de 14,5 milliards d'euros sur le titre 2, dont 10,2 milliards d'euros hors dépenses liées au CAS Pensions. La hausse structurelle des dépenses de personnels peut se décomposer ainsi :

- les revalorisations décidées au titre de la revalorisation du point d'indice, de 3,5 % opérée à l'été 2022 et de 1,5 % à l'été 2023, représentant une hausse des dépenses de 2,5 milliards d'euros en année pleine, dont 1,69 milliard d'euros liée à la hausse de 2022 et 774 millions d'euros liée à la hausse de 2023 ;

- les mesures catégorielles décidées en 2021 et 2022, dont notamment la création de la prime d'attractivité (253,2 millions d'euros), de la prime informatique (178,6 millions d'd'euros), la participation à la protection sociale complémentaire (200 millions d'euros) et la mise en oeuvre du Grenelle de l'éducation (400 millions d'euros, dont notamment 245 millions d'euros pour la revalorisation et l'extension de la prime d'attractivité). Ces mesures représentent un montant total de 1,17 milliard d'euros ;

- les revalorisations décidées au titre de la revalorisation socle des enseignants en 2023, pour un montant de 1,905 milliard d'euros en année pleine ;

- l'octroi de 5 points d'indice majorés au 1er janvier 2024, pour un montant de 421 millions d'euros ;

- le Pacte enseignant, qui représente, en 2026, un total de 480 millions d'euros.

Au total, en l'absence de ces diverses mesures de revalorisation salariales, toutes choses égales par ailleurs, les dépenses de personnel de la mission « Enseignement scolaire » au PLF pour 2026 auraient été moins élevées de 6,44 milliards d'euros.

Décomposition de l'impact en 2026 des différentes mesures
de revalorisation salariale décidées depuis 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

b) Une hausse des rémunérations moyennes des enseignants

Les rémunérations moyennes des enseignants ont significativement augmenté entre 2021 et 2024, en début de carrière.

Le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale avaient mis en avant l'objectif que les enseignants débutants puissent bénéficier d'un traitement minimum de 2 000 euros nets à partir de la rentrée 2023. D'un point de vue purement formel, cet objectif a été tenu, à l'exception des enseignants stagiaires. En 2023, les enseignants commencent leur première année de titularisation à 2 250 euros nets par mois pour les professeurs des écoles, à 2 410 euros pour les professeurs certifiés, à 2 450 euros pour les professeurs de lycée professionnel et même à 2 810 euros nets pour les professeurs agrégés.

Le principal axe de la revalorisation « socle » mise en place en septembre 2023 et dont les effets en année pleine sont sensibles en 2024 est le doublement des indemnités statutaires. Le montant de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), versée aux enseignants du 1er degré, et de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), attribuée aux enseignants du 2nd degré, est doublé pour atteindre 2 550 euros bruts par an, soit un gain annuel brut de 1 350 euros à partir de 2023 par rapport à septembre 2022.

Au total, grâce à ces revalorisations indemnitaires, à la hausse du point d'indice en juillet 2022 et en juillet 2023 et à l'octroi de 5 points d'indice majoré en janvier 2024, les enseignants titulaires gagnent en moyenne 258 euros nets de plus par mois en janvier 2024 par rapport à avril 2022, soit une progression de 11 %. En septembre 2022 et septembre 2023, les enseignants disposaient en moyenne de 158 euros nets supplémentaires par mois, représentant une hausse de 6,5 %.


* 8 Les personnels administratifs du ministère de l'Éducation nationale, du rapporteur spécial Olivier Paccaud, 22 mai 2024.

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