- L'ESSENTIEL
- PREMIÈRE PARTIE
LES CRÉDITS DE LA MISSION « JUSTICE » EN 2026
- I. UNE NOUVELLE FOIS, DES MESURES DE
RÉGULATION BUDGÉTAIRE ONT RENDU PLUS DIFFICILE LE FONCTIONNEMENT
DE LA JUSTICE EN 2025
- II. LE PROJET DE BUDGET POUR 2026 PRÉSERVE
LES CRÉDITS DE LA MISSION, RENFORCÉS PAR LA CRÉATION DE
NOUVELLES RESSOURCES
- III. LA NÉCESSITÉ D'UNE MEILLEURE
CONNAISSANCE ET ÉVALUATION
- I. UNE NOUVELLE FOIS, DES MESURES DE
RÉGULATION BUDGÉTAIRE ONT RENDU PLUS DIFFICILE LE FONCTIONNEMENT
DE LA JUSTICE EN 2025
- DEUXIÈME PARTIE
LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. L'EMPLOI ET LES DÉPENSES DE
PERSONNEL : UN EFFORT IMPORTANT DONT LES EFFETS DEVRONT
IMPÉRATIVEMENT APPARAÎTRE DANS LES ANNÉES À
VENIR
- II. L'IMMOBILIER DU MINISTÈRE EST TOUJOURS
SOUS TENSION
- III. DES FONCTIONS SUPPORT À RENFORCER,
CONDITION DE L'EFFICACITÉ DE LA JUSTICE
- A. L'INFORMATIQUE MINISTÉRIELLE : UNE
MODERNISATION INDISPENSABLE POUR AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA
JUSTICE
- B. LES FRAIS DE JUSTICE : COMPLÉTER
LES MESURES DU PROJET DE LOI DE FINANCES PAR UN MEILLEUR SUIVI INTERNE
- C. LA PLATEFORME NATIONALE DES INTERCEPTIONS
JUDICIAIRES : UNE SOURCE D'ÉCONOMIES POUR LE BUDGET DE LA
JUSTICE
- D. AGRASC : UNE ACTIVITÉ À
DÉVELOPPER ENCORE POUR DE MEILLEURS RETOURS FINANCIERS
- E. L'AIDE JURIDICTIONNELLE : DES
DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES INSATISFAISANTS MALGRÉ LA FORTE
HAUSSE DES CRÉDITS, BIENTÔT RENFORCÉS PAR L'AFFECTATION
D'UNE RESSOURCE NOUVELLE
- A. L'INFORMATIQUE MINISTÉRIELLE : UNE
MODERNISATION INDISPENSABLE POUR AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA
JUSTICE
- I. L'EMPLOI ET LES DÉPENSES DE
PERSONNEL : UN EFFORT IMPORTANT DONT LES EFFETS DEVRONT
IMPÉRATIVEMENT APPARAÎTRE DANS LES ANNÉES À
VENIR
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 139 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) |
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Rapporteur spécial : M. Antoine LEFÈVRE |
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(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
I. UN ACCROISSEMENT DES MOYENS DE LA JUSTICE PROCHE DE LA TRAJECTOIRE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION
A. UNE NOUVELLE FOIS, DES MESURES DE RÉGULATION BUDGÉTAIRE ONT RENDU PLUS DIFFICILE LE FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE EN 2025
Comme en 2024, l'exécution budgétaire de la mission « Justice » a été marquée par la prise d'un décret d'annulation le 25 avril dernier (139,1 millions d'euros en crédits de paiement, dont la moitié sur le programme 166 « Justice judiciaire »). Les annulations ont porté sur une partie de la réserve de précaution, qui a toutefois été reconstituée par des blocages supplémentaires de crédits.
En outre, le ministère a dû faire face aux conséquences de l'introduction, puis de l'abandon de la réforme sur les jours de carence dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, les crédits correspondants n'ayant pas été rétablis malgré l'abandon de la mesure au cours des débats.
B. LE PROJET DE BUDGET POUR 2026 PRÉSERVE LES CRÉDITS DE LA MISSION, RENFORCÉS PAR LA CRÉATION DE NOUVELLES RESSOURCES
La mission « Justice » représente, dans le projet de loi de finances pour 2026, 12,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 13,1 milliards d'euros en crédits de paiement.
Évolution des crédits de la mission « Justice » par programme
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 constant |
Évolution de 2025 à 2026 |
PLF 2026 courant |
||||
|
en % |
en valeur |
en % hors inflation |
|||||
|
166 - Justice judiciaire |
AE |
4 659,8 |
4 701,5 |
+ 0,9 % |
+ 41,7 |
- 0,4 % |
4 699,7 |
|
CP |
4 642,3 |
4 766,1 |
+ 2,7 % |
+ 123,8 |
+ 1,3 % |
4 764,3 |
|
|
107 - Administration pénitentiaire |
AE |
4 874,6 |
5 202,4 |
+ 6,7 % |
+ 327,8 |
+ 5,4 % |
5 202,0 |
|
CP |
5 327,4 |
5 549,2 |
+ 4,2 % |
+ 221,9 |
+ 2,8 % |
5 548,9 |
|
|
182 - Protection judiciaire de la jeunesse |
AE |
1 170,4 |
1 167,4 |
- 0,3 % |
- 3,0 |
- 1,5 % |
1 167,4 |
|
CP |
1 150,7 |
1 159,6 |
+ 0,8 % |
+ 8,9 |
- 0,5 % |
1 159,6 |
|
|
101 - Accès au droit et à la justice |
AE |
802,4 |
808,5 |
+ 0,8 % |
+ 6,1 |
- 0,5 % |
808,5 |
|
CP |
802,4 |
808,5 |
+ 0,8 % |
+ 6,1 |
- 0,5 % |
808,5 |
|
|
310 - Conduite et pilotage de la politique de la justice |
AE |
689,7 |
795,8 |
+ 15,4 % |
+ 106,1 |
+ 13,9 % |
794,7 |
|
CP |
753,8 |
768,2 |
+ 1,9 % |
+ 14,5 |
+ 0,6 % |
767,1 |
|
|
355 - Conseil supérieur de la magistrature [P335] |
AE |
5,2 |
5,5 |
+ 5,8 % |
+ 0,3 |
+ 4,5 % |
5,5 |
|
CP |
6,3 |
6,5 |
+ 3,4 % |
+ 0,2 |
+ 2,0 % |
6,5 |
|
|
Total |
AE |
12 202,1 |
12 681,1 |
+ 3,9 % |
+ 479,0 |
+ 2,6 % |
12 677,8 |
|
CP |
12 682,9 |
13 058,1 |
+ 3,0 % |
+ 375,3 |
+ 1,6 % |
13 054,9 |
|
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Les programmes « métiers » demeurent, de loin, les premiers programmes de la mission, les programmes 166 « Justice judiciaire » et 107 « Administration pénitentiaire » regroupant à eux seuls 79,0 % des crédits de la mission.
En 2026, le projet de loi de finances prévoit que les crédits, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » et à périmètre constant, s'établiraient à un niveau de 10 629 millions d'euros, en hausse de 166 millions d'euros en crédits de paiement ou 1,6 %, soit un niveau légèrement supérieur à l'inflation anticipée (1,3 %).
Ce niveau est légèrement inférieur à celui prévu par loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, soit 10 691 millions d'euros. Toutefois, le projet de loi de finances permettra au ministère de disposer, en 2026, de ressources supplémentaires pour l'exercice de ses missions, issues notamment de l'amélioration du recouvrement des amendes pénales par les commissaires de justice et de la création d'une contribution à l'introduction d'une nouvelle instance en matière civile.
Enfin, les effectifs augmentent de 1 600 équivalents temps plein (ETP), dont + 855 ETP pour l'administration pénitentiaire et + 660 ETP pour les services judiciaires.
Les mesures du projet de loi de finances relatives à la justice
L'article 29 prévoit que, pour le recouvrement des amendes et sanctions pénales, le comptable public pourra solliciter les commissaires de justice à tout moment de son action, et non uniquement avant la mise en oeuvre de toute procédure coercitive.
L'article 30 rétablit la contribution pour l'aide juridictionnelle, droit de timbre déjà en vigueur entre 2011 et 2014, qui sera dû pour toute introduction d'une instance en matière civile et prud'homale et dont le produit sera affecté au financement de l'aide juridictionnelle.
L'article 46 pose le principe de la mise des frais d'enquête pénale à la charge de la personne condamnée, sauf décision contraire du juge.
L'article 78, rattaché à la mission, réduit le périmètre d'application de l'obligation de recours à certains expertises judiciaires.
Source : commission des finances
Au total, on peut donc considérer que la loi de programmation de la justice est dans l'ensemble respectée pour ce qui concerne les crédits.
Évolution à moyen terme des
crédits de paiement
de la mission
« Justice »
(en milliards d'euros constants et courants)
Crédits de paiement (CP) consommés (2016 à 2024) ou prévus (2025 et 2026).
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Sur le moyen terme, les moyens de la mission « Justice » ont connu une augmentation d'un tiers en euros constants depuis dix ans.
S'agissant du fonds de financement des dossiers impécunieux (FFDI), toutefois, qui finance la rémunération des liquidateurs lorsque les actifs des entreprises sont insuffisants, l'apport de l'État est limité à 1 million d'euros contre 54 millions d'euros dans la loi de finances initiale pour 2025 au motif, selon le Gouvernement, que le FFDI disposerait d'une trésorerie suffisante en 2026. Le rapporteur spécial souligne que le FDDI doit disposer des fonds nécessaires à l'accomplissement de ses missions en évitant les retards de paiement. Il reviendra donc à l'État de fournir les crédits nécessaires le moment venu.
C. CES HAUSSES DE CRÉDITS NE PERMETTENT DE COMBLER QU'UNE PARTIE DU MANQUE DE MOYENS DE LA JUSTICE EN FRANCE
Les hausses de crédits ne permettent en aucun cas aux tribunaux et aux établissements pénitentiaires d'accumuler des ressources indues. Elles sont au contraire la conséquence de la paupérisation de la justice soulignée de multiples fois, y compris dans des rapports internationaux.
La Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) note que le budget exécuté du système judiciaire français était de 77,2 euros par habitant en 2002, ce qui est inférieur à la moyenne des pays européens en pourcentage du PIB. Le nombre de juges professionnels est passé de 10,7 à 11,3 pour 100 000 habitants entre 2012 et 2022, mais il reste éloigné de la médiane européenne qui est de 17,6. En conséquence, les délais de traitement sont supérieurs à la moyenne des pays européens, sauf pour les affaires administratives de troisième instance.
D. LA CULTURE DE L'ÉVALUATION DOIT ÊTRE DÉVELOPPÉE AU MINISTÈRE DE LA JUSTICE
Si le ministère de la justice renforce son effort en matière d'évaluation et de statistiques, la culture de la donnée et de l'évaluation y est manifestement moins développée que dans d'autres administrations. La multiplicité et l'hétérogénéité des applicatifs utilisés au ministère de la justice ne facilitent pas l'exploitation des données qu'ils contiennent, malgré des efforts de rapprochement de fichiers.
La connaissance de l'activité est pourtant essentielle à l'activité même de la justice. Le rapporteur spécial a constaté, lors d'un travail de contrôle relatif aux frais de justice1(*), que les données sont insuffisantes pour objectiver les coûts. En particulier, les mesures du projet de loi de finances relatives à la justice devraient être assorties d'une méthodologie d'évaluation afin que le Parlement soit en mesure d'en observer les résultats.
II. L'ACCROISSEMENT DES CRÉDITS DEVRA PRODUIRE DES RÉSULTATS VISIBLES DANS LA JUSTICE RENDUE AUX CITOYENS
Les hausses de crédit et les recrutements réalisés depuis plusieurs années se poursuivent en 2026. Le temps de formation explique que les résultats ne soient encore guère visibles dans les délais de traitement des dossiers, mais il ne serait pas compréhensible que, dans les années à venir, les citoyens ne constatent pas une amélioration dans la manière dont la justice est rendue.
A. L'EMPLOI ET LES DÉPENSES DE PERSONNEL : UN EFFORT IMPORTANT
Le projet de loi de finances pour 2026 s'inscrit dans la continuité de la trajectoire budgétaire dynamique définie par la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, qui fixé à 10 000 équivalents temps plein (ETP) le nombre de créations nettes d'emplois du ministère de la justice entre 2023 et 2027, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers supplémentaires.
Les nombreux départs en retraite accroissent la tension sur les recrutements afin d'atteindre ces objectifs, tandis que le financement des pensions représente une proportion croissante des coûts de la mission.
Les augmentations d'effectifs se concentrent sur les programmes 166 « Justice judiciaire » et 107 « Administration pénitentiaire ». Aucune mesure catégorielle nouvelle n'est prévue, mais les importantes mesures prises les années précédentes produiront tout son effet sur les dépenses de personnel en 2026.
B. L'IMMOBILIER DU MINISTÈRE EST TOUJOURS SOUS TENSION
Les dépenses d'immobilier privilégient la poursuite des opérations existantes dans les tribunaux. L'installation du nouveau parquet national anti-criminalité organisée (PNACO) doit se faire dans l'enveloppe globale prévue par la loi d'orientation et de programmation pour la justice.
Les établissements pénitentiaires, en particulier les maisons d'arrêt, font face à une suroccupation toujours plus préoccupante.
Taux d'occupation des places en maison d'arrêt
(en pourcentage)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires (taux d'occupation des places en maison d'arrêt et quartiers maison d'arrêt)
Le plan de construction de 15 000 places, qui ne permettrait pas d'infléchir la courbe mais seulement de contenir la progression, n'a été atteint qu'à 36,1 % de sa cible jusqu'à présent. Dans le même temps, le Gouvernement lance de nouvelles initiatives, telles que la construction de prisons modulaires et la création de quartiers de haute sécurité.
Le rapporteur spécial juge positives ces initiatives pragmatiques, mais souligne qu'il est temps de redonner une lisibilité à la politique immobilière en matière pénitentiaire.
C. DES FONCTIONS SUPPORT À RENFORCER, CONDITION DE L'EFFICACITÉ DE LA JUSTICE
1. L'informatique ministérielle doit être modernisée pour améliorer l'efficacité de la justice
Les grands projets numériques du ministère connaissent des retards systématiques, parfois très importants. Des progrès sont également nécessaires en particulier pour mieux interconnecter les systèmes afin de réduire les tâches fastidieuses de saisie multiple de données.
L'interconnexion entre le logiciel Cassiopée et le fichier de traitement des antécédents judiciaires devrait supprimer plus de 123 000 heures de travail pour l'envoi de 1,2 million de fiches.
La visioconférence devrait également être développée de manière à limiter le recours aux extractions judiciaires, source de temps de travail des personnels et de risques pour leur sécurité.
Enfin, l'arrivée de l'intelligence artificielle constitue une possible voie, encore difficile à appréhender, d'amélioration du fonctionnement de la justice. Les conséquences sur les missions de certaines catégories de personnel et d'auxiliaires de justice pourraient être majeures à terme.
2. Les frais de justice : compléter les mesures du projet de loi de finances par un meilleur suivi interne
Le coût des frais de justice serait en 2026 de 759,7 millions d'euros, en hausse de 17,0 millions d'euros par rapport à 2025, et de 53,1 % par rapport à 2017.
La mise en oeuvre du principe de mise à la charge des personnes condamnées des frais de justice, prévue par l'article 48 du projet de loi de finances, ne pourra se faire que si un identifiant de dossier judiciaire est introduit dans les systèmes d'information afin de permettre le recensement et le recouvrement de ces frais.
3. La PNIJ et l'Agrasc : des sources d'économies et de revenus pour le ministère de la justice
La plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) s'est progressivement substituée au recours à des prestataires privés pour les interceptions judiciaires, permettant une économie nette de l'ordre de 200 millions d'euros entre 2010 et 2024.
L'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) gère les biens saisis et confisqués sur l'ensemble du territoire national et procède à leur vente le cas échéant. Le produit des versements réalisés par l'Agrasc est ainsi passé de 154,9 millions d'euros en 2022 à 244,1 millions d'euros en 2024. L'Agence pourrait développer encore son action si les moyens lui en sont donnés.
PNIJ et Agrasc sont des exemples de « dépenses qui rapportent de l'argent » et leur développement doit être poursuivi.
4. L'aide juridictionnelle : des délais de traitement des demandes insatisfaisants malgré la forte hausse des crédits, bientôt renforcés par l'affectation d'une ressource nouvelle
Les crédits de l'aide juridictionnelle, accordée principalement aux personnes dont les ressources sont insuffisantes pour garantir leurs droits en justice, s'élèvent à 714,2 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026, en hausse importante de 53,2 millions d'euros (+ 8,0 %) sur une année et de plus des deux tiers par rapport à 2017. En outre ces crédits seront complétés par la création, prévue par l'article 30 du projet de loi de finances, d'une contribution pour l'aide juridique, qui pourrait rapporter quelque 50 millions d'euros par an.
Évolution des dépenses d'aide juridictionnelle depuis 2017
(en millions d'euros)
Crédits 2017-2019 retraités.
Source : commission des finances, à partir des réponses au documents budgétaire
La hausse des crédits ne suffit toutefois pas à améliorer le fonctionnement de l'aide juridictionnelle : le délai de traitement des demandes d'aide juridictionnelle a augmenté de près de moitié entre 2017 et 2024, alors que le taux de recouvrement des frais avancés par l'État au titre de l'aide juridictionnelle diminuait de plus de 50 %.
III. ARTICLE 78 : RÉDUCTION DU PÉRIMÈTRE D'APPLICATION DE L'OBLIGATION DE RECOURS À CERTAINES EXPERTISES JUDICIAIRES
L'article 78 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Justice », supprime l'obligation de recours à une enquête sociale rapide dans le cas d'une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, si le procureur de la République n'entend pas proposer une peine d'emprisonnement ferme immédiatement mise à exécution. Il supprime également l'obligation de recours à une expertise médicale, avant tout jugement au fond, pour les personnes poursuivies pour un délit de nature sexuelle ou commis à l'encontre d'un mineur, tout en maintenant cette obligation en cas de poursuite pour un crime.
Il s'agit d'une mesure de rationalisation et de simplification qui permet de laisser toute sa marge de manoeuvre au magistrat pour ordonner les mesures d'expertise nécessaires au cas d'espèce. Il devrait en résulter une économie limitée, mais réelle.
Le rapporteur spécial propose en conséquence d'adopter cet article sans modification.
Réunie le 19 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission. Elle a également décidé de proposer d'adopter l'article 78 sans modification.
Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, le rapporteur spécial n'avait reçu aucune des réponses.
À la date d'examen en commission de la mission/du compte spécial le 19 novembre 2025, il a obtenu 91,5 % des réponses.
PREMIÈRE PARTIE
LES CRÉDITS DE LA
MISSION « JUSTICE » EN 2026
La mission « Justice » comprend l'ensemble des moyens budgétaires du ministère de la justice. Elle est composée de six programmes, dont trois recoupent les principales directions « métier » du ministère de la justice :
- le programme 166 « Justice judiciaire », pour les crédits relatifs aux juridictions judiciaires (direction des services judiciaires) ;
- le programme 107 « Administration pénitentiaire », relatif au service public pénitentiaire (direction de l'administration pénitentiaire) ;
- le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse », chargé de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs (direction de la protection judiciaire de la jeunesse).
Deux programmes portent des fonctions transversales et sont donc confiés à la secrétaire générale du ministère :
- le programme 101 « Accès au droit et à la justice », qui dispose principalement des crédits relatifs à l'aide juridictionnelle ;
- le programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice », qui regroupe les moyens de l'état-major, du secrétariat général, des directions législatives2(*), de l'Inspection générale de la justice, des délégations interrégionales du secrétariat général et des opérateurs de la mission, ainsi que les crédits à l'informatique et à la gestion des ressources humaines.
Enfin le programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature » (CSM), placé sous la responsabilité du Premier président de la Cour de cassation, porte les crédits nécessaires à l'activité du CSM.
La mission « Justice » ne retrace pas les crédits relatifs à la justice administrative, qui relèvent de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
I. UNE NOUVELLE FOIS, DES MESURES DE RÉGULATION BUDGÉTAIRE ONT RENDU PLUS DIFFICILE LE FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE EN 2025
A. LE DÉCRET D'ANNULATION DU 25 AVRIL A ÉTÉ SUIVI D'UN SURGEL DE CRÉDITS
Comme en 2024, l'exécution budgétaire de la mission « Justice » a été marquée par la prise d'un décret d'annulation le 25 avril (- 116,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et - 139,1 millions d'euros en crédits de paiement, dont la moitié sur le programme 166 « Justice judiciaire »), en épargnant toutefois les dépenses de personnel.
Crédits de la mission
« Justice » annulés
par le décret du
25 avril 2025
(en euros)
|
Programme |
AE |
CP |
|
107 - Administration pénitentiaire |
0 |
0 |
|
166 - Justice judiciaire |
50 000 000 |
70 000 000 |
|
182 - Protection judiciaire de la jeunesse |
26 632 874 |
25 549 699 |
|
101 - Accès au droit et à la justice |
16 473 311 |
16 473 311 |
|
310 - Conduite et pilotage de la politique de la justice |
23 454 732 |
26 978 834 |
|
335 - Conseil supérieur de la magistrature |
85 939 |
145 492 |
|
Total mission « Justice » |
116 646 856 |
139 147 336 |
Source : décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits
Son montant a toutefois été très inférieur à celui pris le 21 février 2024, qui avait annulé 327,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, en incluant les dépenses de personnel.
Les annulations ont porté sur une partie de la réserve de précaution, qui a toutefois été reconstituée par des blocages supplémentaires de crédits.
Au 30 octobre 20253(*), 308,1 millions d'euros étaient encore « gelés » sur le programme 107 « Administration pénitentiaire », 70,7 millions d'euros sur le programme 166 « Justice judiciaire » et 27,7 millions d'euros sur le programme 101 « Accès au droit et à la justice », ainsi que des montants mineurs sur les autres programmes.
Les crédits disponibles étaient, à la même date, inférieurs de 4,3 % au montant approuvé en loi de finances initiale, en prenant en compte les reports, annulations et gels.
Mouvements de crédits sur la mission « Justice »
(en millions d'euros)
CP : crédits de paiement.
Source : commission des finances, à partir des données Chorus et des données transmises par le Gouvernement
B. LES MESURES DE RÉGULATION BUDGÉTAIRE SONT TOUJOURS SOURCES DE DIFFICULTÉS DANS L'EXÉCUTION DES MISSIONS DU MINISTÈRE
En premier lieu, le ministère a dû faire face aux conséquences de l'introduction, puis de l'abandon de la réforme sur les jours de carence dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025.
En effet, lors de l'examen du projet de loi de finances initiale, les crédits ont été réduits de 26,2 millions d'euros, sur l'ensemble de la mission « Justice » comme sur les autres missions ministérielles, pour tirer les conséquences de mesures transversales prises en matière de masse salariales (indemnités journalières et ajout de deux jours de carence)4(*). La réforme relative aux jours de carence a par la suite été abandonnée, mais les crédits n'ont pas été rétablis. Selon les éléments apportés au rapporteur spécial, cette séquence a conduit à un manque de crédits de 6,2 millions d'euros sur le programme 107 « Administration pénitentiaire » et de 1,4 million d'euros sur le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse ».
En cours d'exécution, les gels de crédits ont compliqué les échanges entre le gestionnaire de programme, au niveau national, et les responsables de budgets opérationnels de programme (BOP) dans les juridictions, en réduisant la visibilité des uns et des autres sur les crédits qui seront effectivement disponibles jusqu'à la fin de l'année pour payer les dépenses nécessaires.
L'administration pénitentiaire a également dû faire face à un nombre de départs en retraite moindre qu'attendu, ainsi qu'à l'impact de la surpopulation carcérale sur certaines dépenses (recrutements de contrats, heures supplémentaires). Elle a connu une hausse des crédits de fonctionnement, en particulier pour les établissements en gestion déléguée, de sorte que le surgel de crédits du 29 avril a pesé principalement sur les dépenses d'investissement. D'une manière générale, elle considère que l'exécution budgétaire a été d'autant plus affectée par les mesures de régulation budgétaire que ses dépenses sont très largement contraintes par les besoins de prise en charge des personnes sous main de justice5(*).
S'agissant du programme 101 « Accès au droit et à la justice », 2,0 millions d'euros ont été transférés vers le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Cohésion des territoires », au titre de la contribution du ministère de la justice au fonds national France services6(*). Le ministère indique, dans ses réponses au rapporteur spécial, que ce transfert a réduit d'autant les crédits consacrés au développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité.
Le programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature » lui-même a été affecté par l'annulation de crédits par le décret du 25 avril, qui a conduit à supprimer la réserve de précaution. Le gestionnaire du programme a donc été amené à contrôler strictement les dépenses sur le reste de l'année, par exemple par une mise en concurrence plus étroite de prestataires ou la réalisation sur différents postes de dépenses.
Certaines directions auditionnées par le rapporteur spécial ont indiqué qu'une partie des crédits devrait être débloquée en fin d'année, ce qui permettrait de stabiliser le montant des reports de charge vers l'exercice suivant.
Le rapporteur spécial souligne que le dégel des crédits est particulièrement nécessaire lorsqu'il permet de payer des fournisseurs dans les délais et d'éviter le paiement d'intérêts moratoires, ce qui est un risque sur les chantiers d'immobilier pénitentiaire : il serait paradoxal que des mesures de régulation budgétaire aboutissent, en fin de compte, à un coût supplémentaire pour l'État.
C. LE PROJET DE LOI DE FINANCES DE FIN DE GESTION PRÉVOIT L'ANNULATION D'UN MONTANT LIMITÉ DE CRÉDITS
Si l'exécution budgétaire a été heurtée, la mobilisation d'une partie de la réserve de précaution devrait permettre au ministère d'assumer les dépenses nécessaires d'ici à la fin de l'année.
En conséquence, le projet de loi de finances de fin de gestion, déposé le 10 novembre 2025, ne prévoit aucune ouverture de crédits, mais uniquement des annulations, à hauteur de 82,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 101,7 millions d'euros en crédits de paiement.
Ces annulations sont plus importantes en crédits de paiement, et beaucoup moins importantes en autorisations d'engagement, que dans la loi de finances de fin de gestion de l'année 2024, qui avait annulé 697,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 61,0 millions d'euros en crédits de paiement.
Annulations de crédits prévues par
le projet de loi
de finances de fin de gestion pour 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances de fin de gestion
Selon l'exposé des motifs du projet de loi de finances de fin de gestion, ces annulations portent sur la réserve de précaution pour les programmes 166 « Justice judiciaire » et 107 « Administration pénitentiaire ». Elles s'appliquent en revanche sur le pilotage des dépenses de fonctionnement pour les programmes 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » et 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice ». Le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » est également affecté par le décalages de certains projets immobiliers.
Selon les éléments qui ont été apportés au rapporteur spécial, l'annulation de crédits sur le programme 107 a été minorée de 29 millions d'euros par rapport au montant qui avait été initialement prévu, afin de permettre le lancement rapide de travaux de renforcement et de sécurisation dans six établissements pénitentiaires7(*).
II. LE PROJET DE BUDGET POUR 2026 PRÉSERVE LES CRÉDITS DE LA MISSION, RENFORCÉS PAR LA CRÉATION DE NOUVELLES RESSOURCES
La mission « Justice » représente, dans le projet de loi de finances pour 2026, des crédits de 12,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 13,1 milliards d'euros en crédits de paiement, inscrits à l'état B annexé au projet de loi de finances et soumis à l'autorisation du Parlement.
Ces crédits incluent les contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Hors ces contributions, les crédits du ministère sont de 10,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 10,6 milliards d'euros en crédits de paiement, soit 2,7 % des crédits des ministères8(*).
Certaines missions bénéficient de ressources supplémentaires pour mettre en oeuvre leurs politiques : taxes affectées à des opérateurs, dépenses fiscales encourageant les contribuables. Ce n'est pratiquement pas le cas pour la politique de la justice, même si le présent projet de loi de finances crée une taxe affectée pour le financement de l'aide juridictionnelle. En incluant les moyens de l'État ne relevant pas de crédits budgétaires9(*), la justice, qui ne dispose pratiquement pas de dépenses fiscales ni de ressources affectées, représente 1,8 % des moyens globaux alloués par l'État aux politiques relevant du budget général et des budgets annexes.
1. Une hausse limitée des crédits de paiement, proche de celle prévue par la loi de programmation
En 2026, le projet de loi de finances prévoit que les crédits, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » et à périmètre constant, s'établirait à un niveau de 10 629 millions d'euros, en hausse de 166 millions d'euros en crédits de paiement ou 1,6 %, soit un niveau légèrement supérieur à l'inflation anticipée (1,3 %).
Ce niveau est légèrement inférieur à celui prévu par la loi de programmation10(*), soit 10 691 millions d'euros (- 62 millions d'euros).
Toutefois, le projet de loi de finances permettra au ministère de disposer, en 2026, de ressources supplémentaires pour l'exercice de ses missions, issues, d'une part, de l'amélioration du recouvrement des amendes pénales par les commissaires de justice11(*), et d'autre part de la création d'une contribution à l'introduction d'une nouvelle instance en matière civile, ou prud'homale devant une juridiction de l'ordre judiciaire, qui sera affectée au financement de l'aide juridictionnelle12(*). Ces ressources nouvelles pourraient rapporter jusqu'à 100 millions d'euros en 2026, selon le projet annuel de performances de la mission.
Au total, on peut donc considérer que la loi de programmation de la justice est dans l'ensemble respectée pour ce qui concerne les crédits.
L'autorisation parlementaire porte sur les crédits y compris les contributions au CAS « Pensions », qui sont demandés à hauteur de 12,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 13,1 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation à périmètre constant de + 3,9 % en autorisations d'engagement et + 3,0 % en crédits de paiement.
Évolution des crédits de la mission « Justice » en euros courants et constants
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
LFI 2025 |
2026 constant |
Évolution de 2025 à 2026 |
2026 courant |
||||
|
en % |
en valeur |
en % hors inflation |
|||||
|
166 - Justice judiciaire |
AE |
4 659,8 |
4 701,5 |
+ 0,9% |
+ 41,7 |
- 0,4% |
4 699,7 |
|
CP |
4 642,3 |
4 766,1 |
+ 2,7% |
+ 123,8 |
+ 1,3% |
4 764,3 |
|
|
107 - Administration pénitentiaire |
AE |
4 874,6 |
5 202,4 |
+ 6,7% |
+ 327,8 |
+ 5,4% |
5 202,0 |
|
CP |
5 327,4 |
5 549,2 |
+ 4,2% |
+ 221,9 |
+ 2,8% |
5 548,9 |
|
|
182 - Protection judiciaire de la jeunesse |
AE |
1 170,4 |
1 167,4 |
- 0,3% |
- 3,0 |
- 1,5% |
1 167,4 |
|
CP |
1 150,7 |
1 159,6 |
+ 0,8% |
+ 8,9 |
- 0,5% |
1 159,6 |
|
|
101 - Accès au droit et à la justice |
AE |
802,4 |
808,5 |
+ 0,8% |
+ 6,1 |
- 0,5% |
808,5 |
|
CP |
802,4 |
808,5 |
+ 0,8% |
+ 6,1 |
- 0,5% |
808,5 |
|
|
310 - Conduite et pilotage de la politique de la justice |
AE |
689,7 |
795,8 |
+ 15,4% |
+ 106,1 |
+ 13,9% |
794,7 |
|
CP |
753,8 |
768,2 |
+ 1,9% |
+ 14,5 |
+ 0,6% |
767,1 |
|
|
335 - Conseil supérieur de la magistrature |
AE |
5,2 |
5,5 |
+ 5,8% |
+ 0,3 |
+ 4,5% |
5,5 |
|
CP |
6,3 |
6,5 |
+ 3,4% |
+ 0,2 |
+ 2,0% |
6,5 |
|
|
Total |
AE |
12 202,1 |
12 681,1 |
+ 3,9% |
+ 479,0 |
+ 2,6% |
12 677,8 |
|
CP |
12 682,9 |
13 058,1 |
+ 3,0% |
+ 375,3 |
+ 1,6% |
13 054,9 |
|
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Le périmètre de la mission est constant, à l'exception de quelques mesures de transfert entre ministères pour un montant total de - 3,3 millions d'euros.
Les programmes « métiers » demeurent, de loin, les premiers programmes de la mission, les programmes 166 « Justice judiciaire » et 107 « Administration pénitentiaire » regroupant à eux seuls 79,0 % des crédits de la mission.
Répartition
par programme des crédits de paiement
de la mission « Justice » en 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances
L'augmentation générale des crédits porte presque entièrement sur les deux principaux programmes de la mission, à savoir les programmes 166 « Justice judiciaire » et 107 « Administration pénitentiaire » et, en leur sein, sur les dépenses de personnel. Les dépenses d'investissement sont en léger retrait.
S'agissant du programme 101 « Accès au droit et à la justice », la stabilité des crédits résulte de la compensation entre l'augmentation du coût de l'aide juridictionnelle et la quasi-annulation, pour l'exercice 2026, de la subvention accordée pour l'indemnisation des dossiers impécunieux, c'est-à-dire la rémunération du liquidateur d'une entreprise lorsque les actifs de celle-ci sont insuffisants pour assurer celle-ci. Selon les éléments apportés au rapporteur spécial, cette subvention ne serait pas nécessaire en 2026 en raison de l'abondance de la trésorerie du fonds de financement des dossiers impécunieux (FFDI).
Le rapporteur spécial prend acte de ces explications, mais souligne que le FDDI doit disposer des fonds nécessaires à l'accomplissement de ses missions en évitant les retards de paiement. Il reviendra donc à l'État de fournir les crédits nécessaires le moment venu.
Principaux facteurs d'évolution des
crédits de la mission « Justice »
entre la LFI
2025 et le PLF 2026
(en millions d'euros)
FDDI : fonds de financement des dossiers impécunieux.
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Enfin, les effectifs augmentent de 1 600 équivalents temps plein (ETP), après une augmentation de 1 543 ETP en LFI 2025, dont + 855 ETP pour l'administration pénitentiaire et + 660 ETP pour les services judiciaires. Ces évolutions seront précisées infra pour chaque programme budgétaire.
Sur le moyen terme, les moyens de la mission « Justice » ont connu une augmentation d'un tiers en euros constants depuis dix ans.
Évolution
à moyen terme des crédits de paiement
de la mission
« Justice »
(en milliards d'euros constants et courants)
Crédits de paiement (CP) consommés (2016 à 2024) ou prévus (2025 et 2026).
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Sur la même période, l'augmentation des engagements est comparable (+ 63,4 % en euros courants et + 34,7 % en euros constants). Elle est toutefois moins régulière, car elle dépend du calendrier de lancement des chantiers.
Pour les années à venir, le projet annuel de performances inclut une présentation pluriannuelle des crédits qui laisse prévoir une stabilisation, voire une légère diminution des crédits hors programme 101 « Accès au droit et à la justice », c'est-à-dire les crédits relatifs à l'aide juridictionnelle.
Évolution pluriannuelle des crédits de 2026 à 2028
(crédits de paiement, en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances de la mission « Justice »
2. Ces hausses de crédits ne permettent de combler qu'une partie du manque de moyens de la justice en France
Les hausses de crédits demandées par les États généraux de la justice en 202213(*), prévues par la loi d'orientation et de programmation en 202314(*) et mises en oeuvre dans les lois de finances successives ne permettent en aucun cas aux tribunaux et aux établissements pénitentiaires d'accumuler des ressources indues.
Elles sont au contraire la conséquence de la paupérisation de la justice soulignée de multiples fois. Le Garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas avait même évoqué, en 2016, la « clochardisation de la justice ».
Les rapports internationaux confirment cet état de fait, notamment pour la fonction judiciaire.
La Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ), qui conduit une enquête de référence annuelle15(*), note que le budget exécuté du système judiciaire français était de 77,2 euros par habitant en 2022, ce qui est inférieur à la moyenne des pays européens en pourcentage du PIB.
Budget exécuté du système
judiciaire des pays
de PIB par habitant comparable à la
France
(en euros par habitant et en pourcentage du PIB)
Source : commission des finances, d'après CEPEJ, Systèmes judiciaires européens - Rapport d'évaluation 2024. Pays de PIB par habitant compris entre 20 000 et 40 000 euros
En revanche, le budget consacré à l'aide judiciaire est l'un des plus importants parmi les pays de PIB par habitant comparable.
S'agissant des magistrats, l'écart est flagrant. Si le nombre de juges professionnels est passé de 10,7 à 11,3 pour 100 000 habitants entre 2012 et 2022, il reste éloigné de la médiane européenne qui était, aux mêmes dates, de 17,7 et 17,6. Il en est de même des personnels non-juges (37,3 pour 100 000 habitants en France en 2022, contre une médiane de 57,9) et encore plus des procureurs (3,2 pour 100 000 habitants en France en 2022, contre une médiane de 11,2).
En conséquence, les délais de traitement sont supérieurs à la moyenne des pays européens, sauf pour les affaires administratives de troisième instance.
III. LA NÉCESSITÉ D'UNE MEILLEURE CONNAISSANCE ET ÉVALUATION
A. LA CULTURE DE L'ÉVALUATION DOIT ÊTRE DÉVELOPPÉE AU MINISTÈRE DE LA JUSTICE
Le Garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué au mois de mai dernier, lors d'une audition devant la commission des lois du Sénat16(*) que son ministère « évalue peu, voire n'évalue pas du tout, et évalue mal », mots forts pour un ministre parlant de sa propre administration. Il a mis en cause l'absence d'outil statistique consolidé.
Le ministère dispose pourtant, notamment, d'une Inspection générale, qui a rendu 77 rapports en 202417(*), et d'un service de la statistique, des études et de la recherche (SSER) qui publie par exemple une description annuelle des activités de la justice18(*), ainsi que des bulletins statistiques et des enquêtes. Il a récemment publié les résultats d'une enquête conduite auprès de 25 000 personnes sur les attentes des Français face à la justice, dont il ressort notamment que cette institution bénéficie d'un degré de confiance inférieur à celui des autres grandes institutions nationales19(*).
La confiance dans la justice et cinq autres institutions publiques
(en pourcentage)
Source : commission des finances, à partir des données du service de la statistique, des études et de la recherche du ministère de la justice
L'administration, interrogée par le rapporteur spécial, reconnaît un retard pris dans l'évaluation des politiques publiques - qui n'est d'ailleurs pas propre à ce ministère - mais fait valoir les efforts conduits depuis plusieurs années pour développer une culture de l'évaluation parmi les différentes directions du ministère.
Il n'en reste pas moins que la culture de la donnée et de l'évaluation est probablement moins développée au ministère de la justice que dans d'autres administrations.
Le Conseil d'État, dans son rapport de 2020 sur l'évaluation des politiques publiques20(*), constatait que « cinq champs concentrent plus de deux tiers des évaluations : la santé et la solidarité, le développement économique, l'emploi et le travail, le développement durable et le transport, le développement local et la politique de la ville. À l'inverse, les secteurs régaliens, tels que la justice et la sécurité, restent peu investis par l'évaluation. » Il ajoutait que l'accès aux données concernant la justice, la police et l'administration pénitentiaire est plus difficile que pour d'autres champs de politique publique.
Or la multiplicité et l'hétérogénéité des applicatifs utilisés au ministère de la justice ne facilitent pas l'exploitation des données, pourtant nombreuses, qu'ils contiennent, même si le SSER conduit un programme de rapprochement de fichiers.
La statistique ne saurait bien sûr pas être un objectif en soi, car la saisie et l'organisation des données représentent un temps de travail important pour les administrations. Il est d'ailleurs courant - comme l'on fait plusieurs personnes auditionnées par le rapporteur spécial - d'invoquer une « sous-administration » du ministère de la justice : ce ministère concentre à juste titre ses effectifs dans les juridictions, avec une organisation en outre fortement déconcentrée - qui limite par exemple la possibilité de contrôler la qualité et l'homogénéité des données saisies d'une juridiction à l'autre -, et dans les établissements pénitentiaires. Le rapporteur spécial note toutefois l'action importante jouée par le secrétariat général pour assurer des missions transverses.
La connaissance de l'activité est pourtant essentielle à l'activité même de la justice : le ministre prenait l'exemple des insuffisances du suivi post-sentenciel. On peut aussi citer la projection des besoins du ministère à moyen et long terme.
Le rapporteur spécial, dans le cadre du travail de contrôle budgétaire sur les frais de justice qu'il a conduit cette année21(*), a pu constater à plusieurs reprises les difficultés qu'entraînaient un système de connaissances insuffisant. Par exemple, les mesures ordonnées par les magistrats ou les officiers de police judiciaire au cours d'une enquête, comme des expertises commandées à des prestataires externes au ministère, ne sont généralement pas enregistrées dans un système centralisé tel que le système comptable Chorus, de sorte qu'il n'est pas possible, à un moment donné, de connaître réellement l'ensemble des engagements du ministère. Ces mesures ne sont souvent connues qu'a posteriori, lors du dépôt des mémoires par les prestataires.
En outre, ces mesures ne sont pas nécessairement reliées à une affaire judiciaire donné, ce qui limite la possibilité non seulement de mesurer le coût que représente une enquête pour le budget de l'État, mais aussi de refacturer ces coûts aux personnes condamnées lorsque cela est possible.
Les insuffisances des systèmes d'information ont dès lors un impact très réel sur la possibilité de mettre en oeuvre la loi : comme il sera précisé plus loin, l'article 46 du présent projet de loi de finances pose le principe de la refacturation des frais de justice aux personnes condamnées pénalement, mais seules des évolutions informatiques permettront peut-être, dans les années à venir, de procéder réellement au recensement des montants à facturer.
De même s'agissant de l'aide juridictionnelle, la Cour des comptes mettait en cause il y a deux ans le manque d'indicateurs fiables et pertinents permettant au ministère de les piloter22(*).
Enfin, la charge de travail des magistrats doit être mieux évaluée. Déjà en 2018, la Cour des comptes constatait que « depuis plus de vingt ans, des groupes de travail ont ainsi été mis en place à l'initiative de la DSJ23(*) ou de certaines juridictions pour objectiver la charge de travail des magistrats »24(*). Alors que des groupes de travail ont travaillé sur la question depuis plusieurs années, les référentiels ne sont toujours pas publiés. La direction des services judiciaires a indiqué au rapporteur spécial que 21 référentiels ont été établis à la fin 2023 pour l'activité des tribunaux de première instance, puis 26 référentiels l'été suivant concernant l'activité des cours d'appels, mais que la concertation n'est toujours pas achevée, les référentiels devant être soumis à un observatoire dédié à la fin de l'année.
Ces retards sont regrettables car une objectivation des coûts est indispensable pour justifier les hausses de crédits demandées.
B. LES MESURES NOUVELLES PRÉVUES DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES ET CONCERNANT LA JUSTICE DEVRONT ÊTRE ASSORTIES D'UNE VÉRITABLE ÉVALUATION
L'évaluation est non seulement une condition pour l'amélioration du service public de la justice tel qu'il est rendu à la population, comme du fonctionnement interne du ministère, mais elle devrait aussi être inséparable des mesures législatives soumises au Parlement.
Le projet de loi de finances comprend ainsi plusieurs mesures nouvelles relatives à la justice.
L'article 29 prévoit que, pour le recouvrement des amendes et sanctions pénales, le comptable public pourra solliciter les commissaires de justice à tout moment de son action, et non uniquement avant la mise en oeuvre de toute procédure coercitive.
L'article 30 rétablit la contribution pour l'aide juridictionnelle, droit de timbre déjà en vigueur entre 2011 et 2014, qui sera dû pour toute introduction d'une instance en matière civile et prud'homale et dont le produit sera affecté au financement de l'aide juridictionnelle.
L'article 46 pose le principe de la mise des frais d'enquête pénale à la charge de la personne condamnée, sauf décision contraire du juge.
Enfin l'article 78, qui sera présenté plus en détail infra car il est rattaché à la mission « Justice », réduit le périmètre d'application de l'obligation de recours à certains expertises judiciaires.
Le rapporteur spécial souligne que, pour chacune de ces mesures, l'évaluation préalable présentée avec le projet de loi de finances apporte des éléments utiles et indispensables pour éclairer le vote du Parlement, mais qui ne sauraient être considérés comme définitifs. Seule la mise en oeuvre et une évaluation a posteriori permettront de déterminer l'utilité réelle de ces mesures et, par exemple, de les étendre un jour : à titre d'exemple, les effets de la mise des frais d'enquête pénale à la charge des personnes condamnées dépondront des choix faits par les juges, qui peuvent les en exempter, et un bilan de la réforme des expertises judiciaires, dont la portée est limitée dans le présent projet de loi de finances, permettrait peut-être d'étendre cette mesure à d'autres catégories d'affaires.
Or l'évaluation n'est pas un réflexe. Les évaluations préalables, comme c'est très souvent le cas, n'indiquent pas comment celles-ci seront conduites, et la direction des services judiciaires, reçue par le rapporteur spécial, n'a pas été en mesure de lui indiquer comment les retours financiers de l'article 46, par exemple, pourraient être mesurés.
Il est pourtant indispensable de se poser la question de l'évaluation avant la mise en place des mesures et de mettre en place les circuits de collecte de données adéquats afin, a posteriori, de pouvoir mesurer les effets et en rendre compte au Parlement qui a approuvé les mesures. Le rapporteur spécial formule le voeu qu'il soit possible, dans quelques années, de mesurer les effets de ces dispositions, s'agissant aussi bien du fonctionnement de la justice que des retours financiers ou des économies budgétaires qu'elles auront permis.
DEUXIÈME PARTIE
LES OBSERVATIONS DU
RAPPORTEUR SPÉCIAL
I. L'EMPLOI ET LES DÉPENSES DE PERSONNEL : UN EFFORT IMPORTANT DONT LES EFFETS DEVRONT IMPÉRATIVEMENT APPARAÎTRE DANS LES ANNÉES À VENIR
Le projet de loi de finances pour 2026 s'inscrit dans la continuité de la trajectoire budgétaire dynamique définie par la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027, qui a fixé à 10 000 équivalents temps plein (ETP) le nombre de créations nettes d'emplois du ministère de la justice entre 2023 et 2027, dont 1 500 magistrats et 1 800 greffiers supplémentaires25(*).
Cette programmation pluriannuelle vise à répondre à l'état de « crise majeure de l'institution judiciaire » constaté notamment lors des États généraux de la justice26(*).
Pour 2026, la masse salariale du ministère, hors contributions au CAS « Pensions », atteindra 5 352 millions d'euros, soit exactement la moitié des crédits de paiement de la mission « Justice »27(*), contre 5 118 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2025, soit une augmentation de + 4,6 %.
Cette croissance est nettement plus importante pour les contributions au CAS « Pensions », qui passent de 2 217 millions d'euros en 2025 à 2 426 millions d'euros en 2026 (+ 9,4 %), ce qui doit être mis en relation avec l'augmentation du taux employeur de 78,6 % à 82,6 % au 1er janvier 202628(*).
Ce montant est destiné à financer à la fois les créations nettes d'emplois et les revalorisations indiciaires et indemnitaires.
Le projet de loi de finances prévoit ainsi la création nette de 1 600 équivalents temps plein (ETP) sur l'ensemble de la mission « Justice ».
A. LA CROISSANCE DES EMPLOIS SE CONCENTRE SUR LES PROGRAMMES « MÉTIER »
Conformément aux objectifs de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, les augmentations d'effectifs se concentrent sur les programmes 166 « Justice judiciaire » et 107 « Administration pénitentiaire ».
Créations d'emplois dans le projet de loi de finances pour 2026
(en équivalents temps plein)
ADJ-AS : attachés de justice et assistants spécialisés. Programme 182 : + 70 ETP, principalement métiers du social, de l'insertion et de l'éducatif. Programme 310 : 15 emplois tendant à la réinternalisation de certaines missions numériques.
Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances
Les crédits de personnel (titre 2) ont connu une hausse importante depuis 2017, avec une progression de près de moitié en euros courants, et de 23,1 % une fois corrigés de l'inflation. Durant la même période, les crédits de titre 2 de l'ensemble du budget général n'ont progressé que de 5,0 % en euros constants.
Évolution des crédits de titre 2 de la mission « Justice » depuis 2017
(en euros et en pourcentage)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
S'agissant de la masse salariale, le ministère partagera l'effort commun à tous les ministères concernant l'absence de nouvelle mesure catégorielle. Les mesures mises en oeuvre ou décidées au cours des années passées produiront toutefois leur effet pour les différentes catégories de personnels.
B. LES CRÉATIONS DE POSTES DE MAGISTRATS ET DE GREFFIERS SE POURSUIVENT
Le programme 166 (Justice judiciaire) est le deuxième récipiendaire des crédits de personnel (titre 2), avec 3 226 millions d'euros de crédits demandés en 2026, soit une hausse de + 5,58 %.
Le schéma d'emplois 2026 est de + 660 ETP, répartis entre les différents corps de métiers, soit 286 créations d'emplois de magistrats et 342 de greffiers.
En outre, 21 postes d'attachés de justice et 11 postes d'assistants spécialisés sont créés.
Ces renforts visent à décliner opérationnellement la loi d'orientation et de programmation, notamment en renforçant l'équipe autour du magistrat. Toutefois certaines mesures ont été prises postérieurement à cette loi, en particulier la création du parquet national anti-criminalité organisée (PNACO), qui résulte d'une recommandation de la commission d'enquête sénatoriale sur le narco-trafic29(*). La mise en oeuvre opérationnelle de ce nouveau parquet, prévue pour le 1er janvier 2026, devra donc être réalisée dans le cadre du schéma d'emplois prévue par la loi d'orientation et de programmation.
Il a été confirmé au rapporteur spécial qu'aucune mesure catégorielle nouvelle n'était envisagée en 2026 pour la justice judiciaire, conformément à l'annonce faite pour l'ensemble des ministères. La hausse de la masse salariale résulte donc, hors recrutements, de l'impact des mesures déjà décidées antérieurement.
Ces mesures doivent contribuer à la revalorisation de l'attractivité des métiers, corollaire indispensable au plan de recrutement dans la justice judiciaire, d'autant que le ministère prévoit de nombreux départs en retraite dans les années à venir.
Les objectifs de recrutements s'expriment en effet nets des départs en retraite, qui sont estimés par la direction des services judiciaires à un niveau de plus de 4 000 en cumul pour les années 2025 à 2030. L'enjeu est donc lourd en termes de ressources humaines, puisque les services judiciaires devront faire face à un nombre important d'entrées et de sorties.
En outre, ces estimations ont été réalisées avant la récente annonce, par le Premier ministre, d'une suspension de la réforme des retraites : si cette annonce, inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, était votée par le Parlement et mise en oeuvre, elle devrait en toute logique entraîner à terme une hausse des départs en retraite par rapport aux projections existantes, renforçant la tension sur les effectifs de l'ensemble des cadres.
La revalorisation des carrières a fait l'objet de mesures importantes au cours des années passées, comme, s'agissant des greffiers, la requalification de personnels de catégorie C en greffiers et la création du corps de cadres greffiers (création d'un corps de greffiers de catégorie A). S'agissant des magistrats, une réforme de la structure du corps judiciaire a modifié l'échelonnement indiciaire des magistrats de l'ordre judiciaire afin de le rapprocher de celui des magistrats de l'ordre administratif30(*). Cette disposition permettra notamment de faciliter l'organisation de mobilités entre les deux corps, selon ce qui a été indiqué au rapporteur spécial. Le décret permettant la mise en oeuvre de cette revalorisation a été présenté le 29 octobre dernier par le ministre31(*).
L'ensemble de ces mesures a un effet notable sur les crédits du ministère, malgré l'absence de mesure nouvelle.
Effet des mesures catégorielles sur les crédits du programme 166 en 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances
En outre, la création de postes d'attachés de justice est la traduction de la réorganisation de l'équipe autour du magistrat prévue par la loi d'orientation et de programmation. L'objectif de recrutement de 1 100 attachés de justice devrait être atteint dès la fin 2025, selon le ministère.
Les attachés de justice
« Le magistrat est recentré sur ses missions juridictionnelles et dispose d'une équipe juridictionnelle pluridisciplinaire à ses côtés. Une fonction d'assistance auprès des magistrats est ainsi créée, l'attaché de justice qui peut être fonctionnaire ou contractuel, et se substitue aux actuels juristes assistants. Le champ d'intervention de ces nouveaux attachés de justice est élargi par rapport aux juristes assistants. Le magistrat, véritable chef d'équipe, est davantage formé, dès sa prise de fonction, à l'animation d'équipe et les différents agents nommés dans les fonctions d'attachés de justice bénéficient d'une formation dispensée par l'École nationale de la magistrature.
Les attachés de justice bénéficient d'une passerelle simplifiée vers la magistrature, permettant ainsi de constituer de véritables viviers venant renforcer l'autorité judiciaire. »
Source : rapport annexé au projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027
Il convient de noter que la souplesse du statut des attachés de justice, qui sont contractuels, pourrait se révéler utile pour un métier qui risque d'évoluer de manière importante au cours des années à venir, avec le développement de l'intelligence artificielle (voir infra).
Les recrutements de magistrats ne se voient encore guère dans les résultats de la justice judiciaire, notamment en raison de la durée de formation, qui est de 31 mois à l'École nationale de la magistrature (ENM). Seuls certains concours complémentaires permettent, pour des volumes réduits, d'assurer l'arrivée en juridiction l'année où les crédits sont ouverts.
L'ENM a d'ailleurs dû mettre en place des promotions de nouveaux magistrats beaucoup plus importantes ces dernières années. Alors que l'école formait entre 120 et 250 magistrats nouveaux par an entre 2010 et 2017, les promotions dépassent les 300 magistrats presque tous les ans depuis 2018, avec un maximum de 381 en 202532(*).
En outre, lorsque les nouveaux juges ou greffiers arrivent en juridiction, se pose la question de leur accueil dans des tribunaux qui, pour la plupart, ne bénéficient pas de travaux d'extension. Il a été indiqué au rapporteur spécial que des aménagements de locaux sont mis en place, réduisant en pratique la place disponible pour chacun.
Selon les documents budgétaires, le délai moyen de traitement des affaires civiles, tous types de contentieux confondus, est passé de 8,2 mois en 2021 à 7 mois en 2024. De même, l'indicateur 1.1 de la mission, qui porte sur la proportion d'affaires civiles terminées en moins de douze mois en première instance, est passé de 79,1 % en 2021 à 84,8 % en 2024.
Si cette évolution est positive, elle reste lente ; en outre, ce pourcentage inclut les procédures courtes, notamment de référés (référés, requêtes, ordonnances civiles du juge des libertés et de la détention et injonctions de payer), ce qui limite sa signification. Dans le détail, certains délais restent élevés, bien qu'en diminution (18,9 mois pour 2024 pour les affaires de divorce, 17,7 mois pour les affaires de contentieux social, 14,9 mois pour les autres contentieux civils) et ils tendent même à s'allonger pour certains contentieux (procédures courtes, contentieux de la protection, affaires familiales hors divorce).
En tout état de cause, le rapporteur spécial compte bien que les délais de traitement des affaires s'améliorent dans les années à venir. Si la justice est une autorité au sens de la Constitution33(*), c'est aussi un service public et les citoyens ne pourraient comprendre qu'un effort aussi important, financé par la collectivité, ne se traduise pas par une amélioration des délais et de la qualité de la justice.
C. LES EFFECTIFS DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE SONT RENFORCÉS
L'administration pénitentiaire, sur le programme 107 « Administration pénitentiaire », bénéficie d'une augmentation de ses effectifs de + 855 ETP, répartis entre plusieurs catégories de personnels.
Créations de postes sur le programme 107 en 2026
(en ETP)
Source : commission des finances, d'après le projet annuel de performances
En ce qui concerne les catégories de personnels, 586 des créations de postes correspondent à des personnels de surveillance et 149 à des personnels des métiers du social, de l'insertion et de l'éducatif de catégorie A. La quasi-totalité, soit 811 ETP, rejoignent les services régionaux, qui regroupent les directions interrégionales, les établissements pénitentiaires et les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP).
Ces augmentations d'effectifs doivent toutefois être mises en regard des sous-effectifs persistants. La direction de l'administration pénitentiaire considère qu'il manque 15 % des emplois, soit 3 000 ETP correspondant à des postes non fournis, et qu'il faudrait encore 3 000 ETP supplémentaires pour appliquer les 35 heures.
Si l'administration pénitentiaire, comme les services judiciaires, ne connaît pas de mesure catégorielle nouvelle en 2026, les effets des mesures décidées antérieurement continuent à poursuivre leur effet.
S'agissant de la filière de surveillance, ces mesures concernent la dernière tranche de revalorisation de l'indemnité pour charges pénitentiaires (ICP) pour les membres du corps d'encadrement et d'application (impact financier évalué à + 18,4 millions d'euros), la dernière tranche de revalorisation de l'indemnité de fonctions et d'objectifs (IFO) pour les membres du corps de commandant (+ 1,7 million d'euros) et les avancements de grade dans le corps d'encadrement et d'application ainsi que dans le corps de commandement, prévus dans le cadre de la réforme de la filière de surveillance (+ 11,4 million d'euros ).
La réforme de la filière technique ministérielle, qui devait être mise en oeuvre en septembre 2025, est décalée au 1er janvier 2026, pour un coût total de + 2,2 millions d'euros.
Enfin, l'extension en année pleine de la prime allouée aux agents affectés ou intervenant dans un quartier de lutte contre la criminalité organisée (QLCO) s'applique aux agents affectés aux établissements de haute sécurité de Vendin-le-Vieil et de Condé-sur-Sarthe (+ 1,2 million d'euros).
Effet des mesures catégorielles sur les crédits du programme 107 en 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances
D. LES AUTRES DIRECTIONS DU MINISTÈRE CONNAISSENT DE MOINDRES PROGRESSIONS D'EMPLOI
Les emplois du ministère sont concentrés majoritairement dans les services judiciaires (40,2 % des 98 248 équivalents temps plein travaillés (ETPT) prévus par le projet de loi de finances pour 2026) et l'administration pénitentiaire (47,1 % des ETPT).
Les autres programmes dotés de crédits de personnel sont le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » (9,8 % des ETPT), le programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » (2,9 %) et, pour mémoire, le programme 335 « Conseil supérieur de la magistrature » (28 ETPT).
Le schéma d'emploi de la protection judiciaire de la jeunesse est de + 70 équivalents temps plein (ETP)34(*), soit une augmentation beaucoup plus réduite que pour les deux autres directions « métier », qui bénéficient, en ordre de grandeur, d'effectifs nouveaux dix fois plus nombreux pour un plafond d'emplois cinq fois plus élevé seulement. Par ailleurs, c'est une direction qui connaît des mouvements importants, puisqu'elle enregistre un nombre d'entrées et de sorties assez proches de l'administration pénitentiaire (entre 2 000 et 2 500 sorties par an) malgré la taille très différente de ces deux administrations.
Sur le moyen terme, les effectifs connaissent une progression non nulle, mais modérée.
Évolution des effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse
(en équivalents temps plein travaillés)
Plafond d'autorisation d'emplois exécuté moyen annuel (prévision pour 2025).
Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire
Une partie importante de l'activité de la protection judiciaire de la jeunesse passe toutefois par le secteur associatif habilité (SAH), qui reçoit des crédits de 294,5 millions d'euros en 2026, soit 65,5 % des crédits hors titre 2.
S'agissant du programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice », le schéma d'emploi de + 15 ETP, qui porte sur des personnels d'encadrement, doit concerner le renforcement de l'action informatique ministérielle, ce qui paraît particulièrement nécessaire compte tenu des insuffisances que connaît la justice en matière d'infrastructures numériques (voir infra).
II. L'IMMOBILIER DU MINISTÈRE EST TOUJOURS SOUS TENSION
Les dépenses immobilières portent principalement sur les tribunaux et les établissements pénitentiaires. Sur ces deux volets le ministère doit faire face à des conditions de travail peu satisfaisantes. Les tribunaux doivent accueillir des personnels supplémentaires dans les années à venir, tandis que les établissements pénitentiaires souffrent d'une suroccupation que les nouvelles constructions ne parviennent pas à réduire.
A. LES DÉPENSES D'IMMOBILIER JUDICIAIRE PRIVILÉGIENT LA POURSUITE DES OPÉRATIONS EXISTANTES
Les nombreux recrutements qui permettent, après la phase de formation, un renforcement des juridictions se heurtent actuellement à la saturation des locaux.
Les dépenses d'immobilier comprennent, d'une part, les dépenses d'immobilier propriétaire (titre 5), qui financent les investissements lourds, la construction et la rénovation des bâtiments judiciaires, et, d'autre part, les dépenses d'immobilier occupant (titre 3), qui couvrent les dépenses courantes liées à l'occupation des locaux.
Les dépenses d'investissement immobilier des services judiciaires sont prévues en 2026 à un niveau de 156,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 254,9 millions d'euros en crédits de paiement.
Le niveau relativement faible des autorisations d'engagement, par rapport aux crédits de paiement, reflète la nature des opérations, qui privilégient la poursuite de la programmation de gros entretien et le renouvellement du patrimoine existant.
Parmi ces dépenses, 109,6 millions d'euros en crédits de paiement, mais 10,3 millions d'euros seulement en autorisations d'engagement, sont consacrés aux opérations confiées à l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ). Il s'agit donc essentiellement d'assurer les paiements sur des projets déjà lancés : construction du palais de justice de Lille, restructuration du palais de justice de l'Île de la Cité à Paris, construction des cités judiciaires de Cayenne et Saint-Laurent du Maroni (Guyane) et du palais de justice de Cusset (Allier), études des opérations de l'extension du palais de justice de Bobigny (Seine-Saint-Denis), de l'extension du palais de justice de Meaux (Seine-et-Marne) et de la cité judiciaire de Marseille.
Crédits consacrés à l'immobilier propriétaire en 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances
S'agissant des partenariats publics-privés, les paiements concernent principalement celui relatif au tribunal de Paris, à hauteur de 47,3 millions d'euros. Des travaux modificatifs permettant l'installation du parquet national anti-criminalité organisée (PNACO) sont organisés dans le cadre de ce contrat de partenariat, pour un coût prévisionnel de 3 millions d'euros.
Les contrats de partenariat public-privé ont pour effet d'entraîner des restes à payer importants, même longtemps après la livraison de l'établissement. Il reste ainsi 761,9 millions d'euros de restes à payer sur le contrat relatif au tribunal de Paris, livré en août 2017, et 30,7 millions d'euros sur celui relatif au palais de justice de Caen, livré en juillet 2015, soit 37,1 % du montant global des restes à payer du programme 166, qui est de 2,1 milliards d'euros.
B. IL EST TEMPS DE DÉFINIR UNE NOUVELLE STRATÉGIE DE RENFORCEMENT DU PARC PÉNITENTIAIRE
1. La suroccupation des prisons est de plus en plus préoccupante
Le nombre de détenus a augmenté de 8,5 % en un an selon les éléments apportés au rapporteur spécial.
La projection initiale du nombre de détenus en fin d'exercice, fixée à 84 788 personnes détenues, a été rehaussée à 86 870 (+ 1 972). La moyenne, sur l'ensemble de l'année, serait de 84 242 détenus en 2025, contre 83 013 prévus en début d'année, en progression de 7 % par rapport à 2024.
Une telle augmentation en cours d'année pèse sur les dépenses du programme 107 « Administration pénitentiaire » et sur la capacité de l'administration pénitentiaire à programmer une activité dont le niveau dépend surtout des décisions prises par l'autorité judiciaire, qu'il s'agisse, en entrée, des mises en détention ou, en sortie, des aménagements de peine.
Par voie de conséquence, le taux d'occupation des prisons est non seulement excessif, mais il connaît une progression accélérée. Alors qu'il avait crû, pour les maisons d'arrêt, de 7,9 % entre 2019 et 202435(*), il progresserait de 12,6 % au cours des seules années 2024 à 2026, au regard des cibles définies.
Taux d'occupation des places en maison d'arrêt
(en pourcentage)
Indicateur 3.1 « Taux d'occupation des établissements pénitentiaires », sous-indicateur « Taux d'occupation des places en maison d'arrêt et quartiers maison d'arrêt ».
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Or aucune amélioration n'est attendue pour les années à venir, ce qui signifie que le plan « 15 000 » en cours de réalisation (voir infra), malgré son ambition manifeste, permettrait seulement de contenir quelque peu l'aggravation de la surpopulation des prisons, et non d'infléchir la courbe.
La situation est très contrastée selon les types d'établissements, le taux d'occupation n'étant « que » de 97 % pour les centres de détention, et selon les régions.
Taux d'occupation dans les maisons d'arrêt,
par direction interrégionale
des services pénitentiaires
(DISP)
(en pourcentage)
Source : calculs commission des finances, à partir des données transmises par la direction de l'administration pénitentiaire.
2. Alors que le « plan 15 000 » est loin d'avoir été achevé, le ministère a lancé de nouvelles initiatives
Un plan de création de 15 000 places supplémentaires en établissements pénitentiaires a été annoncé en 2018. C'est le quatrième programme de ce type depuis la fin des années 1980, les programmes précédents n'ayant jamais permis de faire face à l'accroissement du besoin. L'objectif de ce plan a même été porté à 18 000 places nettes par amendement parlementaire dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-202736(*), quoique les documents budgétaires continuent à parler du « plan 15 000 ».
Au moment de la présentation du présent projet de loi de finances, 24 établissements du plan 15 000 avaient été livrés, soit 7 384 places brutes créées et 5 411 places nettes, compte tenu de certaines fermetures d'établissements.
Le plan 15 000 n'a donc été réalisé pour l'instant qu'à hauteur de 36,1 % de sa cible, voire 30,1 % si l'on considère l'objectif réévalué à 18 000 places.
Au cours de l'année 2025 le surgel du 29 avril 2025 a principalement pesé sur les crédits d'investissement. L'administration pénitentiaire doit en effet, à court terme, faire face à l'augmentation des dépenses de fonctionnement, impactés notamment par le coût des marchés de gestion déléguée, qui ont été renouvelés dans une période de hausse des prix, ainsi que par les coûts résultant de la mise en oeuvre du « protocole Incarville » pour la sécurisation des personnels et les priorités posées par le Garde des sceaux pour la rénovation et la transformation des prisons existantes : dépenses supplémentaires pour les établissements de haute sécurité, renforcement de la sécurisation des autres établissements.
La livraison d'une structure d'accompagnement vers la sortie (SAS) devait avoir lieu cet automne pour 120 places à Ducos (Martinique). En outre, 2 388 places brutes sont en travaux, 2 560 places brutes sont en phase d'études de conception et 1 550 places brutes sont concernées par des marchés attribués.
En outre, 1 500 places supplémentaires sont prévues dans des quartiers de semi-liberté, au moyen de modes de construction innovants (construction modulaire) et sur du foncier disponible dans les domaines pénitentiaires existants. Un programme de construction de 1 500 places pour des courtes peines est enfin annoncé.
Places livrées et prévues sur plan 15 000
(en nombre de places)
Source : commission des finances, à partir du projet annuel de performances
L'addition de toutes ces places permet certes d'atteindre formellement l'objectif de 15 000 places, mais avec d'importants changements de programme. En outre, il reste sujet à de fortes incertitudes, alors que le rapporteur spécial insiste sur la nécessité d'atteindre les objectifs, en raison de la situation toujours plus préoccupante des prisons françaises.
De fait, la communication gouvernementale porte désormais moins sur le programme 15 000 que sur le lancement de nouvelles initiatives tendant à différencier le mode de traitement des détenus en fonction des risques qu'ils présentent, avec un objectif de résultats rapides.
Le Garde des sceaux actuel a ainsi annoncé à la fois la construction de prisons modulaires et la création de quartiers de haute sécurité.
Le mode de construction modulaire poursuit un objectif de rapidité dans les modes de construction, mais aussi par l'implantation sur des sites existants, en extension de prisons : les difficultés liées à la recherche du foncier constituent en effet l'une des principales causes de retard. C'est aussi la limite de ce projet, car le foncier disponible ne permettra pas, à lui seul, de résoudre le problème de la suroccupation des prisons.
17 sites ont ainsi été identifiés et le ministère utilise la procédure du partenariat d'innovation avec quatre partenaires. Certains sites seront livrés dès 2026.
S'agissant des établissements de haute sécurité, le premier a ouvert à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) et celui de Condé-sur-Sarthe (Orne) accueille actuellement ses premiers détenus. L'ouverture d'un troisième établissement est annoncée pour juin prochain à Réau (Seine-et-Marne).
Par opposition aux quartiers de haute sécurité, et de manière moins médiatique, le ministère lance des projets de quartiers à sécurité allégée, pour des détenus ne nécessitant pas les mêmes moyens de contrôle et de surveillance que les criminels les plus dangereux.
Ces projets utilisent des moyens, notamment humains, qui étaient fléchés sur les établissements du plan 15 000, même si le ministère a assuré au rapporteur spécial que la réalisation des plus grands établissements de ce plan n'était pas remise en cause.
3. Les nouvelles initiatives devraient être formalisées afin de donner de la visibilité à l'évolution du parc pénitentiaire
Le rapporteur spécial, qui notait l'an passé que des réorientations seraient sans doute nécessaires face aux difficultés d'avancement de certains projets, porte un regard favorable sur ces initiatives qui relèvent d'un certain pragmatisme face à la difficulté, fréquente, de trouver des emplacements pour la construction de nouvelles prisons.
Il a toutefois senti, au cours des auditions qu'il a conduites, un certain attentisme au-delà des programmes déjà lancés, de la part d'administrations qui manquent d'une direction claire sur les orientations à donner pour l'immobilier pénitentiaire.
Il considère en conséquence que 2026 devrait être l'année de la définition d'une nouvelle stratégie pour la construction et la rénovation de prisons.
Cette nouvelle stratégie pourrait prendre des formes différenciée en fonction du profil des personnes détenues. Elle devrait, en tout état de cause, favoriser la mise en oeuvre d'un programme pénitentiaire standardisé, car il n'y a guère de raison de retenir des solutions différentes d'une prison à l'autre, si les détenus sont de profils similaires.
À cet égard, il avait proposé, dans un rapport de contrôle budgétaire consacré au plan 15 000 en 202437(*), de produire un véritable schéma directeur immobilier centré sur le pénitentiaire, qui intègre non seulement les besoins de construction de prisons neuves, mais aussi les rénovations et le renforcement de la sécurité dans les établissements existants, afin de définir une feuille de route claire pour l'ensemble des acteurs.
En parallèle, la rénovation des prisons existantes est indispensable, aussi bien pour les sécuriser et mettre fin aux circulations d'objets interdits, que pour accroître la capacité et réduire la suroccupation.
La sécurisation des personnels et des établissements passe par de nombreuses mesures : équipement des personnels en caméras individuelles, déploiement de dispositifs de détection et de neutralisation des communications illicites, lutte contre les drones (55 établissements sont équipés d'un système anti-drone), sécurisation périmétrique des établissements, etc.
L'accent a été mis sur la sécurisation des personnels après l'attaque d'un fourgon au péage d'Incarville (Eure) en juin 2024, qui a causé la mort de deux surveillants. Un protocole d'accord, dit « protocole Incarville », signé avec les organisations syndicales vise à renforcer la sécurité des agents en charge des missions d'extractions et prévenir les risques qui pèsent sur eux, au moyen d'achat de véhicules, de leur aménagement (banalisation, accessoires de type pare-buffles, etc.) et de l'acquisition d'armes. La nécessité de ces mesures a été confirmée par les attaques et menaces dont de nombreux personnels ont fait l'objet au premier semestre de 2025.
Le rapporteur spécial se réjouit en conséquence que, comme il a été indiqué supra, des crédits soient débloqués en fin d'année afin de permettre le lancement rapide de travaux dans certains établissements.
Il renouvelle également sa recommandation d'établir un comité d'audit auprès de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ). En particulier, il a constaté un nombre trop élevé de malfaçons ou de coûts inutiles dans des établissements livrés ces dernières années.
L'APIJ devra jouer un rôle d'impulsion et de contrôle pour s'assurer de la qualité des ouvrages fournis et de leur conformité à un programme commun, ce qui sera gage de qualité des projets, de réduction des délais et d'économies d'échelle sur les études comme sur les chantiers. Il a noté à cet égard avec intérêt la nomination, à la tête de cet agence, d'une personnalité importante, à savoir M. Benoist Apparu, ancien ministre du logement et ancien dirigeant d'entreprises importantes dans le secteur de l'immobilier.
C. LES CRÉDITS IMMOBILIERS DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE NE PROGRESSENT PAS
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) dispose sur l'ensemble du territoire national de bâtiments adaptés à la prise en charge éducative des mineurs délinquants. La tâche est d'autant plus difficile que ce parc, contrairement aux établissements pénitentiaires relevant du programme 107 « Administration pénitentiaire », est en grande partie composé de locaux qui avaient précédemment une autre fonction (anciennes maisons d'habitation ou maisons de maîtres) et souffrent de leur ancienneté, ainsi que d'une mauvaise adaptation à leur fonction actuelle.
La particularité de son action est que cette politique s'appuie à la fois sur 233 structures en gestion directe relevant du secteur public et sur 379 structures relevant du secteur associatif habilité (SAH).
Les établissements du secteur public relèvent de plusieurs catégories, notamment les centres éducatifs fermés (CEF), les centres éducatifs renforcés (CER) et les unités éducatives d'hébergement collectif (UEHC).
Les dépenses d'immobilier propriétaire du secteur public connaissent un certain reflux en 2026, après un sommet en 2025.
Dépenses du propriétaire de
l'immobilier public
du programme 182
(crédits de paiement en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Une évolution analogue concerne les autorisations d'engagement, qui s'élèvent en 2026 à 29,4 millions d'euros, contre 26,9 millions d'euros en exécution 2024 et 31,1 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2025.
La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) explique que, en 2026, les opérations immobilières engagées sur la brique du propriétaire s'inscrivent dans la prolongation des années antérieures. Aucune mesure nouvelle n'est en effet proposée dans le cadre du budget 2026, de sorte que les opérations concernent surtout des réhabilitations et des rénovations de bâtiments existants.
S'agissant des dépenses de l'occupant, les crédits de paiement sont en augmentation de 48,8 millions d'euros à 51,8 millions d'euros en raison, notamment, des dépenses liées aux relogements des unités éducatives. Les autorisations d'engagement suivent un cours plus cyclique : après avoir culminé à un niveau de 68,9 millions d'euros en 2025, en raison du renouvellement de marchés de gestion, elles diminuent à 56,4 millions d'euros tout en restant nettement supérieures au niveau de 2024, soit 43,7 millions d'euros.
Les travaux de maintenance lourde et de restructuration des bâtiments éducatifs existants constituent ainsi la priorité de la DPJJ. 16,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 12,2 millions d'euros en crédits de paiement sont ouverts afin de mettre à niveau le patrimoine, améliorer les performances énergétiques et installer des bornes électriques.
La DPJJ poursuit toutefois les programmes de construction neuve, notamment celui, annoncé simultanément au lancement du plan « 15 000 » concernant les places en établissement pénitentiaire, de construction de 20 centres éducatifs fermés (CEF).
En 2026, 6,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 5,8 millions d'euros en crédits de paiement sont ouverts pour la poursuite du programme de construction de cinq nouveaux CEF du secteur public. Ces crédits tiennent compte de l'évolution de l'indice du coût de la construction et seront consacrés aux études de maîtrise d'oeuvre et travaux de deux CEF en Haute-Saône et dans l'Oise.
Ces projets, comme les établissements pénitentiaires, doivent faire face à la difficulté croissante d'identification du foncier disponible, ainsi qu'à des procédures diverses qui entraînent des retards considérables. L'acquisition du foncier pour le CEF du Pas-de-Calais n'a ainsi toujours pas abouti.
Enfin, 1,9 million d'euros en autorisations d'engagement et 4,3 millions d'euros en crédits de paiement seront consacrés à la poursuite d'opérations de construction et de rénovation d'unités d'accueil de jour.
III. DES FONCTIONS SUPPORT À RENFORCER, CONDITION DE L'EFFICACITÉ DE LA JUSTICE
A. L'INFORMATIQUE MINISTÉRIELLE : UNE MODERNISATION INDISPENSABLE POUR AMÉLIORER L'EFFICACITÉ DE LA JUSTICE
Les systèmes informatiques, au même titre que les bâtiments, sont une infrastructure aujourd'hui fondamentale, dont l'amélioration et l'interconnexion sont une condition absolue à l'amélioration du service public de la justice.
Les crédits alloués à l'informatique s'inscrivent dans la poursuite du plan de transformation numérique (première phase entre 2017 et 2022, deuxième phase depuis 2023), visant à donner aux personnels des systèmes d'information fiables et à rattraper le retard historique du ministère.
Les moyens informatiques sont principalement retracés au sein de l'action 09 « Action informatique ministérielle » du programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice », dont les crédits sont de 340,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2026, en hausse de 24,3 millions d'euros en autorisations d'engagement mais stables en crédits de paiement.
Les crédits destinés à l'investissement, en particulier, sont de 155,9 millions d'euros en crédits de paiement, contre seulement 67,4 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2025.
1. Les grands projets font toujours face à des retards importants
Les grands projets du ministère connaissent des retards systématiques, parfois très importants. Le seul qui n'a pas encore été prolongé est PORTALIS 2, qui n'a toutefois démarré qu'en 2024.
Durée initiale et actualisée des
grands projets numériques
du ministère de la
justice
(en mois)
Projets de plus de 5 millions d'euros, classés au panorama des grands projets numériques de l'État suivi par la direction interministérielle du numérique (Dinum).
Source : commission des finances, à partir des données transmises par le ministère
Liste des grands projets numériques du ministère de la justice
ATIGIP360° : système d'information de l'Agence du travail d'intérêt général et de l'insertion professionnelle (ATIGIP).
ASTREA : système d'information du casier judiciaire national.
ECRIS-TCN : interconnexion des casiers judiciaires européens des pays tiers à l'Union européenne.
PORTALIS 2 : dématérialisation de la chaîne civile, de la saisine jusqu'à la notification de décision, visant à décommissionner les huit applicatifs civils existants actuellement.
PPN (procédure pénale numérique) : dématérialisation de la chaîne pénale.
PPN AN (audience numérique) : préparation des audiences.
PPN OI (ouverture interministérielle) : tendant à accroître le partage, l'exploitation des informations et l'utilisation de la donnée entre toutes les parties.
Source : réponses au questionnaire budgétaire
Le rapporteur spécial a pu noter plusieurs fois, au cours de ses travaux, la nécessité de mieux relier les applicatifs afin d'éviter des pertes de temps pour les personnels, contraints à des tâches de saisie fastidieuses.
L'interconnexion entre le logiciel Cassiopée, qui assure le suivi des dossiers pénaux, et certains logiciels externes devrait permettre d'éviter l'envoi papier de nombreux documents. Les gains portent sur l'affranchissement, mais aussi et surtout sur le temps de travail des personnels : l'interconnexion avec le logiciel de recouvrement des amendes de la DGFIP (AMD) permettrait d'économiser 106 666 heures de travail par an, et celle avec le fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) supprimerait plus de 123 000 heures de travail annuel pour l'envoi de 1,2 million de fiches. Les personnels des greffes pourront alors se consacrer à des tâches à plus haute valeur ajoutée que la saisie manuelle d'informations reçues par courrier.
Par ailleurs, la mise des frais de justice à la charge des personnes condamnées, prévue par l'article 46 du projet de loi de finances, ne sera possible que si les systèmes informatiques sont adaptés pour qu'un identifiant de dossier judiciaire unique, accompagnant une procédure depuis les premières actions prises par les enquêteurs jusqu'à l'audience et la décision finale, permette de retracer l'ensemble de ces frais. Le projet concerné est le projet PPN (procédure pénale numérique), projet commun aux ministères de la justice et de l'intérieur, lancé en 2018 afin de dématérialiser la chaîne pénale, de l'acte d'enquête initiale jusqu'à l'archivage.
Le déploiement de ce projet est en cours de réalisation : au 30 juin 2025, 100 % des tribunaux judiciaires reçoivent au moins un premier socle de filières correctionnelles en numérique. Il apparaît toutefois que plusieurs années de travaux seront probablement encore nécessaires avant que les mesures prévues par le projet de loi de finances se traduisent réellement par des retours financiers significatifs.
Dans les juridictions civiles, le projet PORTALIS, qui n'est toujours pas mené à son terme alors qu'il a été lancé en 2014, a pour objectif de refondre huit applicatifs existants, de plus en plus obsolètes, et de dématérialiser la chaîne civile. Une étude réalisée en 2024 prévoit un gain de temps de 15 minutes pour les greffiers à chaque création de dossier.
Sur le plan financier, le remplacement des outils obsolètes permettrait de supprimer des coûts de maintenance (4,6 millions d'euros par an) et des frais d'affranchissement (plus de 6 millions d'euros). Ces économies n'apparaîtront toutefois pleinement qu'après le déploiement national de PORTALIS, qui n'est pas prévue avant 2030.
Le rapporteur spécial se réjouit que les projets avancent, mais constate leur lenteur et la persistance des critiques formulées par les agents. La dette technique conduit en effet à maintenir en service des logiciels obsolètes et le ministère ne parvient pas à tirer parti de toutes les opportunités offertes par les nouvelles technologies.
On peut ainsi s'étonner que le taux de recours à la visioconférence pour les extractions judiciaires soit à peine au-dessus du niveau où il était en 2019, sans même prendre en compte le pic de 2020 lié aux conditions de travail imposées par les périodes de confinement sanitaire.
Taux de recours à la visioconférence dans le cadre des extractions judiciaires
(en pourcentage)
Source : commission des finances, à partir des projets et rapports annuels de performance
Or les extractions judiciaires en présentiel nécessitent le transfert de personnes détenues, ce qui est non seulement coûteux mais porteur de risques réels : la preuve en a été faite lors de l'attaque du fourgon pénitentiaire au péage d'Incarville en mai 2024, alors que la visioconférence permet justement de limiter les extractions de prévenus et de détenus. L'accent devrait donc être mis sur l'utilisation de la vidéoconférence lors de ces entretiens entre un détenu et un juge, ce qui suppose non seulement des travaux d'équipement du côté des établissements pénitentiaires comme des tribunaux, mais aussi, dans certains cas, un travail de persuasion auprès des juges afin qu'ils considèrent au mieux, selon les cas, la nécessité d'un entretien en présentiel.
2. L'arrivée de l'intelligence artificielle constitue une possible voie, encore difficile à appréhender, d'amélioration du fonctionnement de la justice
Le développement de l'intelligence artificielle fait l'objet d'une réflexion au sein du ministère et des juridictions.
Un groupe de travail a remis au garde des Sceaux, le 25 juin 2025, un rapport mettant en évidence les opportunités apportées par cet outil, mais aussi les étapes nécessaires à sa mise en oeuvre38(*). Il a ainsi identifié douze cas d'usages pour l'intelligence artificielle au profit de l'ensemble des activités du ministère.
Les douze cas d'usage identifiés pour l'intelligence artificielle
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Métier concerné |
Cas d'usage prioritaire |
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Administration pénitentiaire |
1 - Interprétariat instantané fonctionnant hors connexion |
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2 - Vidéosurveillance intelligente dans les établissements pénitentiaires |
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3 - Détection vidéo intelligente pour la lutte anti-drones |
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Protection judiciaire de la jeunesse |
4 - Agent conversationnel juridique pour les agents |
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Juridictions civiles |
5 - Analyse et recherche documentaire avancée |
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6 - Aide à la rédaction et synthèse contextualisée |
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7 - Orientation des procédures ou courriers au sein des juridictions |
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Juridictions pénales |
8 - Analyse et recherche documentaire avancée |
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9 - Aide à la rédaction et synthèse contextualisée |
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10 - Orientation des procédures ou courriers au sein des juridictions |
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Juridictions civiles et pénales |
11 - Retranscription judiciaire des audiences et auditions |
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12 - Solution d'orientation du justiciable pour les agents |
Source : rapport du groupe de travail sur l'intelligence artificielle
Le ministère entend s'approprier l'intelligence artificielle générative et la mettre à disposition de l'ensemble des agents. Dans un premier temps, des agents du ministère de la justice participeront, avec 10 000 agents ministériels, à une expérimentation des modèles propriétaires et open source proposés par la société française Mistral.
Les opportunités offertes par l'intelligence artificielle pour les différents métiers du ministère n'ont toutefois d'égales que les défis, aussi bien techniques et éthiques qu'organisationnels, que ce nouvel outil impose.
Dans un ministère où les logiciels sont souvent obsolètes et mal reliés les uns aux autres, entraînant des tâches fastidieuses de saisie manuelle, l'intelligence artificielle risque en effet d'apparaître comme un logiciel supplémentaire, coûteux pour les budgets mais qui risque de s'ajouter aux autres sans résoudre leurs limites intrinsèques.
Sur le plan éthique et déontologique, la plupart des cas d'usages mentionnés par le groupe de travail requièrent un certain niveau de confidentialité pour le respect des personnes concernées ou la bonne conduite des enquêtes. Il serait donc inenvisageable d'utiliser des outils certes très efficaces, qui mais reposent sur des transferts de données massifs vers des pays tiers, sans garantie sur leur utilisation.
Le groupe de travail recommande en conséquence le déploiement d'un « assistant IA sécurisé et souverain » dédié à l'ensemble des magistrats et agents du ministère de la justice, intégrant progressivement des fonctions de recherche, de synthèse, de rédaction et de retranscription.
Enfin, si l'intelligence artificielle remplit réellement, à terme, les missions qu'on voudrait lui confier, les conséquences sur l'organisation du ministère pourraient être majeures.
Les missions confiées à chaque catégorie de personnel seraient amenées à évoluer : plutôt que de rédiger des transcriptions d'échange ou d'analyser des situations de droit, il s'agirait de contrôler ce qui a été préparé par l'intelligence artificielle. Le besoin de recours à certains prestataires externes (interprètes et traducteurs), voire internes (assistants de justice) pourrait en conséquent être réduit de manière considérable.
Le droit lui-même devrait probablement évoluer, comme l'a constaté le rapporteur spécial lorsqu'il a conduit un travail de contrôle budgétaire sur les frais de justice39(*) : la loi rend aujourd'hui obligatoire le recours à un interprète ou un traducteur assermenté dans de nombreuses situations où il pourrait être suffisant de recourir à une solution fondée sur l'intelligence artificielle, sous le contrôle d'un humain.
B. LES FRAIS DE JUSTICE : COMPLÉTER LES MESURES DU PROJET DE LOI DE FINANCES PAR UN MEILLEUR SUIVI INTERNE
Les frais de justice, ou les frais d'enquête judiciaire pour reprendre la terminologie de plus en plus utilisée par le ministère, sont des « quasi-dépenses de guichet », car ils sont liés à l'exercice même de la justice et au volume de l'activité pénale, de sorte que l'administration de la justice dispose de leviers limités pour la modérer.
Les frais de justice
Les frais de justice englobent les dépenses de procédure, à la charge définitive ou provisoire de l'État, qui résultent d'une décision de l'autorité judiciaire ou de celle des officiers de police judiciaire agissant sous sa direction ou son contrôle. Il s'agit par exemple des honoraires des experts et des interprètes-traducteurs, des frais de gardiennage de biens saisis, des interceptions téléphoniques et des frais résultant de nombreuses autres mesures ordonnées par un magistrat ou un officier de police judiciaire dans le cadre d'une procédure judiciaire.
Les frais de justice ne comprennent pas les rémunérations et les dépenses courantes du ministère de la justice, ni les frais d'avocat payés par les parties au procès ou l'aide juridictionnelle dont certaines de ces parties peuvent bénéficier.
Source : commission des finances
Le coût des frais de justice serait en 2026 de 759,7 millions d'euros, en hausse de 17,0 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances pour 2025.
Sur le moyen terme, la hausse des frais de justice est considérable, puisqu'elle est de + 53,3 % par an depuis 2017, soit plus de 30 points au-dessus de l'inflation.
Évolution des frais de justice depuis 2017
(en millions d'euros courants)
Source : commission des finances, d'après
les réponses
au questionnaire budgétaire et les documents
budgétaires
La direction des services judiciaires indique qu'elle constate une stabilisation du nombre de mémoires de frais de justice déposés, ce qui pourrait être le signe d'une moindre croissance de leur coût, qui progresse d'ailleurs moins dans le projet de loi de finances pour 2026 qu'au cours de la plupart des années précédentes depuis 2020. Ces résultats resteront toutefois à confirmer en exécution.
Le montant de 759,7 millions d'euros prévu pour 2026, dont 693,8 millions d'euros au titre des enquêtes pénales, prend en compte, selon le projet annuel de performances, plusieurs facteurs de hausse des coûts, tels que :
- les frais de jurés, témoins et parties civiles, compte tenu de l'évolution du nombre de journées de session d'assises ;
- le renforcement du maillage territorial des structures de médecine légale ;
- les examens médicaux de garde à vue en lien avec l'évolution moyenne des comparutions immédiates ;
- le dynamisme enregistré notamment en matière d'indemnisation dès la détention provisoire (hausse du nombre de dossiers et du coût moyen) ;
- le renforcement des enquêtes sociales sur les violences intrafamiliales et la création du parquet national anticriminalité organisée (PNACO).
Des mesures d'économie doivent toutefois permettre de limiter la progression des coûts : la poursuite du développement de la PNIJ, qui représente toutefois un coût en lui-même, mais plus ponctuel (voir infra) ; une révision des arrêtés tarifaires, envisagée pour 2026 ; la poursuite du plan d'apurement du gardiennage des scellés de véhicules sous main de justice ; enfin, la révision des conditions de recours aux expertises psychiatriques et aux enquêtes sociales rapides (article 78).
Constatant l'an passé cette hausse apparemment inexorable, le rapporteur spécial a décidé de consacrer cette année un travail de contrôle budgétaire aux frais de justice40(*). Il a constaté que leur progression ne correspond pas, comme on aurait pu s'y attendre, à une hausse du nombre d'affaires judiciaires, mais plutôt à une dépendance de plus en plus grande de la justice à des mesures techniques ou d'expertise coûteuses.
Le rapporteur spécial ne peut que se réjouir de constater que trois des mesures qu'il préconisait et qui relèvent du domaine de la loi sont reprises dans le présent projet de loi de finances : la création d'une contribution pour l'aide juridique, due par toute personne qui introduit une procédure en première instance en matière civile et prud'homale (article 30 du projet de loi de finances), le principe de recouvrement des frais de justice auprès des personnes condamnées pénalement (article 46) et la révision du périmètre d'obligation de recours aux expertises psychiatriques et aux enquêtes sociales rapides (article 78, que le rapporteur spécial présentera de manière détaillée infra).
Ces mesures ne produiront toutefois pleinement leurs effets que dans le cadre d'un effort global de maîtrise des frais de justice. Il est en effet nécessaire :
- d'une part, d'améliorer la connaissance des frais de justice, ce qui suppose en particulier l'amélioration des outils informatiques : pour recouvrer les frais de justice auprès des personnes condamnées, encore faut-il être en mesure de déterminer leur coût et de les rattacher à une affaire donnée, ce qui n'est pas toujours possible actuellement ;
- d'autre part, de mettre fin aux dépenses inutiles ou peu utiles, telles que les frais de gardiennage de véhicules ou les interceptions judiciaires réalisées en dehors de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) ;
- enfin, de favoriser les retours financiers : ventes ou affectations de biens saisis par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), recouvrement des frais de justice.
Le rapporteur spécial ne méconnaît pas l'important effort conduit depuis plusieurs années par la direction des services judiciaires, à travers les phases successives du plan de maîtrise des frais de justice. L'ensemble des acteurs sont concernés et doivent être encouragés à poursuivre ces efforts.
C. LA PLATEFORME NATIONALE DES INTERCEPTIONS JUDICIAIRES : UNE SOURCE D'ÉCONOMIES POUR LE BUDGET DE LA JUSTICE
Les interceptions judiciaires correspondent à plusieurs catégories de prestations :
- les réquisitions de données : l'enquêteur demande par exemple le détail des appels entrants et sortants sur une ligne ou l'identification de l'utilisateur à partir de son numéro d'appel ;
- les interceptions proprement dites, comme l'enregistrement vocal d'un appel entre deux appareils ;
- les géolocalisations : il s'agit de connaître, en temps réel, la position géographique d'un téléphone mobile.
Leur coût a été de 81,3 millions d'euros en 2024, soit 11,3 % du coût total des frais de justice (716 millions d'euros).
Alors que ces prestations étaient traditionnellement réalisées par des sociétés privées, sollicitées par les officiers de police judiciaire, la croissance des besoins a suscité à partir de 2005 le développement par l'État d'une plateforme nationale d'interceptions judiciaires (PNIJ), aujourd'hui gérée par l'Agence nationale des techniques d'enquêtes numériques judiciaires (ANTENJ)41(*).
Si le développement a été lent, le rapporteur spécial, qui s'est rendu au siège de l'ANTENJ au mois de septembre dernier, constate que la plateforme a aujourd'hui atteint un point où elle peut satisfaire la plupart des demandes qui lui sont adressées dans le cadre des enquêtes.
L'une des dernières fonctionnalités importantes qui faisaient défaut était la prestation de géolocalisation, fournie depuis quelques années et pour laquelle la PNIJ détient désormais une part de marché proche de 100 %, selon ce qui a été indiqué au rapporteur spécial.
Le développement des techniques d'enquêtes numériques judiciaires et du système d'information les mettant en oeuvre (SITENJ), dont fait partie la PNIJ, bénéficierait en 2026 de 85,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 50,1 millions d'euros en crédits de paiement.
Ces crédits sont importants, mais le rapporteur spécial considère qu'il s'agit d'un exemple de « dépense qui rapporte de l'argent », car le développement de la plateforme est un investissement qui évite, par la suite, des dépenses annuelles auprès de prestataires externes, sur un marché peu concurrentiel.
Les économies brutes en frais de justice réalisées grâce au déploiement de la PNIJ entre 2010 et 2024 ont été estimées à près de 572 millions d'euros, soit de l'ordre de 200 millions d'euros d'économies nettes si l'on soustrait les coûts de développement et de maintenance de la plateforme42(*). De fait, la dépense en interceptions judiciaires est l'un des rares postes des frais de justice qui tend à diminuer, de 2,0 % par an en moyenne depuis 2017.
Le rapporteur spécial souligne toutefois que l'ANTENJ a la responsabilité, vis-à-vis des magistrats et des officiers de police judiciaire, de poursuivre le développement d'une plateforme à la fois riche en fonctionnalité et d'une ergonomie adaptée aux besoins des utilisateurs, alors que les criminels, eux, ne cessent de gagner en maîtrise des techniques numériques.
D. AGRASC : UNE ACTIVITÉ À DÉVELOPPER ENCORE POUR DE MEILLEURS RETOURS FINANCIERS
L'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), dont le rapporteur spécial suit les travaux depuis longtemps43(*), est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la justice et du ministère chargé des comptes publics, afin d'améliorer la saisie, la gestion puis la confiscation et la vente des avoirs criminels. Elle gère des biens saisis et confisqués sur l'ensemble du territoire national, procède à leur vente le cas échéant et veille à l'indemnisation prioritaire des parties civiles sur les biens confisqués à la personne condamnée.
Son activité, notamment marquée, en 2025, par la vente d'un yacht pour un montant de 10 millions d'euros le 27 mars dernier, est en forte croissance.
Le produit des versements réalisés par l'Agrasc est ainsi passé de 154,9 millions d'euros en 2022 à 244,1 millions d'euros en 2024, dont 160,2 millions d'euros versés à l'État, 31,0 millions d'euros au titre des « biens mal acquis »44(*) et 50,9 millions d'euros fléchés vers la MILDECA45(*) .
L'efficacité de l'AGRASC peut avoir, paradoxalement, pour effet d'entraîner une augmentation de la subvention pour charges de service public qu'elle reçoit de l'État dans le cadre du programme 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice », car son efficacité dépend du budget de fonctionnement qui lui est alloué.
Évolution des emplois et de la subvention
pour charge de service public de l'AGRASC
(en équivalents temps plein travaillés et en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des projets et rapports annuels de performance
Cette subvention pour charges de service public a ainsi augmenté de près de moitié entre le montant attribué en 2022 et celui de 12,6 millions d'euros prévu par le présent projet de loi de finances. Le nombre des emplois suit, lui, une progression beaucoup moins accentuée et reste même stable en 2026.
Le rapporteur spécial fait observer que, à l'heure où le coût des agences et des opérateurs pour les finances publiques est si souvent mis en cause, l'Agrasc, elle, rapporte de l'argent à l'État.
Selon ses dirigeants, auditionnés par le rapporteur spécial, ses coûts de gestion sont en croissance, en relation directe avec la valeur des biens qu'elle reçoit en saisie : le yacht vendu pour 10 millions d'euros avait auparavant coûté 1 million d'euros pour le gardiennage pendant une durée d'une année.
Or l'agence était affectataire, avant 2021, d'une recette assise sur les intérêts du compte qu'elle tient auprès de la Caisse des dépôts, intérêts dont le montant serait d'environ 8 millions d'euros en 2026, pour un encours de 3 milliards d'euros. Cette recette a été remplacée à compter de 2022 par une subvention pour charge de service public, faisant entrer l'agence dans la catégorie des opérateurs de l'État.
De même, l'agence estime qu'avec un personnel un peu plus étoffé, elle pourrait faire beaucoup plus : par exemple aller faire le tri des biens valorisables dans les commissariats. Elle doit faire déplacer prochainement son siège, pour un loyer moins élevé.
Enfin, l'Agence indique ne pas être suffisamment informée des décisions de justice qui pourraient comporter des confiscations, malgré l'obligation de notification des décisions de saisie et de confiscation introduite par la loi du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels46(*).
Le rapporteur spécial, pleinement conscient de la nécessité, pour une agence aussi « vertueuse » financièrement, d'avoir les moyens de son fonctionnement, invite à une réflexion sur son modèle économique.
E. L'AIDE JURIDICTIONNELLE : DES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES INSATISFAISANTS MALGRÉ LA FORTE HAUSSE DES CRÉDITS, BIENTÔT RENFORCÉS PAR L'AFFECTATION D'UNE RESSOURCE NOUVELLE
L'aide juridictionnelle s'adresse principalement aux personnes dont les ressources sont insuffisantes pour garantir leurs droits en justice.
Aide juridique et aide juridictionnelle
L'aide juridique comprend l'aide juridictionnelle proprement dite, l'aide à l'accès au droit et l'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles47(*).
L'aide à l'accès au droit comprend des actions d'information des personnes sur leurs droits et obligations, en s'appuyant notamment sur les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD).
L'aide juridictionnelle consiste en la prise en charge, par l'État, de tout ou partie des frais relatifs à un procès qui incombent normalement aux parties (rétribution d'un avocat, frais d'expertise, etc.) ou d'une procédure pénale (rétribution d'un avocat intervenant lors d'une garde à vue, etc.).
L'aide à l'intervention de l'avocat dans les procédures non juridictionnelles correspond, avec des critères similaires à l'aide juridictionnelle, au recours à l'avocat dans des procédures telles que les auditions et la garde à vue.
Source : commission des finances
Les crédits de l'aide juridictionnelle s'élèvent à 714,2 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2026, en hausse importante de 53,2 millions d'euros (+ 8,0 %). Ils représentent près de 90 % des crédits du programme 101 « Accès au droit et à la justice ».
En 2024, 1 177 166 justiciables ont bénéficié de l'aide juridictionnelle, dont 62,5 % dans des procédures civiles ou administratives et 37,5 % dans des procédures pénales.
Le principal poste de dépense est la rétribution des avocats lors de contentieux juridictionnels, médiations et divorces48(*), qui représentent un montant de 553,5 millions d'euros en 2026.
Les crédits destinés à l'aide juridictionnelle ont connu une hausse très importante ces dernières années, avec une augmentation de plus des deux tiers depuis 2017.
Évolution des dépenses d'aide juridictionnelle depuis 2017
(en millions d'euros)
Crédits 2017-2019 retraités49(*).
Source : commission des finances, à partir des réponses au documents budgétaire
En outre, ces crédits seront complétés par la création, prévue par l'article 30 du projet de loi de finances, d'une contribution pour l'aide juridique, d'un montant de 50 euros, perçue lors de l'introduction d'une procédure civile ou prud'homale. Cette recette, attendue à un niveau de 45 millions d'euros en 2026 et 55 millions d'euros à compter de 2027, sera affectée au financement de l'aide juridictionnelle, par l'intermédiaire des caisses autonomes de règlement pécuniaires des avocats (Carpa).
Malgré la croissance des crédits, l'étude des indicateurs de performance du programme 101 donne une indication de l'insuffisance du service public rendu.
Si des cibles volontaristes sont fixées pour l'année en cours ou les années suivantes, la réalité est une dégradation des résultats.
Le délai de traitement des demandes d'aide juridictionnelle a ainsi augmenté de près de moitié entre 2017 et 2024, alors que le taux de recouvrement des frais avancés par l'État au titre de l'aide juridictionnelle diminuait de plus de 50 %.
Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performance
Le coût de traitement d'une décision d'aide juridictionnelle, en revanche, a connu une diminution sur la même période, mais, contrairement à la plupart des indicateurs, une dégradation, et non une amélioration, est prévue pour les années à venir. Une hausse du coût unitaire de traitement devrait en effet, selon le projet annuel de performances, résulter mécaniquement de la baisse du nombre de demandes, induite par l'introduction en 2021 du dispositif d'« AJ garantie », qui permet à l'avocat commis ou désigné d'office, étant intervenu dans certaines missions et n'ayant pu obtenir le règlement de ses honoraires, de solliciter de la Carpa le paiement de l'indemnité à laquelle il peut prétendre au titre de l'aide juridictionnelle, sans avoir à déposer un dossier de commission d'office au bureau d'aide juridictionnelle.
Coût de traitement d'une décision d'aide juridictionnelle
(en euros)
Source : commission des finances, à partir des projets annuels de performance
En outre, la Cour des comptes souligne depuis longtemps le caractère insuffisant de certains indicateurs de performances de ce programme50(*). Ainsi le coût de traitement des demandes d'aide juridictionnelle ne prend-il en compte que la masse salariale des bureaux d'aide juridictionnelle, ce qui ne suffit pas à établir les coûts complets de traitement des dossiers, d'autant que le décompte des agents effectivement affectés à ces bureaux paraît fragile. Elle note d'ailleurs que l'augmentation du coût consécutive à la mise en place de l'AJ garantie était prévue dès 2023 mais ne s'est pas confirmée.
Au total, l'aide juridictionnelle semble cumuler les difficultés de la justice : son coût augmente de manière importante, sans pour autant que le service rendu soit à la hauteur de ce qui pourrait en être attendu.
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
ARTICLE 78
Réduction du
périmètre d'application de l'obligation de recours
à
certaines expertises judiciaires
Le présent article supprime l'obligation de recours à une enquête sociale rapide dans le cas d'une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, si le procureur de la République n'entend pas proposer une peine d'emprisonnement ferme immédiatement mise à exécution. Il supprime également l'obligation de recours à une expertise médicale, avant tout jugement au fond, pour les personnes poursuivies pour un délit de nature sexuelle ou commis à l'encontre d'un mineur, tout en maintenant cette obligation en cas de poursuite pour un crime.
Le rapporteur spécial, qui avait suggéré une telle mesure dans son contrôle budgétaire sur les frais de justice, considère que cette mesure de rationalisation et de simplification permet de laisser toute sa marge de manoeuvre au magistrat pour ordonner les mesures d'expertise nécessaires au cas d'espèce et constitue une mesure d'économie limitée, mais réelle.
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : LES ENQUÊTES SOCIALES RAPIDES ET LES EXPERTISES MÉDICALES DOIVENT OBLIGATOIREMENT ÊTRE CONDUITES DANS CERTAINES PROCÉDURES CIVILES OU PÉNALES
Lorsqu'une personne fait l'objet d'une enquête, il est souvent utile de vérifier certains éléments relatifs à sa situation personnelle afin de contribuer à la manifestation de la vérité et à la détermination de sa responsabilité.
Ces mesures relèvent notamment de deux catégories : les enquêtes sociales rapides et les expertises médicales ou psychiatriques.
A. LES ENQUÊTES SOCIALES RAPIDES ET LES EXPERTISES MÉDICALES
L'enquête sociale rapide tend à vérifier la situation matérielle, familiale et sociale d'une personne faisant l'objet d'une enquête. Elle permet à l'autorité judiciaire de disposer des éléments permettant de décider des peines, aménagements de peine ou mesures propres à favoriser l'insertion sociale de ces personnes.
Les expertises médicales, plus particulièrement psychiatriques et psychologiques, peuvent intervenir en matière civile comme pénale, par exemple :
- au cours d'une garde à vue, afin de déterminer la responsabilité de la personne mise en cause et la nécessité de la soumettre à une injonction de soins ou d'un examen médico-psychologique ;
- pendant une enquête préliminaire ou une information judiciaire, afin d'éclairer les motivations d'une infraction, sa vraisemblance ou l'étendue des préjudices subis par la victime ;
- lors de l'audience, voire après la sentence pour organiser un aménagement de peine.
Les magistrats font appel à des experts figurant sur une liste nationale établie par la Cour de cassation ou par les cours d'appel et, exceptionnellement, à des experts ne figurant sur aucune liste.
B. LE PÉRIMÈTRE D'OBLIGATION DU RECOURS AUX EXPERTISES
En application du neuvième alinéa de l'article 41 du code de procédure pénale (CPP), une enquête sociale rapide doit obligatoirement être conduite dans trois cas :
- avant toute réquisition de placement en détention provisoire lorsque la peine encourue n'excède pas cinq ans d'emprisonnement ;
- en cas de poursuites selon la procédure de comparution immédiate (prévue aux articles 395 à 397-7 du CPP) ;
- en cas de poursuites selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (prévue aux articles 495-7 à 495-13) si la personne est déférée devant le procureur de la République en application de l'article 393.
Une expertise psychiatrique est réalisée obligatoirement pour accorder une réduction de peine ou une autorisation de sortie à une personne condamnée à un suivi socio-judiciaire (article 712-21 du CPP). Une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité est nécessaire pour accorder la libération conditionnelle (article 730-2 du même code). Une évaluation de la responsabilité pénale est obligatoire pour tout jugement au fond d'un majeur protégé51(*) (article 706-115).
En particulier, l'article 706-47-1 du CPP prévoit, dans son troisième alinéa, que les personnes condamnées pour une infraction de nature sexuelle ou commise sur des mineurs mentionnée à l'article 706-47 sont obligatoirement soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale. L'expert est alors interrogé sur l'opportunité d'une injonction de soins.
L'article 706-47 du CPP mentionne aussi bien des crimes (meurtre ou assassinat, torture et actes de barbarie sur mineur, viol) que de délits (agression sexuelle, traite des êtres humains, proxénétisme, etc.).
C. UN COÛT EN FORTE AUGMENTATION AU COURS DES ANNÉES RÉCENTES
Selon un rapport, récemment publié, des corps d'inspection de l'État consacré à la maîtrise des frais de justice52(*), les dépenses liées aux expertises psychiatriques ont augmenté de 69 % entre 2019 et 2024.
Ces dépenses sont pourtant soumises à un tarif défini par le code de procédure pénale53(*).
À titre d'exemple, une expertise psychiatrique réalisée pour le compte d'une juridiction peut représenter un coût de 440 à 742,50 euros, auxquels des défraiements peuvent être ajoutés, notamment une indemnité de transport ou une indemnité journalière de séjour en cas de déplacement. Le tarif des enquêtes sociales rapides varie de 39 à 150 euros.
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Évolution des dépenses d'expertise psychiatrique entre 2019 et 2024 (en millions d'euros) |
Évolution du montant des mémoires déposés pour les enquêtes sociales rapides entre 2021 et 2024 (en millions d'euros) |
Source : commission des finances, à partir du rapport des corps d'inspection de l'État
Cette augmentation résulte aussi bien de l'augmentation du volume de prestations réalisées, en lien notamment avec la hausse du nombre des affaires de violences sexuelles ou intrafamiliales, que des revalorisations successives du tarif des prestations, qui résultent de la tension rencontrée localement pour trouver des experts psychiatres dans les juridictions.
Le rapport précité des corps d'inspection de l'État a proposé de supprimer l'ensemble des cas de recours obligatoire à des expertises psychiatriques et à des enquêtes sociales rapides.
Le rapport estime les économies attendues, dès 2026, à 3 à 5 millions d'euros pour les expertises psychiatriques, et de 1 à 3 millions d'euros pour les enquêtes sociales rapides. Ces estimations sont approximatives, car le nombre des expertises conduites dépendrait des choix des magistrats, qui resteraient libres de prescrire celles qui conviennent à l'affaire.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE RÉDUCTION DU PÉRIMÈTRE DU RECOURS OBLIGATOIRE AUX EXPERTISES PSYCHIATRIQUES ET AUX ENQUÊTES SOCIALES RAPIDES
Le présent article réduit le périmètre des procédures pénales dans le cadre desquelles le recours à une enquête sociale rapide ou une expertise psychiatrique est obligatoire.
S'agissant des enquêtes sociales rapides, le 1° de l'article modifie, à l'article 41 précité du code de procédure pénale, le troisième cas de recours obligatoire, c'est-à-dire en cas de poursuites selon la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité si la personne est déférée devant le procureur de la République. Il ne maintient l'obligation de recours à une enquête sociale rapide que si le procureur entend proposer une peine d'emprisonnement ferme immédiatement mise à exécution.
Le 2° supprime, s'agissant des expertises médicales, l'obligation de recours pour les procédures portant sur des délits de nature sexuelle ou commis sur des mineurs, tout en maintenant cette obligation pour les procédures portant sur des crimes.
Enfin, le 3° procède à une mesure de coordination sur l'article 804 du code de procédure pénale, dit « compteur Lifou »54(*), afin de garantir que les nouvelles dispositions sont applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ACCEPTER CETTE MODIFICATION DE PORTÉE LIMITÉE
Le rapporteur spécial, dans son rapport récent relatif à la maîtrise des frais de justice55(*), a proposé, d'une part, d'étudier une gradation des tarifications des expertises psychologiques et psychiatriques en fonction de la complexité de l'analyse demandée et, d'autre part, de laisser aux magistrats l'appréciation de la nécessité de l'expertise psychologique ou psychiatrique, ainsi que de l'enquête sociale rapide, dans les cas où ces mesures sont actuellement prévues de manière automatique par le code de procédure pénale.
Le présent article met en oeuvre la seconde partie de cette recommandation, car la suppression de l'obligation a bien pour objectif de laisser aux magistrats une marge de manoeuvre dont ils ne disposent actuellement pas.
L'évolution reste limitée, car l'article maintient l'obligation d'expertise médicale en cas de crime. L'enquête sociale rapide, pour sa part, n'est pas supprimée lorsqu'il y a un risque d'incarcération ou de jugement immédiat. Elle reste en retrait de l'évolution proposée par le rapport des corps d'inspection de l'État, qui recommandait de laisser, dans tous les cas, le magistrat libre d'ordonner ou non ces mesures.
Le rapporteur spécial a lui-même constaté, lors des auditions préliminaires à l'établissement de son rapport sur les frais de justice, que l'obligation systématique prévue par la loi n'est pas toujours pertinente. Elle est parfois conduite de manière disproportionnée pour des délits très mineurs, uniquement parce qu'elle est prévue par la loi alors qu'elle n'éclaire pas réellement l'analyse du dossier et la décision du magistrat.
En outre, il arrive que l'expertise obligatoire soit considérée comme insuffisante, tout particulièrement pendant les gardes à vue, de sorte que le magistrat est amené à ordonner une seconde enquête psychologique, plus approfondie, ôtant alors toute utilité à la première expertise imposée par la loi.
Les délais de l'enquête sont d'autant plus rallongés que les experts psychiatres sont difficiles à trouver dans certains territoires, pour des mesures dont l'utilité n'est pas toujours démontrée.
Il ne s'agit bien évidemment pas de supprimer tout recours à ces mesures, qui sont non seulement nécessaires pour que la justice soit correctement rendue, mais ne constituent pas toujours une charge nette pour l'État. En effet, elles peuvent conduire à développer le recours à des mesures alternatives à l'incarcération ou aux aménagements de peine et, par voie de conséquence, réduire la charge de l'administration pénitentiaire.
S'agissant de l'obligation de recours à une expertise médicale prévue par l'article 706-47-1, nos collègues Jean Sol et Jean-Yves Roux, dans un rapport sur les expertises psychiatriques et psychologiques établi en 2021, notaient d'ailleurs le « caractère particulier de cette expertise qui, bien qu'intervenant en amont du prononcé de la sentence, se projette au-delà du strict cadre de l'établissement de la responsabilité pénale »56(*). En effet, cette expertise ne se prononce pas uniquement sur la responsabilité pénale de la personne, mais aussi sur l'opportunité d'une injonction de soins.
Selon le même rapport, la suppression du caractère obligatoire de cette expertise risque certes d'avoir des effets limités : l'explosion du nombre des demandes d'expertise serait liée moins aux hypothèses de recours obligatoire à l'expertise pré-sentencielle qu'à l'augmentation du nombre de poursuites engagées pour certaines des infractions visées (comme les agressions sexuelles) ainsi qu'à la volonté des magistrats instructeurs d'étoffer l'information judiciaire.
De fait, l'évaluation préalable du présent article prévoit une économie de 4,4 millions d'euros à 8,7 millions d'euros. Cette estimation dépend toutefois des choix faits par les magistrats, à qui est laissée l'initiative d'ordonner les expertises et enquêtes sociales préalables.
Le rapporteur spécial considère au total que cette évolution, qui reste limitée, relève d'un principe de rationalisation et de simplification, sans remettre en cause la capacité pour le magistrat à disposer de tous les éléments propres à éclairer sa décision.
Décision de la commission des finances : la commission propose d'adopter cet article sans modification.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Justice ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 19 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, sur la mission « Justice » (et l'article 78).
M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport de notre collègue Antoine Lefèvre sur les crédits de la mission « Justice ».
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial de la mission « Justice ». - Il y a quelques années, un garde des sceaux évoquait la « clochardisation » de la justice. Depuis, la loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice (LOPJ) 2023-2027 a prévu de consacrer 2 milliards d'euros de crédits supplémentaires à la justice. Pour autant, cette dernière est loin d'être devenue privilégiée.
Comme en 2024, l'exécution 2025 a été marquée par un décret d'annulation de crédits. Ainsi, 139,1 millions d'euros de crédits de paiement (CP) ont été annulés, dont la moitié concernent le programme « Justice judiciaire ». Les dépenses de personnel ont été épargnées. Ce décret a été suivi d'un surgel et, au 30 octobre, 308 millions d'euros restaient gelés pour le programme « Administration pénitentiaire ».
Par conséquent, l'administration centrale et les juridictions dans les régions doivent piloter avec une visibilité dégradée quant à leurs moyens. Cette situation complique la gestion quotidienne des tribunaux et des établissements pénitentiaires, et augmente le risque de laisser des impayés, voire de payer des intérêts moratoires.
Le budget 2026 ouvre des crédits à hauteur de 12,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 13,1 milliards d'euros en CP, en incluant la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Sans compter le CAS, les crédits atteignent 10,6 milliards d'euros, ce qui représente une hausse de 1,6 %.
La trajectoire fixée par la LOPJ est pratiquement respectée en ce qui concerne les crédits, si l'on prend en compte le fait que l'article 30 du projet de loi de finances (PLF) rétablit la contribution pour l'aide juridique. En effet, un droit de timbre sera payé lors de l'introduction d'un acte en justice civile ou prud'homale. Le produit, s'élevant aux alentours de 50 millions d'euros, sera affecté au financement de l'aide juridictionnelle.
Cependant, il faut bien prendre la mesure de la situation : la justice constitue la plus « pauvre » des fonctions régaliennes de l'État. En effet, la mission perçoit 2,7 % des crédits ministériels, voire 1,8 %, si l'on prend en compte la quasi-absence de dépenses fiscales et de ressources affectées.
Surtout, nous venons de loin. En dix ans, les CP affectés à la mission ont certes augmenté d'environ un tiers en euros constants, mais cette progression comble seulement une partie d'un retard historique, souligné depuis longtemps par les acteurs de terrain et les comparaisons internationales. Ainsi, la France compte 11,3 juges professionnels pour 100 000 habitants alors que la médiane des pays de l'Union européenne s'établit à 17,6 juges pour 100 000 habitants.
Pour autant, la situation évolue et il serait incompréhensible que les résultats de la justice ne s'améliorent pas dans les années à venir.
J'évoquerai d'abord les moyens humains. Hors contributions au CAS « Pensions », les dépenses liées à la masse salariale atteignent 5,35 milliards d'euros, soit la moitié des CP de la mission. Les créations nettes d'emplois s'élèvent à 1 600 équivalents temps plein (ETP) pour 2026, après avoir atteint 1 543 ETP en 2025. Parmi les personnels supplémentaires, nous compterons 286 magistrats, 342 greffiers et 586 personnels de surveillance. De plus, 70 ETP seront consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse. Il s'agit d'un effort important, qu'il faut reconnaître.
Du point de vue du citoyen, il faudra que les effectifs nouveaux apportent des résultats visibles. Les délais de traitement des affaires civiles s'améliorent, mais lentement, et restent très élevés pour certains contentieux : près de 19 mois pour les divorces et plus de 17 mois pour le contentieux social. Nous ne pouvons pas accepter que la justice continue d'être perçue comme une institution lente et en crise, malgré une augmentation d'un tiers de ses crédits en dix ans.
Du point de vue du ministère et de ses agents, l'arrivée de nouveaux magistrats et de greffiers se traduit par une densification des bureaux plus que par de véritables gains en termes de conditions de travail.
Les investissements immobiliers judiciaires privilégient la poursuite d'opérations déjà engagées. La situation la plus préoccupante concerne toujours le domaine pénitentiaire. Le nombre de détenus a augmenté de 8,5 % en un an et le taux d'occupation des prisons dépasse aujourd'hui les 160 %. La situation s'aggrave même de plus en plus vite.
La mise en oeuvre du plan de construction de 15 000 places de prison est loin d'être achevée. Ces derniers temps, le garde des sceaux a moins mis l'accent sur la construction de prisons classiques que sur des constructions légères, de type modulaire, ou sur des quartiers de haute sécurité. Je ne suis pas opposé à ce pragmatisme, mais nous manquons d'une stratégie globale de renforcement du parc, qui pourrait donner de la visibilité sur les capacités à moyen terme.
Je souhaite aussi mettre l'accent sur les fonctions de support, moins visibles du grand public, mais essentielles pour donner à la justice les moyens de gagner en efficacité.
Les applicatifs informatiques du ministère sont vieillissants et mal interconnectés. Des pertes de temps en résultent, ainsi que des risques d'erreur pour les agents, qui saisissent plusieurs fois les mêmes données. Prochainement, nous gagnerons 123 000 heures de travail en reliant le logiciel Cassiopée, utilisé pour les dossiers pénaux, à un fichier de traitement des antécédents judiciaires, afin d'éviter la transmission de plus d'un million de dossiers.
La gestion des frais de justice, sur laquelle j'ai rendu un rapport le mois dernier, gagnerait aussi à une mise à jour des systèmes informatiques. En la matière, je me réjouis que plusieurs mesures que je préconisais dans mon rapport figurent dans ce PLF.
Ainsi, l'article 30 vise à rétablir la contribution pour l'aide juridictionnelle. L'article 46 pose le principe de la prise en charge des frais d'enquête pénale par la personne condamnée, sauf décision contraire du juge. Enfin, l'article 78, rattaché à la mission, vise à réduire le périmètre d'application de l'obligation de recours à certaines expertises judiciaires.
Ces avancées vont dans le bon sens. Cependant, il est essentiel que le ministère se dote d'une méthodologie d'évaluation, afin que nous puissions savoir, dans un an ou dans cinq ans, si les mesures que nous votons ont été vraiment efficaces.
De même, en matière d'aide juridictionnelle, malgré une forte hausse des crédits, les délais de traitement restent insatisfaisants.
Dans mon rapport, je mentionne aussi des exemples montrant que la justice peut rapporter de l'argent. À cet égard, il faut encourager le développement de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), qui revend des biens saisis, et de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), qui réduit le coût de ces interceptions, de plus en plus nombreuses mais indispensables aux enquêtes actuelles.
Enfin, je voudrais attirer l'attention sur la situation particulière du fonds de financement des dossiers impécunieux, qui est mobilisé lorsque les actifs d'une entreprise ne sont pas suffisants pour assurer la rémunération du liquidateur. Si la loi de finances pour 2025 avait ouvert 54 millions d'euros de crédits pour ce fonds, le présent projet de loi de finances ne prévoit que 1 million d'euros. Selon le Gouvernement, le fonds dispose d'une certaine trésorerie. Il sera de la responsabilité de l'État d'abonder le fonds lorsqu'il le faudra, afin d'éviter des retards de paiement.
En conclusion, l'augmentation des crédits de la mission « Justice » ne conduira pas la justice à vivre dans l'abondance, mais à accomplir un peu mieux ses missions. Il s'agit d'envoyer au Gouvernement un message clair : l'effort consenti n'aura de sens que s'il se traduit bientôt par une amélioration de la manière dont la justice est rendue, du point de vue du citoyen.
Je propose donc d'adopter les crédits de la mission sans modification.
Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis de la commission des lois sur les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». - D'abord, nous félicitons Antoine Lefèvre pour son travail et pour l'état d'esprit qui anime nos travaux. En effet, nos deux commissions travaillent sur cette mission de manière constructive, transparente et efficace.
Nous donnerons un avis favorable à l'adoption des crédits. Il s'agit de l'une des rares missions préservées en cette période budgétaire délicate. Nous devons nous en réjouir, tant la Chancellerie souffrait d'un défaut pérenne d'investissement.
De plus, le ministère a longtemps pâti de manques dans la conduite de ses politiques numériques et immobilières. Dans ces domaines, la situation s'améliore, même s'il reste des ombres au tableau. La direction du numérique a modifié son approche et des progrès sont observés sur le terrain par les professionnels eux-mêmes. En matière d'immobilier, des solutions sont recherchées pour améliorer la conception des projets, même s'il reste fort à faire. Le 2 décembre, le garde des sceaux exprimera sa position sur la réorganisation des politiques numériques et immobilières du ministère ; nous y serons attentifs.
Mme Dominique Vérien, rapporteure pour avis de la commission des lois sur les programmes « Justice judiciaire » et « Accès au droit et à la justice ». - Nous sommes satisfaites de l'orientation prévue pour 2026. Cependant, à l'approche de l'échéance de la période couverte par la LOPJ, il nous faut amorcer une réflexion prospective, pour éviter que la Chancellerie ne retombe dans la crise. Des efforts significatifs ont été fournis et continuent d'être consentis, mais la justice de notre pays demeure sous-dotée par rapport à celles de nos voisins européens. De plus, la justice pourrait être confrontée à des difficultés nouvelles, liées à des évolutions contentieuses que pourrait entraîner l'usage de l'intelligence artificielle générative. Il nous faudra bientôt remettre l'ouvrage sur le métier pour tirer les premiers enseignements de la LOPJ et dégager des perspectives pour la suite. En attendant, nous devons nous satisfaire de l'augmentation proposée des crédits de la mission.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Concernant le domaine du numérique, les dispositifs sont défaillants depuis quelques décennies, ce qui paraît incroyable et difficile à justifier.
Pour l'immobilier, nous n'avons pas encore trouvé le véhicule approprié, mais des efforts doivent être fournis. Des diagnostics et des besoins sont posés. Il faut prendre aussi en compte les conditions de travail des magistrats et les mesures de sécurité qu'il faut déployer dans les enceintes des palais de justice, où les contraintes s'ajoutent les unes aux autres.
Enfin, effectivement, il ne faudra pas trop attendre pour se pencher sur l'effectivité et l'efficacité des sommes dépensées.
M. Grégory Blanc. - D'abord, la surpopulation carcérale aboutit à une absence de prise en charge médicale. De plus en plus de prisonniers, condamnés pour des violences sous l'emprise de stupéfiants ou d'alcool, ressortent sans avoir vu de médecin alors qu'ils sont malades. Le taux d'encadrement est calculé en fonction du nombre de places théoriques et pas en fonction du nombre réel de détenus. Il y a donc une carence de personnel médical et les prisonniers sortent plus dangereux qu'ils ne l'étaient en arrivant. La politique pénale crée de la surpopulation ; il faut la modifier ou augmenter les budgets de la pénitentiaire.
Ensuite, des artifices sont déployés pour financer des dispositifs alternatifs comme les structures d'accompagnement vers la sortie (SAS), mais les programmes structurants sont à l'arrêt. C'est le cas dans mon département et on ne connaît ni la trajectoire de construction, ni le calendrier de mise en oeuvre. Comment les collectivités qui doivent accompagner ces programmes sont-elles censées construire un budget ?
La distorsion observée pose des problèmes à tous les étages. L'alternative est simple : soit nous amendons les objectifs en conservant les enveloppes financières, soit nous augmentons les budgets conformément aux objectifs affichés.
Mme Nathalie Goulet. - Certes, le budget ne peut pas traduire les orientations prises hier, notamment pour la lutte contre les narcotrafiquants. Cependant, je ne vois rien non plus qui fasse suite à la loi que nous avons votée en 2025, visant à sortir la France du piège du narcotrafic, qui comportait notamment des mesures sur la criminalité organisée. À cet égard, le coût de la mise en place du parquet national anti-criminalité organisée (Pnaco) a-t-il été évalué ?
Concernant les quartiers de haute sécurité, des moyens ont-ils été prévus pour les collectivités et pour la formation du personnel pénitentiaire ?
J'en viens à l'Agrasc, qui permet de récupérer 50 milliards d'euros d'argent sale. Cependant, le taux de récupération n'est que de 2 %. La question des moyens dédiés à l'Agence se pose donc, notamment en matière de nouvelles procédures de saisie et de confiscation.
Enfin, je voudrais évoquer les moyens consacrés au numérique, notamment au décryptage de la blockchain. Au ministère de l'intérieur, deux logiciels différents sont utilisés, qui sont incompatibles entre eux. Pourtant, le problème des crypto-actifs devient essentiel. D'ailleurs, la question de la formation des magistrats en la matière se pose ; un budget est-il prévu à cet effet ?
Mme Isabelle Briquet. - Le PLF traduit un effort budgétaire pour consolider les moyens de la justice, mais le budget demeure bien en deçà de la trajectoire prévue par la LOPJ. De plus, des déséquilibres persistent. Ainsi, la priorité donnée à l'immobilier pénitentiaire comme à la justice répressive continue de peser sur la justice civile, sociale et administrative.
Toutefois, les moyens dédiés à la mission progressent depuis plusieurs années. En 2026 encore, même si la hausse reste relativement faible, les crédits ne sont pas amputés. Ces derniers restent loin de pouvoir couvrir les besoins. Notre groupe s'abstiendra donc.
Malgré la hausse affichée du budget de la justice, vous l'avez dit, le nombre de magistrats et de greffiers par habitant reste l'un des plus faibles de l'Union européenne. Au cours des auditions que vous avez menées, les services de l'État ont-ils pu justifier la lenteur de notre rattrapage en la matière, alors que la LOPJ prévoyait un renforcement bien plus rapide des effectifs ?
M. Dominique de Legge. - Selon vous, la participation des usagers aux frais de justice et le renforcement de l'Agrasc constituent deux pistes pour obtenir des recettes. Pour autant, afin de mettre en place la participation aux frais de justice, vous soulignez qu'il faudra adapter le système informatique pour faire en sorte qu'un même identifiant soit utilisé tout au long de la procédure, afin de retracer l'ensemble des frais. De même, l'Agrasc ne pourra générer de recettes supplémentaires qu'à condition de voir ses moyens renforcés. Les moyens nécessaires sont-ils prévus pour avancer sur ces pistes ou s'agit-il de voeux pieux ?
M. Michel Canévet. - Comment expliquer les augmentations de crédits significatives pour le programme 355, « Conseil supérieur magistrature (CSM) », et le programme 310, « Conduite et pilotage de la politique de la justice » ? Ces deux programmes recouvrent des activités administratives. J'espère que l'amélioration de l'efficience des dispositifs d'aide à la justice en matière de service informatique figurera parmi les évolutions proposées. L'accès à des outils performants doit être assuré sur l'ensemble de la chaîne de travail.
Enfin, pourrait-on faire payer les personnes responsables de certaines procédures considérées comme abusives, afin d'éviter les saisines intempestives de la justice, qui conduisent à des allongements des délais de traitement ?
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Monsieur Blanc, effectivement, la surpopulation carcérale complique un peu l'organisation de la prise en charge médicale des détenus, les moyens d'encadrement étant insuffisants. Selon l'administration pénitentiaire, 3 000 postes ne sont pourvus dans ce domaine, qui prend aussi en compte la prise en charge psychiatrique et psychologique. Il y a donc aussi un problème de vocation. Le phénomène de surpopulation rend les tensions visibles.
Les programmes à l'arrêt peuvent entraîner des difficultés pour les collectivités locales. En effet, ces dernières sont de plus en plus souvent conduites à accompagner la mise en oeuvre de ces projets et, selon le garde des sceaux, cette tendance va se généraliser. Il faudra revoir les objectifs affichés. Benoist Apparu a été nommé directeur général de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (Apij) ; son pedigree d'élu local et son expertise devraient permettre une amélioration en la matière. Je fonde beaucoup d'espoirs sur cette reprise en main essentielle de l'Apij.
Madame Goulet, les mesures liées à la création du Pnaco seront comprises dans l'enveloppe budgétaire définie par la LOPJ. Pour autant, 3 millions d'euros sont déjà programmés pour les travaux qui doivent avoir lieu au tribunal de Paris.
Concernant l'amélioration des procédures de saisie de l'Agrasc, je suis favorable à ce que les moyens dédiés soient développés, compte tenu de ce que cette agence peut rapporter. De plus, depuis qu'elle s'est organisée au niveau régional, la performance et la valorisation des saisies de l'Agence a augmenté. J'ai déposé une proposition de loi visant à améliorer les moyens d'action de l'Agrasc et le projet de loi de réforme de la justice pénale que le garde des sceaux déposera dans les prochaines semaines devrait aussi renforcer ces moyens.
La compatibilité des applicatifs du ministère, de même que la problématique des cryptomonnaies, restent un sujet de préoccupation. Les réponses apportées vont dans le bon sens. Je constate aussi une nette amélioration de la prise en charge de ces dossiers par le secrétariat général du ministère.
Certes, madame Briquet, les efforts consentis ne sont pas toujours à la hauteur des attentes et des besoins. En ce qui concerne le nombre de magistrats, je ne peux pas annoncer de mesure très favorable et nous mettrons encore du temps avant de rattraper notre retard. Il faut aussi prendre en compte le temps de formation des juges. En termes de moyens, il faudra poursuivre l'effort sur un certain nombre d'exercices.
Monsieur de Legge, l'identifiant judiciaire unique doit être mis en place, car il permettra d'identifier la totalité des frais de justice mobilisés pour chaque affaire et d'obtenir des contributions.
Concernant les dispositifs informatiques, l'interopérabilité sera améliorée par les nouveaux applicatifs.
Par ailleurs, l'instauration d'un droit de timbre de 50 euros est envisagée pour assurer une contribution financière dès qu'une instance judiciaire est engagée. Les recettes collectées seraient affectées au financement de l'aide juridictionnelle.
Concernant la nouvelle stratégie pénitentiaire, plus aucune référence n'est faite au plan visant à la création de 15 000 places. Le garde des sceaux a d'autres projets, au-delà de la construction des quartiers de haute sécurité et des bâtiments modulaires. Une spécialisation est notamment prévue pour offrir des solutions pénitentiaires différentes en fonction du profil des détenus accueillis.
Mme Lauriane Josende, rapporteure pour avis. - Concernant l'augmentation des crédits du CSM, il s'agit notamment de financer le déploiement du logiciel Fondation, qui permet aux membres et aux agents du CSM de gérer et d'analyser efficacement les projets de nomination des magistrats. Il a également fallu procéder à quatre recrutements. Leur budget est très contraint, notamment par un loyer très élevé.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Justice ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial. - Au fil des années, les lois successives ont prévu des expertises obligatoires dans un nombre croissant de cas, notamment en matière psychiatrique et pour examiner l'environnement social des personnes mises en cause. Cependant, ces expertises ne sont pas toujours justifiées. De plus, certaines peuvent être disproportionnées quand d'autres ne sont pas assez approfondies.
L'article 78 vise à laisser le magistrat libre de commander ou non ces expertises, dans deux cas. D'abord, il s'agit de supprimer l'obligation de recours à une enquête sociale rapide dans le cas d'une procédure de reconnaissance préalable de culpabilité, si le procureur de la République n'entend pas proposer de peine d'emprisonnement ferme immédiatement mise à exécution.
Ensuite, l'article vise à supprimer l'obligation de recours à une expertise médicale avant tout jugement au fond, pour les personnes poursuivies pour un délit de nature sexuelle ou commis à l'encontre d'un mineur, tout en maintenant cette obligation en cas de poursuites pour crime.
Il s'agit d'une mesure de rationalisation et de simplification, qui constitue également une mesure d'économies, limitée mais réelle. Je proposerai d'adopter cet article sans modification.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 78.
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* *
Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Direction du budget
- Mme Carole ANSELIN, sous-directrice Budgets des secteurs de la culture, de la jeunesse, de la vie associative, des sports, de l'économie, des finances, de l'outre-mer, de la justice et des médias ;
- M. Jean-Baptiste LE VERT, chef du bureau de la Justice et des médias.
Secrétariat général du Ministère de la Justice
- M. Philippe CLERGEOT, directeur, secrétaire général adjoint ;
- M. Pascal CHEVALIER, chef de service du service de la statistique, des études et de la recherche ;
- Mme Céline DUSAUTOIR, cheffe du bureau de l'aide aux victimes et de la politique associative ;
- M. Jean-Yves HERMOSO, chef de service du service des finances, des achats et de la conformité.
Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)
- Mme Sophie MACQUART-MOULIN, directrice adjointe ;
- M. Julien MORINO-ROSS, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales.
Direction de l'administration pénitentiaire (DAP)
- Mme Laurence VENET-LOPEZ, cheffe du service de l'administration
- M. Philippe GICQUEL, sous-directeur du pilotage et du soutien des services à l'administration pénitentiaire.
Direction des services judiciaires (DSJ)
- M. Roland de LESQUEN, adjoint au directeur des services judiciaires ;
- M. Gautier LEFORT, adjoint à la sous-directrice des finances, de l'immobilier et de la performance (SDFIP).
Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC)
- Mme Vanessa PERREE, directrice générale ;
- Mme Virginie GENTILE, secrétaire générale.
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* *
- Contribution écrite -
Conseil national des barreaux
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 Maîtriser les frais de justice pour mieux rendre la justice, rapport d'information n° 3 (2025-2026), fait par Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, déposé le 1er octobre 2025.
* 2 Direction des affaires civiles et du sceau, direction des affaires criminelles et des grâces.
* 3 Direction du budget, Crédits consommés et disponibles, fichier annexé au projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025.
* 4 Amendement n° II-626, déposé par le Gouvernement sur le projet de loi de finances pour 2025 lors de son examen au Sénat.
* 5 Les personnes placées sous main de justice sont celles faisant l'objet d'une mesure restrictive ou privative de liberté, qu'elles soient condamnées à une peine de prison ferme, à une peine alternative à l'incarcération, à une mesure d'aménagement de peine (ex. bracelet électronique) ou à une peine de suivi socio-judiciaire sous le contrôle du juge d'application des peines.
* 6 Décret n° 2025-624 du 9 juillet 2025 portant transfert de crédits et rapport relatif à ce décret.
* 7 Le ministre a ainsi annoncé, le 11 novembre sur le réseau social X, le lancement de travaux de renforcement sur les établissements d'Arras, Dijon, Rennes, Toulouse, Toulon et Paris (Santé).
* 8 Crédits du budget général mesurés sur le périmètre des dépenses de l'État défini par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, c'est-à-dire hors contributions au compte d'affectation « Pensions », hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements.
* 9 Crédits budgétaires, dépenses fiscales, prélèvements sur recettes et ressources affectées, tels que retracés à l'état F du projet de loi de finances, hors contributions au CAS « Pensions ».
* 10 Article 1er de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
* 11 L'article 29 du présent projet de loi de finances prévoit notamment que le comptable public puisse solliciter un commissaire de justice dans le cadre du recouvrement des amendes pénales à tout moment de la procédure de recouvrement forcé, alors que l'intervention du commissaire de justice est actuellement limitée à certaines situations.
* 12 Article 30 du projet de loi de finances.
* 13 Rendre justice aux citoyens, rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021-avril 2022).
* 14 Loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
* 15 Le budget du système judiciaire, tel que défini par la CEPEJ, comprend les budgets alloués aux tribunaux, au ministère public et à l'aide judiciaire.
* 16 Les orientations du ministère en matière de justice pénale, de justice civile et d'organisation pénitentiaire, audition de M. Gérald Darmanin, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice, 26 mai 2025.
* 17 Inspection générale de la justice, Rapport d'activité 2024, publié le 24 juillet 2025.
* 18 Ministère de la justice, Références Statistiques Justice 2024, publié le 19 décembre 2024.
* 19 La justice en France en 2024. Perception, connaissances et expériences judiciaires, Infostat Justice, 30 octobre 2025.
* 20 Conseil d'État, Conduire et partager l'évaluation des politiques publiques, Étude annuelle 2020.
* 21 Maîtriser les frais de justice pour mieux rendre la justice, rapport d'information n° 3 (2025-2026), fait par Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, déposé le 1er octobre 2025.
* 22 Cour des comptes, L'aide juridictionnelle, observations définitives, juillet 2023.
* 23 Direction des services judiciaires.
* 24 Cour des comptes, Approche méthodologique des coûts de la justice, communication à la commission des finances de l'Assemblée nationale, décembre 2018.
* 25 Ce nombre incluait 605 ETP recrutés en gestion pour l'année 2022 au titre de la justice de proximité.
* 26 Rendre justice aux citoyens, rapport du comité des États généraux de la justice (octobre 2021-avril 2022).
* 27 10 629 millions d'euros, hors contribution au CAS « Pensions ».
* 28 Le taux de contribution employeur au titre des personnels civils doit augmenter de 4 points et atteindre 82,28 % à partir de 2026, afin de maintenir un solde cumulé positif du CAS Pensions.
* 29 Commission d'enquête sur l'impact du narcotrafic en France et les mesures à prendre pour y remédier et loi n° 2025-532 du 13 juin 2025 visant à sortir la France du piège du narcotrafic.
* 30 Article 3 de la loi organique n° 2023-1058 du 20 novembre 2023 relative à l'ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.
* 31 Décret relatif aux traitements des magistrats de l'ordre judiciaire, communiqué de presse, 29 octobre 2025.
* 32 Réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.
* 33 Titre VIII de la Constitution.
* 34 Les ETP correspondent aux effectifs présents à un moment donné et sont couramment utilisés pour comparer les effectifs en année N et en année N+1 ; les ETPT, pour leur part, correspondent à la quantité de travail réalisée au cours d'une année par ces effectifs. Une personne recrutée le 1er juillet à temps plein correspondra à 1 ETP en fin d'année, mais 0,5 ETPT sur l'ensemble de l'année.
* 35 Un creux exceptionnel a été constaté lors de la crise sanitaire de 2020 en raison notamment, lors du premier confinement, d'une baisse des écrous et de l'octroi de réductions de peines supplémentaires exceptionnelles pour les courtes peines et pour les faibles reliquats de peine.
* 36 Rapport annexé à l'article premier de la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027.
* 37 15 000 places de détention supplémentaires et 20 nouveaux centres éducatifs fermés en 2027 : mission impossible ?, Rapport d'information n° 37 (2023-2024), fait par Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 18 octobre 2023.
* 38 L'IA au service de la justice : stratégie et solutions opérationnelles, groupe de travail dirigé par Haffide Boulakras, directeur adjoint de l'École nationale de la magistrature, 23 juin 2025.
* 39 Maîtriser les frais de justice pour mieux rendre la justice, rapport d'information n° 3 (2025-2026), fait par Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, déposé le 1er octobre 2025.
* 40 Maîtriser les frais de justice pour mieux rendre la justice, rapport d'information n° 3 (2025-2026), fait par Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, déposé le 1er octobre 2025.
* 41 L'ANTENJ n'est pas un opérateur au sens budgétaire, mais un service à compétence nationale du ministère de la justice.
* 42 La maîtrise des frais de justice, rapport d'une mission conjointe Inspection générale des finances - Inspection générale de l'administration - Inspection générale de la justice, mai 2025, publiée le 28 octobre 2025.
* 43 Pour que le « crime ne paie pas » : consolider l'action de l'Agrasc, rapport d'information n° 421 (2016-2017) d'Antoine Lefèvre, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 février 2017.
* 44 L'Agrasc est chargée de la vente des biens d'un dignitaire syrien condamné en 2020 par le tribunal correctionnel de Paris, notamment pour blanchiment du produit du détournement de fonds publics syriens. Le produit des confiscations doit en conséquence être restitué au profit des populations syriennes locales, par l'intermédiaire du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
* 45 La mission interministérielle de lutte contre les addictions (MILDECA) reçoit le produit des décisions de confiscations prononcées dans des dossiers concernant des infractions à la législation sur les stupéfiants.
* 46 Article 7 de la loi n° 2024-582 du 24 juin 2024 améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels.
* 47 Article premier de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
* 48 Divorces à l'amiable sous seing privé.
* 49 La loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a rebudgétisé sur la mission « Justice » deux ressources extrabudgétaires, non plafonnées, auparavant affectées au Conseil national des barreaux (CNB) pour le financement de l'aide juridictionnelle, pour un montant de 83 millions d'euros. Ce montant est rajouté ici aux crédits 2017-2019, à des fins de comparaison avec les crédits des années suivantes.
* 50 Cour des comptes, L'aide juridictionnelle, Observations définitives, juillet 2023, rappelant des critiques plus anciennes.
* 51 Les mesures de protection juridique prévues par les articles 489 et suivantes du code civil sont la tutelle, la curatelle et le placement sous la sauvegarde de la justice.
* 52 La maîtrise des frais de justice, rapport d'une mission conjointe Inspection générale des finances (IGF) - Inspection générale de l'administration (IGA) - Inspection générale de la justice (IGJ), mai 2025, publié le 28 octobre 2025.
* 53 Articles R. 92 et A. 43-6 du code de procédure pénale. Les tarifs sont expliqués sur le site du ministère de la justice pour les médecins et psychologues, d'une part, pour les enquêteurs sociaux, enquêteurs de personnalité et contrôleurs judiciaires, d'autre part.
* 54 Le Conseil d'État, dans un arrêt du 9 février 1990 (Élections municipales de Lifou, n° 107400), a jugé qu'il ne suffit pas qu'un nouveau texte vienne modifier un texte applicable dans une collectivité soumise au principe de spécialité pour y être, de ce seul fait, lui-même applicable : le texte modificateur doit lui-même faire l'objet d'une mention d'applicabilité.
* 55 Maîtriser les frais de justice pour mieux rendre la justice, rapport d'information n° 3 (2025-2026), fait par Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, au nom de la commission des finances, déposé le 1er octobre 2025.
* 56 Expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale : mieux organiser pour mieux juger, rapport d'information n° 432 (2020-2021) de Jean Sol et Jean-Yves Roux, fait au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales du Sénat, déposé le 10 mars 2021.





























