PREMIÈRE PARTIE
LE NÉCESSAIRE RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE
DES TERRITOIRES ULTRAMARINS,
SOUMIS À DE FORTES CRISES

À titre liminaire, les rapporteurs spéciaux rappellent que le principal objectif de la mission « Outre-mer » du budget général de l'État est le rattrapage des écarts économiques persistants entre les territoires d'outre-mer et l'hexagone, ainsi que la convergence des niveaux de vie. Au vu de la différence de richesse persistante entre les territoires d'outre-mer et l'hexagone, ce rattrapage doit demeurer une priorité.

Par ailleurs, les territoires ultramarins ont été soumis à des multiples crises ces dernières années, à la fois environnementales, politiques et sociales.

En particulier, la nécessité d'un renforcement de la prévention et la gestion des catastrophes naturelles a pris une ampleur nouvelle à la fin 2024 et en 2025 avec le passage du cyclone Chido et de la tempête Dikeledi à Mayotte et des cyclones Belal et Garance à la Réunion. Des financements pour la reconstruction sont nécessaires dans ces territoires. Plus largement, des investissements d'ampleur pour faire face aux catastrophes naturelles doivent être réalisés dans l'ensemble des territoires ultramarins.

Par ailleurs, la crise institutionnelle en Nouvelle-Calédonie a entrainé de nombreuses destructions, ainsi qu'un ralentissement très important de l'économie calédonienne. Une solution politique doit être trouvée, afin de véritablement entamer la reconstruction de ce territoire.

Enfin, la crise de la vie chère en outre-mer demeure prégnante, en particulier dans les Antilles. Le Gouvernement a déposé un projet de loi de lutte contre la vie chère, qui a été adopté au Sénat et transmis à l'Assemblée nationale. La prise en compte de cet enjeu demeure nécessaire et appelle à des réponses de l'État.

Face à ces différentes crises, la mission « Outre-mer » doit permettre d'apporter des réponses de l'État, en soutien et en coordination avec les acteurs locaux.

I. UN RATTRAPAGE ÉCONOMIQUE INACHEVÉ DES TERRITOIRES ULTRAMARINS SUR L'HEXAGONE

A. UN OBJECTIF DE CONVERGENCE ÉCONOMIQUE NON ATTEINT

1. Un écart de richesse persistant entre l'hexagone et les territoires ultramarins

Les territoires d'outre-mer accusent un écart de développement persistant par rapport à l'hexagone, malgré les politiques de rattrapage mises en oeuvre.

Ainsi, la richesse produite par habitant, représentée par le produit intérieur brut (PIB) par habitant, est plus faible dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) que dans les autres régions de France, y compris la Corse.

Classement des PIB par habitant régionaux de l'hexagone et des DROM en 2023

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE

Le PIB par habitant produit dans les départements et régions d'outre-mer (DROM) représente en moyenne 57 % de la richesse par habitant de France métropolitaine en 2023. En particulier, la Guyane et Mayotte accusent une richesse par habitant bien inférieure à la valeur métropolitaine. Le PIB par habitant mahorais représente seulement 27,4 % du PIB par habitant métropolitain et celui de la Guyane 42,2 %. La Martinique, La Réunion et la Guadeloupe sont moins désavantagées, avec un PIB par habitant représentant respectivement 68,3 %, 62,6 % et 65,2 % de la valeur métropolitaine.

Part du PIB par habitant des DROM par rapport au PIB
par habitant métropolitain en 2023

Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE

Toutefois, malgré l'écart persistant de richesse entre l'hexagone et les outre-mer, celui-ci ne s'est pas davantage creusé depuis 20 ans et s'atténue même légèrement, ce qui montre l'impact des politiques publiques de rattrapage mises en oeuvre. Ainsi, le PIB par habitant a augmenté de près de 70,1 % en France métropolitaine, alors qu'il a augmenté de plus de 81,3 % dans les DROM. Cette tendance doit toutefois être approfondie pour achever le rattrapage économique des outre-mer.

Évolution du PIB par habitant des DROM entre 2000 et 2024

(en euros par habitant)

Source : commission des finances du Sénat d'après l'INSEE

Depuis quatre ans, l'évolution du PIB par habitant est relativement similaire en outre-mer par rapport au reste de la France. En effet entre 2019 et 2023, le PIB par habitant a augmenté de 14,2 % en France hexagonale, contre 15,5 % dans les DROM. Toutefois, ce constat masque des disparités importantes entre les DROM : entre 2019 et 2023, le PIB par habitant a augmenté de 17,8 % à Mayotte, de 18,6 % en Martinique, de 16,9 % à La Réunion et de seulement 13,2 % en Guadeloupe ou encore en Guyane.

Les inégalités de richesse sont plus importantes en outre-mer que dans l'hexagone. L'indice de Gini, d'autant plus élevé que les inégalités sont importantes, y a en effet une valeur supérieure par rapport à l'hexagone. Il est plus élevé de 41 % à Mayotte, de 36 % en Martinique, de 33 % en Guyane et de 31 % en Nouvelle-Calédonie que l'indicateur métropolitain.

Indice de Gini dans les territoires d'outre-mer

L'indice de Gini est un indicateur représentant les inégalités de revenu, 0 représentant une situation parfaitement égalitaire et 1 une situation parfaitement inégalitaire, où tous les revenus seraient aux mains d'une seule personne.

Source : commission des finances à partir des données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE

Les natifs des DROM sont ainsi plus souvent d'origine modeste ou très modeste, à hauteur de 70 % pour La Réunion et les Antilles, que les natifs de France métropolitaine, dont la moitié seulement est d'origine modeste ou très modeste. Environ un natif des Antilles et de La Réunion sur dix est d'origine favorisée, contre un sur quatre pour les métropolitains.

2. Malgré une population relativement jeune, un chômage élevé

La hausse démographique des outre-mer est globalement plus importante que la tendance métropolitaine. En 10 ans, la population a augmenté de 5,4 % en outre-mer, alors que la hausse n'a été que de 3,4 % en France métropolitaine. Ce constat masque toutefois à nouveau des disparités importantes entre les territoires d'outre-mer. Ainsi, l'augmentation de la population est particulièrement importante à Mayotte et en Guyane, où la hausse est respectivement de 42,7 % et de 23 % en 10 ans. À l'inverse, la population a décru en Guadeloupe et en Martinique, de respectivement 6,5 % et 9,8 % en 10 ans. Si l'augmentation de population est globalement semblable à celle de la France métropolitaine en Polynésie française, à hauteur de 4 %, elle est plus faible en Nouvelle-Calédonie, où elle ne représente que 1,7 %.

Certains territoires d'outre-mer ont donc une population vieillissante, notamment en Guadeloupe et en Martinique, où la population de plus de 65 ans représente respectivement 97,1 % et 114,3 % de la population de moins de 20 ans. En Martinique, il y a plus de personnes de 65 ans et au-delà, que de jeunes de moins de 20 ans. À l'inverse, Mayotte, la Guyane et la Polynésie française ont une population beaucoup plus jeune, les personnes de plus de 65 ans représentant respectivement 4,9 %, 16,7 % et 32 % de la population de moins de 20 ans. L'indice de vieillissement est globalement plus faible en outre-mer qu'en France métropolitaine, la population de plus de 65 ans ne représentant que 44 % de la population de moins de 20 ans, contre 92,3 % dans l'hexagone.

La part de la population en âge de travailler étant plus importante en outre-mer que dans l'hexagone, les taux de chômage sont particulièrement élevés en outre-mer. En particulier, le taux de chômage est cinq fois plus élevé à Mayotte, où il s'élève à 34 %, qu'en France hexagonale. Il est de 16,8% en Guadeloupe et en Guyane, de 17,4 % à La Réunion, de 12,4 % en Martinique et de 10,9 % en Nouvelle-Calédonie. Le taux de chômage de la France hors Mayotte s'élève à 7,3 % en 2024. Seule la Polynésie française a un taux de chômage proche de celui de la France entière, à hauteur de 7,5 %.

Taux de chômage des 15-64 ans dans les territoires d'outre-mer

Source : commission des finances à partir des données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE

Le chômage élevé participe des écarts de développement persistants entre les outre-mer et l'hexagone. Des investissements pour favoriser l'activité économique sont particulièrement nécessaires dans ces territoires. L'importance du chômage explique et alimente de plus l'émigration des populations des outre-mer vers l'hexagone.

3. Des niveaux de vie encore très divergents entre les territoires ultramarins et l'hexagone

Cette différence de richesse par rapport à l'hexagone a des incidences élevées en termes de qualité de vie. Ainsi, l'espérance de vie à la naissance est plus élevée dans l'hexagone, où elle s'élève à 85,3 ans pour les femmes et 79,4 ans pour les hommes, qu'en outre-mer, notamment à Mayotte (74,6 ans pour les femmes et 72,3 ans pour les hommes) et en Polynésie française (76,3 ans pour les femmes et 71,5 ans pour les hommes).

Espérance de vie à la naissance dans les territoires d'outre-mer

Source : données de l'INSEE, ISPF, ISEE et STSEE

Les politiques de rattrapage des écarts socio-économiques entre l'outre-mer et l'hexagone sont donc nécessaires dans ces territoires soumis à des contraintes notamment géographiques et démographiques fortes.

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