EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 28 octobre 2025, sous la présidence de M. Christian Bilhac, vice-président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Grégory Blanc, rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics »
M. Christian Bilhac, président. - Nous commençons nos travaux par l'examen des crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
M. Grégory Blanc, rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics ». - La mission « Pouvoirs publics » s'inscrit dans le principe de séparation des pouvoirs. La loi organique relative aux lois de finances (Lolf) et l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, chacune en son article 7, impliquent que les pouvoirs déterminent eux-mêmes les crédits nécessaires à leur bon fonctionnement. Autrement dit, nous n'avons en principe pas la possibilité d'amender cette mission, puisque la présidence de la République, l'Assemblée nationale, le Sénat - y compris pour leurs chaînes parlementaires -, le Conseil constitutionnel, la Haute Cour, et la Cour de justice de la République (CJR) déterminent les sommes dont ils ont besoin.
L'an dernier, vous vous en souvenez, le projet de loi de finances initiale fixait une hausse des crédits de 2,5 % pour la présidence de la République, et de 1,7 % pour l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette évolution avait suscité un débat médiatique, dans un contexte marqué par le gel d'un certain nombre de crédits et par les discussions relatives au redressement des finances publiques. Des amendements avaient alors été déposés en séance, aboutissant au gel des crédits de la présidence de la République et des deux assemblées.
Pour 2026, le projet de loi de finances (PLF) reconduit ce gel pour ces trois institutions. La dotation de la CJR recule, quant à elle, de 8,5 %, tandis que le Conseil constitutionnel et La Chaîne parlementaire voient leurs crédits progresser respectivement de 11,5 % et de 1 %.
Au total, les crédits de la mission atteignent 1,14 milliard d'euros en 2026, soit une hausse très modérée de 0,2 % par rapport à 2025, correspondant à une augmentation de 2,3 millions d'euros.
Dans le contexte actuel de forte tension sur les finances publiques, ce quasi-gel peut, à première vue, être salué. Je plaide d'ailleurs régulièrement, auprès des représentants des pouvoirs publics que j'auditionne, pour poursuivre les efforts de rationalisation et rechercher de nouvelles marges d'économies ou de recettes.
Néanmoins, d'importants efforts ont déjà été fournis. Un regard rétrospectif permet d'en mesurer l'ampleur : entre 2011 et 2025, le montant total des dotations de la mission a progressé de 12 % en euros courants, mais, corrigé de l'inflation, il a en réalité diminué d'environ 10 %. Dans le détail, cette baisse en euros constants atteint près de 13 % pour le Sénat, 12 % pour la Présidence de la République, 11 % pour La Chaîne parlementaire et 8 % pour l'Assemblée nationale.
Cette évolution a été rendue possible par un effort soutenu de maîtrise des dépenses et, parfois, de réduction des effectifs. Mais elle s'est également traduite par une érosion importante des réserves de certaines institutions. Ainsi, la trésorerie de la Présidence de la République est passée de plus de 20 millions d'euros en 2021 à 4,5 millions au 1er janvier 2025. Celle du Conseil constitutionnel a diminué de plus de 3 millions d'euros en 2019 à environ 500 000 euros fin 2024. Quant au Sénat, sa trésorerie, qui s'établirait à 96 millions d'euros fin 2026, pourrait tomber à moins de 33 millions d'euros en 2028 si le gel des dotations se prolongeait.
Or disposer de réserves suffisantes constitue non seulement une condition essentielle de l'autonomie financière, corollaire de l'indépendance institutionnelle, mais également un levier indispensable pour faire face aux aléas et préserver la continuité du fonctionnement des pouvoirs publics.
Par ailleurs, cette contrainte budgétaire pèse désormais sur la capacité d'investissement des institutions, qui, pour la plupart, sont hébergées dans des bâtiments relevant du patrimoine historique. Sans revalorisation adaptée des dotations, ces investissements devront être différés pour une part, au détriment de la préservation du patrimoine et des objectifs environnementaux, en particulier de la trajectoire vers la neutralité carbone. Une réflexion devra sans doute d'ailleurs être conduite à l'avenir au sein la Haute Assemblée quant aux modalités de financement des investissements nécessaires, ainsi qu'en vue de la préservation des conditions matérielles du travail parlementaire. Je note, par ailleurs, que l'atteinte de l'objectif fixé au Sénat d'une neutralité carbone en 2040, soit dix ans avant l'échéance nationale, doit être conciliée avec l'exercice des missions institutionnelles des sénateurs et notamment leurs déplacements.
Je présenterai maintenant de manière succincte chacun des budgets, à commencer par celui de la présidence de la République. Il s'élèvera, en 2026, à 126,3 millions d'euros, en hausse de 0,5 % par rapport à 2025, sans prélèvement prévu sur la trésorerie.
Les dépenses de personnel, qui constituent le premier poste budgétaire de la présidence de la République, progresseraient de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2025, pour atteindre 78 millions d'euros. Je considère néanmoins que des marges de rationalisation demeurent possibles, en particulier s'agissant du cabinet présidentiel.
J'attire l'attention de chacun sur ce point : la situation politique issue de la dissolution de juin 2024, marquée par un rééquilibrage des pouvoirs au profit du Parlement et du Gouvernement, invite à s'interroger sur le maintien d'un effectif moyen de 49 équivalents temps plein (ETP) en 2025. Par ailleurs, les conséquences en termes d'effectifs de la fin de la mutualisation de certains conseillers entre la présidence de la République et les services du Premier ministre n'ont pas été clairement documentées.
Je rappelle à cet égard que les services du Premier ministre comptaient eux-mêmes 75 conseillers au 1er juillet 2025. Une réduction du nombre de conseillers présidentiels pourrait, dans ce contexte, contribuer à la maîtrise de la dépense et participer à une rationalisation bienvenue des moyens de la présidence de la République.
Les dépenses de fonctionnement, hors activités présidentielles, atteignent quant à elles 17,8 millions d'euros, en légère progression. Les crédits d'investissement reculeraient pour leur part à 6,5 millions d'euros, après un pic d'opérations dans les années récentes.
Enfin, les dépenses liées aux activités présidentielles, stables à 24 millions d'euros, semblent témoigner d'une meilleure maîtrise des coûts de déplacement, grâce à une planification optimisée. Par ailleurs, une politique de refacturation des coûts auprès de certains participants s'amplifie.
J'en viens aux assemblées.
L'Assemblée nationale prévoit pour 2026 un budget de 644 millions d'euros, soit une progression de 0,1 % par rapport à 2025. Le solde budgétaire prévu s'établirait à environ - 34 millions d'euros, un niveau comparable à 2025.
Le budget du Sénat s'élève quant à lui à 382,3 millions d'euros, en hausse de 0,9 %, un niveau inférieur à l'inflation prévisionnelle. On constate une hausse de 4,4 millions d'euros des investissements et une baisse des dépenses de fonctionnement d'environ 1 million d'euros, dans un contexte pourtant marqué par le renouvellement triennal du Sénat - en septembre 2026 -, qui engendrera une charge de 4 millions à 5 millions d'euros, principalement liée aux indemnités de fin de contrat des collaborateurs parlementaires. Ces dépenses sont absorbées, comme il et de coutume au Sénat, sans revalorisation de la dotation.
Les dépenses de fonctionnement s'établissent au total à un peu plus de 366 millions d'euros et celles d'investissement à 16,2 millions d'euros.
Ces montants d'investissement demeurent inférieurs à la moyenne d'exécution observée entre 2017 et 2023, à savoir environ 19 millions d'euros. Les besoins, quant à eux, devraient atteindre 23 millions d'euros en 2027 et 28,1 millions d'euros en 2028, des niveaux qui ne devraient pas pouvoir être tenus sans revalorisation de la dotation. Ce sont alors autant d'opérations patrimoniales et techniques qui risqueraient d'être reportées dans le temps, en dépit de leur nécessité.
S'agissant des chaînes parlementaires, une récente audition de Jean-Emmanuel Casalta a permis de constater que Public Sénat poursuivait ses efforts d'optimisation. Des arbitrages devront également être rendus, mais la recherche de mutualisation et de diversification des recettes est engagée. Les crédits pour 2026 augmenteraient de 150 000 euros, soit une progression de 0,8 %. Pour La Chaîne parlementaire - Assemblée nationale, la hausse serait de 1,1 %, soit un peu plus de 200 000 euros.
Je clôture cette présentation des crédits par le Conseil constitutionnel et la Cour de justice de la République (CJR).
La dotation de la CJR s'établit à 900 000 euros, en baisse de 84 000 euros, pour un coût total d'environ 1,3 million d'euros une fois intégré le personnel mis à disposition par le ministère de la justice. Si le budget de la CJR demeure modeste à l'échelle du budget de l'État, ce niveau doit néanmoins être apprécié au regard d'une activité particulièrement réduite. En 2025, aucun procès n'a été organisé et un seul dossier demeure actuellement en cours d'instruction, la perspective de la tenue d'un procès en 2026 restant, à ce stade, incertaine.
La dotation du Conseil, en hausse de 2,1 millions d'euros, atteint 20 millions d'euros. Cette augmentation vise à financer plusieurs priorités, notamment la cybersécurité, la mise en oeuvre du plan de développement durable du Conseil, la préparation de l'élection présidentielle de 2027 et la reconstitution de la réserve de précaution.
En conclusion, l'évolution des crédits de la mission - pour 2026, comme depuis plusieurs années - traduit la participation continue des pouvoirs publics à l'effort collectif de maîtrise des dépenses publiques. Toutefois, cette participation ne saurait, à terme, se transformer en une fragilisation de leur soutenabilité budgétaire ni de leur capacité d'investissement. Il faut bien évidemment poursuivre l'effort collectif, mais en tenant compte de l'état réel des bâtiments dans lesquels ces institutions exercent leurs missions, dont certains se dégradent aujourd'hui.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Lorsque le contexte budgétaire est contraint, on a tendance à pointer les institutions et à leur demander des économies - cela peut sembler plus facile pour la CJR, en l'absence de procès en 2025. Pourtant, on puise dans les réserves et, lorsqu'un aléa survient, les moyens initialement prévus ont déjà été affectés ailleurs...
Il est donc important de rappeler que ces institutions - qu'il s'agisse des assemblées parlementaires ou d'autres pouvoirs publics - ne pourront pas durablement exercer leurs missions dans de bonnes conditions matérielles si les dotations sont insuffisantes. Lorsque les efforts requis ont été réalisés, on atteint le minimum indispensable.
Mme Nathalie Goulet. - S'agissant des déplacements parlementaires, les procédures diffèrent d'un pays à l'autre. Chez nos collègues allemands, lorsque le bureau des transports achète les billets d'avion, les miles et les crédits sont reversés dans une caisse commune, pour être utilisés pour d'autres déplacements et par d'autres parlementaires. Cela permet d'alléger les coûts et d'accroître le nombre de déplacements. Il est très important de maintenir une diplomatie parlementaire.
M. Antoine Lefèvre. - En ma qualité de Questeur, je remercie notre rapporteur spécial, qui a auditionné le Conseil de questure. Je confirme à cet égard l'ouverture d'un cycle d'investissement pour les années 2026-2028, qui représentera un montant de 23 millions d'euros en 2027 et 28,1 millions d'euros en 2028. Ce plan d'investissement ne pourra être réalisé que s'il est accompagné d'une augmentation de la dotation de l'État. Je sais gré au rapporteur spécial d'avoir pris en compte ces enjeux importants pour l'avenir de notre institution.
Mme Isabelle Briquet. - Je remercie le rapporteur spécial pour sa présentation. La stabilité budgétaire domine pour la deuxième année consécutive s'agissant de la présidence de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Je partage pleinement le point de vigilance évoqué concernant les réserves limitées des assemblées. D'importants travaux sont réalisés au Sénat, et il serait préjudiciable de ne pas disposer des fonds nécessaires pour maintenir ce bâtiment historique en bon état.
La situation est encore plus critique pour le Conseil constitutionnel, dont la réserve de précaution est très fortement entamée. Notre rapporteur spécial pourra-t-il préciser le niveau de réserve nécessaire pour assurer son fonctionnement optimal ?
Je partage enfin l'avis de notre collègue sur les limites de la rationalité budgétaire : il faut prendre garde à préserver les institutions de notre République.
M. Michel Canévet. - Je salue le travail du rapporteur spécial, ainsi que celui des Questeurs du Sénat, qui gèrent le patrimoine avec rigueur, la dotation étant inférieure à celle de l'Assemblée nationale.
En revanche, je m'étonne des augmentations proposées, notamment pour le Conseil constitutionnel, dont la réserve de précaution a diminué. A-t-elle été mal gérée sous la précédente présidence ? Une hausse de 11 % me semble importante dans le contexte budgétaire actuel ; il serait peut-être préférable d'envisager une augmentation plus modérée et d'étaler ces investissements dans le temps.
Concernant la CJR, il est surprenant d'allouer quasiment 1 million d'euros à une institution dont l'activité est très limitée. Ne pourrait-on mutualiser ses moyens afin de renforcer d'autres services, notamment ceux de la Justice, qui souffrent d'un manque criant de personnel ?
M. Arnaud Bazin. - À la suite de l'intervention de notre collègue Nathalie Goulet, je tiens à rappeler, en tant que président du Comité de déontologie parlementaire du Sénat, que les miles gratuits obtenus lors de déplacements liés au mandat doivent être utilisés dans le cadre de ce dernier. Vous avez tous reçu un courrier à ce sujet.
J'ai toutefois bien compris l'intérêt du système proposé par Mme Goulet : le Comité pourrait y être favorable, sous réserve de faisabilité technique.
M. Grégory Blanc, rapporteur spécial. - Le montant des réserves, évoqué par plusieurs d'entre vous, est une condition de l'indépendance de chaque institution. Il est important de se prémunir de toute éventualité, et il ne me paraît pas incongru que chacun des pouvoirs publics puisse disposer de réserves correspondant à trois ou quatre mois de fonctionnement. Pour le Conseil constitutionnel, cela signifie sans doute un niveau de réserves de l'ordre de 4 à 5 millions d'euros.
Des efforts de rationalisation ont été entrepris dans chacune des institutions auditionnées. On y observe par exemple le déploiement de l'intelligence artificielle, avec une vraie réflexion sur l'amélioration des métiers, ainsi qu'une diminution du nombre d'équivalents temps plein dans plusieurs d'entre elles. C'est particulièrement vrai pour la présidence de la République, mais surtout pour ses personnels, moins pour les membres du cabinet, alors que l'intelligence artificielle peut être utilisée à tous les niveaux... On observe également une rationalisation du recours à l'externalisation.
Les efforts sont donc importants, et le gel des crédits, s'il perdurait, poserait des questions pour le fonctionnement de ces institutions.
Concernant le Conseil constitutionnel, c'est d'abord l'augmentation significative du nombre de questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) qui a structurellement augmenté les coûts. Un autre poste d'augmentation, moins central, a été dans les années passées celui des déplacements. La précédente présidence souhaitait que chaque membre explique, notamment dans les universités, l'état de droit et la fonction du Conseil. Enfin, faute d'investissements depuis des années, les locaux du Conseil constitutionnel connaissaient divers problèmes, notamment des ponts thermiques absolument colossaux. Le Conseil a décidé d'accélérer ses investissements, ce qui me semble plutôt vertueux.
S'agissant de la Cour de justice de la République, son budget est de 1,3 million d'euros tout compris. Ces dépenses correspondent en particulier aux salaires et indemnités des magistrats et des fonctionnaires et aux loyers payés pour les locaux, qui représentent plus de la moitié du budget total porté par la dotation, à savoir 900 000 euros en 2026. La question de la nécessité pour la CJR de conserver des locaux indépendants pourrait se poser.
Enfin, sur la question des déplacements des parlementaires, il y a sans doute des réflexions à mener. Peut-être sera-t-il nécessaire, si nous continuons de geler les crédits, de repenser l'organisation du travail parlementaire. D'autres pays fonctionnent différemment, avec une semaine en circonscription et une semaine de session, ce qui permet de diminuer de manière assez conséquente le nombre de déplacements.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Pouvoirs publics ».
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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.