N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 24
RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS

Rapporteure spéciale : Mme Sylvie VERMEILLET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » représenteront en 2026 un montant total de 75,3 milliards d'euros, soit 24,5 % de l'ensemble des pensions de retraites versées par les régimes de base qui est estimé à 307,4 milliards d'euros.

Malgré la montée en charge de la réforme de 2023, les projections de juin 2025 publiées dans le rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites (COR) indiquent que le déficit du système de retraites dans son ensemble devrait continuer à s'aggraver pour atteindre 0,2 % du PIB en 2030 et 1,4 % en 2070.

I. L'INCIDENCE DE LA SUSPENSION DE LA RÉFORME DES RETRAITES SUR LE SOLDE DES FINANCES PUBLIQUES PEUT ÊTRE ATTÉNUÉE PAR LA MAÎTRISE DE LA HAUSSE DES PENSIONS

A. LA SUSPENSION DE LA RÉFORME DE 2023 AURAIT UN COÛT BUDGÉTAIRE IMPORTANT...

Selon le Premier ministre, le coût pour le système de retraites d'une suspension de la réforme de 2023 aurait un coût de 400 millions d'euros en 2026 et de 1,8 milliards d'euros en 2027.

Le coût pour les finances publiques sera probablement plus important, à cause des pertes de cotisations sociales et d'impôt sur le revenu engendrées.

Soldes du système de retraites anticipé et incidence de la suspension
de la réforme des retraites

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après le rapport de la Cour des comptes sur la situation financière et perspectives du système de retraites, février 2025 et les annonces du Premier ministre le 14 octobre 2025

Ces charges supplémentaires viendraient s'ajouter à un système déjà structurellement déficitaire. Il faudra par conséquent trouver des économies pour y faire face.

Les mesures d'accompagnement doivent être conservées, car elles constituent une avancée sociale importante, tant pour les retraités pauvres que pour les pensions des femmes.

B. ... QUI DOIT ÊTRE LIMITÉ PAR UNE MAÎTRISE RIGOUREUSE DE L'ACCROISSEMENT DU NIVEAU DE PENSIONS OU D'UN ACCROISSEMENT DES RECETTES

Les prévisions de dépenses des retraites, dans le PLFSS comme dans le PLF pour 2026, sont fondées sur une hypothèse de gel des pensions en 2026 et de sous-indexation par rapport à l'inflation de ces dernières en 2027 et 2028. Ceci permet de contenir le coût annoncé de suspension de la réforme de 2023.

Économies permises, sur le périmètre suivi par la rapporteure spéciale,
par le gel puis la sous-indexation des pensions en 2026, 2027 et 2028

(en millions d'euros)

 

2026

2027

2028

Mission « Régimes sociaux et de retraite »

84

120

160

CAS « Pensions »

600

900

1 100

Source : commission des finances, d'après l'audition de la direction du budget dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2026

Cette solution rééquilibre les hausses importantes des années précédentes : +4,8 % en juillet 2022, + 0,8 % en janvier 2023, + 5,3 % en 2024, + 2,2 % en 2022. Son incidence sociale sera limitée dans la mesure où les retraités français ont un niveau de vie élevé par rapport aux actifs et parmi les plus hauts quand on les compare aux pensionnés d'autres économies comparables.

En 2022, le niveau de vie des retraités, avec loyers imputés nets des intérêts d'emprunts, est supérieur de 4,8 % à celui de l'ensemble de la population.

Une autre solution pour contenir les dépenses consiste à réduire l'abattement fiscal de 10 % sur le revenu des retraités. La mesure proposée par le gouvernement de le remplacer par un abattement forfaitaire de 2 000 euros permet une économie de 551 millions d'euros, tout en accentuant la vocation sociale du dispositif. Cette dépense fiscale demeurerait la 3ème plus coûteuse pour l'État.

Enfin, l'accroissement des recettes du système de retraites pourrait être une solution pour contrer l'effet déficitaire de la suspension. Plusieurs pistes sont envisageables.

Ordre de grandeur de recettes supplémentaires pour le système de retraites

(en milliards d'euros)

Augmentation d'un point
de CSG

Augmentation d'un point
de cotisation vieillesse

Augmentation du taux d'emploi des seniors

17,5

6,2 plafonnée
7,3 déplafonnée

5,81(*)

Source : commission des finances, données direction de la sécurité sociale et travaux de contrôle de la commission

C. PÉRENNISER LE SYSTÈME DE RETRAITES PAR RÉPARTITION PASSE PAR LA MISE EN oeUVRE D'UN FONDS DE RÉSERVE QUI RÉÉQUILIBRE LES EFFETS DÉMOGRAPHIQUES GLOBAUX

La rapporteure spéciale rappelle l'importance de reprendre l'abondement du fonds de réserve pour les retraites (FRR) et de lui redonner sa mission originelle de stabilisation du système de retraites face aux générations surnuméraires.

Ce fonds, créé en 20012(*), avait pour objectif de préparer la transition démographique induite par le passage à la retraite de la génération du « baby-boom ». Il n'a néanmoins jamais atteint les 150 milliards d'euros d'actifs qui étaient prévus à sa création et qui auraient contribué à résoudre la difficulté actuelle de financement des retraites.

Depuis la réforme des retraites intervenue en 20103(*), la mission du FRR a en effet évolué : ce dernier s'est vu confier la mission de verser chaque année 2,1 milliards d'euros à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), devenus depuis le 1er janvier 2025 1,45 milliard d'euros annuel. Par conséquent, l'actif géré par le fonds a été presque divisé par deux en dix ans.

Évolution de l'actif net géré par le FRR depuis 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du FRR

Or, il s'agit ainsi d'un véritable transfert de ressources du système de retraites vers l'assurance maladie : en effet, la dette sociale remboursée par la CADES est constituée principalement des déficits chroniques de la branche maladie.

II. LA DOTATION POUR ÉQUILIBRER LES RÉGIMES SPÉCIAUX DIMINUE LÉGÈREMENT, EN LIEN AVEC LE GEL PRÉVU DES PENSIONS ET MALGRÉ L'INTÉGRATION D'UN NOUVEAU RÉGIME

A. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES DE LA MISSION

Les subventions d'équilibre versées par la mission « Régime sociaux et de retraite » diminuent de 0,13 % en 2026 pour atteindre un montant global de 6,0 milliards d'euros. Cette baisse est liée à l'hypothèse de gel des pensions en 2026. Ces subventions sont dirigées à hauteur de 69 % vers les régimes spéciaux de retraite des agents de la SNCF et de la RATP, qui sont fermés respectivement depuis le 1er janvier 2020 et le 1er septembre 2023.

Ces régimes n'enregistrent plus de nouvelles affiliations mais continuent de gérer les pensions des cotisants affiliés avant la fermeture. Ils connaissent ainsi des ratios démographiques très dégradés : 0,57 cotisant par pensionné pour la SNCF, 0,86 pour la RATP en 2023, contre 1,71 dans le régime général.

La rapporteure spéciale dénonce la complexité liée à la gestion de l'ouverture à la concurrence de la RATP.

En effet, la portabilité intégrale des droits à la retraite des agents affiliés au régime de la RATP embauchés dans des entreprises concurrentes pose de nombreux défis, tant en termes de calcul des cotisations que de développement informatique ou de gouvernance de la caisse. La première cohorte, composée de 15 agents partis en octobre, a mis en évidence ces difficultés, qui sont minimes par rapport aux 15 000 départs anticipés d'ici fin 2026.

B. POURSUIVRE L'INTÉGRATION DE L'ENSEMBLE DES RÉGIMES ÉQUILIBRÉS PAR L'ÉTAT DANS LA MISSION

Après l'intégration des régimes de la culture et des gérants de tabacs en 2025, la rapporteure spéciale indique que cette démarche doit être poursuivie. Le régime du CESE, notamment, doit être intégré à la mission et la rapporteure spéciale exhorte le gouvernement à déposer un amendement en ce sens.

La subvention d'équilibre au régime du CESE représente environ 8 millions d'euros.

III. LE CAS « PENSIONS » DOIT TROUVER UNE TRAJECTOIRE D'ÉQUILIBRE DE LONG-TERME ET GAGNER EN LISIBILITÉ

A. LE GEL DES PENSIONS ET LA HAUSSE DES COTISATIONS EMPLOYEUR PERMET À MOYEN TERME DE STABILISER LE DÉFICIT DU CAS « PENSIONS »

Les dépenses du régime de retraite de la fonction publique d'État connaîtront en 2025 une très légère baisse de 0,02 %, ce qui portera le montant des dépenses du régime à 69,3 milliards d'euros.

Le CAS « Pensions », conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances4(*) (LOLF), doit conserver un solde cumulé positif. Ce dernier ne devait plus l'être à partir de 2026, ce qui a mené à deux décisions structurantes pour les recettes et les dépenses du CAS.

D'une part, le gel de la revalorisation des pensions en 2026 et leur sous-indexation en 2027 et 2028 réduisent nettement les dépenses du CAS. D'autre part, la nouvelle hausse de 4 points du taux employeur - porté à 82,28 %5(*) - permet une augmentation du solde qui est déterminante. Ces deux décisions permettent d'améliorer le solde annuel en 2026 de 2,1 milliards d'euros par rapport à la prévision en 2025.

Trajectoire prévisionnelle du solde cumulé du CAS « Pensions » en 2026

(en milliards d'euros)

Note : la prévision repose sur une hypothèse de stabilité du taux de contribution de l'État employeur à 82,28 % à partir de 2025 et d'une sous-indexation de 0,4 point d'inflation des pensions en 2027 et 2028.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La suspension de la réforme des retraites, si elle était actée, aurait néanmoins un impact sur les dépenses du CAS, car il y aurait plus de retraites à verser, mais aussi sur les recettes, car le plus grand nombre de départs réduirait l'assiette de cotisations. Les modalités de financement du CAS pourraient alors être de nouveau modifiées à court-terme.

Or, ces évolutions de mode de financement du CAS ont une incidence sur le budget de l'État. En effet, toute hausse nécessaire du taux de contribution de l'État employeur se répercute sur les dépenses de personnel de tous les ministères. Un financement d'une partie des recettes du CAS par une fraction de CSG pourrait réduire cet effet déstabilisant sur les charges des différents ministères.

On peut enfin noter que, face à la situation pareillement déficitaire de la Caisse nationale des agents des collectivités locales (CNRACL), le gouvernement a proposé d'augmenter le taux des cotisations employeur de 34,65 % à 37,65 %.

B. À LONG-TERME, RENDRE PLUS LISIBLE LE MODE DE FINANCEMENT DU CAS « PENSIONS » POUR ASSURER UN DÉBAT SEREIN

La rapporteure spéciale relève que le débat public sur les retraites demeure difficile, en raison de la grande complexité qui demeure et de la diversité des régimes.

La multitude de régimes et l'absence de compensation démographique intégrale complexifient le débat sur le système de retraites.

En particulier, le régime des fonctionnaires d'État a été ciblé comme responsable d'une grande partie du déficit du système de retraites. En effet, avec ses taux employeur démesurés si on les compare à ceux pratiqués dans le régime général, il peut sembler particulièrement subventionné.

Or, comme l'indique une note récente de l'Institut des politiques publiques6(*), l'État subventionne en réalité de façon implicite le régime général en limitant les effets des compensations démographiques.

En outre, les auteurs proposent de questionner la norme comptable de présentation des ressources du CAS. La rapporteure spéciale soutient qu'il est possible, en effet, de rendre plus claire la présentation des ressources dont bénéficie le régime des fonctionnaires de l'État, en séparant :

- celles qui relèvent des contributions de l'État en tant qu'employeur ;

- celles qui relèvent de la solidarité nationale ;

- celles qui sont liées à la démographie du régime.

Évolution des ressources du compte du régime de retraite des fonctionnaires d'État en 2020 proposé par l'Institut des politiques publiques

(en milliards d'euros)

Note : les totaux ne sont pas équivalents car l'étude de l'IPP retraite aussi les charges lors de la « correction », ce qui entraîne une légère différence dans le total comptabilisé pour les retraites des fonctionnaires d'État. CCSS : commission des comptes de la sécurité sociale.

Source : commission des finances, d'après la note de l'IPP précitée

Enfin, la rapporteure spéciale rappelle que tout solde partiel au sein de l'ensemble des finances publiques n'est que le résultat d'une décision sur l'affectation des ressources publiques. La question de fond, pour le système de retraites, est la part de la ressource nationale allouée au financement de ces pensions.

Réunie le 21 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, la rapporteure spéciale n'avait reçu aucune des réponses.

À la date d'examen en commission de la mission et du compte d'affectation spéciale le 21 octobre, elle a obtenu 100 % des réponses.

PREMIÈRE PARTIE
LA NÉCESSITÉ DE MAINTENIR LA PÉRENNITÉ FINANCIÈRE DU SYSTÈME FRANÇAIS DE RETRAITES PAR RÉPARTITION

I. LE SYSTÈME DE RETRAITES EN FRANCE DÉPASSE LARGEMENT LE PÉRIMÈTRE SUIVI PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE ET DEMEURE L'UN DES PLUS GÉNÉREUX PARMI LES ÉCONOMIES COMPARABLES

A. LE SYSTÈME DE RETRAITES FRANÇAIS DEMEURE COMPLEXE ET PLUS LARGE QUE LE CHAMP ÉTUDIÉ PAR LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

Le rapport spécial relatif au Compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » et à la mission « Régimes sociaux et de retraite », mené chaque année, recouvre seulement une partie du système de retraites.

En effet, alors qu'en 2020 avait été déposé un projet de loi instituant un système universel de retraite7(*), l'abandon de cette réforme au profit de celle mise en oeuvre depuis avril 20238(*) a consacré le maintien de 26 régimes de base de retraite distincts, dont 19 demeurent ouverts. La réforme portée par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale n'a donc pas eu l'effet systémique qui aurait pu être attendu par les travaux préparatoires longuement tenus par le Gouvernement d'alors9(*).

Par conséquent, le périmètre couvert par le CAS « Pensions » et la mission « Régimes sociaux et de retraite » ne recouvre qu'une part restreinte par rapport à l'ensemble des régimes. L'annexe 8 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 permet de constater ainsi que sur les 26 régimes de base de retraite différents qui existent en 2025, seuls 11 sont directement concernés par le périmètre couvert par la rapporteure spéciale.

Tableau récapitulatif des régimes vieillesse de base existant
et ceux suivis par le rapport spécial

Régime

Population couverte

Régime vieillesse suivi par la rapporteure spéciale

Régime général

Ensemble des personnes non couvertes par un régime spécial

 

Régime des salariés agricoles

Salariés des exploitations agricoles et activités connexes

 

Régime des exploitants agricoles

Exploitants agricoles

 

Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL)

Professions libérales (hors artistes auteurs et avocats)

 

Caisse nationale du barreau français (CNBF)

Avocats

 

Régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Fonctionnaires civils et militaires, fonctionnaires de La Poste et France Télécom

Oui

Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE)

Ouvriers de l'État

Oui

Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL)

Agents titulaires des collectivités locales et hospitalières

 

Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM)

Travailleurs des mines et ardoisières

Oui

Régime spécial des industries électriques et gazières (IEG)

Personnel des industries électriques et gazières

 

Régime spécial des agents de la SNCF

Agents de la SNCF

Oui

Régime spécial des agents de la RATP

Agents de la RATP

Oui

Établissement national des invalides de la marine (ENIM)

Marins professionnels du commerce, de la pêche maritime et de la plaisance

Oui

Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN)

Clercs et employés de notaires

 

Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (CAVIMAC)

Ministres des cultes et membres des congrégations et collectivités religieuses

 

Assemblée Nationale

Députés et personnel de l'Assemblée Nationale

 

Sénat

Sénateurs et personnel du Sénat

 

Banque de France

Personnel titulaire de la Banque de France

 

Service de l'allocation spéciale aux personnes âgées (SASPA)

Français résidents de 65 ans et plus, non affiliés à un régime de base

 

Société nationale d'exploitation industrielle des tabacs et allumettes (SEITA)

Employés de l'industrie des tabacs et allumettes

Oui

Opéra de Paris

Personnel de l'Opéra de Paris

Oui

Comédie Française

Personnel de la Comédie Française

Oui

RISP

Sapeurs-pompiers volontaires

 

Préfecture du Haut-Rhin

Retraités bénéficiant d'anciens statuts spécifiques

 

CRCFE (agents des chemins de fer d'Éthiopie)

Oui

CRRFOM (agents des chemins de fer d'outre-mer)

Oui

Total régimes vieillesse de base

26 régimes dont 19 encore ouverts et 11 suivis directement par la rapporteure spéciale

Note : les régimes fermés depuis l'adoption de la réforme des retraites de 2023 sont grisés.

Source : commission des finances, d'après l'annexe 1 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

De fait, seuls les régimes dont les pensions versées directement par l'État et les régimes équilibrés budgétairement par l'État entrent dans le périmètre du rapport.

Pour l'année 2025, l'ensemble des pensions nettes versées par les régimes de retraite de base devraient s'élever à 297,9 milliards d'euros10(*), en croissance de 3,4 % par rapport à 2024, où ce montant était de 288,0 milliards d'euros. Ces prestations nettes servies sont en nette hausse depuis plusieurs années, tirées par une inflation importante notamment en 2023 et 2024. Lors de ces deux exercices, le montant des pensions nettes versés par les régimes de base s'était accru de 4 ,7 % en 2023 et de 6,8 % en 2024.

En effet, conformément à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale (CSS), la revalorisation annuelle du montant des retraites est effectuée sur la base d'un coefficient égal à l'évolution moyenne annuelle des prix à la consommation (IPC), hors tabac, des douze derniers indices mensuels de ces prix. Du fait de la crise énergétique et des tensions géopolitiques, l'IPC hors tabac avait atteint 5,3 % en 2022 et 4,8 % en 2023, devenant ainsi la cause principale de l'augmentation importante du coût des retraites.

En 2024, les pensions retracées dans le CAS « Pensions », c'est-à-dire celles relevant des régimes de retraite des ouvriers de l'État et des fonctionnaires civils et militaires représentent 22 % des prestations vieillesse des régimes de base. Les pensions versées par les régimes spéciaux, dont une partie seulement est soutenue par une subvention d'équilibre versée par la présente mission « Régime sociaux et de retraite », représentent 6 % de prestations vieillesse des régimes de base.

Répartition des prestations de retraite selon les régimes de base

(en 2024)

Source : commission des finances, d'après le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2025

En tenant compte de l'ensemble des régimes de retraite français légalement obligatoires, les dépenses de retraite représentent 24,4 % des dépenses publiques en 2024. Ce taux est en croissance depuis le début des années 2000. En effet, il n'était que de 21,8 % en 2002. Les retraites sont ainsi à l'origine d'une part importante de la progression des dépenses publiques dans le PIB, tous régimes confondus. Entre 2002 et 2019, la part des dépenses publiques rapportées au PIB ont ainsi augmenté de 1,4 point quand celle des retraites a progressé de 2 points.

B. LE SYSTÈME DE RETRAITES FRANÇAIS APPARAÎT COMME L'UN DES PLUS AVANTAGEUX POUR LES BÉNÉFICIAIRES

En comparant la France aux autres pays de l'Union européenne et à d'autres économies comparables, il apparaît que le système français se présente aujourd'hui comme particulièrement attractif par rapport à celui des autres pays.

D'une part, la part des dépenses consacrées aux retraites rapportée au PIB en France montre que le pays fait partie des plus généreux envers les plus âgés de ses concitoyens. D'après les données Eurostat, en 2022 seule l'Italie présente un effort contributif plus important que celui la France envers les retraités dans l'Union européenne : 15,6 % du PIB contre 14,4 %.

Part des dépenses de retraite dans le PIB en 2022 et projection jusqu'en 2070

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances, données Eurostat issues du Ageing Report 2024, Commission européenne

Les projections jusqu'à 2070, prenant en compte l'application de la réforme de 2023, prévoient un maintien à un haut niveau de ces dépenses dans le PIB, même si leur maîtrise doit être soulignée. Il convient néanmoins de noter que, par rapport aux Pays-Bas ou à la Suède, la France reste largement plus dépensière et généreuse vis-à-vis des cotisants.

D'autre part, le même constat d'un système plus favorable aux cotisants que dans d'autres pays européens se retrouve aussi dans la borne d'âge fixée à partir de laquelle il est possible de partir avec une retraite à taux plein.

Âge d'ouverture des droits (AOD) dans divers pays de l'Union européenne
en 2025 et à venir après déploiement des réformes précédemment votées

(en nombre d'années et de mois)

Source : commission des finances, données Système d'Information Mutuelle sur la Protection Sociale (MISSOC)

Il apparaît clairement que l'AOD en France, aujourd'hui de 62 ans et 9 mois, dénote par rapport aux autres pays de l'UE comparables. Même avec la pleine montée en puissance de la réforme votée en 2023, la France resterait l'un des pays où les droits à la retraite sont ouverts le plus tôt.

Enfin, le niveau de vie relatif des retraités en France est, comparé aux autres pays, particulièrement élevé. Par rapport aux autres pays européens comparables, la France apparaît en effet comme celui dont les seniors de plus de 75 ans ont le niveau de vie le plus proche de celui de l'ensemble de la population en 2022, soit 89,9 % du niveau de l'ensemble de la population.

Niveau de vie des seniors rapporté au niveau de vie de l'ensemble de la population en 2022 dans plusieurs pays européens

(en proportion du niveau de vie de l'ensemble de la population)

Source : commission des finances, d'après le Rapport du Conseil d'orientation des retraites de 2025, base de données distribution des revenus de l'OCDE, 2025

Si l'on prend en compte l'ensemble des plus de 65 ans, la France se place juste derrière l'Espagne et l'Italie parmi les pays dont les seniors ont le niveau de vie le plus proche de celui de l'ensemble de la population.

En lien avec le niveau de vie des retraités, la rapporteure spéciale souhaite attirer l'attention sur les évolutions prévues dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 relatif à l'abattement d'impôt sur le revenu de 10 % sur le montant des pensions et des retraites.

L'article 6 du PLF prévoit en effet une réduction du montant de cette dépense fiscale de près de 551 millions d'euros en 2026, d'après le tome II des Voies et moyens. À la place de l'abattement de 10 %, le PLF crée un abattement d'un montant forfaitaire de 2 000 euros applicable aux pensions de retraite perçues par chaque membre du foyer fiscal, tout en préservant un abattement spécifique pour les contribuables invalides. Cette évolution, outre les économies qu'elle permet, a une portée sociale que la rapporteure spéciale salue : sa nature forfaitaire la rend plus efficace pour les retraités modestes.

Cet article, s'il était adopté, ne ferait cependant pas sortir cette dépense fiscale des trois plus coûteuses. Certes, son poids devrait fortement baisser, passant de 5,3 milliards d'euros en 2025 à 4,7 milliards d'euros en 2026, mais elle resterait la 3ème dépense fiscale la plus importante de France.

Dépenses fiscales les plus coûteuses

(en millions d'euros)

Ordre

Mesure

Chiffrage pour 2026

1

Crédit d'impôt en faveur de la recherche

8 041

2

Crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile

7 208

3

Abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites

4 665

4

Exonération partielle, sous certaines conditions, de droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission d'entreprises exploitées sous la forme individuelle ou détenues sous forme sociale

4 000

5

Exonération des sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement, de l'abondement, d'un partage de plus-value, des primes de partage de la valeur, d'un plan de partage de la valorisation de l'entreprise, aux plans d'épargne salariale et aux plans d'épargne retraite d'entreprise collectifs ou obligatoires

2 890

Source : commission des finances, données tome II du rapport Voies et moyens du PLF 2026

Il apparaît donc clairement que le système de retraites français se classe aujourd'hui parmi les plus favorables aux affiliés : ils partent à la retraire relativement plus tôt et conservent un niveau de vie relativement plus important que dans les économies comparables.

II. LA SUSPENSION DE LA RÉFORME DE 2023 METTRAIT EN PÉRIL, À TERME, LA PÉRENNITÉ FINANCIÈRE DU SYSTÈME

A. LE COÛT BUDGÉTAIRE D'UNE SUSPENSION DE LA RÉFORME DES RETRAITES SERAIT IMPORTANT

L'examen des crédits alloués aux pensions en 2026 prend cette année une tournure particulière, dans la mesure où se pose la question de suspendre jusqu'en 2027 la mise en oeuvre de la réforme des retraites.

La rapporteure spéciale est défavorable à une telle évolution, au regard des déficits du système de retraites anticipés par le COR dans son rapport de 2025. En effet, le solde du système de retraite observé et projeté dans le scénario de référence indique que, malgré la mise en oeuvre de la réforme, le régime connaîtrait un déficit croissant jusqu'en 2070.

Ainsi, le solde du système s'établirait selon le COR à - 0,9 % du PIB en 2045 et atteindrait en 2070 près de - 1,4 %.

Solde du système de retraites observé et projeté dans le scénario de référence
du COR jusqu'en 2070

(en pourcentage du PIB)

Note : la prévision repose sur une hypothèse de maintien de l'application de la réforme de 2023.

Source : commission des finances, d'après le Rapport du Conseil d'orientation des retraites de 2025

Ce calcul est concordant avec celui obtenu par la Cour des comptes dans son rapport de février 2025 remis au Premier ministre11(*).

En raisonnant en milliards d'euros, la Cour indique en effet que le déficit du régime devrait atteindre, en 2025, 6,6 milliards d'euros12(*) - soit 0,2 % du PIB - puis demeurer stable jusqu'en 2030 grâce à la montée en puissance de la réforme de 2023. La suite mène, sous l'effet de la hausse continue du nombre de retraités et du montant moyen de leurs pensions, à une dégradation du déficit qui atteindrait près de 15 milliards d'euros hors inflation en 2035 et près de 30 milliards d'euros en 2045.

Il apparaît donc clairement que la réforme de 2023 ne permet qu'une stabilisation à moyen-terme des déficits du régime de retraites et certainement pas un retour à l'équilibre.

Or, comme l'indique le Comité de suivi des retraites (CSR) dans son avis de juillet 202513(*), l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale fixe un objectif de pérennité financière au système de retraites qui doit être respecté et ne l'est déjà pas aujourd'hui.

En effet, la montée en charge de la réforme doit s'achever normalement d'ici 2032, ce qui indique que l'effet de déséquilibre démographique et de hausse des pensions l'emporte dès avant la fin de la mise en oeuvre de la réforme.

Calendrier prévu du relèvement de l'AOD et de la durée d'assurance requise selon la réforme des retraites de 2023

Année possible de départ en retraite

Générations

Age légal d'ouverture des droits

Durée d'assurance requise

2023-2024

Personnes nées à compter du 1er septembre 1961

62 ans et 3 mois

169

2024-2025

1962

62 ans et 6 mois

169

2025-2026

1963

62 ans et 9 mois

170

2027

1964

63 ans

171

2028-2029

1965

63 ans et 3 mois

172

2029-2030

1966

63 ans et 6 mois

172

2030-2031

1967

63 ans et 9 mois

172

2032

1968

64 ans

172

Source : commission des finances

Selon les propos du Premier ministre lors de la déclaration de politique générale du 14 octobre 2025, le coût d'une suspension de la réforme serait pour le système de retraites « de 400 millions d'euros en 2026 et d'1,8 milliard d'euros en 2027 ». Il faudra donc ajouter au déficit prévu pour les deux années à venir les montants indiqués, en cas de mise en oeuvre de cette possibilité.

Soldes du système de retraites anticipé de 2025 à 2027,
selon un scénario de suspension ou non de la réforme des retraites

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après le rapport de la Cour des comptes sur la situation financière et perspectives du système de retraites, février 2025 et les annonces du Premier ministre le 14 octobre 2025

Pour la rapporteure spéciale, cette aggravation du solde potentielle n'est pas responsable et qu'il s'agit d'un retour en arrière dommageable pour la pérennité du système.

Elle déplore néanmoins l'absence de chiffrage fin, à ce stade, permettant de distinguer le coût de la suspension pour l'ensemble du système de retraites et le coût qui concerne uniquement l'État14(*) et les régimes spéciaux suivis.

La suspension de la réforme des retraites de 2023 aurait, en outre, un coût important pour le solde de l'ensemble des administrations publiques, qui dépasserait celui pour le système de retraites.

En effet, en permettant aux personnes de partir plus tôt en retraite, le taux d'emploi des seniors augmenterait moins que prévu : les cotisations sociales et les impôts qui auraient été prélevés sur l'activité de ces personnes ne viendraient pas abonder le budget. Ce coût serait d'autant plus élevé que la suspension dure longtemps.

La suspension de la réforme maintiendrait l'âge d'ouverture des droits (AOD) à 62 ans et 9 mois. Or, le premier volet des rapports de la Cour des comptes au Premier ministre relatifs au système de retraites15(*), publié en février 2025, modélisait le coût que représenterait un maintien de l'AOD à 63 ans pour les générations nées à partir de 1964, au lieu des 64 ans prévus par la mise en oeuvre de la réforme de 2023.

Cela donne un ordre de grandeur du manque à gagner potentiel.

Effet annuel d'une modification de l'AOD sur les finances publiques pour l'exercice 2035

(en euros constants de 2024)

Périmètre

AOD 63 ans
génération 1964

AOD 65 ans
générations 1968 à 1972

Effet annuel sur le système de retraites

- 5,8 milliards d'euros

+ 4,7 milliards d'euros

Effet annuel sur l'ensemble des finances publiques

- 13,0 milliards d'euros

+ 9,4 milliards d'euros

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données de la Cour des comptes, de la direction générale du Trésor et de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

B. DES PISTES D'ÉCONOMIES OU D'ACCROISSEMENT DES RESSOURCES DU SYSTÈME DE RETRAITES DEVRONT ÊTRE EXPLORÉES EN CAS DE GEL DE LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME

Face à ce besoin de financement, la rapporteure spéciale indique que l'adjonction de ressources supplémentaires au régime pourraient être envisagées.

En particulier il serait possible d'envisager d'accroître certaines cotisations ou impôts :

- un point de contribution sociale généralisée (CSG) rapporte ainsi 17,5 milliards d'euros ;

- un point de cotisation vieillesse plafonnée rapporte 5,6 milliards d'euros sur le secteur privé et 6,2 milliards d'euros sur l'ensemble des cotisants ;

- un point de cotisation vieillesse déplafonnée correspond à une recette supplémentaire de 6,7 milliards d'euros sur le secteur privé et 7,1 milliards d'euros sur l'ensemble des cotisants.

De même, l'accroissement du taux d'emploi des seniors16(*), sujet sur lequel la rapporteure spéciale a travaillé l'an dernier, pourrait permettre d'accroître le solde du système de retraites et de l'ensemble des administrations publiques.

Tableau récapitulatif des chiffrages obtenus par la rapporteure spéciale
dans son travail sur le taux d'emploi des seniors

 

COR17(*)

Chaire TDTE18(*)

DGT19(*)

Hausse du taux d'emploi retenue

14 points pour l'ensemble de la population

10 points pour les 60-64 ans

3,6 points pour l'ensemble de la population dont 16,4 points pour les 60-64 ans

Gain estimé et solde étudié

124,8 milliards d'euros pour l'ensemble des finances publiques

9,7 milliards d'euros pour le système de retraites

9 milliards d'euros pour le système de retraites

Hypothèse de hausse du taux d'emploi

Alignement avec les Pays-Bas

Hausse théorique de 10 points de l'emploi des 60-64 ans

Alignement avec l'Allemagne

Prise en compte des divergences de temps de travail

Non

-

Oui

Hypothèses de productivité des seniors

50% de la productivité moyenne

Rémunération au salaire moyen

Création d'emplois à temps plein ; baisse globale de la productivité induite par la hausse de l'emploi, avec une élasticité de 0,520(*).

Source : commission des finances, d'après les travaux du COR, de la chaire TDTE et de la DGT

La rapporteure spéciale salue, néanmoins, le fait qu'aucune remise en cause de la fermeture des régimes spéciaux n'ait été envisagée. En effet, les régimes spéciaux de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), des industries électriques et gazières (IEG), des clercs et employés de notaires (CRPCEN) de la Banque de France et du Conseil économique, social et environnemental (CESE) ont été fermés le 1er septembre 2023. Cette évolution va dans le sens d'une plus grande simplicité du système et facilite sa lecture et sa compréhension.

De même, la rapporteure spéciale affirme qu'il aurait été très dommageable de revenir sur les mesures de justice sociale que la réforme de 2023 portait. Comme elle le montrait l'an dernier, en effet, le texte permettait :

- une augmentation moyenne de la pension des femmes de 3,4 % contre 1,7 % pour les hommes ;

- une hausse de la pension cumulée sur le cycle de vie de 1,0 % pour les femmes par rapport à + 0,7 % pour les hommes ;

- une hausse de la pension cumulée sur le cycle de vie de 12 % pour le quartile de population le moins favorisé et une diminution de 1,1 % de cette même pension cumulée sur le cycle de vie pour le quartile le plus aisé.

Les nombreux effets redistributifs de la réforme, portés par ces mesures d'accompagnement ambitieuses, doivent par conséquent être conservés.

Face au constat d'une potentielle suspension de la hausse des paramètres d'âge et de durée d'assurance, la rapporteure spéciale salue, dans le contexte actuel, la prévision de gel de l'indexation des pensions inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026. C'est cette hypothèse qui est aussi retenue pour la construction du PLF pour 2026.

La situation politique de la fin de l'année 2024 avait eu pour conséquence, par l'adoption de la loi spéciale21(*), de revaloriser les pensions au niveau de l'inflation au 1er janvier 2025, et non de façon différée comme cela était prévu22(*). Cette mesure a représenté un coût supplémentaire pour la branche vieillesse de 3,2 milliards d'euros et de près d'1 milliard d'euros pour le budget de l'État. La revalorisation de 2025 s'ajoute à celles, importantes, qui ont eu lieu les années précédentes : + 4,8 % en juillet 2022, + 0,8 % en janvier 2023, + 5,3 % en 2024, + 2,2 % en 2022.

La minoration de la revalorisation des pensions de 0,4 point de pourcentage d'inflation, prévue de même dans l'article 44 du PLFSS pour 2026, entre 2027 et 2030, est aussi une mesure qui permet de limiter l'effet de la potentielle suspension de la réforme.

L'économie engendrée atteindrait en 2029 près de 6,1 milliards d'euros23(*).

Économies envisagées dans le PLFSS pour 2026 liées au gel
et à la sous-indexation des retraites

(en milliards d'euros)

Année

2026

2027

2028

2029

Économie

3,6

3,8

4,9

6,1

Hypothèse

Gel des pensions

Sous-indexation de 0,4 point de pourcentage d'inflation

Source : commission des finances, données projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026

Il convient enfin de rappeler que cette indexation réduite, si elle est retenue, serait pratiquement annulée par les effets négatifs sur le solde de la suspension de la réforme des retraites, si cette dernière était poursuivie au-delà de l'année 2027. En effet, selon la Cour des comptes, un maintien de l'âge d'ouverture des droits à 63 ans engendrerait à l'horizon 2035 un surcoût annuel pour le solde du système de retraites de 5,8 milliards d'euros, soit un montant proche de l'économie attendue en 2029 par la sous-indexation des pensions.

L'utilisation du levier du niveau des pensions apparaît comme la dernière solution dans un cadre où il semble difficile d'accroître le niveau des cotisations sociales et où il est proposé de suspendre les mesures d'évolution de l'âge et de la durée d'assurance votées il y a deux ans. Au regard du niveau de vie relatif des retraités en France et du maintien des mesures d'accompagnement inhérents à la réforme de 2023, le coût social d'un tel ajustement semble acceptable.

III. VERS UN SYSTÈME PAR RÉPARTITION PÉRENNE : DÉPASSER LES DIFFÉRENCES ENTRE LES RÉGIMES ET CONSTRUIRE DANS LA DURÉE UN SYSTÈME DE RETRAITES LISIBLE ET ÉQUILIBRÉ

A. LA COMPARAISON ENTRE LES RÉGIMES EST AUJOURD'HUI FAUSSÉE PAR L'INADÉQUATION ENTRE LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ET L'ÉQUILIBRE DE CHACUN DES RÉGIMES

1. Les différents régimes sont aujourd'hui difficilement comparables du fait de leur nature et de leur situation démographique diverses

Si la réforme des retraites de 2023 et les précédentes ont permis une simplification progressive du système de retraites, notamment par la fermeture de plusieurs régimes spéciaux ou la fusion d'autres régimes24(*), le système demeure aujourd'hui éclaté et l'existence de régimes de nature différente rend complexe leur comparaison.

En effet, l'ensemble des régimes vieillesse existant ne donne pas accès aux mêmes droits et ne sont pas construits de façon équivalente. Ainsi, le régime des fonctionnaires d'État est-il un régime intégré, c'est-à-dire qu'il inclut à la fois les prestations de base et complémentaires, à l'inverse du régime général qui ne sert que des pensions de base. Certains régimes servent en outre des avantages qui sont, dans le régime général, financés par d'autres branches. C'est le cas de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), qui comprend des prestations versées dans le régime général par la branche famille.

En sus de la difficulté créée par la nature distincte de l'ensemble des régimes existants, il apparaît que leur mode de financement est inégal et difficilement comparable. La compensation démographique vieillesse, sensée réduire les inégalités issues des déséquilibres démographiques et des capacités contributives entre les régimes n'est pas intégrale, comme l'indique l'avis25(*) du comité de suivi des retraites de 2025.

Ainsi, la comparaison entre des régimes qui ne servent pas les mêmes prestations et qui, de plus, sont chacun dans une situation démographique très variable, est aujourd'hui compromise.

Plusieurs idées erronées ont, sur ce point, porté à confusion. Ainsi, le régime des fonctionnaires d'État, qui a été pointé en 2025 comme étant en grand déséquilibre, est en réalité un contributeur net historique à la compensation vieillesse. Comme l'indique le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale26(*), le régime des fonctionnaires civils d'État est contributeur net à la compensation vieillesse à hauteur de 12,5 milliards d'euros entre 2003 et 2023 ; celui des militaires de 1,9 milliard d'euros sur la même période.

Montants cumulés de la compensation généralisée entre 2003 et 2023

(en milliards d'euros constants versés (+) ou perçus (-) par chaque régime)

Source : commission des finances, données direction de la sécurité sociale

La note de juin 2025 de l'Institut des politiques publique27(*) (IPP) met bien en valeur cette inadéquation entre les disparités démographiques inter-régimes et la valeur des compensations. Selon les auteurs, dans la situation existante, il existe « une subvention implicite de l'État, dont le régime a une démographie nettement moins bonne que la moyenne, au profit des régimes dont la démographie est meilleure, parmi lesquels les régimes de salariés du privé », ce qui remet en cause certains arguments selon lesquels le système des fonctionnaires d'État est financé par la solidarité des actifs du privé.

La complexité de la gouvernance de la compensation générale vieillesse, créée par la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 avec pour objectif d'établir « un système de protection sociale commun à tous les Français », a d'ailleurs été récemment reconnue et simplifiée.

L'article 24 de la LFSS pour 2025 a en effet acté la suppression de la commission qui avait jusque-là pour mission de contrôler les paramètres quantitatifs retenus pour les calculs de cette compensation et était consultée pour avis sur les montants. L'absence de plus-value de cette commission avait été repérée tant par la Cour des comptes que par la Commission des comptes de la sécurité sociale, qui a repris la charge du calcul et du contrôle de ce mécanisme.

La rapporteure spéciale attire ainsi l'attention sur le fait que les déficits ou excédents, pris régime par régime, n'ont en eux-mêmes pas de signification particulière puisqu'ils ne sont que la conséquence de choix comptables conventionnels. Ainsi, comme l'indique le COR dans sa réponse au questionnaire que lui a adressée la rapporteure spéciale, « tout solde partiel au sein de l'ensemble des finances publiques, dont celui des retraites, était une notion conventionnelle car dépendante de décisions sur l'affectation des ressources publiques ». Ce constat se vérifie notamment pour les soldes de chacun des régimes de retraite, dont les déterminants sont particulièrement nombreux et, pour certains, arbitraires :

- la démographie du régime ;

- l'effet de la compensation démographique sur le solde du régime ;

- le niveau de cotisations employeur et salariale des cotisants ;

- la fiscalité affectée au régime ;

- la type de prestations servies par le régime.

L'exemple d'une fiscalité qui est inégalement affectée entre les régimes est celle de la contribution sociale généralisée (CSG). En effet, alors que les fonctionnaires sont soumis à cet impôt sur leurs revenus d'activité, le régime de la fonction publique d'État ne reçoit aucune affectation de CSG. De même, les fonctionnaires d'État en retraite sont soumis, aux taux normal et médian, à un taux de 2,94 % de CSG sur leur pension qui est reversé au Fonds de solidarité vieillesse. Ainsi, les pensions des anciens fonctionnaires en retraite financent une partie du minimum vieillesse et les périodes non travaillées ouvrant à des droits dans le régime général. Au vu de l'importance des montants en jeu - 153,8 milliards d'euros de CSG en 2024, dont environ 19,5 milliards d'euros28(*) prélevés sur les revenus d'activité des fonctionnaires, un tel sujet doit être approfondi pour accroître l'équité entre les régimes.

2. La situation spécifique de la CNRACL, mise en difficulté par une compensation démographique inadaptée

En lien avec la réflexion sur les soldes spécifiques de certains régimes, la rapporteure spéciale, souhaite comme l'année précédente insister sur le cas spécifique de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Cette caisse assure le versement des pensions de retraite des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers, ainsi que de prestations sociales non contributives29(*). Elle représente le 2ème régime de retraite de base en France, avec 2,2 millions de cotisants soit 8 % du total en 2022.

Excédentaire jusqu'en 2017, la CNRACL a vu sa situation se dégrader fortement, avec un déficit annuel croissant qui devrait atteindre 11,1 milliards d'euros en 2030. Par conséquent, l'année 2024 a donné lieu à une étude menée par plusieurs inspections générales sur sa situation financière30(*).

Le rapport mettait en évidence l'existence de quatre facteurs principaux pour expliquer le déséquilibre de la CNRACL :

- la dégradation du rapport démographique entre cotisants et pensionnés, liée à la présence de cotisants intégrés aux catégories actives qui partent plus tôt à la retraite, d'une population majoritairement féminine qui accroît l'espérance de vie moyenne de la cohorte de pensionnés, ainsi que la part de contractuels dans l'emploi public, qui contribuerait à hauteur d'un huitième de la détérioration du ratio démographique ;

la contribution de la CNRACL à la compensation démographique, à hauteur de 80 milliards d'euros courants cumulés depuis 1974, et de 27,2 milliards d'euros entre 2003 et 2023. La CNRACL devrait être éligible à la compensation démographique par les autres régimes à partir de 2027, alors que les déficits sont visibles depuis 2017 ;

- le financement de la CNRACL par ses seules cotisations, alors que la caisse sert des avantages non contributifs qui sont financés par la branche famille dans le cas du régime général et que les autres régimes bénéficient parfois de taxes et impôts affectés. La CNRACL ne reçoit pas de fraction de contribution sociale généralisée (CSG), par exemple ;

Le rapport prévoyait ainsi, pour limiter la part des prestations non contributives versées par la CNRACL, d'aligner le calcul de la majoration pour enfants sur le régime général, de faire financer par le fonds de solidarité vieillesse (FSV) les périodes de congés maladie non cotisées et une partie des pensions d'invalidités de la CNRACL.

Il prévoyait surtout de définir une trajectoire de hausse du taux de contribution employeur, qui passera de 34,65 % en 2025 à 43,65 % en 2028 après la mise en oeuvre par décret31(*) de cette mesure.

Prévisions d'évolution du déficit annuel de la CNRACL

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après le rapport IGF-Igas de mai 2024

La mise en oeuvre des mesures prévues dans le rapport n'est cependant pas suffisante pour réduire, sur le long-terme, le déficit de la caisse. En effet, l'effet de la chute du ratio démographique de la CNRACL, depuis 1980, l'emporte sur l'ensemble des effets des réformes qui pourraient être mises en oeuvre pour limiter son déséquilibre financier.

Évolution du ratio démographique entre cotisants et pensionnés de la CNRACL

(en % de la population)

Source : commission des finances, données comptes de la CNRACL, INSEE

Au vu des difficultés systémiques auxquelles fait face la CNRACL, l'inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont été saisies par le Premier ministre en mai 2025 afin de réaliser une nouvelle mission.

L'objectif sera de cartographier l'ensemble des régimes publics et privés de retraite auxquels les agents territoriaux et hospitaliers cotisent, de prévoir des mesures complémentaires à la hausse prévue du taux employeur pour favoriser une réduction du déficit en 2045. Enfin, la mission doit étudier l'incidence sur la CNRACL d'une variation à la hausse ou à la baisse de l'âge d'ouverture des droits à pension et de l'instauration d'un mécanisme d'encadrement de l'indexation des pensions.

La situation particulière de la CNRACL ne doit pas faire perdre de vue la vision globale qui doit guider la réflexion sur le système de retraites. Ainsi, même si l'on peut déplorer le manque d'adéquation entre la réalité et la compensation démographique, au moins permet-elle de lisser les différences entre les régimes de base.

3. L'absence de compensations démographiques entre les régimes complémentaires

À l'inverse, entre les régimes complémentaires, un tel système n'existe pas et permet à certains, en particulier l'Agirc-Arrco, de cumuler des excédents et des réserves démesurées.

En 2024, d'après le rapport du COR de 2025, les actifs admis en représentation des réserves de financement de moyen et long terme du régime de l'Agirc-Arrco atteignent une valeur de marché de 86,5 milliards d'euros, soit près de 11 mois de prestations, contre 79,5 milliards d'euros fin 2023. En prenant en compte le fonds de roulement du régime, le total des réserves s'établissait à 108,3 milliards d'euros courants, soit un montant proche de 13 mois de prestations.

Évolution à prévoir de la valeur des réserves de l'Agirc-Arrco par rapport au PIB

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances, d'après les données du COR, hypothèses 2024.

L'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (IRCANTEC) est aussi dotée de réserves importantes, qui atteignent en 2024 17,7 milliards d'euros et représentant près de 49 mois de prestations.

La rapporteure spéciale s'étonne de nouveau du montant très imposant de ces réserves, constituées principalement par une sous-indexation chronique des pensions complémentaires sur l'inflation et qui semblent excessives. Elle salue en ce sens la séance du COR à venir de décembre 2025 qui traitera plus spécifiquement du rôle des réserves dans un système par répartition32(*).

L'ensemble des modalités qui empêchent la comparaison entre les régimes pose une double difficulté selon la rapporteure spéciale :

d'une part, le débat sur le système de retraites se concentre souvent sur des querelles entre régimes pour savoir lequel est le mieux géré au lieu de se concentrer sur l'enjeu véritable qui est la part de la richesse nationale qu'il faut consacrer au versement de pensions permettant aux seniors de vivre dignement ;

d'autre part, les divers et imparfaits mécanismes de compensation et d'affectation de ressources ne font qu'alimenter un système de tuyauterie financière qui se complexifie d'année en année et rend toujours plus compliquées les réformes, car le nombre de paramètres à réviser est chaque fois plus important.

B. SUR LE LONG-TERME, IL CONVIENT D'ALLER VERS UNE PLUS GRANDE UNIFICATION DES RÉGIMES ET D'ADOSSER LE SYSTÈME PAR RÉPARTITION À UN FONDS DE RÉSERVE

L'intrication des différents régimes de retraite rend difficile pour la rapporteure spéciale de n'évoquer que les quelques régimes spéciaux et celui de la fonction publique d'État qui est sous sa supervision. En effet, comme cette première partie du rapport l'a montré, l'intérêt du travail sur le système de retraites français pas répartition consiste à obtenir une vue d'ensemble.

Deux axes peuvent être ainsi soulevés dans une logique de plus long-terme pour maintenir la pérennité financière du système de retraites et l'acceptabilité sociale des réformes.

En premier lieu, il ressort des auditions et des travaux menés par la rapporteure spéciale cette année que l'enjeu d'une unification des différents régimes, ou a minima de leur adossement au régime général, doit demeurer un sujet et un objectif.

Le travail préparatoire mené en 2019 et 2020 qui avait conduit au projet de loi33(*) instituant un système universel de retraite est à ce titre intéressant et doit continuer de guider la réflexion de long-terme sur l'avenir du système de retraites. En effet, la mise en oeuvre d'un système universel serait la seule garantie pour que le pilotage soit uniforme et permette, au niveau des grands agrégats, de maîtriser l'effort que la Nation consent à investir dans les pensions. De nombreux gains d'efficacité seraient obtenus par la suppression des divers schémas de reversement de cotisations, de compensation démographique ou d'affectation de taxes.

En outre, le débat public gagnerait en sérénité : au lieu de pointer du doigt l'un ou l'autre des régimes comme étant la cause supposée du déficit de retraite, un système universel rendrait plus clair son besoin de financement, en fonction des ressources qui ont lui ont été allouées. Il permettrait aussi d'accroître l'équité entre les citoyens face à leur retraite, en objectivant mieux les avantages financés par la solidarité nationale et ceux issus des contributions au système de retraites.

La réforme de 2019 prévoyait la mise en oeuvre d'un système par points, qui est déjà le mode de pilotage de nombreux régimes, notamment les régimes complémentaires. Ce mode de fonctionnement, s'il apporte de la souplesse dans le pilotage des montants versés pour les pensions, doit faire face au défi de maintenir la confiance des affiliés. Les consultations de 2019 avaient mis en évidence des questions légitimes sur ce sujet.

En second lieu, la rapporteure spéciale souhaite réaffirmer son attachement à la mise en oeuvre d'un mécanisme de réserves qui permette au système des retraites de faire face aux différents chocs, économiques comme démographiques, auxquels il est confronté.

En effet, la qualité d'un système par répartition réside dans sa capacité de résistance aux chocs macroéconomiques, bien plus qu'un régime par capitalisation. Dans son rapport de contrôle34(*) de mai 2025, la rapporteure rappelait que les deux premières tentatives de mettre en oeuvre un système de retraites en France s'étaient soldé par des échecs. Le fonctionnement par capitalisation retenu à l'époque s'était heurté à la conjoncture doublement défavorable qui avait ruiné les épargnants : d'abord la Première Guerre mondiale, ensuite les conséquences inflationnistes de la crise de 1929.

Plutôt qu'une fuite en avant vers la capitalisation, la rapporteure prône depuis plusieurs années la recapitalisation du Fonds de réserve des retraites (FRR). Ainsi, comme l'indique le rapport du Comité de suivi des retraites de juillet 2025, il s'agirait de la mise en place d'un système par « répartition provisionnée ».

L'abondement du fonds de réserve des retraites (FRR) permettrait de lisser les effets du passage à la retraite des générations surnuméraires. Ce dernier, créé en 200135(*) avait pour objectif de préparer la transition démographique induite par le passage à la retraite de la génération du « baby boom ». Il n'a néanmoins jamais atteint les 150 milliards d'euros d'actifs qui étaient prévus à sa création et qui auraient contribué à résoudre la difficulté actuelle de financement des retraites.

Évolution de l'actif net géré par le FRR depuis 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du FRR

Depuis la réforme des retraites intervenue en 201036(*), la mission du FRR a en effet évolué : ce dernier s'est vu confier la mission de verser chaque année 2,1 milliards d'euros à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), devenus depuis 1,45 milliard d'euros annuel. Par conséquent, l'actif géré par le FRR a atteint un point haut à 37,2 milliards d'euros et diminue depuis. L'actif géré par le fonds a en effet été presque divisé par deux en dix ans.

Il s'agit ainsi d'un véritable transfert de ressources du système de retraites vers l'assurance maladie : en effet, la dette sociale remboursée par la CADES est constituée principalement des déficits chroniques de la branche maladie.

Cette évolution est particulièrement dommageable au vu des performances remarquables du FRR : comme l'indique son rapport annuel en 202437(*), « depuis le 1er janvier 2011, la performance annualisée du portefeuille atteint + 4,06 % nette de tous frais, un niveau très supérieur au coût moyen de la dette publique portée par la CADES sur la même période (1,2 %) ».

Aujourd'hui, l'absence de réserves suffisantes et l'évolution de la mission du FRR ont réduit la marge de manoeuvre pour combler le déficit du système de retraite.

DEUXIÈME PARTIE
LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE »

I. LES PRINCIPALES ÉVOLUTIONS DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2025

A. L'ENSEMBLE DES RÉGIMES SPÉCIAUX DE RETRAITE N'ENTRE PAS DANS LE PÉRIMÈTRE DE LA MISSION, DU FAIT DU FINANCEMENT DE CERTAINS PAR UNE AFFECTATION DE FISCALITÉ

La mission « Régimes sociaux et de retraite » est une mission budgétaire interministérielle qui retrace l'ensemble des subventions versées par le budget de l'État pour équilibrer les comptes de certains régimes sociaux et de retraite dérogatoires au droit commun et dont la création remonte pour la plupart à une date antérieure à la création de la sécurité sociale.

Les régimes subventionnés par la mission sont structurellement déficitaires, du fait à la fois d'un déséquilibre démographique, particulièrement important pour les régimes fermés depuis plusieurs années, et de la nécessité de financer certaines règles dérogatoires au droit commun. En 2025, les subventions d'équilibres versées par la mission représentent 63 % des ressources des régimes concernés. Ceux-ci ne sont pas gérés par l'État mais par des organismes de sécurité sociale ou, pour le régime des marins, par un établissement public.

La mission serait dotée en 2026 d'un montant total de 6,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement (AE=CP).

La mission est organisée en trois programmes distincts selon les secteurs concernés par les régimes subventionnés :

- le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » qui porte notamment les subventions aux régimes de la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) et à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) ;

- le programme 197 « Régime de retraite et de sécurité sociale des marins » qui porte la subvention au régime de retraite des marins ;

- le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » qui porte notamment les subventions aux régimes des mines et de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (SEITA).

Répartition des crédits de la mission par programme

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires du projet de loi de finances 2026

Les crédits budgétaires retracés dans la mission « Régimes sociaux et de retraite » n'épuisent pas le financement par l'État de régimes sociaux dont les règles sont dérogatoires à celles du régime général. En effet, pour l'année 2024, aux 6 milliards d'euros de crédits budgétaires ont été additionnés des transferts de fiscalité à hauteur de 5,5 milliards d'euros, portant le montant total de l'effort financier de l'État à 11,5 milliards d'euros.

Financement par l'État des régimes de retraite dérogatoires
au régime général

(en milliards d'euros et en 2024)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

L'affectation de fiscalité à certains régimes dérogatoires au régime général constitue un instrument alternatif d'équilibrage qui bénéficie notamment au régime des salariés de la branche des industries électriques et gazières (IEG) et au régime des non-salariés agricoles.

Efforts financiers de l'État au bénéfice des régimes dérogatoires
au régime général

(en 2024)

Régime

Nombre de cotisants

Subvention budgétaire

(en millions d'euros)

Fiscalité affectée

(en millions d'euros)

Régime des agents de la SNCF

108 877

3 322

-

Régime des agents de la RATP

39 334

875

-

Régime des salariés de la branche industries électriques et gazières (IEG)

133 091

-

1 911
(contribution tarifaire d'acheminement)

Régime des marins

30 132

761

-

Régime des employés des mines

699

921

-

Régimes des employés de la SEITA

0

135

-

Régime des agents de l'Opéra national de Paris

1 769

22

-

Régime des agents de la Comédie-Française

352

5

-

Régime des clercs et employés de notaires

55 263

-

355
(taxe sur les émoluments)

Régime des avocats

78 047

-

5
(droits de plaidoirie)

Régime de non-salariés agricoles

420 847

-

3 220
(notamment taxe sur les boissons et droits sur la consommation de tabac)

Total

868 411

2 719

5 491

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires parlementaires

La fermeture du régime des IEG et des clercs et employés de notaires n'entraîne pas la suppression des taxes affectées afférentes. Au contraire, ces taxes continuent à être collectées et constituent des points clés pour le financement de ces régimes qui verront peu à peu le nombre de cotisants diminuer.

B. LES RÉGIMES FERMÉS DES TRANSPORTS TERRESTRES NE PEUVENT PLUS ÊTRE ÉQUILIBRÉS UNIQUEMENT PAR LEURS COTISANTS DONT LA POPULATION DÉCLINE

Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » retrace notamment les subventions d'équilibre versées au régime de la SNCF et au régime de la RATP.

Le régime de la SNCF, géré par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRSNCF)38(*), est un régime dérogatoire au régime général, qui a été réformé le 1er juillet 2008 pour que ses règles convergent progressivement avec celle du régime de la fonction publique. Alors que les réformes de 201039(*) et de 201440(*) lui sont applicables, le régime a été fermé à compter du 1er janvier 2020 par la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire41(*).

Le régime de la RATP, géré par la caisse de retraite du personnel de la RATP (CRPRATP)42(*), est un régime dérogatoire au régime général qui a été affecté par les mêmes réformes que le régime de la SNCF, dans le même but d'engager une convergence progressive avec les règles du régime général de la fonction publique. En application de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale du 14 avril 202343(*), le régime de la RATP a été fermé à compter du 1er septembre 2023.

Depuis leur fermeture, les deux régimes continuent de recevoir les cotisations des agents affiliés tant qu'ils ne sont pas éteints et de verser les pensions des ayants droits. Cependant, ils n'enregistrent plus de nouvelles affiliations.

Les règles dérogatoires prévues par les deux régimes se traduisent principalement par un âge moyen de départ en retraite anticipé par rapport à la moyenne du régime général.

Âge moyen de départ à la retraite pour les régimes
de la SNCF et de la RATP

(en années et en mois)

Source : commission des finances, d'après les données de l'Insee et les documents budgétaires

En outre, les deux régimes concernés ont des ratios démographiques44(*) dégradés. Alors qu'en 1947, la SNCF représentait 400 000 agents et 316 000 pensionnés, soit un ratio d'environ 1,27, le ratio est aujourd'hui pour la SNCF de 0,57 en 2023, avec 110 846 cotisants pour 229 329 pensionnés. Pour la RATP, ce ratio devrait être en 2023 de 0,86, avec 39 956 cotisants pour 46 109 pensionnés.

Par conséquent, ces deux régimes qui sont désormais fermés sont largement financés par la subvention d'équilibre versée chaque année par l'État qui représenterait en 2026 3,2 milliards d'euros pour la SNCF et 886 millions d'euros pour la RATP.

Cette subvention est complétée, depuis la mise en oeuvre de l'article 15 de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, de la valeur :

- de la compensation généralisée vieillesse, compensation démographique qu'auraient reçu les régimes s'ils n'avaient pas été rattachés au régime général. Ce montant est estimé pour 2026 à 98 millions d'euros pour la SNCF et 17 millions d'euros pour la RATP ;

- du règlement du montant dû aux régimes par le régime général et l'Agirc-Arrco au nom de la compensation intégrée dans la convention entre le régime spécial et le régime général. Ce montant est estimé en 2026 à 204 millions d'euros pour la SNCF et 45 millions d'euros pour la RATP.

Le financement de ces deux régimes ne dépend pas que de la subvention budgétaire qu'ils reçoivent, mais aussi de cotisations qu'ils continuent à percevoir des actuels cotisants. Cette ressource est logiquement appelée à diminuer dans le temps.

Financement des pensions versées par les régimes de la SNCF et de la RATP

(en millions d'euros et en prévision pour 2026)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le programme retrace enfin des subventions de moindre importance, à hauteur de 13 millions d'euros au total, pour les pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer, d'une part, et la caisse autonome mutuelle de retraite (CAMR) de certains anciens agents des chemins de fer secondaires, d'autre part. Ces derniers sont aussi concernés par l'évolution du schéma de financement des régimes.

C. LA SUBVENTION VERSÉE AU RÉGIME DES MARINS REFLÈTE L'EFFORT DE LA NATION EN FAVEUR D'UNE BRANCHE PROFESSIONNELLE QUI PERMET LE RAYONNEMENT DE LA FRANCE

Le programme 197 « Régime de retraite et de sécurité sociale des marins » finance la subvention d'équilibre à la caisse de retraite des marins et les dépenses de fonctionnement de l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM).

Le régime de retraite des marins est un régime dérogatoire au régime général qui prévoit en particulier un âge d'ouverture des droits précoce en comparaison avec le régime général : la pension d'ancienneté servie par le régime peut être versée dans certains cas à partir de 50 ans, avec un nombre d'annuité de 25 ans. En outre, 45,9 % du stock des pensions liquidées en décembre 2024 correspondent à des « pensions spéciales », qui est un dispositif qui permet à des marins polypensionnés de disposer d'une pension versée par l'ENIM lorsque son temps de service est compris entre trois mois et quinze ans.

Le régime des marins est particulièrement favorable car il permet de partir en retraite plus tôt que dans le régime général, mais surtout après une durée de cotisation réduite. En 2023, l'âge moyen de départ en retraite était de 60,6 ans contre 62,8 ans dans le régime général.

La loi du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 a maintenu le régime des marins. Ce choix, partagé par la rapporteure spéciale, favorise le maintien de la compétitivité des secteurs économiques qui emploient des marins en France. En particulier, le secteur de la pêche est concerné. Le choix fait par le législateur en 2023 rejoint à ce titre les conclusions formulées par la rapporteure spéciale dans son rapport de juillet 2022 sur l'hypothèse d'une fermeture du régime des marins45(*).

Le régime des marins se caractérise par un ratio démographique particulièrement dégradé qui atteint 0,28 en 2024, soit 29 037 cotisants pour 102 001 pensionnés. Il devrait néanmoins légèrement s'améliorer à terme avec la baisse du nombre de pensionnés.

Ratio démographique du régime des marins

(nombre de cotisants par rapport au nombre de pensionnés)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Par conséquent, la subvention d'équilibre versée par l'État représente la grande majorité des recettes du régime et les cotisations une part bien plus faible. En 2026, la subvention représenterait ainsi 76 % des recettes du régime avec 791 millions d'euros. Cette subvention serait en nette hausse par rapport à 2025 où elle s'élevait à 759 millions d'euros. Un amendement d'économie pour atteindre la cible de déficit public et un prélèvement exceptionnel de l'opérateur sur sa trésorerie avaient causé cette baisse.

La subvention d'équilibre au régime serait complétée par une subvention pour charges de service public versé à l'ENIM à hauteur de 13 millions d'euros en 2026. Cette subvention a pour but de couvrir les frais de gestion de l'ENIM qui emploie 287 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2025 et gère les deux branches du régime des marins : la branche « maladie » qui représente un tiers des charges et la branche « vieillesse », étant entendu que la subvention d'équilibre versées par le programme 197 a pour seul objet l'équilibrage de la branche « vieillesse ».

Financement des pensions versées par la caisse de retraite des marins

(en millions d'euros et en 2026)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

D. LE PROGRAMME 195 INTÈGRE EN 2026 LA SUBVENTION D'ÉQUILIBRE VERSÉE AU RÉGIME D'ALLOCATIONS VIAGÈRES DES GÉRANTS DE DÉBITS DE TABAC

Le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » finance diverses subventions d'équilibre dirigées soit vers des régimes fermés soit vers des régimes correspondant à une situation très spécifique, pour un montant total qui serait de 1,06 milliard d'euros en 2026.

En premier lieu, la subvention versée au régime des mines représenterait 830 millions d'euros soit 78 % des crédits du programme. Ce régime, dont la gestion opérationnelle est assurée par la Caisse des dépôts et consignations, est fermé depuis le 30 août 2010. Par conséquent, la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) fait face à un ratio démographique très dégradé, avec moins de 750 cotisants pour 172 808 pensionnés. Le régime devrait s'éteindre à horizon 2100.

En deuxième lieu, le programme verse des subventions d'équilibre à d'autres régimes fermés de moindre importance démographique, à savoir celui de la SEITA fermé depuis le 1er juillet 1980 pour un montant de 128 millions d'euros et celui de la Caisse des retraites des régies ferroviaires d'outre-mer (CRRFOM) pour 0,6 million d'euros. Il opère aussi des versements liés à la liquidation de l'Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) pour 0,06 million d'euros.

En troisième lieu, le programme 195 intègre les subventions d'équilibre versées aux deux régimes spéciaux de la culture : celui de l'Opéra national de Paris et celui de la Comédie-Française. Cette évolution de la maquette budgétaire, qui a été porté par la loi de finances initiale pour 2024, est saluée par la rapporteure spéciale.

Ces deux régimes sont encore ouverts et représentent ensemble une subvention globale de 28,6 millions d'euros, répartie à hauteur de 23,9 millions d'euros pour la Caisse de retraites des personnels de l'Opéra national de Paris (CROPERA) et de 4,9 millions d'euros pour la Caisse de retraites du personnel de la Comédie Française (CRPCF). Le ratio démographique des deux régimes est comparable. Le régime de la Comédie-Française a un ratio démographique de 0,8 (352 cotisants pour 438 pensionnés), celui de l'Opéra national de Paris un ratio démographique de 0,98 (1 879 cotisants pour 1 915 pensionnés).

Enfin, la mission a intégré depuis la loi de finances initiale 202546(*) le Régime d'allocations viagères des gérants de débit de tabac (RAVGDT). Le budget de l'État porte ainsi les crédits nécessaires au financement de ce régime à hauteur de 71,4 millions d'euros, soit 67 % de ses recettes. Cette évolution s'est faite en application de la mise en oeuvre de la suppression de l'affectation de fiscalité dont bénéficiait le régime, votée en première partie de la loi de finances initiale pour 202547(*), en application de l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)48(*).

La rapporteure spéciale se félicite de cette intégration qui vient à nouveau faciliter la lecture de l'effort consenti par la Nation pour les régimes spéciaux de retraite.

Répartition des crédits du programme 195 par régime subventionné

(en millions d'euros de CP et en 2026)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. LES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

A. L'INFORMATION DU PARLEMENT QUANT AUX SUBVENTIONS D'ÉQUILIBRE DES DIFFÉRENTS RÉGIMES SPÉCIAUX DOIT ÊTRE PRÉSERVÉE

1. Le nouveau schéma de financement des régimes spéciaux fermés adopté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024...

Le nouveau schéma de financement des régimes spéciaux, prévu au 3° de l'article L. 134-3 du code de la sécurité sociale, indique que, depuis le 1er janvier 2025, le régime général est l'équilibreur en dernier ressort d'un grand nombre de régimes spéciaux.

Nommément listés dans le code à l'article précité, ces régimes sont les suivants :

- les régimes spéciaux, comme ceux de la Banque de France, de la SNCF, de la RATP, des clercs de notaires, des industries électriques et gazières, des mines ou encore de la SEITA

- le régime du Conseil économique sociale et environnementale

- certains régimes n'ayant plus aucun cotisant comme celui des chemins de fer d'Afrique du Nord, des régies ferroviaires d'outre-mer, de l'Office de radiodiffusion-télévision française ou encore des chemins de fer franco-éthiopiens

Il avait été possible de craindre, pendant les débats parlementaires qui entouraient cette réforme du schéma de financement, que l'information du Parlement serait réduite. En effet, l'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, adopté en tant qu'article 15 de la LFSS, envisageait à l'origine que la compensation à la CNAV des crédits pour équilibrer les régimes dont elle avait nouvellement la charge devrait passer par une « clé de TVA » à partir de 2025.

Finalement, le 8° de l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale prévoit que l'État compense le régime général au titre du nouveau schéma de financement.

La rapporteure spéciale salue ainsi le maintien de crédits budgétaires pour équilibrer les régimes selon la maquette suivante :

sur le programme 195 : les régimes des mines, des régies ferroviaires d'outremer, de la SEITA, de l'allocation supplémentaires de retraite de l'Office de radiodiffusion-télévision française, chemins de fer franco-éthiopiens ;

sur le programme 198 : les régimes de la SNCF, de la RATP, des chemins de fer d'Afrique du Nord et franco-éthiopiens, des agents des chemins de fer secondaires d'intérêt général, des chemins de fer d'intérêt local et des tramways.

2. ... apporte une simplification bénéfique mais au prix d'une perte de l'information du Parlement

La rapporteure spéciale salue les effets simplificateurs de cette réforme. En effet, à termes, les réserves des régimes fermés devraient se tarir, les cotisations diminuer : ces derniers n'auront alors qu'une ressource issue de la subvention de la CNAV, ce qui apportera une harmonisation des schémas de financement et facilitera le suivi de l'extinction des régimes.

Néanmoins, la subvention versée à la CNAV retracée dans la mission vient faire perdre une partie de l'information qui était auparavant disponible, en regroupant trois composantes de l'ancien schéma de financement :

la compensation au titre de la fermeture, qui correspond aux cotisations perçues par la CNAV du fait de l'affiliation des nouveaux salariés au régime général ;

la compensation généralisée vieillesse qui est un système de péréquation entre les régimes de retraite pour tenir compte des déséquilibres démographiques ;

la subvention budgétaire de l'État qui matérialise l'effort financier de l'État pour soutenir à la fois la part de déséquilibre démographique non compensée par la compensation généralisée et l'existence de règles dérogatoires du régime général au bénéfice de certains assurés.

En fusionnant ces trois composantes en une seule, le nouveau schéma a pour effet de les rendre indiscernables, alors qu'elles répondent pourtant à des logiques distinctes.

À ce titre, la rapporteure spéciale regrette cette perte de la lisibilité et d'information, pour les assurés sociaux et les contribuables, des modalités de financement du déficit des régimes spéciaux de retraite fermés. Néanmoins, elle salue le maintien de la visibilité pour le Parlement de l'effort de l'État en faveur des différents régimes fermés, par le choix des crédits budgétaires plutôt que de la fiscalité transférée.

B. L'ABERRANTE COMPLEXITÉ DU CHANTIER DE LA PORTABILITÉ DES DROITS DU RÉGIME DE LA RATP DANS LE CADRE DE L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE

Le régime de la RATP est fermé depuis le 1er septembre 2023 mais continue de gérer des affiliés qui cotisent selon les règles spécifiques applicables au régime.

La transposition des décalages paramétriques progressifs prévus par la réforme de 2023 en matière d'âge d'ouverture des droits (AOD) et de durée d'assurance requise (DAR) n'a été mise en oeuvre que depuis le 1er janvier 2025 pour ce régime, lui offrant un sursis qui, comme l'a déjà affirmé la rapporteure spéciale l'an dernier, est à la charge de la solidarité nationale.

Cependant, la difficulté la plus grande, remontée lors des auditions menées par la rapporteure spéciale, tient à la mise en oeuvre de la portabilité des droits à la retraite des agents affiliés à la caisse de retraite du personnel de la RATP (CRP RATP) partant travailler dans des entreprises de la concurrence.

Issu des obligations de la loi d'orientation des mobilités (LOM) de 201949(*), l'ouverture à la concurrence des lignes de transports en région parisienne permet à certains agents de quitter la RATP pour des entreprises privées.

Cependant, le « sac à dos social » négocié lors de cette réforme, permet à ces agents de conserver l'intégralité de leurs droits spéciaux, même en n'étant plus employés par la RATP.

Par conséquent, les entreprises qui embaucheront d'anciens agents de la RATP devront composer avec, pour chacune, un niveau de rémunération et un niveau de cotisation qu'il faudra adapter pour s'assurer de la portabilité à l'euro près des droits issus de l'appartenance au régime spécial de la RATP.

Plusieurs difficultés de mise en oeuvre concrètes sont apparues lors des premiers transferts qui ont eu lieu le 1er octobre 2025 : 15 agents ont quitté la RATP pour Île-de-France Mobilités (IDFM) :

- les modalités de calcul des droits à la retraite impliquent de définir une nouvelle assiette et un taux personnalisé pour chacun des agents ;

les informations nécessaires au calcul équivalent à l'euro près à la pension qu'aurait eu un agent RATP s'il était resté dans la maison mère implique de mettre en oeuvre des transferts de données confidentiels, entraînant d'importants coûts informatiques ;

- de même, à partir de janvier 2026, c'est l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui sera chargée de recouvrer les cotisations des agents partis à la concurrence et non plus la CRP RATP, entraînant par-là même un nouveau développement de transfert de données coûteux en termes de logiciels ;

- les modalités de gouvernance de la CRP RATP doivent aussi être revues dans la mesure où des représentants du personnel de chacune des entreprises dans lesquelles des anciens agents de la RATP affiliés au régime devront siéger.

Ces difficultés, déjà prévisibles en amont, ont été constatées avec le départ de seulement 15 agents. Alors que jusqu'à fin 2026, plus de 15 000 agents de la RATP devraient partir vers la concurrence, la rapporteure spéciale questionne le choix qui a été fait de maintenir une portabilité absolue des droits de la RATP vers les entreprises de la concurrence.

La complexité de gestion remontée lors des auditions apparaît disproportionnée et risque d'aller croissante dans les années qui viennent.

C. LE RÉGIME SPÉCIAL DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL DOIT INTÉGRER LA MISSION

Le régime spécial des conseillers du Conseil économique, social et environnemental (CESE) a été fermé à partir du 1er septembre 2023, à la suite de l'adoption de la réforme.

Comme indiqué supra, ce dernier connaît le même nouveau schéma de financement que la plupart des autres régimes spéciaux. Ce schéma, prévu à l'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024, prévoit que les régimes fermés doivent se financer par trois sources qui doivent être mobilisées dans l'ordre suivant :

- d'abord, la mobilisation des cotisations ;

- ensuite, l'utilisation des réserves éventuelles ;

- enfin, la perception d'une dotation d'équilibre versée par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

L'ensemble des régimes fermés de la mission « Régimes sociaux et de retraite » suivent ce schéma de financement, mais la subvention d'équilibre versée par la CNAV est compensée par l'État à la sécurité sociale. Il en résulte que les crédits budgétaires liés à la compensation du déséquilibre des régimes fermés sont retracés dans le budget de l'État.

Or, dans la loi de finances initiale pour 2025, les dépenses du programme 126 de la mission « Contrôle et Conseil de l'État » sont réduites des 8,2 millions d'euros qui permettaient d'équilibrer le régime spécial du CESE.

Dans la maquette budgétaire pour 2026, proposée dans le PLF, cette somme n'est plus retracée dans aucun programme budgétaire et la CNAV n'est donc probablement pas remboursée, à l'heure actuelle, de la subvention d'équilibre qu'elle verse au régime du CESE.

La rapporteure spéciale, au cours de ses auditions, a compris qu'un amendement du gouvernement pourrait être déposé pour intégrer à la mission « Régimes sociaux et de retraite » la subvention versée au régime du CESE. Elle exhorte le gouvernement à aller au bout de cette initiative, afin de permettre une rationalisation de la maquette budgétaire.

À terme, la mission « Régimes sociaux et de retraites » devra inclure l'ensemble des dépenses de l'État permettant d'équilibrer des régimes de retraite.

TROISIÈME PARTIE
LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

I. LES CRÉDITS DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS »

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » FINANCE LES RETRAITES DES AGENTS DE LA FONCTION PUBLIQUE D'ÉTAT

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » a été créé en 2006 en application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 200150(*). Son objet est de concaténer toutes les opérations relatives aux pensions et aux avantages accessoires gérés par l'État. Le CAS « Pensions » retrace à ce titre toutes les opérations de financement, en recettes et en dépenses, des régimes de retraite des fonctionnaires civils de l'État, des militaires et des ouvriers de l'État.

Pour autant, la rapporteure spéciale relève que ces régimes de retraite ne suffisent pas à épuiser la diversité des situations dans lesquelles peuvent se trouver les agents publics pour leur régime de retraite.

En effet, les fonctionnaires de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière sont affiliés à un régime distinct géré par la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) qui devrait verser en 2025 près de 26,2 milliards d'euros de pensions. Les fonctionnaires titulaires des trois versants de la fonction publique sont en parallèle affiliés à un régime additionnel par capitalisation, le régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), financé par des cotisations assises sur la part indemnitaire du traitement, qui verse un montant annuel de pensions, équivalant à 474 millions d'euros en 2024.

Il faut enfin ajouter à cet état des lieux le cas des agents publics non-titulaires, ou contractuels, qui représentaient 22 % de l'emploi public en 2023 et qui sont affiliés, pour la couverture de base, au régime général et, pour la couverture complémentaire, à un régime complémentaire spécifique, l'Institution de retraite complémentaire des agents non-titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), qui a versé en 2024 un montant de pensions de 4,2 milliards d'euros.

Dépenses de retraite pour les fonctionnaires titulaires

(en milliards d'euros prévus pour 2025)

Source : commission des finances, d'après le rapport annexé au projet de loi de finances pour 2025 sur les pensions de retraite de la fonction publique51(*)

Le compte d'affectation spéciale « Pensions » est lui-même subdivisé en trois programmes budgétaires :

le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » qui retrace les recettes et les dépenses des deux principaux régimes de retraite du CAS : le régime de retraite des fonctionnaires civils de l'État et le régime de retraite des militaires ;

le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » qui retrace les recettes et les dépenses du régime des ouvriers de l'État géré par le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et le fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) ;

le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » qui présente la particularité de ne pas avoir de recettes et de retracer les dépenses afférentes à des pensions ou prestations non-contributives.

Répartition par programme des crédits du CAS « Pensions »

(en milliards d'euros de CP prévus pour 2026)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le montant total des crédits demandés pour les trois programmes budgétaires du CAS « Pensions », de 69,327 milliards d'euros en 2026, est en baisse de 0,02 % par rapport à 2025. Cette très légère baisse est essentiellement due à l'hypothèse de gel des pensions sur laquelle a été bâtie la maquette budgétaire.

En additionnant les crédits du CAS « Pensions » et ceux de la mission « Régimes sociaux et de retraite », le montant total des crédits demandés pour 2025 est de 75,3 milliards d'euros.

Les régimes entrant dans le champ du CAS « Pensions » font également l'objet d'un suivi relatif à leur frais de gestion, qui sont globalement stables au regard des prévisions relatives à l'année 2026. Le ratio de frais de gestion particulièrement élevé pour le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) s'explique à la fois par le montant réduit des pensions versées et par le coût important de gestion opérationnelle du fonds.

Frais de gestion des régimes dans le champ du CAS « Pensions »

(en dépenses de gestion en euros pour 100 euros de prestations servies)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. LES DÉPENSES DU PROGRAMME 741, QUI RETRACE LE FINANCEMENT DES RÉGIMES DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES DE L'ÉTAT, AUGMENTENT PEU SOUS L'EFFET DU GEL PRÉVU DES PENSIONS

Le programme 741 recouvre l'essentiel du CAS « Pensions » avec 95 % des crédits du compte. Il finance à la fois la couverture du risque « vieillesse » et le versement des allocations temporaires d'invalidité (ATI) pour les fonctionnaires titulaires de l'État.

Il financerait, en 2026, les catégories de dépenses suivantes :

- le versement des pensions de retraite de la fonction publique d'État à hauteur de 54,7 milliards d'euros pour les pensions civiles et de 11,2 milliards d'euros pour les pensions militaires ;

- le versement des allocations temporaires d'invalidité (ATI) à hauteur de 141 millions d'euros.

Dépenses du programme 741 par catégorie

(en milliards d'euros et en CP pour 2026)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Pour couvrir ces dépenses, le programme 741 est destinataire de plusieurs catégories de recettes publiques :

- en premier lieu, les cotisations « salariales » des fonctionnaires qui seraient de 7,5 milliards d'euros en 2026. Ces cotisations sont calculées sur une assiette restreinte au regard du traitement des agents publics qui correspond au traitement indiciaire brut ainsi que les primes ouvrant droit à pension. Le taux de calcul de la cotisation, qui était fixé à 7,85 % jusqu'en 2010, a été progressivement relevé pour converger vers le taux de cotisation du régime général. Ce taux est fixé depuis 2020 à 11,10 %, ce qui est proche mais non équivalent au taux du régime général qui est de 11,31 %, en tenant compte de la contribution au régime complémentaire obligatoire Agirc-Arrco.

- en deuxième lieu, les contributions de l'État employeur, qui correspondent aux cotisations « patronales » pour les fonctionnaires qui seraient de 38,1 milliards d'euros en 2026. Pour le calcul de la contribution de l'État employeur, il existe deux taux applicables : le taux « civil » fixé à 78,28 % depuis 2025, et le taux « militaire » fixé à 126,07 % depuis 2013. Les prévisions de recettes sont néanmoins réalisées avec un taux civil de 82,28 %, dans la mesure où le gouvernement prévoit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 d'augmenter ce taux de 4 points.

Pour les fonctionnaires de l'État en mobilité dans la fonction publique territoriale ou hospitalière, le taux de contribution de leur employeur est aligné sur celui de la CNRACL, c'est-à-dire 34,65 %. Là aussi, il est prévu en loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 que ce taux augmente de 3 points.

Les contributions de l'État sont prélevées ministère par ministère, ce qui est une façon de retracer les structures administratives où la masse salariale est la plus importante.

Répartition par ministère des contributions de l'État employeur

(en millions d'euros exécutés en 2024)

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ces recettes sont complétées par le transfert à l'État par la CNRACL des cotisations des agents de l'État ayant opté pour le statut de fonctionnaire territorial, pour un montant de 432 millions d'euros prévus en 2026.

Enfin, les allocations temporaires d'invalidité (ATI) font l'objet d'un circuit de financement distinct. En effet, pour couvrir ce risque, le taux de cotisation de l'État employeur est complété par un taux spécifique de couverture de financement des allocations temporaires d'invalidité de 0,32 %. Ce taux est appelé à demeurer stable en 2026. Les recettes associées à la couverture du risque sont estimées à 177 millions d'euros, ce qui permet d'équilibrer les dépenses associées, qui sont évaluées à 141 millions d'euros.

En 2026, les documents budgétaires prévoient que la section du programme 741 au sein du CAS « Pensions » sera excédentaire, pour la première année depuis 2022, à hauteur de 4,2 millions d'euros. Elle devrait redevenir déficitaire dès 2027.

Cet excédent résulte d'un double effet dans la prévision pour 2026 : le gel des pensions de retraites qui stabilise la dépense et la hausse du taux de cotisation employeur qui dynamise les recettes.

Le gouvernement a souhaité que l'année 2026 soit « année blanche » pour la revalorisation des pensions. Ainsi, les dépenses du CAS dans la section du programme 741 sont-elles stables par rapport à 2025.

En revanche, la mesure d'augmentation du taux de cotisation pour les fonctionnaires civils de 4 points dès 2026, pour atteindre un taux employeur de 82,28 %, a pour effet d'accroître les recettes du CAS.

L'année 2026 serait alors presque à l'équilibre, alors que le déficit de la section du programme 741 était de 1,1 milliard d'euros en 2023, puis de 3,5 milliards d'euros en 2024 et de 1,1 milliard d'euros en 2025.

Le retour des déficits dès 2027, qui devraient ensuite se creuser pour atteindre 290 millions d'euros en 2028, est l'enjeu principal de la gestion du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

C. LES DÉPENSES RELATIVES AU RÉGIME DES OUVRIERS DE L'ÉTAT ET AUX PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ, RESPECTIVEMENT RETRACÉS DANS LES PROGRAMMES 742 ET 743, SONT EN BAISSE

1. Le coût de la retraite des ouvriers des établissements industriels de l'État est en diminution nette

Le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » retrace le soutien public au régime de sécurité sociale des ouvriers de l'État, à travers, d'une part, le financement des prestations vieillesse et invalidité versées par le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et, d'autre part, le financement des rentes d'accidents du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM).

Les RATOCEM sont intégralement financées par le versement d'une subvention budgétaire du ministère des armées. Pour 2026, les dépenses associées au RATOCEM sont estimées à 53 millions d'euros, un montant en baisse de 6,3 % par rapport à 2025.

La couverture des risques « vieillesse » et « invalidité » pour les ouvriers de l'État est assurée par le FSPOEIE. Institué par la loi du 21 mars 1928, ce fonds est géré depuis sa création par la Caisse des dépôts et consignations.

Les dépenses du FSPOEIE devraient légèrement diminuer en 2026, étant donnés la réduction du nombre de pensionnés et le gel des pensions prévus. Les dépenses estimées pour 2026 atteignent 2,08 milliards d'euros, soit une quasi-stabilité par rapport à 2025 où elles s'élevaient à 2,11 milliards d'euros.

En face de ces dépenses, le FSPOEIE dispose de plusieurs grandes catégories de recettes :

- des cotisations « salariales » versées par les ouvriers de l'État selon un taux identique à celui des fonctionnaires titulaires, pour un montant de 65,3 millions d'euros en 2026 ;

- des cotisations « patronales » versées par les ministères qui emploient des ouvriers de l'État, selon un taux spécifique fixé à 35,01 % : ces cotisations atteignent en 2026 210,3 millions d'euros ;

- un versement au titre de la compensation généralisée vieillesse52(*) de 108 millions d'euros en 2026 ;

- des produits financiers et techniques pour 12,6 millions d'euros en 2026 ;

- une subvention d'équilibre versée par l'État, qui est répartie entre neuf programmes du budget général et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » au prorata des effectifs de pensionnés pour chaque programme. Cette subvention, d'un montant de 1,722 milliard d'euros en 2026, représenterait 81 % des recettes du FSPOEIE.

L'importance de la subvention d'équilibre s'explique en premier lieu par le fait que le régime supporte un ratio démographique dégradé de 0,27, avec 17 144 cotisants pour 92 041 pensionnés au 31 décembre 2023.

Répartition des recettes du FSPOEIE par catégorie

(en millions d'euros et en 2026)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

2. Les dépenses des autres programmes de la mission tendent à baisser nettement, en lien avec le nombre décroissant de pensionnés

Le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » finance plusieurs dispositifs de pensions et allocations non-contributives, c'est-à-dire intégralement pris en charge par la solidarité nationale.

À ce titre, à la différence des autres programmes du CAS « Pensions », le programme 743 n'est pas affectataire de ressources propres extrabudgétaires. L'intégralité des actions du programme sont financées par diverses subventions versées depuis d'autres programmes budgétaires.

Les deux principaux dispositifs retracés dans le programme concernent le financement de l'allocation de reconnaissance du combattant, d'une part, et le financement des pensions militaires d'invalidité, d'autre part. Ces deux dispositifs représentent 93,4 % des crédits du programme.

L'action 1, qui porte l'allocation de reconnaissance du combattant, est versée aux titulaires de la carte du combattant âgés de plus de 65 ans, représente un coût estimé à 465 millions d'euros en 2026, contre 505 millions d'euros en 2025. Cette baisse est portée principalement par la décroissance des effectifs. L'action 2, qui retrace principalement les pensions accordées à des militaires victimes d'accidents imputables au service ou à des faits de guerre, est dotée de 617 millions d'euros en 2026, en baisse de 7,2 % en un an du fait de la réduction du nombre de bénéficiaires. Cette diminution est accentuée par le fait que les titulaires les plus âgés sont souvent ceux souffrant le plus de pathologies lourdes et donc sont les bénéficiaires des pensions les plus élevées.

Répartition par action des dépenses du programme 743

(en millions d'euros et en CP pour 2026)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les autres actions du programme, qui représentent 7,5 % de ses crédits, permettent de financer les allocations non-contributives suivantes :

- pensions du régime concordataire pour les ministres des cultes en Alsace-Moselle ;

- allocations de reconnaissance pour les anciens membres des formations supplétives en Algérie ;

- pensions des anciens agents du chemin de fer franco-éthiopien ;

- pensions des sapeurs-pompiers victimes d'accident ;

- pensions de l'ORTF.

II. LES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

A. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » RENOUE AVEC LES EXCÉDENTS DU FAIT DE LA HAUSSE DE COTISATION EMPLOYEURS ET DE LA SOUS-INDEXATION DES PENSIONS PRÉVUE

Le CAS « Pensions » est soumis comme l'ensemble des comptes d'affectation spéciale à une règle d'équilibre cumulé en application de laquelle « le total des dépenses engagées ou ordonnancées au titre d'un compte d'affectation spéciale ne peut excéder le total des recettes constatées »53(*).

Cet équilibre ne s'apprécie pas à l'échelle d'un exercice budgétaire mais à l'échelle de l'ensemble des recettes et des dépenses retracées dans le CAS depuis sa création. Lorsque le solde cumulé est positif du fait des excédents accumulés lors des exercices précédents, le solde annuel peut être ponctuellement négatif. À titre d'illustration, le solde annuel prévu pour la CAS « Pensions » par le projet de loi de finances 2025 est de - 1,1 milliard d'euros.

La rapporteure spéciale souligne que la mesure du solde cumulé n'équivaut en aucun cas à une immobilisation financière assimilable à des réserves pour le régime, dès lors que, pour chaque exercice budgétaire, l'excédent ou le déficit du CAS a seulement pour effet de réduire ou d'augmenter le besoin de financement de l'État constaté par l'article d'équilibre de la loi de finances. Par conséquent, même lorsque le solde cumulé a été positif, il n'a pas été possible de mettre en réserve ces excédents pour préparer des années plus difficiles.

Le CAS « Pensions » a été doté lors de sa création d'un montant de 1 milliard d'euros de solde cumulé initial. Ce solde cumulé a progressivement cru du fait d'excédents annuels, jusqu'à atteindre un maximum en 2021, avec 9,5 milliards d'euros.

Le CAS a ensuite connu un déficit annuel chronique qui n'a eu de cesse de s'aggraver : 400 millions d'euros en 2021, 600 millions d'euros en 2022, 1,1 milliard d'euros en 2023, 3,2 milliards d'euros en 2024. En 2025, le taux de contribution employeur, stable depuis 2014, avait été relevé de quatre points pour permettre de rester en accord avec les obligations organiques.

Cependant, le coût des retraites et la baisse démographique du régime de la fonction publique d'État obligent, en 2026, à rehausser de nouveau ce taux à hauteur de 4 points de pourcentage.

La rapporteure spéciale indique que cette décision du gouvernement ne doit se lire que comme une nécessité comptable pour assurer le maintien d'un solde cumulé positif.

Si l'évolution du taux de cotisation permet de revenir à un solde positif en 2026, les projections indiquent néanmoins que, dès 2027 et sans mesure nouvelle, les déficits devraient redevenir la norme et que ces derniers devraient s'aggraver dans le temps.

Trajectoire prévisionnelle du solde cumulé du CAS « Pensions » jusqu'en 2028

(en milliards d'euros)

Note : la prévision repose sur une hypothèse de stabilité du taux de contribution de l'État employeur en 2027 et 2028.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires de 2025

La rapporteure remarque l'efficacité du gel des pensions, prévu en 2026, pour limiter les dépenses de retraite. Elle salue ainsi la volonté affichée par le gouvernement de sous-indexer de 0,4 point les pensions vieillesse en 2027 et 2028. Cet effort pourrait permettre de limiter l'effet induit par une suspension de la réforme de 2023.

En revanche, la rapporteure spéciale regrette que le pilotage du CAS soit changeant d'une année sur l'autre. Le déficit pour l'année 2024 était prévu à 2,7 milliards d'euros en début d'exercice et a finalement atteint 3,5 milliards d'euros. Cette difficulté d'anticipation n'est pas sans implication sur le budget des ministères. En effet, les évolutions du taux de cotisation, lorsqu'elles sont répétées, viennent mécaniquement peser sur leurs enveloppes.

Dès lors, il est souhaitable de privilégier des hausses espacées et non chaque année, afin de permettre aux administrations de construire des trajectoires pluriannuelles de dépenses dans des hypothèses stables. Cela est d'autant plus nécessaire que la contrainte est forte sur les dépenses de titre 2 et qu'une augmentation des cotisations peut empêcher le déroulement de processus de recrutements.

B. AFIN D'ASSURER UNE MEILLEURE QUALITÉ DU DÉBAT PUBLIC SUR LES RETRAITES DES FONCTIONNAIRES, UN QUESTIONNEMENT DE LA NORME COMPTABLE DU CAS « PENSIONS » EST POSSIBLE

Au cours de l'année 2025, plusieurs voix ont indiqué que le régime de retraite, et notamment celui des fonctionnaires, connaissait un déficit plus important que celui habituellement annoncé. Le Premier ministre François Bayrou, lors de sa déclaration de politique générale le 14 janvier 2025, avait évoqué « 55 milliards d'euros » de déséquilibre, bien au-delà du chiffrage qui faisait alors référence.

Le régime de la fonction publique d'État, avec ses taux employeurs démesurés si on les compare à ceux pratiqués dans le régime général, peut ainsi sembler particulièrement subventionné.

La rapporteure spéciale souhaite rappeler que ces valeurs des taux employeurs constituent avant tout une norme comptable et qu'elles ne traduisent en rien que les retraites publiques sont particulièrement mieux loties que celles du privé.

La note récente de l'Institut des politiques publiques54(*) vient d'ailleurs judicieusement questionner cette norme comptable. En effet, les auteurs y proposent une nouvelle comptabilisation de l'origine des ressources du CAS « Pensions » : au lieu de venir pour une grande majorité d'une contribution d'équilibre de l'État, qui n'a de « cotisation employeur » que le nom au vu de la valeur irréaliste du taux, elles seraient séparées en plusieurs origines qui expliciteraient certains mécanismes ou objectifs du régime. Ainsi :

une première partie des recettes modéliserait la prise en charge par l'État des déséquilibres démographiques. Comme le montrait la première partie du rapport, ce déséquilibre aujourd'hui défavorable au régime de la fonction publique d'État n'est pas compensé ;

- un deuxième étage consisterait à isoler les prestations qui relèvent de la solidarité nationale, par exemple celles qui concernent les spécificités liées à la pénibilité ou à la dangerosité de certains métiers de la fonction publique d'État55(*) ;

- un troisième type de ressources serait constitué des cotisations salariales. Ce dernier ne bougerait pas ;

- la dernière subvention constituerait ce que les auteurs appellent les « cotisations d'équilibre employeur », avec un taux de cotisation qui permettrait de maintenir un équilibre du régime.

En travaillant cette méthode, les auteurs parviennent à un taux employeur pour l'État qui atteint 34,7 %, proche de celui de la CNRACL et déjà plus facilement présentable dans le débat public.

Évolution des ressources du compte du régime de retraite des fonctionnaires d'État en 2020 proposé par l'IPP

(en milliards d'euros)

Note : les totaux ne sont pas équivalents car l'étude de l'IPP retraite aussi les charges lors de la « correction », ce qui entraîne une légère différence dans le total comptabilisé pour les retraites des fonctionnaires d'État.

Source : commission des finances, d'après la note de l'IPP précitée

La rapporteure spéciale considère que les travaux ainsi faits peuvent rendre plus claire la présentation des ressources dont bénéficie le régime des fonctionnaires de l'État, en séparant :

- celles qui relèvent des contributions de l'État en tant qu'employeur ;

- celles qui relèvent de la solidarité nationale ;

- celle qui sont liées à la démographie du régime.

Néanmoins, la définition de ces nouvelles manières de comptabiliser la provenance de la ressource est d'une grande complexité, ce qui demande de la prudence.

Enfin, la rapporteure rappelle que ces évolutions potentielles ne doivent pas détourner de l'enjeu : la question de l'équilibrage se joue au niveau de l'ensemble du système de retraites et du solde budgétaire.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 21 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale, sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport spécial sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ». - Le sujet des retraites revient sur le devant de la scène. La présentation des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et ceux du compte d'affectation spéciale « Pensions » s'inscrit en effet dans le contexte d'une potentielle suspension de la réforme de 2023.

Pour l'année 2026, les crédits demandés pour abonder le CAS « Pensions » et la mission « Régimes sociaux et de retraite » atteignent 75,3 milliards d'euros. Il s'agit d'une stabilisation des dépenses par rapport à l'année 2025. Elle est liée à la prise d'une décision forte du Gouvernement : geler le montant des pensions en 2026.

Cette décision est nécessaire pour limiter l'effet que pourrait avoir la suspension de la réforme de 2023 sur le système de retraite. En effet, selon le Premier ministre, le coût de la suspension serait de 400 millions d'euros en 2026 et de 1,8 milliard d'euros en 2027.

Or, il faut ajouter ces coûts supplémentaires aux déficits déjà prévus : le système de retraite enregistrerait ainsi un besoin de financement de 5,3 milliards d'euros en 2026 et de 6,8 milliards d'euros en 2027.

De plus, l'effet sur le solde des finances publiques serait encore plus important parce que, comme je l'avais montré l'an dernier dans mon rapport de contrôle sur le taux d'emploi des seniors, la réduction ou la stagnation de l'emploi des plus âgés limite les recettes fiscales et les cotisations sociales qui auraient été induites par leur travail.

Entre la perte de cotisations pour les autres branches de la sécurité sociale et les moindres recettes fiscales, la facture totale d'une suspension de la réforme de 2023 s'élèvera plutôt autour de 3 milliards d'euros.

Quelles pistes pour imaginer combler ce gouffre ?

Doit-on envisager une hausse des cotisations ? À titre indicatif, un point de contribution sociale généralisée (CSG) représente 17,5 milliards d'euros de recettes et il est payé par tous, actifs, retraités, placements financiers et produits des jeux. Un point de cotisation vieillesse représente 6,2 milliards d'euros pour la vieillesse plafonnée, et 7,3 milliards d'euros pour la vieillesse déplafonnée.

Une autre piste pourrait être l'amélioration du taux d'emploi de nos seniors. Comme énoncé dans mon dernier rapport, si les quelque 589 000 personnes qui ne sont ni en emploi ni en retraite et qui sont en bonne santé et pas au chômage travaillaient, elles apporteraient un gain net de 5,8 milliards d'euros pour les finances publiques.

Concernant le gel des pensions, il se fonde sur un niveau de vie des retraités avec loyers imputés nets des intérêts d'emprunt supérieur de 4,8 % à celui de l'ensemble de la population. Il devrait permettre des économies à hauteur de 600 millions d'euros sur le CAS « Pensions » et de 84 millions d'euros sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » en 2026.

Je rappelle qu'il est nécessaire de conserver les mesures d'accompagnement de la réforme de 2023. Elles constituent une avancée forte pour les plus petites retraites et pour les pensions des femmes, car la réforme a eu un effet redistributif important.

Concernant l'abattement de 10 % sur le revenu, remplacé dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 par un abattement forfaitaire de 2 000 euros applicable aux pensions de retraite perçues par chaque membre du foyer fiscal tout en préservant un abattement spécifique pour les contribuables invalides, c'est une mesure qui pourrait faire économiser 600 millions d'euros. Cet abattement demeurerait la troisième niche fiscale de France représentant in fine un coût de 4,7 milliards d'euros en 2026, derrière le crédit d'impôt recherche (CIR) à 8 milliards d'euros et le crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile à 7,2 milliards d'euros.

En ce qui concerne la mission « Régime sociaux et de retraite », en 2026, les crédits proposés atteindraient 6 milliards d'euros et sont fléchés à près de 70 % vers les régimes de retraite spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP.

Les crédits demandés régressent légèrement, au vu du gel des pensions proposé par le Gouvernement.

Je tiens à attirer votre attention, en premier lieu, sur les difficultés que connaît la caisse de retraite de la RATP dans la mise en oeuvre de l'ouverture à la concurrence des activités de transport.

En octobre dernier, les quinze premiers agents ont effectué leur transfert vers certaines entreprises privées, emportant avec eux leur « sac à dos social ». En d'autres termes, ces agents bénéficient d'une portabilité intégrale de leurs droits à la retraite, malgré leur départ de la RATP vers des entreprises de la concurrence.

Plusieurs difficultés ont été mises en évidence : certaines informations nécessaires au calcul des pensions RATP n'entrent pas dans la déclaration sociale nominative (DSN), ce qui implique des coûts importants pour trouver une solution informatique qui permette de partager ces informations. En outre, l'assiette sur laquelle est assis le calcul des cotisations sociales diffère entre la RATP et les autres entreprises : il faut donc reconstituer un taux personnalisé pour presque chaque agent.

Alors que ces chantiers ont posé des difficultés pour quinze agents, je tiens à signaler que les 15 000 départs anticipés d'ici à la fin de 2026 pourraient constituer un vrai noeud de complexité et engendrer de forts surcoûts de gestion.

En deuxième lieu, je tiens à rappeler la mise en place d'un nouveau schéma de financement qui concerne les régimes spéciaux fermés. Depuis le 1er janvier 2025, ce n'est plus l'État, mais la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) qui est chargée en dernier ressort d'équilibrer ces régimes.

Cela est d'autant plus important que le nouveau schéma intègre en un versement unique les trois composantes de l'ancien schéma de financement : la compensation au titre de la fermeture ; la compensation généralisée vieillesse, qui est le système de péréquation inter régimes pour tenir compte des déséquilibres démographiques ; et la subvention budgétaire d'équilibre de l'État. Une telle agglomération risque d'avoir pour effet une perte de visibilité sur une part d'information.

En troisième lieu, je tiens à saluer l'évolution de la maquette budgétaire : après l'inclusion des régimes de la Comédie française et de l'Opéra de Paris ainsi que celui des gérants de tabac en 2025, celui du Conseil économique, social et environnemental (Cese) pourrait faire son apparition dans la mission.

Fermé le 1er septembre 2023 et soumis au nouveau schéma de financement, ce régime nécessite une subvention d'équilibre d'environ 8 millions d'euros. À ce jour, elle n'est plus retracée dans le programme 126 de la mission « Contrôle et conseil de l'État », comme elle l'était avant le nouveau schéma de financement, ni dans la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Par conséquent, le budget de l'État ne comptabilise pas cette subvention.

La direction du budget m'a indiqué qu'un amendement devrait être déposé pour intégrer cette subvention au programme 195 : j'exhorte donc le Gouvernement à déposer cet amendement grâce auquel le budget retracera l'ensemble des subventions versées aux régimes de retraite équilibrés par l'État.

Je déplore, pour finir, l'absence de chiffrage à ce jour du coût pour ma mission, c'est-à-dire pour l'État, de la potentielle suspension de la réforme de 2023. La direction du budget semble n'avoir pas encore réussi, malgré une semaine de travail, à acter ce résultat, à moins qu'elle n'ait pas souhaité nous le transmettre à ce stade.

Concernant les crédits proposés pour le CAS « Pensions », ils s'élèvent à 69,3 milliards d'euros pour 2026.

Là encore, à ce jour, le chiffrage du coût pour le CAS d'une suspension de la réforme de 2023 n'est pas connu.

Le CAS « Pensions » a connu en 2025 un solde déficitaire de 2,5 milliards d'euros, lié à la hausse des pensions de 2,2 % en janvier 2025.

En effet, l'adoption de la loi spéciale au lieu d'un budget « normal » a privé le législateur de la possibilité de limiter la hausse des pensions, comme cela était pourtant prévu. Cette situation a provoqué un surcoût pour la branche vieillesse de 3,2 milliards d'euros et de près de 1 milliard d'euros pour le budget de l'État.

Or, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), qui a créé le CAS, dispose que le solde cumulé du CAS « Pensions » doit nécessairement être équilibré à tout moment, ce qui ne peut être le cas lorsque les déficits annuels sont répétitivement négatifs.

Le Gouvernement a par conséquent proposé une nouvelle hausse de quatre points du taux de contribution de l'État employeur, qui passera au 1er janvier 2026 à 82,28 %. Cette évolution est historique, mais ne constitue pas une surprise : il s'agit du levier comptable par lequel l'État peut équilibrer le système de retraite de ses fonctionnaires.

Cette évolution s'impute directement sur les budgets de chacun des ministères. Ils sont majorés cette année de la valeur de l'augmentation du taux employeur pour toute la masse salariale des fonctionnaires titulaires de l'État.

La hausse du taux employeur concernera aussi la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) dont le taux passera à 37,65 %.

Les deux régimes publics des fonctionnaires de l'État et des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers sont parfois pointés du doigt comme de mauvais élèves dans le paysage du système des retraites. Mais leur taux employeur absorbe le déséquilibre démographique, ce qui n'est pas le cas d'autres régimes.

En effet, aujourd'hui, le débat sur les retraites peine à être serein, car les régimes sont très divers et qu'il n'est pas possible de les comparer. La compensation générale vieillesse, qui est censée lisser les différences démographiques entre régimes, est largement en deçà de la réalité.

Comme l'indique une récente note de l'Institut des politiques publiques (IPP), le régime général est en réalité implicitement subventionné par le régime de la fonction publique d'État, du fait d'une compensation démographique inadéquate. Cette même note invite à distinguer les ressources dont bénéficie le CAS « Pensions », en séparant celles qui relèvent des contributions de l'État en tant qu'employeur, celles qui relèvent de la solidarité nationale et celles qui sont liées à la démographie du régime. J'ajoute qu'une fraction de CSG payée par tous les fonctionnaires pourrait d'ailleurs être fléchée vers le CAS afin de l'alimenter et d'éviter une hausse de la subvention d'équilibre.

La question unique qui doit nous préoccuper, faute d'avoir mis en oeuvre à ce jour un régime de retraite universel, est celle de la part des ressources publiques qui sont consacrées aux dépenses de retraite et de la façon dont nous provisionnons pour surmonter les chocs économiques et démographiques.

Je finirai donc en rappelant l'importance de sanctuariser et d'abonder le fonds de réserve pour les retraites (FRR), qui doit retrouver sa mission originelle de stabilisation du système de retraite face aux générations surnuméraires. Notre système par répartition est le meilleur qui soit, car il est insensible aux chocs financiers - le principal écueil de la capitalisation -, mais sous réserve de provisionner les écarts démographiques. Le FRR doit cesser d'être ponctionné par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui rembourse essentiellement des dépenses de maladie. Que chaque branche étudie les moyens de son propre équilibre ! Cessons de vider le FRR au profit du déficit maladie pour ensuite s'étonner du déficit retraite ! Je plaide également pour une mise à plat des financements des différents régimes en simplifiant les transferts qui les rendent illisibles.

Dans l'espoir que se tiendra la conférence sur les retraites annoncée par le Premier ministre et compte tenu des déficits auxquels nous devons faire face, je vous propose d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ».

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Régimes sociaux et de retraite ». - Traditionnellement, à cette époque, la commission des affaires sociales n'est pas très avancée dans ses travaux relatifs au projet de loi de finances, car le projet de loi de financement de la sécurité sociale occupe beaucoup les esprits. La suspension de la réforme des retraites par lettre rectificative que le Premier ministre vient d'annoncer aura incontestablement un impact budgétaire important sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et sur le compte d'affectation spéciale « Pensions » que nous examinons aujourd'hui.

Comme vous le savez, le compte d'affectation spéciale « Pensions » permet d'isoler depuis 2006 la comptabilité du système de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État. Son solde cumulé doit nécessairement être équilibré, ce qui est jusqu'alors facialement acquis en augmentant le taux de contribution employeur.

Mme Vermeillet et moi-même appelons depuis plusieurs années à une transparence accrue de cette comptabilité afin que le contribuable puisse être réellement informé du montant des subventions d'équilibre versées par l'État. Cette année, l'Institut des politiques publiques s'est attelé à ce calcul et a estimé que le déséquilibre démographique du régime coûtait 18 milliards d'euros, ce qui représente près de 44 % de la contribution employeur de l'État. Or, comme le relève la Cour des comptes, le mécanisme actuel de compensation démographique est insuffisant à compenser les écarts démographiques entre les régimes : en 2021, le régime de retraite des fonctionnaires d'État a perçu 0,5 milliard d'euros alors qu'un calcul plus réaliste aurait dû lui allouer 11 milliards d'euros.

L'Institut des politiques publiques relève également que le régime de retraite des fonctionnaires de l'État finance des avantages de retraite anticipée propres aux métiers régaliens - policiers, surveillants pénitentiaires, militaires, etc. - alors que ces dépenses devraient relever des ministères qui emploient ces personnels. Les avantages familiaux comme la majoration de durée d'assurance pour enfants sont financés dans le régime général par la branche famille, et les pensions d'invalidité, par la branche maladie. Ainsi, si l'on corrige la comptabilité du CAS « Pensions » sur le modèle d'autres régimes, pour isoler les seules dépenses de pensions, la contribution d'équilibre justifierait un taux de contribution employeur de 34, 7 %, bien loin des 78,28 % qui s'appliquent aux personnels civils et des 126 % qui s'appliquent aux personnels militaires. Si l'on recalcule le coût réel des fonctionnaires de l'État avec ce taux corrigé de contribution employeur de 34,7 %, le budget consacré à l'enseignement scolaire serait en 2023 de 70,7 milliards d'euros et non plus de 81,3 milliards d'euros.

En conclusion, il me semble urgent de revoir la comptabilité du CAS « Pensions » afin de mettre un terme aux débats qui alimentent l'idée d'un déficit caché du budget de l'État.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Notre rapporteure spéciale Sylvie Vermeillet mène un combat permanent, pied à pied, contre un dispositif qui devient de plus en plus illisible.

Notre collègue a rappelé, à juste titre, l'injuste ponction sur le FRR, qui est détourné de son objet, selon une logique très éloignée du sujet des retraites, de sorte que cela provoque le mécontentement des cotisants, employeurs et employés.

À force de procéder ainsi, le système devient illisible et incompréhensible. Et chacun continue d'exprimer son avis, de manière construite et solide, sur un sujet qui n'est absolument pas maîtrisé.

Mon appréciation diffère sensiblement de celui de la rapporteure spéciale sur un point précis et j'aimerais savoir ce qui la conduit à dire que le système par répartition est le meilleur système. Certes, j'en conviens, c'est le meilleur système, mais seulement à l'exclusion d'autres, de mon point de vue.

Ainsi, la retraite additionnelle de la fonction publique est une petite garantie sur les primes qui ne sont pas éligibles aux cotisations de retraite. Depuis sa création, son rendement est supérieur à celui du revenu indexé, y compris celui du régime Agirc-Arrco ou de la sécurité sociale.

Ceux qui sont aujourd'hui à la retraite ont cotisé toute leur vie pour les retraités de l'époque - ce n'est pas un capital qu'ils ont accumulé - et comptent à leur tour sur celles et ceux qui continuent de travailler, ce qui pose le problème du déficit démographique, comme nous le savons. Cette situation et l'exemple que je viens de citer ne devraient-ils pas nous engager à ouvrir une réflexion sur les perspectives d'avenir de notre système de retraite ?

Pour que les différentes générations s'approprient et acceptent ce système, y compris les plus jeunes, qui semblent de plus en plus s'en désintéresser, il faut rappeler clairement que la retraite est un salaire différé qui doit permettre d'avoir un niveau de revenu proche de celui que l'on touchait au moment de la cessation d'activité - c'est la question du fameux niveau du revenu de remplacement.

M. Marc Laménie. - La rapporteure spéciale a évoqué les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP. Quel est leur impact sur les finances publiques et comment sont-ils répartis ? En effet, le budget de la sécurité sociale est considérable, représentant quelque 650 milliards d'euros pour l'ensemble des branches, et le budget de l'État est également très important. Techniquement, comment se fait la répartition concernant les régimes spéciaux ?

Enfin, les élus locaux sont souvent interrogés sur le déficit de la CNRACL. Le Gouvernement a prévu une augmentation du taux de cotisation employeur de trois points. Quelles sont les perspectives pour cette caisse ?

M. Michel Canévet. - Notre rapporteur a évoqué la ponction de 1,45 milliard d'euros opérée sur le FRR. Celle-ci ne me semble pas légitime. Ce fonds de réserve a pour vocation de nous permettre de faire face aux engagements futurs en ce qui concerne le règlement des retraites.

Je déplore la suspension de la réforme des retraites. Quelles seront ses conséquences ? Nous devons nous attendre à une augmentation des cotisations à la charge des employeurs ou à une baisse des pensions pour les bénéficiaires.

M. Vincent Éblé. - Nous sommes évidemment d'accord avec notre rapporteure spéciale lorsqu'elle écrit, en conclusion de sa note de synthèse qui accompagne son rapport, que « tout solde partiel au sein de l'ensemble des finances publiques n'est que le résultat d'une décision sur l'affectation des ressources publiques. La question de fond, pour le système de retraites, est la part de la ressource nationale allouée au financement de ces pensions. »

Cette conclusion ouvre des pistes de réflexion, qui méritent d'être examinées plus en détail. Il est évident que la question est celle des moyens que l'on consacre à notre système de retraite.

Nous ne voterons pas les crédits de cette mission, dans la mesure où ils s'accompagnent d'un gel des pensions, une mesure qui pénalisera avant tout les Françaises et les Français de condition modeste. Nous pensons que d'autres ressources peuvent être allouées au financement des pensions, mais encore faut-il avoir la volonté politique d'aller les chercher là où elles se trouvent !

Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale. - Pascale Gruny a bien mis en évidence la complexité et le manque de lisibilité de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ». Nous souhaitons tous des clarifications. Évitons en tout cas les mauvais procès en ce qui concerne le montant des cotisations employeur. En effet, si l'on corrige la comptabilité du CAS « Pensions » sur le modèle d'autres régimes, pour isoler les seules dépenses de pensions, le taux de cotisation employeur de l'État, nécessaire pour verser la contribution d'équilibre de l'État pour faire face au déséquilibre démographique, ne s'élève qu'à 34,7 %.

Monsieur le rapporteur général, je suis d'accord avec vous : le détournement du fonds de réserve des retraites est incompréhensible. Si le FRR avait été doté de 150 milliards d'euros d'actifs, comme cela avait été prévu lors de sa création en 2001, nous aurions sans doute pu éviter d'avoir à réformer les retraites en 2023. Je déplore que, depuis 2010, la mission de ce fonds ait évolué, puisqu'il s'est vu confier la mission de participer au remboursement des dettes de la Cades, qui relèvent de l'assurance maladie.

En 2011, l'encours du FRR atteignait près de 40 milliards d'euros d'actifs, qui rapportaient plus de 10 % par an. Il était donc très bien géré. Ces intérêts ont longtemps permis de financer le prélèvement annuel de la Cades de 2,1 milliards d'euros, puis de 1,45 milliard depuis l'année dernière. Il est toutefois dommage d'avoir utilisé ces sommes pour financer un déficit de l'assurance maladie, car telle n'est pas la vocation du FRR. On aurait dû les conserver pour constituer des réserves, afin de pouvoir faire face aux engagements futurs en ce qui concerne les pensions. Depuis la crise du covid, l'encours du FRR n'est plus que de 20 milliards.

Chacun réclame des clarifications du système. Peut-être conviendrait-il, avant de faire une réforme des retraites, de commencer par une réforme de l'assurance maladie. On ponctionne le FRR chaque année de 2,1 milliards d'euros : ce n'est pas rien et cet argent manque aux retraites. Inutile dès lors de s'étonner qu'il faille sans cesse faire une réforme des retraites. L'argent prévu pour les retraites doit aller aux retraites !

Par ailleurs, je ne souhaite pas opposer les régimes par répartition et par capitalisation. La capitalisation me semble nécessaire, mais en complément de la répartition. Qu'est-ce, d'ailleurs, que le FRR, sinon une forme de capitalisation ?

Le système par répartition me semble meilleur, parce qu'il est presque insensible aux chocs financiers. Quand la France a voulu se doter, en 1910, d'un premier système de retraite, elle a choisi la capitalisation, mais celui-ci a périclité à cause de la crise financière engendrée par la Première Guerre mondiale. Un second système par capitalisation a vu le jour dans l'entre-deux-guerres, mais il n'a pas survécu à la crise de 1929. Peut-on donc être certain qu'un système par capitalisation nous mettrait à l'abri de tout choc financier ? Je ne le pense pas.

En revanche, le système par répartition est très solide, puisque ce sont les cotisations actuelles qui payent les pensions d'aujourd'hui. Il s'agit donc d'une source de financement pérenne et immédiate. Toutefois, dans la durée, le système ne fonctionne que si l'on provisionne le surplus de cotisations perçu lorsque le nombre des actifs excède largement le nombre des retraités, en prévision du moment où cette génération sera à la retraite. C'était la vocation du FRR. Il faut anticiper les évolutions démographiques. Par exemple, on recrute actuellement beaucoup de policiers. Tant mieux ! Cela signifie aussi qu'ils versent plus de cotisations. Il convient de les provisionner pour financer les futures pensions lorsque cette cohorte arrivera à l'âge de la retraite.

Le fonds de réserve des retraites a un très bon rendement, mais les intérêts perçus servent aujourd'hui à financer les déficits de l'assurance maladie. Il conviendrait plutôt que chaque branche soit en équilibre.

Il me semble difficile de passer brusquement d'un régime par répartition à un système de capitalisation. En effet, les gens ne pourront pas à la fois acquitter les cotisations existantes, qui servent à payer les pensions actuelles, et épargner au titre de leur propre retraite par capitalisation. Une période de transition sera nécessaire. En attendant que le régime par capitalisation soit pleinement opérationnel, nous serons confrontés à un problème de financement pour verser les pensions actuelles.

Monsieur Laménie, la mission « Régimes sociaux et de retraite » continue de verser 6 milliards d'euros de subventions d'équilibre aux régimes spéciaux. Celles-ci sont dirigées à hauteur de 70 % vers les régimes spéciaux des agents de la SNCF et de la RATP, mais la mission alimente aussi les régimes spéciaux des marins, des mines, de l'Opéra de Paris, du Cese, des gérants de tabac, etc.

Le taux des cotisations employeur de la CNRACL doit augmenter, pour compenser l'évolution démographique. Le procès fait à cette caisse est injuste. Elle a versé 80 milliards au titre de la compensation démographique depuis 1974, mais elle ne bénéficie pas aujourd'hui de ces sommes alors qu'elle est en déficit. La CNRACL a également contribué aux compensations de CSG, mais elle n'a jamais rien reçu en retour. Une remise à plat du système est donc indispensable. En attendant, une augmentation du taux des cotisations employeur est aujourd'hui nécessaire.

M. Canévet souhaite que l'on cesse de ponctionner le FRR. Je ne demande pas mieux !

Vous m'avez interrogée sur les conséquences de la suspension de la réforme des retraites. Faut-il s'attendre à une hausse des cotisations employeur ? J'ai fourni, dans mon rapport, des éléments de réflexion. Une hausse d'un point de la CSG rapporterait 17,5 milliards d'euros. J'ai également évoqué la hausse des cotisations vieillesse. Un gel des pensions est prévu cette année. Celui-ci me semble acceptable, car il intervient après une série d'années où les pensions ont augmenté, à tel point que le niveau de vie des retraités est supérieur de 4,8 % à celui des actifs. Je rappelle aussi que la loi spéciale de l'année dernière a augmenté les retraites de 2,2 % en janvier, alors que la hausse initialement prévue dans le projet de loi de finances n'était que de 1,8 % en juillet, soit moins de 1 % en année pleine. Le gel des pensions me semble ainsi acceptable ; c'est en quelque sorte un juste retour des choses.

Enfin, il existe une autre piste, celle qui consiste à améliorer le taux d'emploi des seniors. L'effet net sur les finances publiques d'un retour à l'emploi des 589 000 seniors en bonne santé, qui ne sont ni en emploi, ni au chômage, ni en retraite, serait de près de 6 milliards d'euros. La France a un taux d'emploi des seniors extrêmement faible, notamment par rapport à l'Allemagne. Il n'y a pas de raison qu'on ne fasse pas mieux en la matière, mais cela passera sans doute par un changement de culture dans les entreprises. En tout cas, le niveau de vie net des retraités, qui sont par ailleurs souvent propriétaires de leur logement, est en moyenne supérieur à celui des actifs. Je comprends, monsieur Éblé, que vous ne soyez pas favorables à un gel des pensions. Cependant, il me semble que, en termes d'équité de traitement, un gel des pensions est préférable à une baisse du pouvoir d'achat des actifs.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

*

* *

Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Direction du budget - 6ème sous-direction Budgets de la santé, de l'emploi et de la formation professionnelle, de la solidarité et de l'insertion

- Mme Élise DELAITRE, sous-directrice ;

- Mme Anaïs MATEOS, cheffe du bureau « Retraites et régimes spéciaux ».

Ircantec - Caisse des dépôts et consignations

- M. Arnaud CARTRON, directeur du pilotage et de l'appui à la performance à la direction des politiques sociales ;

- Mme Florence BEREAU, directrice du département des risques (DPS) ;

- Mme Éva CATRIN, service des relations institutionnelles.

Service des retraites de l'État (SRE)

- M. Philippe MERLE, chef de service ;

- M. Arthur CAZAUBIEL, chef du bureau financier et des statistiques.

Caisse de retraites de la RATP

- M. Christophe ROLIN, directeur.

Institut des politiques publiques (IPP)

- M. Patrick AUBERT, économiste senior ;

- Mme Maïlys PEDRONO, économiste junior ;

- M. Maxime TÔ, responsable du pôle retraite de l'IPP et chercheur associé au CREST et à l'IFS ;

- M. Todor TOCHEV, économiste senior. 

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- Contributions écrites -

- Comité de suivi des retraites

- Conseil d'orientation des retraites

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html


* 1 Effet net sur le solde des finances publiques, avec retour en emploi des 589 000 personnes ni en emploi, ni au chômage et en bonne santé. La méthodologie du chiffrage est détaillée dans le rapport d'information n° 616 (2024-2025) fait par Mme Sylvie Vermeillet au nom de la commission des finances.

* 2 Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.

* 3 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 4 Loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, art. 21.

* 5 Pour les pensions civiles. Le taux militaire, inchangé, demeure de 126,07 %.

* 6 IPP, Retraites des fonctionnaires d'État : faut-il changer la convention comptable ?, juin 2025.

* 7  Projet de loi instituant un système universel de retraite, déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale le 24 janvier 2020.

* 8  Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 9 Cf. le dossier de presse Le système universel de retraite présenté par Edouard Philippe, alors Premier ministre, le 11 décembre 2019.

* 10 Rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2025.

* 11 Cour des comptes, Situation financière et perspectives du système de retraites, février 2025.

* 12 L'article 1er du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 prévoit un solde de la branche vieillesse de - 6,3 milliards d'euros.

* 13 CSR, Avis 2025, 10 juillet 2025.

* 14 Dans le régime de la fonction publique d'État, les militaires et les marins ne seraient pas concernés par la suspension de la réforme.

* 15 Cour des Comptes, Situation financière et perspectives du système des retraites, février 2025.

* 16 Sylvie Vermeillet, L'emploi des seniors : une clé pour sauver la répartition ?, Rapport d'information n° 616 (2024-2025), déposé le 10 mai 2025.

* 17 Créé en 2000, le Conseil d'orientation des retraites (COR) est une instance indépendante et pluraliste d'expertise et de concertation, chargée d'analyser et de suivre les perspectives à moyen et long terme du système de retraite français.

* 18 La Chaire « Transitions démographiques, Transitions économiques » (TDTE) est un lieu de recherche et de débat sur l'impact du vieillissement et de la longévité sur l'économie et la société en France. Elle a été fondée en 2008, à l'initiative de Jean-Hervé Lorenzi, le titulaire de la Chaire TDTE.

* 19 La direction générale du Trésor (DGT) est l'une des directions générales du ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Elle propose et conduit, sous l'autorité des ministres, la politique économique au plan national, européen et international.

* 20 Renaud Bourlès, Gilbert Cette, Anastasia Cozarenco, «  Employment and Productivity: Disentangling Employment Structure and Qualification Effects », International Productivity Monitor, 2012. L'évolution à la hausse du taux d'emploi, hors effet de composition, est associée à une baisse globale de la productivité, avec une élasticité moyenne de 0,5. C'est cette élasticité que retient la DGT dans ses travaux.

* 21 Loi n° 2024-1188 du 20 décembre 2024 spéciale prévue par l'article 45 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 22 Pour rappel, les prévisions pour la loi de finances initiale pour 2025 étaient fondées sur une hypothèse de revalorisation des pensions de vieillesse de + 1,8 % au 1er juillet 2025, au lieu du 1er janvier 2025.

* 23 Montant net des effets de la contribution sociale généralisée et de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie.

* 24 Par exemple, le 1er janvier 2019, les 2 régimes de retraite complémentaire des salariés, l'Agirc pour les cadres et l'Arrco pour l'ensemble des salariés, ont fusionné, signant la fin de la distinction entre cadres et non-cadres au regard de la retraite.

* 25 CSR, Avis 2025, 10 juillet 2025.

* 26 CCSS, La compensation démographique vieillesse de 2003 à 2023, juin 2025

* 27 IPP, Retraites des fonctionnaires d'État : faut-il changer la convention comptable ?, juin 2025

* 28 D'après les données du rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale, juin 2025.

* 29 L'action sociale et de prévention de l'usure professionnelle exercée par la CNRACL est financée par un fond d'action sociale ainsi qu'un fonds national de prévention.

* 30 Inspection générale des Affaires sociales, Inspection générale des Finances, Inspection générale de l'Administration, Situation financière de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, mai 2024.

* 31 Voir le décret n° 2025-86 du 30 janvier 2025 relatif au taux de cotisations vieillesse des employeurs des agents affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.

* 32 Réponses du COR au questionnaire de la rapporteure spéciale. En décembre 2025, des simulations de l'Agirc-Arrco visant à respecter, sans la dépasser, la règle des 6 mois de réserves seront présentées.

* 33 Projet de loi instituant un système universel de retraite, déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale le 24 janvier 2020.

* 34 Sylvie Vermeillet, L'emploi des seniors : une clé pour sauver la répartition ?, Rapport d'information n° 616 (2024-2025), déposé le 10 mai 2025.

* 35 Loi n° 2001-624 du 17 juillet 2001 portant diverses dispositions d'ordre social, éducatif et culturel.

* 36 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 37 FRR, Rapport annuel 2024, 2024.

* 38 Décret n° 2007-730 du 7 mai 2007 relatif à la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la Société nationale des chemins de fer français et portant ajustement de ses missions.

* 39 Loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

* 40 Loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites.

* 41 Loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire.

* 42 Décret n° 2005-1635 du 26 décembre 2005 relatif aux conventions financières passées par le régime spécial de retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens, au taux et à l'assiette des cotisations perçues par ce régime.

* 43 Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

* 44 Calculé comme le quotient du nombre de cotisants divisé par le nombre de pensionnés.

* 45  Rapport d'information n° 804 (Sénat, 2021-2022), de Mme Sylvie Vermeillet au nom de la commission des finances, sur les régimes d'assurance vieillesse des agents de la RATP et des marins.

* 46 Par adoption de l'amendement gouvernemental n° II-1493.

* 47 Article 125 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

* 48 L'article 2 de la Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances dispose que l'affectation d'une imposition de toute nature ne peut être maintenue à un tiers que s'il est doté de la personnalité morale et que cette imposition est en lien avec les missions de service public qu'il exerce.

* 49 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités.

* 50 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, art. 21.

* 51 La mise à jour pour 2026 n'a pas pu être faite en raison de la publication trop tardive de l'annexe budgétaire jaune sur les pensions de retraite de la fonction publique.

* 52 Article L. 134-1 de code de la sécurité sociale.

* 53 v. Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 54 IPP, Retraites des fonctionnaires d'État : faut-il changer la convention comptable ?, juin 2025.

* 55 Comme les militaires ou les gendarmes.

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