EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Santé ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le vendredi 14 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur la mission Santé.
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec l'examen des crédits de la mission « Santé ».
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la mission « Santé ». - La mission « Santé » a été déplumée au fil du temps, l'essentiel de ses crédits ne servant quasiment plus qu'à financer l'aide médicale de l'État (AME). Les crédits de cette mission augmentent en apparence dans le présent projet de loi de finances de près de 11 %. Ils représentent 1,67 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).
Cette augmentation des crédits n'est toutefois qu'apparente, puisqu'elle porte exclusivement sur le programme 379 « Reversement à la sécurité sociale des recettes de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) européenne au titre du volet “ Ségur investissement ” du plan national de relance et de résilience (PNRR) ». Ce programme, créé à la fin de 2022, rassemble des fonds européens qui y transitent avant d'être transférés à la sécurité sociale. L'augmentation de ces fonds en 2026 par rapport à 2025 explique la hausse apparente des crédits de la mission. Le volet « Ségur investissement » représente en effet un montant total de 19 milliards d'euros, dont 6 milliards proviennent de la facilité pour la reprise et la résilience européenne. Entre 2021 et 2025, un peu plus de 4,9 milliards d'euros ont été versés à la mission « Santé » par ce biais, c'est-à-dire plus de 80 % de la somme promise. Un rééchelonnement des versements a été opéré, permettant de décaisser progressivement le milliard d'euros restant entre 2026 et 2028. Par ailleurs, si ce programme améliore la traçabilité des fonds européens, nous ne pouvons considérer que des dépenses financées par l'Union européenne alimentent le budget de l'État.
Si l'on exclut le programme 379, les crédits de la mission « Santé » sont globalement stables entre 2025 et 2026, puisqu'ils diminuent de 0,6 % en AE et qu'ils augmentent de 1 % en CP.
J'en viens maintenant à l'aide médicale de l'État (AME), portée par le programme 183, « Protection maladie ». Les dépenses d'AME représenteront environ 1,208 milliard d'euros en 2026, soit un montant stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Cette budgétisation est toutefois insincère, car elle cache en réalité une augmentation des dépenses non financées par l'État, comme j'ai déjà eu l'occasion de le relever en juillet dernier lors de la présentation à la commission de mon rapport d'information sur l'aide médicale de l'État.
En effet, l'AME de droit commun, destinée à la prise en charge des soins de santé des étrangers en situation irrégulière présents de manière stable sur le territoire national depuis plus de trois mois, doit être financée intégralement par l'État. Aussi l'État rembourse-t-il à la sécurité sociale les soins pris en charge, pour des dépenses estimées à 1,137 milliard d'euros dans le présent projet de loi de finances. Le reliquat de 70 millions d'euros prévu sur le programme 183 est destiné à financer la dotation de l'État à la sécurité sociale au titre des soins urgents des étrangers en situation irrégulière ne bénéficiant pas de l'AME.
Pourtant, en 2024, les dépenses d'aide médicale de l'État de droit commun se sont élevées en réalité à 1,255 milliard d'euros, et ont donc été sous-évaluées de près de 170 millions d'euros. Les dépenses réelles de l'AME pour les soins urgents, qui n'ont pas vocation à être prises en charge intégralement par l'État, se sont quant à elles élevées à 132 millions d'euros.
En 2024, l'État a ainsi contracté à l'égard de la sécurité sociale une dette de 185 millions d'euros au titre de l'AME. Pour 2025, au vu du niveau de l'exécution et de la prévision de dépenses, les dépenses d'AME seront supérieures de 177 millions d'euros au niveau prévu en loi de finances initiale (LFI). Pour autant, aucune ouverture de crédits n'est prévue à ce titre en projet de loi de fin de gestion pour 2025. Il s'agit d'un exemple flagrant de l'insincérité budgétaire de l'État. Dans le projet de loi de finances pour 2026, nous estimons que les dépenses d'AME sont sous-estimées d'environ 240 millions d'euros. Afin de maîtriser les dépenses réelles en la matière plutôt que de se contenter d'augmenter la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, il est indispensable et urgent de procéder à une réforme de fond du dispositif.
J'en viens aux causes de l'augmentation des dépenses réelles d'AME. Cette évolution résulte notamment de la hausse du nombre de bénéficiaires : alors qu'ils étaient 411 000 à la fin de 2022, ils étaient plus de 465 000 à la fin de 2024. Le nombre de bénéficiaires a donc augmenté de 13,1 % durant cette période.
Pour mieux maîtriser les dépenses d'AME, la présente commission a adopté en juillet dernier les recommandations que je vous ai présentées. En particulier, afin de lutter contre les fraudes, nous avions proposé d'exclure l'extrait d'acte de naissance, qui ne comporte pas de photographie, de la liste des justificatifs d'identité acceptés pour valider le dossier d'un demandeur d'AME. Il s'agit d'une mesure d'ordre réglementaire, que le Gouvernement a eu des velléités d'adopter, puisqu'un projet de décret en ce sens a été transmis à la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) il y a peu.
Une telle mesure de lutte contre la fraude permettrait d'effectuer des économies significatives sur les dépenses d'AME. En effet, si nous ne connaissons pas la proportion exacte de personnes bénéficiant de l'AME et devant renouveler leur demande chaque année qui présentent un extrait d'acte de naissance, une étude conduite dans certaines zones géographiques a permis de montrer que, en un mois, dans près de 40 % des cas, la pièce justificative d'identité jointe aux dossiers était un extrait d'acte de naissance. Même en retenant une hypothèse moindre, selon laquelle entre 10 % et 20 % des demandeurs d'AME présenteraient un extrait d'acte de naissance, les économies réalisées représenteraient entre 140 et 275 millions d'euros. Elles permettraient donc de ramener le niveau réel des dépenses d'AME à celui des dépenses prévues par le présent projet de loi. Que les choses soient claires : si notre proposition était retenue, nous pourrions estimer que le budget de la mission serait sincère.
Il est donc particulièrement important que le décret en question soit publié. Mes chers collègues, je déposerai peut-être un amendement d'appel afin d'interpeller le Gouvernement sur la nécessité de prendre cette mesure.
Par ailleurs, comme nous l'avions indiqué en juillet dernier lors de la présentation de mon rapport, il est possible d'aller plus loin dans les économies réalisées sur ce dispositif. Dans certains pays européens, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans le cadre de programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière. En Allemagne en particulier, les soins programmés à l'hôpital et considérés comme non urgents ne sont pas pris en charge pour les étrangers en situation irrégulière. En raison de l'éventail des soins qu'elle couvre, l'AME constitue une exception par rapport aux pays voisins.
Comme l'an dernier, et suivant une recommandation également formulée dans le rapport remis par Claude Evin et Patrick Stefanini en décembre 2023, je vous propose d'adapter le régime de prise en charge des frais relatifs aux prestations programmées non urgentes dans le cadre de l'aide médicale de l'État. Ces prestations ne peuvent être délivrées en l'absence d'un accord des caisses primaires d'assurance maladie à l'ensemble des assurés bénéficiant d'une AME depuis moins de neuf mois. Une telle condition d'ancienneté est étonnante : il n'y a en effet aucune raison de considérer que la délivrance d'une prestation peut être subordonnée à une autorisation de l'assurance maladie pour certains assurés seulement.
C'est pourquoi je vous propose d'adopter l'amendement II-29 (FINC-2), qui vise à adapter le régime d'accord préalable en étendant celui-ci à tous les assurés pour les soins non urgents. Quelle que soit la durée de son affiliation à l'AME, un affilié pourrait avoir accès à une prestation incluse dans le panier de soins non urgents sous condition d'un accord préalable avec les caisses primaires d'assurance maladie.
Je vous propose également d'adopter l'amendement budgétaire FINC. 1, qui a pour objet de tirer les conséquences des dispositions de cet amendement. L'objectif est d'encourager le Gouvernement à inclure davantage de prestations dans le panier de soins non urgents. En particulier, les soins programmés non urgents à l'hôpital, les actes de masso-kinésithérapie, l'appareillage auditif et optique, la pose de prothèses dentaires, l'hospitalisation à domicile ou encore les soins médicaux et de réadaptation pourraient être considérés comme des prestations prises en charge uniquement après autorisation de l'assurance maladie. En additionnant les gains attendus de la restriction du panier de soins, cet amendement aboutit à une économie estimée à 200 millions d'euros.
J'en viens enfin aux nombreuses actions financées par le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui représente 210,5 millions d'euros en AE et 213,8 millions d'euros en CP. Les dépenses restantes se concentrent sur quatre postes principaux : dépenses de contentieux, prise en charge du système de santé à Wallis-et-Futuna, subventions pour l'Institut national du cancer (Inca) et pour l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui reçoivent également des financements d'autres missions budgétaires.
Ainsi, la dotation de l'Institut national du cancer augmente de 9,6 millions d'euros en 2026 par rapport à 2025, afin de financer la mise en oeuvre du registre national des cancers, à la suite de la promulgation de la loi visant à créer un tel registre en juin dernier.
Le financement des dépenses de contentieux augmente de 3,8 millions d'euros par rapport à 2025, afin de couvrir l'accélération de l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Une ouverture de crédits est d'ailleurs prévue dans le projet de loi de fin de gestion à hauteur de 2,2 millions d'euros en AE et de 5 millions d'euros en CP pour financer tant l'indemnisation des victimes de la Dépakine que le déficit de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna.
La situation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna est inquiétante, en raison des crises sanitaires et inflationnistes, ainsi que des émeutes en Nouvelle-Calédonie, qui ont entraîné l'évacuation de certains patients dans l'Hexagone. Sa dotation augmente de 3 millions d'euros en 2026 afin de permettre la construction d'un nouvel hôpital à Futuna pour limiter les transferts vers la Nouvelle-Calédonie et l'Hexagone. Il est toutefois également important de poursuivre la mise en oeuvre d'un plan efficient de maîtrise des dépenses, pour améliorer la résilience de l'agence face aux crises.
Comme les années précédentes, le programme 204 finance aussi un grand nombre d'actions extrêmement dispersées, pour des montants généralement faibles. Leur masse critique semble largement insuffisante pour avoir de réels effets sur l'atteinte des objectifs de santé publique. Repenser les financements de ce programme, pour éviter un saupoudrage trop fort, constitue une piste de réflexion à explorer.
Mes chers collègues, je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission, assortis des modifications relatives à l'aide médicale de l'État que j'ai présentées.
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Santé ». - Je partage les propos du rapporteur spécial sur l'AME. Comme l'année dernière, nous réalisons que l'augmentation du flux des demandeurs d'AME obère les finances de l'État, et que c'est en révisant le panier de soins que l'on peut espérer faire des économies. Il faut également des mesures d'affichage pour faire comprendre que, en France, il n'y a pas d'open bar permettant de couvrir des prestations non urgentes et parfois de confort.
Permettez-moi de revenir sur les crédits accordés à l'Inca - je suis également présidente du groupe d'études Cancer. Tenir un registre national des cancers est important, d'autant plus que, en France, le taux de cancers augmente rapidement, notamment chez les jeunes. Nous avons besoin d'éléments pour identifier les causes de cette augmentation. Nous devons donc être vigilants pour nous assurer de la création de ce registre national, qui n'est pas si fluide et comporte quelques difficultés.
En tant que pédiatre, je suis très attentive à l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Mais Sanofi, qui a produit ce médicament, doit aussi participer à l'indemnisation des victimes ; un flou demeure sur ce point.
La première pierre du futur hôpital de Wallis-et-Futuna n'a toujours pas été posée. Sans parler de gouffre financier, les coûts se révèlent plus importants que prévu. Plus nous attendons, et plus ils seront élevés.
La commission des affaires sociales partage donc la position du rapporteur spécial. Je déposerai un amendement identique pour diminuer les crédits de l'AME de 200 millions d'euros.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je serai bref, car cette mission ne présente pas de grande nouveauté. Il faut un suivi plus rigoureux des postes de dépenses. La mesure proposée pour lutter contre la fraude en matière de justification de l'identité me semble sérieuse, tout autant que la révision du panier des soins non urgents. Posons simplement les choses sans enflammer les débats : derrière, ce sont des dépenses qui continuent de dériver. Je soutiendrai donc les amendements du rapporteur spécial.
M. Vincent Capo-Canellas. - Est-il possible de modifier, dans le PLF, le code de l'action sociale et des familles, ainsi que le vise l'amendement II-29 (FINC-2), ou n'y a-t-il pas là un risque de cavalier législatif ? J'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'un amendement d'appel ; est-ce bien le cas, et a-t-on identifié quel véhicule législatif serait approprié pour porter une telle mesure ?
M. Arnaud Bazin. - Au sujet de l'indemnisation des victimes de la Dépakine, une étude récente établit que les enfants dont le père a pris ce médicament pouvaient aussi subir des séquelles. Seront-ils couverts ?
M. Victorin Lurel. - Mon intervention portera essentiellement sur le financement de l'AME. Monsieur le rapporteur spécial, vous indiquez dans le rapport que la dette à l'égard de la Cnam passerait de 185 millions d'euros en 2024 à 238 millions d'euros en 2026. Cette augmentation est-elle liée à celle du nombre de bénéficiaires de cette aide, que vous estimiez à 900 000 dans votre rapport de l'an passé ?
En outre, si l'on s'alignait sur l'Allemagne, considérée comme un moyen terme entre l'Espagne et la Suisse, quels soins seraient alors considérés comme non urgents ? Les débats télévisés sur ce sujet sont souvent passionnés : certains avancent que les cures thermales, ou encore la psychothérapie feraient partie des soins couverts, ce qui semble pour le moins curieux.
Par ailleurs, reprenez-vous l'une des dix recommandations que vous formuliez dans votre rapport, qui consistait à intégrer directement les demandeurs d'asile dans le régime de l'AME ?
Quoi qu'il en soit, pour parler franchement, nous ne pouvons pas soutenir la baisse de 200 millions d'euros des crédits de l'AME.
M. Pierre Barros. - Je ne pensais pas que l'examen de la mission « Santé » deviendrait à ce point un débat sur l'AME. Y a-t-il une augmentation des coûts de santé pour le reste de la population, qui serait moins forte que celle des bénéficiaires de l'AME ? Si cela se corroborait, on ne pourrait pas tirer de conclusions hâtives : peut-être que, de manière générale, les coûts de santé ont fortement augmenté, les dépenses pour soigner un cancer étant par exemple bien plus importantes aujourd'hui qu'il y a une dizaine d'années.
M. Claude Raynal, président. - Vous indiquez que la subvention de l'Inca augmentera de 9,5 millions d'euros en raison de la création du registre national des cancers. Une telle augmentation, qui correspond à 25 % des crédits de cette institution, me semble énorme pour créer uniquement un fichier informatique. Des crédits devront-ils également être ouverts à ce titre l'année prochaine, ou ne valent-ils que pour cette année ?
Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. - L'Inca était très réticent face à l'idée de créer un registre national unique des cancers. Des registres existent déjà, mais ils sont très fragmentés, ne concernant par exemple que certains cancers pédiatriques. En France, nous n'avons pas la culture de l'évaluation. Pour répondre aux interrogations sur les causes environnementales des cancers et sur d'autres facteurs comme le vieillissement de la population ou l'obésité, nous avons besoin d'éclairages précis. Il faudra regrouper les données dont nous disposons et faire des expérimentations, au moins dans un secteur urbain et périurbain, notamment pour étudier les conséquences de la pollution, et un secteur rural, pour étudier les effets attribués aux pesticides. Le registre ne portera donc pas sur toute la France. Cela exige un coût humain très important, car regrouper ces divers éléments est très fastidieux. Il ne s'agit pas seulement de croiser les fichiers - ce qui pose d'ailleurs des problèmes, entre le système national des données de santé et la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) - ; il faut aussi que chaque cas de cancer, individuellement, soit pris en compte de manière très minutieuse pour pouvoir en étudier les causes. L'Inca a repoussé depuis plusieurs années un tel chantier. Les fichiers pourront être croisés de manière efficace, mais le coût au démarrage est important, et je pense qu'il ne sera pas limité à 2026.
Quant à la Dépakine, les descendants d'hommes ayant pris ce médicament et présentant des séquelles comme l'infertilité seront considérés comme indemnisables. Ce médicament, largement prescrit il y a une dizaine d'années, agit comme une véritable bombe à retardement, et la question de la responsabilité de Sanofi, ainsi que je l'indiquais, n'a pas encore été tranchée.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Monsieur Vincent Capo-Canellas, l'amendement II-29 (FINC-2) ne me semble pas être un cavalier législatif, car il emporte des conséquences budgétaires. S'il était considéré comme inconstitutionnel, cela signifierait que l'on ne pourrait plus proposer d'économies. C'est ce à quoi la commission mixte paritaire a abouti l'an dernier : nous avons baissé arbitrairement les crédits de l'AME, mais aucune mesure d'économies n'a pu être prise, et cela n'a abouti qu'à augmenter la dette de l'État envers la sécurité sociale.
Dans le rapport, un tableau montre que si l'on ne fait rien sur le fond et si on ne modifie pas les prestations prises en charge par l'AME, à la fin de 2026, la dette cumulée que contracte l'État vis-à-vis de la sécurité sociale au titre des dépenses d'AME sera de 671 millions d'euros. Cela revient à creuser le trou de la sécurité sociale, alors que c'est l'État qui doit prendre en charge ces dépenses. La situation est donc totalement anormale.
Si l'on veut que cela cesse, il faut d'une part proposer des économies, en améliorant la lutte contre la fraude. Je déposerai un amendement d'appel en ce sens, pour inciter le Gouvernement à publier un décret pour interdire le recours aux actes de naissance et ainsi limiter le nombre de fraudes et de bénéficiaires. D'autre part, il faut justifier l'économie proposée, à l'aide d'un amendement qui modifie les crédits de l'AME. Si l'amendement II-29 (FINC-2) n'est pas adopté, les 200 millions d'euros que nous proposons d'économiser avec l'amendement II-27 (FINC-1) seront prélevés sur le budget de la sécurité sociale. Les deux amendements que nous proposons sont donc liés : l'un correspond aux économies budgétaires, et l'autre précise comment réaliser ces économies, sur le fond, par l'extension du recours à l'accord préalable de l'assurance maladie pour accéder à un panier de soins non urgents.
Monsieur Lurel, on estime que 900 000 étrangers sont en situation irrégulière, et qu'environ la moitié bénéficie de l'AME. Leur nombre augmentera de 4 % l'année prochaine, selon le PLF. Il est difficile d'obtenir des chiffres précis et réguliers. J'avais proposé, dans le rapport de juillet dernier, qu'un suivi trimestriel des dépenses et du nombre de bénéficiaires soit assuré, pour permettre d'y voir plus clair. Il est dommage que nous ne disposions des chiffres en question que tardivement.
Monsieur Barros, le coût par bénéficiaire augmente, mais moins que pour le reste de la population ; en revanche, le nombre de bénéficiaires progresse un peu plus rapidement que pour le reste de la population. Dans l'augmentation du coût global, il faut tenir compte du paramètre que vous indiquez, mais il faut aussi tenir compte de l'augmentation du nombre de bénéficiaires.
Parmi les actes considérés comme non urgents figurent les soins programmés à l'hôpital, les actes de masso-kinésithérapie, les appareillages auditifs et optiques ou la pose de prothèses dentaires. Il s'agit en réalité de soins non vitaux, ou des soins programmés de maladies chroniques qui ne sont pas urgents, pour lesquels nous souhaitons que l'accord préalable des caisses primaires d'assurance maladie devienne systématique.
Aujourd'hui, les demandeurs d'asile sont directement affiliés à la protection universelle maladie (PUMa) lors de leur demande d'asile ; comme beaucoup d'entre eux sont finalement déboutés de leur demande, il semblerait plus normal qu'ils soient d'abord couverts par l'AME avant d'éventuellement passer à la PUMa. Néanmoins, cette proposition n'a pas encore fait l'objet d'un accord.
Monsieur le président Raynal, les 9,5 millions d'euros accordés à l'Inca correspondent non seulement à la création du registre, mais aussi à la reconstitution de la trésorerie de l'Institut. Je me renseignerai pour vous donner des précisions sur le sujet. Il y aura sûrement des frais de suivi annuels, mais ils ne seront pas de cet ordre : la constitution du registre coûte probablement bien plus cher que le suivi annuel.
M. Claude Raynal, président. - C'est tout de même un peu inquiétant : si cela coûte 10 millions d'euros de croiser les données sur deux secteurs géographiques, nous n'en avons pas fini.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Je reviendrai vers vous avec davantage de précisions sur ce sujet.
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Ainsi que je l'ai indiqué, amendement II-27 (FINC-1) vise à réduire les crédits de l'AME de 200 millions d'euros, qui répercute l'amendement de fond que je présenterai juste après. Le budget de l'AME est de plus sous-dimensionné, et il faudrait que le Gouvernement s'engage à publier le décret relatif aux pièces justificatives à avancer pour bénéficier de l'AME pour que ses prévisions soient respectées.
L'amendement II-27 (FINC-1) est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de son amendement.
EXAMEN D'UN AMENDEMENT PORTANT ARTICLE ADDITIONNEL RATTACHÉ À LA MISSION
M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - L'amendement II-29 (FINC-2) a pour objet la révision du panier de soins non urgents et l'obligation d'un accord préalable avec la Cpam. S'il est également adopté, il permettrait de réaliser une économie de 200 millions d'euros.
L'amendement II-29 (FINC-2) portant article additionnel est adopté.
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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.