N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 27
SANTÉ


Rapporteur spécial : M. Vincent DELAHAYE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

I. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS DE LA MISSION HORS FONDS EUROPÉENS REVERSÉS À LA SÉCURITÉ SOCIALE

La mission « Santé » représente en loi de finances initiale (LFI) pour 2026 1 668,8 millions d'euros en AE et 1 672 millions d'euros en CP, soit une hausse de 10,7 % en AE et de 11 % en CP, représentant respectivement 179 millions d'euros et 190,1 millions d'euros.

Toutefois, une large partie de la hausse des crédits est liée à l'abondement par des fonds européens du programme 379 « Reversement à la sécurité sociale des recettes pour la facilité pour la relance et la résilience européenne ». Si on exclut le programme 379, les crédits sont stables entre 2025 et 2026.

Les dépenses associées à la mission « Santé », hors programme 379, n'ont pourtant cessé d'augmenter jusqu'en 2024. Entre 2023 et 2024 par exemple, les dépenses ont progressé de 8,7 %.

Pour autant, le présent budget anticipe une décroissance des dépenses de la mission Santé de 9,2 % entre 2024 et 2028, en raison notamment de la stabilité des dépenses d'aide médicale de l'État (AME). Une telle évolution est extrêmement peu probable au vu de la dynamique de l'AME, au moins en l'absence de mesures substantielles de réforme du dispositif.

Évolution des crédits de la mission « Santé »

(en millions d'euros)

Note : Le programme 378, créé à l'initiative du Sénat en loi de finances rectificative pour 2022, n'a pas été reconduit depuis la LFI 2023.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. DES DÉPENSES D'AIDE MÉDICALE DE L'ÉTAT INSINCÈRES ET NON MAITRISÉES

A. UNE AIDE MÉDICALE DE L'ÉTAT SOUS-BUDGÉTÉE

La hausse des dépenses d'AME, constante depuis quelques années, a tendance à ralentir entre 2023 et 2024, après une progression de 10,3 % entre 2022 et 2023. Ces dépenses n'augmenteraient que de 4,3 % entre 2024 et 2025, et seraient stables entre 2025 et 2026.

Évolution des dépenses de l'aide médicale de l'État dans le budget de l'État

(en millions d'euros)

Note : il s'agit des dépenses exécutées jusqu'en 2024.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses réelles d'AME sont toutefois plus élevées que celles qu'affiche le budget de l'État :

- L'État ne prend en charge qu'une partie de l'AME pour soins urgents, à hauteur d'une dotation de 70 millions d'euros en 2020, le reste du coût de l'AME pour soins urgents (61,8 millions d'euros en 2024) étant pris en charge par l'Assurance maladie.

- Malgré la formulation très explicite de l'article L. 253-2 du code de l'action sociale et des familles selon laquelle les dépenses d'AME de droit commun sont financées par l'État, cela n'a pas été le cas en 2024. Dans la mesure où les remboursements versés aux bénéficiaires de l'AME sont effectués quel que soit le niveau de crédits budgétaires provisionnés par le gouvernement. Si la programmation budgétaire de l'AME est insuffisante, une dette à l'égard de la Sécurité sociale est créée, dès lors que la programmation budgétaire de l'AME est insuffisante.

Prévision et exécution réalisée ou anticipée des dépenses d'AME
de droit commun entre 2024 et 2026

Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires

L'État contracterait ainsi une dette à l'égard de la CNAM de 600 millions d'euros en 2026 au titre de l'AME.

B. DES DÉPENSES MAL MAITRISÉES

Les dépenses réelles d'aide médicale d'État s'élèvent en 2024 à 1 387 millions d'euros, dont 1 256 millions d'euros pour l'AME de droit commun et 132 millions d'euros pour les « soins urgents ».

Au global, les dépenses d'AME ont augmenté de 68,5 % en dix ans, entre 2014 et 2024, représentant 564 millions d'euros de dépenses en plus. Il s'agit d'une hausse bien supérieure à l'inflation, qui traduit l'absence de maitrise du dispositif.

Évolution des dépenses réelles d'AME entre 2012 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En 2025, les dépenses réelles d'AME s'élèveraient à 1 443 millions d'euros, dont 1 314 millions d'euros pour l'AME de droit commun et 129 millions d'euros pour l'AME pour soins urgents. L'État aurait donc dû budgéter une dotation de 1 385 millions d'euros pour l'AME en 2025 en l'absence de réforme de fond du dispositif, au lieu des 1 208 millions d'euros prévus, soit une sous-budgétisation de 177 millions d'euros.

Pour 2026, au vu des prévisions des documents budgétaires, les dépenses réelles d'AME de droit commun pourraient s'élever à 1 375,6 millions d'euros, soit un manque de 238,6 millions d'euros par rapport à la budgétisation présente, qui pourrait occasionner la création d'une dette de ce montant de l'État à l'égard de la sécurité sociale. Une réforme structurelle du dispositif doit donc être opérée, non seulement pour que la budgétisation corresponde à l'exécution des dépenses, mais aussi pour permettre de réaliser des économies.

C'est l'augmentation du nombre de bénéficiaires, de 47,3 % entre 2017 et 2024, qui est dans une large mesure à l'origine de la hausse des dépenses, ce qui illustre bien l'absence de maitrise des flux migratoires en France.

Évolution du nombre moyen annuel de bénéficiaires des dépenses d'AME
de droit commun

(en nombre de bénéficiaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

C. UNE INDISPENSABLE RÉFORME DU DISPOSITIF

Le rapporteur spécial a émis des recommandations dans un rapport1(*) récent, tendant notamment à redéfinir les droits ouverts au titre de l'AME, en s'inspirant du modèle allemand, et à lutter contre la fraude. Celles-ci doivent être mises en oeuvre à la fois au niveau réglementaire et législatif.

Il faudrait en particulier supprimer la possibilité pour un demandeur d'AME de présenter un extrait d'acte de naissance, document sur lequel ne figure aucune photo, pour justifier son identité. Un projet de décret est envisagé en ce sens par le Gouvernement. Une économie comprise entre 138 millions d'euros et 275 millions d'euros serait possible, qui rapprocherait le niveau réel des dépenses d'AME, sous-estimées de 238,6 millions d'euros dans leur budgétisation actuelle.

Par ailleurs, la prise en charge des frais correspondant à des prestations définies par décret est déjà subordonnée à un délai d'ancienneté de neuf mois d'admission à l'AME, sauf lorsque l'absence de réalisation de ces prestations est susceptible d'avoir des conséquences vitales ou graves et durables sur l'état de santé de la personne.

Comme l'an dernier, le rapporteur spécial propose d'appliquer ce dispositif à tous les bénéficiaires d'AME, quelle que soit leur ancienneté, ainsi que d'élargir par voie décrétale la définition des prestations faisant l'objet d'un accord préalable, notamment en incluant la prise en charge des soins programmés non-urgents, qui ne sont par exemple pas remboursés en Allemagne. Cette réforme permet de réduire de 200 millions d'euros supplémentaires les crédits de la mission.

III. LE PROGRAMME 204 « PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS » : DES FINANCEMENTS DISPERSÉS

Beaucoup d'actions financées par ce programme sont extrêmement dispersées, si bien qu'elles paraissent loin de disposer d'une « masse critique » suffisante pour prétendre produire un réel impact sur la réalisation des objectifs de santé publique poursuivis. Plus de la moitié des crédits de ce programme se concentrent sur quatre actions :

- la subvention à l'Agence de santé des îles Wallis-et-Futuna (66,9 millions d'euros), dont la situation financière est très fragile ;

- les actions juridiques contentieuses (41,7 millions d'euros), incluant la subvention de l'état à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des infections iatrogènes (Oniam). Les indemnisations des victimes de la Dépakine sont en accélération ;

- une subvention à l'Institut national du cancer de 41,8 millions d'euros, en hausse de 9,5 millions d'euros, en raison de la mise en oeuvre du registre national des cancers, qui sera opérée par l'organisme ;

- une subvention à l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Ansés) (23,3 millions d'euros).

Réunie le 14 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission tels que modifiés par un amendement de crédits minorant ses crédits de 200 millions d'euros. Par ailleurs, elle a proposé l'adoption d'un article additionnel rattaché après l'article 78.

Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 12,5 % des réponses.

À la date d'examen en commission de la mission le 14 novembre, il a obtenu 66 % des réponses.

I. UN BUDGET ARTIFICIELLEMENT MAINTENU À SON NIVEAU DE 2025

A. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE INCHANGÉE

La mission « Santé » du budget général participe à la mise en oeuvre de la politique globale de santé. Celle-ci est axée autour de trois objectifs : la prévention, la sécurité sanitaire et l'organisation d'une offre de soins de qualité.

La mission est historiquement composée de deux programmes, un troisième s'y étant ajouté en 2022 :

le programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins, qui a pour vocation le financement des plans et de programmes de santé pilotés au niveau national par la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Il vise ainsi à garantir la protection de la population face à des évènements sanitaires importants tout en prévenant le développement de pathologies graves ;

le programme 183, dédié à la protection maladie, qui finance principalement l'aide médicale d'État (AME), destinée aux personnes étrangères très défavorisées et en situation irrégulière en France depuis plus de trois mois, l'absence de titre de séjour empêchant leur prise en charge au titre de la couverture maladie universelle. De manière plus marginale, le programme 183 contribue depuis 2015 au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) ;

le programme 379 est un programme temporaire qui permet, d'une part, la compensation à la Sécurité sociale des dons de vaccins à des pays tiers et, d'autre part, le reversement des recettes de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR) de l'Union européenne dédiées au volet « investissement » du Ségur de la santé.

En outre, un programme 378 avait été créé à l'initiative du Sénat par la première loi de finances rectificative pour 20222(*) afin de financer le développement d'une carte Vitale biométrique en complément des crédits d'Assurance maladie dédiés à ce projet. Ce programme n'a cependant pas été reconduit dans la nomenclature de la mission depuis le PLF 2023.

Le périmètre de la mission a été substantiellement réduit depuis 2014. En effet, le financement de la majorité des agences sanitaires qu'elle comprenait, et notamment la dotation de de Santé Publique France, a été transféré à la sécurité sociale. La mission « Santé » semble donc vouée à n'être qu'un simple vecteur budgétaire de l'Aide médicale de l'État, qui représente 73 % de ses crédits.

B. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS HORS CONTRIBUTION DES FONDS EUROPÉENS

1. Un budget de 1,7 milliard d'euros

La mission « Santé » représente, en loi de finances initiale (LFI) pour 2026, 1 668,8 millions d'euros en AE et 1 672 millions d'euros en CP, soit une hausse de 10,7 % en AE et de 11 % en CP, représentant 179 millions d'euros en AE et 190,1 millions d'euros en CP.

Toutefois, une large partie de la hausse des crédits est liée à l'abondement du programme 379 « Reversement à la sécurité sociale des recettes pour la facilité pour la relance et la résilience européenne », qui est abondé uniquement par des crédits européens. Si on exclut le programme 379, les crédits diminuent de 0,6 % en AE et augmentent de 1 % en CP, soit une stabilité des dépenses envisagées entre 2025 et 2026.

Évolution des crédits des programmes et actions de la mission « Santé » entre 2025 et 2026

(en euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En 2026, le programme 204 représente 13 % des dépenses de la mission et le programme 379 correspond à 14,5 % des dépenses, le reliquat étant consacré au programme 183 « Protection maladie ».

Ainsi, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » représenterait 210,5 millions d'euros en AE et 213,8 millions d'euros en CP, soit une baisse de 4,3 % en AE et une hausse de 1 % en CP. En volume, le programme perdrait 9 millions d'euros en AE et gagnerait 2 millions d'euros en CP. Cette variation, à la marge, est largement due à l'expiration du fonds européen RescUE, l'action 16 « Veille et sécurité sanitaire » finançant la TVA associée aux projets subventionnés par ResUE.

Concernant le programme 183 « Protection maladie », qui comprend essentiellement l'aide médicale de l'État, ainsi que la dotation au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), les crédits sont maintenus au même niveau qu'en LFI 2025, à hauteur de 1,216 milliard d'euros en AE et en CP. Cette action est toutefois largement sous-budgétisée, en raison de la sous-estimation des dépenses relatives à l'aide médicale de l'État (voir infra).

Enfin, les crédits du programme 379 « Reversement à la sécurité sociale des recettes pour la facilité pour la relance et la résilience européenne » sont réhaussés de 188 millions d'euros pour représenter dans le présent budget un total de 242 millions d'euros. Un rééchelonnement des financements de la facilité pour la relance et la résilience européenne jusqu'en 2028 a en effet eu lieu via une convention passée entre le ministère de l'économie et le ministère de la santé.

Évolution des crédits des programmes de la mission « Santé » entre 2024 et 2026

(en millions d'euros et en CP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. La prévision peu crédible d'une diminution à venir des dépenses de la mission à périmètre constant

Les dépenses associées à la mission « Santé », hors programme 379, n'ont cessé d'augmenter jusqu'en 2024, dernière année pour laquelle l'exécution budgétaire complète est disponible. Entre 2023 et 2024 par exemple, les dépenses ont augmenté de 8,7 % hors programme 379.

Pour autant, le présent budget anticipe une décroissance des dépenses de la mission « Santé » de 9,2 %entre 2024 et 2028, en raison notamment de la stabilité des dépenses d'aide médicale de l'État (AME). Une telle évolution est extrêmement peu probable au vu de la dynamique de l'AME, au moins en l'absence de mesures substantielles de réforme du dispositif (voir infra). La programmation budgétaire apparait donc largement insincère et sous-estimée sur l'ensemble de la mission « Santé ».

Évolution des crédits de la mission « Santé »

(en millions d'euros)

Note : Le programme 378, créé à l'initiative du Sénat en loi de finances rectificative pour 2022, n'a pas été reconduit depuis la LFI 2023.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. LE PROGRAMME 183 « PROTECTION MALADIE » : DES DÉPENSES D'AIDE MÉDICALE DE L'ÉTAT SOUS-BUDGÉTÉES ET MAL MAITRISÉES

A. UNE BUDGÉTISATION INSINCÈRE DES DÉPENSES RÉELLES D'AIDE MÉDICALE DE L'ÉTAT

Le programme 183 « Protection maladie » est quasi-exclusivement constitué des crédits destinés à l'aide médicale d'État (AME), créée en 19993(*).

Les différents dispositifs d'aide médicale d'État

L'aide médicale d'État (AME) recouvre plusieurs dispositifs :

1. L'AME de droit commun est consacrée à la protection de la santé des personnes étrangères vivant en France depuis au moins trois mois consécutifs en situation irrégulière et, de ce fait, non éligibles à la protection universelle maladie (PUMa). Ces personnes ne doivent pas disposer de ressources dépassant un certain plafond annuel (10 339 euros pour une personne seule en métropole en 2025). Elle permet un accès de ce public à des soins préventifs et curatifs et doit permettre de juguler le risque d'extension d'affections contagieuses non soignées au sein de la population. Gérée par l'Assurance maladie, elle représente 1 137,3 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances, soit 93,5 % des crédits de l'action n° 2 ;

2. l'AME pour soins urgents concerne les étrangers en situation irrégulière, sans condition de résidence, dès lors que leur pronostic vital est engagé ou qu'ils sont victimes d'une altération grave et durable de leur état de santé. Les soins sont réglés par l'Assurance maladie, qui bénéficie d'une subvention forfaitaire versée par l'État. Cette dotation a été portée à 70 millions d'euros en 2022, pour s'ajuster aux dépenses effectivement constatées, et son montant est inchangé pour 2026 ;

3. Enfin, de manière beaucoup plus limitée et pour un montant évalué à 1 million d'euros pour 2026, identique à celui de 2025, sont financées par l'AME :

- l'AME humanitaire, qui vise les prises en charge ponctuelles de soins hospitaliers de personnes françaises ou étrangères ne résidant pas sur le territoire. Cette couverture est accordée au cas par cas par le ministère chargé de l'action sociale et doit permettre, chaque année, à une centaine de personnes disposant de faibles revenus de régler une dette hospitalière ;

l'aide médicale accordée aux personnes gardées à vue qui se limite à la prise en charge des médicaments - si l'intéressé ne dispose pas des moyens nécessaires à leur acquisition - et aux actes infirmiers prescrits, ainsi que l'aide médicale fournie aux personnes placées en rétention administrative pour les soins prodigués à l'extérieur des lieux de rétention.

Ces deux dispositifs donnent lieu à des délégations de crédits aux directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités.

Source : commission des finances du Sénat

1. Une stabilisation en trompe-l'oeil des dépenses d'aide médicale d'État

La hausse des dépenses d'AME, constante depuis quelques années, a tendance à ralentir entre 2023 et 2024. L'exécution des crédits s'élève à 1,159 milliard d'euros en 2024, soit 1,1 % de plus qu'en 2023. Les dépenses liées à l'AME avaient pourtant progressé de 10,3 % entre 2022 et 2023.

Ces dépenses n'augmenteraient que de 4,3 % entre 2024 et 2025, et seraient stables entre 2025 et 2026.

Évolution des dépenses de l'aide médicale de l'État dans le budget de l'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses d'AME sont toutefois plus élevées que celles qu'affiche le budget de l'État.

D'une part, l'État ne prend en charge qu'une partie de l'AME pour soins urgents, à hauteur d'une dotation de 70 millions d'euros en 2024 par exemple, le reste (61,8 millions d'euros en 2024) étant pris en charge par l'Assurance maladie.

Par ailleurs, malgré la formulation très explicite de l'article L. 253-2 du code de l'action sociale et des familles selon laquelle les dépenses d'AME de droit commun sont financées par l'État, les dépenses de l'aide médicale de l'État de droit commun n'ont pas toujours été prises en charge intégralement par l'État. Or l'AME est une dépense de guichet. Les remboursements versés aux bénéficiaires de l'AME sont ainsi effectués quel que soit le niveau de crédits budgétaires provisionnés par le gouvernement, qui doit rembourser la Sécurité sociale des frais qu'elle a avancés aux professionnels médicaux. Si l'État ne programme pas suffisamment de crédits budgétaires pour financer l'intégralité des dépenses d'AME de droit commun, alors une dette à l'égard de la Sécurité sociale est créée.

Or, en particulier en 2024, comme le relève également la Cour des comptes4(*), le décret d'annulation du 21 février 20245(*) a supprimé près de 50 millions d'euros de crédits au titre de l'aide médicale de l'État (AME), alors que la direction de la sécurité sociale avait déjà indiqué qu'elle prévoyait une dépense d'AME supérieure à celle qui a été budgétée en loi de finances initiale pour 2024.

Les dépenses d'AME de droit commun s'élèvent en réalité à 1,255 milliard d'euros en 2024, soit une hausse de 15 % des dépenses par rapport à 2023, représentant 181 millions d'euros. Pour 2025, la dépense réelle d'AME de droit commun pourrait s'élever à 1,314 milliard d'euros au total. Elle est au 31 août 2025 de 859,8 millions d'euros.

2. La création d'une dette à l'égard de la sécurité sociale

En conséquence, les crédits ouverts en 2024 au titre de l'AME sont largement inférieurs aux dépenses effectives, à la charge de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). L'État a ainsi contracté une dette à l'égard de la CNAM, d'un montant total de 185,1 millions d'euros à fin 2024. L'ampleur de la dette de l'État à l'égard de la CNAM au titre des dépenses d'AME est inédite en 2024, puisqu'elle n'avait atteint que le maximum de 50 millions d'euros en 2017.

Montant annuel et cumulé de dette de l'État vis-à-vis de la CNAM
au titre de l'aide médicale de l'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette situation risque de s'aggraver en 2025 : en effet, en LFI 2025, les dépenses prévues au titre du programme 183 « Protection maladie », qui finance l'AME, ont été figées à 1,208 milliard d'euros, soit au même niveau qu'en 2025. Le projet de loi de finances initiale pour 2025 prévoyait pourtant des dépenses de 1,319 milliard d'euros, dont 1,248 milliard d'euros pour l'aide médicale de l'État de droit commun. Au titre de 2025, au vu des dépenses envisagées, une nouvelle dette d'un montant de 177 millions d'euros pourrait finalement être créée. Pour autant, aucune réforme structurelle pouvant permettre de maitriser les dépenses d'AME, n'a été prise, ni par voie législative, ni par voie règlementaire, malgré des annonces en ce sens du Gouvernement Bayrou.

Une telle situation n'est pas acceptable : une budgétisation sincère et fiable des dépenses réelles d'aide médicale de l'État est absolument indispensable.

Le rapporteur spécial considère qu'il est particulièrement dommageable de prévoir des baisses de crédits, comme cela a été fait en 2024 via le décret d'annulation précité, sans y associer de réforme structurelle de l'AME, nécessaire pour maitriser le niveau réel des dépenses.

Par ailleurs, il est remarquable que sur les 167,8 millions d'euros non financés par l'État de dépenses d'aide médicale de l'État en 2024, seuls 50 millions d'euros sont liés à une annulation par voie décrétale. Ainsi, près de 117,8 millions d'euros ont été dépensés sans avoir été budgétés, en raison d'une erreur de prévision. Il serait souhaitable qu'une amélioration de la méthodologie de prévision soit mise en oeuvre, afin d'éviter de telles erreurs à l'avenir.

La Cour des comptes6(*) recommande de « revoir la méthode de prévision des dépenses d'AME dans un but de transparence budgétaire et afin de faciliter le pilotage des crédits », recommandation à laquelle le rapporteur spécial s'associe. En effet, les dépenses d'AME semblent mal suivies : seul un relevé trimestriel des dépenses et du nombre de bénéficiaires est disponible à ce stade, et ce avec plus de 4 mois de retard, au mieux. Un suivi plus régulier parait absolument nécessaire, en vue de fiabiliser la programmation budgétaire, alors que la direction de la sécurité sociale rencontre des difficultés dans ses prévisions, comme l'a d'ailleurs recommandé le rapporteur spécial dans un rapport7(*) récent.

B. DES DÉPENSES D'AIDE MÉDICALE DE L'ÉTAT EN CONSTANTE AUGMENTATION

1. Une progression de 70 % des dépenses réelles d'AME en dix ans...

Les dépenses réelles d'aide médicale d'État s'élèvent en 2024 à 1 387 millions d'euros, dont 1 256 millions d'euros pour l'AME de droit commun, qui doit être financée intégralement par l'État. Les dépenses d'AME pour « soins urgents » s'élèvent à 132 millions d'euros. Celles-ci n'ont pas à être prises en charge intégralement par l'État, contrairement à l'AME de droit commun.

Au global, les dépenses d'AME ont augmenté de 68,5 % en dix ans, entre 2014 et 2024, représentant 564 millions d'euros de dépenses en plus. Il s'agit d'une hausse bien supérieure à l'inflation, qui traduit l'absence totale de maitrise du dispositif d'AME.

Évolution des dépenses réelles d'AME entre 2012 et 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En 2025, les dépenses réelles d'AME s'élèveraient à 1 443 millions d'euros8(*), dont 1 314 millions d'euros pour l'AME de droit commun et 129 millions d'euros pour l'AME pour soins urgents. L'État aurait donc dû budgéter une dotation de 1 385 millions d'euros pour l'AME en 2025 en l'absence de réforme de fond du dispositif, au lieu des 1 208 millions d'euros prévus, ce qui correspond à une sous-budgétisation de 177 millions d'euros.

Les dépenses devraient augmenter de 4,7 % entre 2024 et 2025 au total. Concernant l'AME de droit commun, la hausse devrait être de 4 % des dépenses.

Or pour l'année 2026, les documents budgétaires indiquent :

- d'une part, que les soins de ville hors produits de santé représentent en 2024 environ 26,5 % des dépenses d'AME. La dépense moyenne de soins de ville augmenterait en moyenne de 2,6 % entre 2025 et 2026, ce qui représenterait une hausse de 9 millions d'euros ;

- d'autre part, la dépense moyenne en prestations hospitalières et en produits de santé resterait stable en 2026 ;

- l'ensemble des dépenses augmenterait sous l'effet de la hausse du nombre de bénéficiaires, estimée à 4 % entre 2025 et 2026, ce qui représenterait au total 52,6 millions d'euros de dépense supplémentaires.

Ainsi, selon ces prévisions à considérer avec précaution, les dépenses réelles d'AME de droit commun pourraient s'élever en 2026 à 1 375,6 millions d'euros, alors que seuls 1 137 millions d'euros ont fait l'objet d'une budgétisation par l'État, soit un manque de 238,6 millions d'euros, qui pourrait occasionner la création d'une dette de ce montant de l'État à l'égard de la sécurité sociale. Une réforme structurelle du dispositif doit donc être opérée, non seulement pour que la budgétisation corresponde à l'exécution des dépenses, et pour permettre même de réaliser des économies.

Prévision et exécution réalisée ou anticipée des dépenses d'AME
de droit commun entre 2024 et 2026

Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires

2. ... liée tant à la hausse du nombre de bénéficiaires qu'au coût des soins

En 2024, l'augmentation du nombre moyen de bénéficiaires a ralenti, puisqu'elle a été de 1,9 %, après une hausse de 11 % en 2022 et 2023. On comptait, fin 2024, 465 208 bénéficiaires de l'AME de droit commun, soit environ 8 500 de plus qu'un an auparavant.

Au 31 mars 2025, ce sont 461 833 bénéficiaires de l'AME qui sont comptabilisés, soit une décrue de 0,7 % par rapport à 2024. S'il est très regrettable de ne pas disposer d'une évaluation actualisée du nombre de bénéficiaires de l'AME, cette première estimation semble confirmer un ralentissement de la hausse du nombre de bénéficiaires, voire une décrue entre 2024 et 2025. Il est possible, à ce titre, que l'augmentation de 4 % envisagée entre 2025 et 2026 soit surestimée par le ministère.

Entre 2017 et 2024, la hausse du nombre de bénéficiaires de 47,3 % est frappante, et illustre bien l'absence de maitrise des flux migratoires en France. C'est bien cette augmentation qui est principalement à l'origine de la progression globale des dépenses d'AME, de 60,1 % à la même période.

Évolution du nombre moyen annuel de bénéficiaires des dépenses d'AME
de droit commun

(en nombre de bénéficiaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les bénéficiaires de l'AME sont significativement concentrés sur l'Île-de-France, qui totalise 45,7 % des bénéficiaires en 2024, et en Guyane, qui en représente près de 7,4 %. Le dispositif d'AME n'est par ailleurs pas applicable à Mayotte. Dans ce département, une participation forfaitaire est demandée aux patients en situation irrégulière, dont le nombre est difficile à évaluer9(*). L'essentiel des frais de santé correspondants est financé par l'Assurance maladie, sur les crédits du Fonds d'intervention régional10(*) (FIR).

Nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun en fin d'année

(1) Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion. L'AME ne s'applique pas à Mayotte.

(2) Les données après le premier trimestre 2025 ne sont pas disponibles à ce jour.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La dépense moyenne en soins de santé par bénéficiaire de l'AME demeure modérée par rapport à la moyenne des assurés sociaux. Elle ainsi s'élevait à 2 699 euros en 2024, tandis qu'en comparaison, la dépense moyenne de la population générale couverte était de 3 659 euros en 202311(*), date de la dernière estimation disponible. Il est à noter toutefois que 7,5 % des dépenses est financée par les ménages dans le cadre du reste à charge, alors que pour les bénéficiaires de l'AME, ce dernier est nul. Par ailleurs, 12,4 % des dépenses relèvent des organismes complémentaires. Seuls 80 % de la consommation de soins et de biens médicaux est financée par les administrations publiques, représentant 2 927 euros par bénéficiaire.

Les dépenses des bénéficiaires de l'AME sont assez spécifiques en termes de structure de la dépense de soins. Près de 60,8 % des dépenses sont constituées de prestations hospitalières, tandis que les produits de santé ne représentent que 12,7 % des dépenses et les soins de ville 26,5 % des dépenses.

Répartition par postes de dépenses d'AME en 2024

(en pourcentage)

Source : commission des finances d'après la direction de la sécurité sociale

Parallèlement, les prestations hospitalières représentent seulement 49,1 % des dépenses de soins et de biens médicaux pour l'ensemble de la population, alors que les soins de ville comptent pour 29 % des dépenses et les produits de santé 21,9 %.

C. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFORME DE L'AIDE MÉDICALE DE L'ÉTAT

1. Un système français généreux par rapport aux autres pays européens

La totalité des pays européens étudiés prend en charge les soins urgents, c'est-à-dire indispensables à la survie du patient, dont bénéficient les étrangers en situation irrégulière. Le panier de soins pris en charge est toutefois généralement plus restrictif qu'en France.

Au Danemark, les soins urgents (accident, maladie subite, aggravation d'une maladie chronique) sont pris en charge gratuitement y compris pour les étrangers en situation irrégulière. Les soins hospitaliers non urgents sont également pris en charge lorsqu'il n'est pas jugé raisonnable de diriger la personne vers un traitement dans son pays d'origine. Les cas pris en charge dépendent des établissements de santé et des autorités sanitaires locales (régions). Une participation financière peut également être demandée au cas par cas.

En particulier, les soins liés aux grossesses sont susceptibles de faire l'objet de participations financières, tout comme les vaccinations. Le Danemark constitue en ce sens une exception : dans la plupart des pays européens étudiés, les soins liés à la grossesse ou à la vaccination sont pris en charge intégralement. L'urgence des situations est appréciée au cas par cas par les hôpitaux.

En Suisse, conformément à l'article 12 de la Confédération fédérale, toute personne en situation de détresse peut obtenir de l'aide sur les soins médicaux indispensables à sa survie. Chaque canton définit la liste des soins couverts dans ce cadre.

Seuls le Danemark et la Suède ne prennent pas en charge intégralement le traitement des maladies infectieuses, la prévention et les frais liés à la grossesse. Certains pays (Allemagne, Royaume-Uni, Suède, Italie) permettent l'accès à un panier de soins élargi notamment aux actions de prévention, et à la prise en charge de la grossesse mais plus limité que celui des assurés sociaux.

En Allemagne, une loi fédérale établit un plancher de soins qui doivent être pris en charge. Ensuite, chaque Länd définit soit une règlementation s'appliquant à l'ensemble des communes, soit une règlementation cadre mise en oeuvre par les communes le souhaitant.

Selon la loi, le panier de soins inclut :

- les urgences ;

- les soins médicaux et dentaires nécessaires pour le traitement des maladies et douleurs aigues. L'appréciation des douleurs aigues est toutefois variable selon les Länder et peut être laissée à l'appréciation du soignant, ce qui pose des difficultés ;

- le suivi des grossesses et l'accompagnement post-grossesse ;

- un schéma vaccinal complet.

La recommandation-cadre de l'union fédérale des caisses d'assurance maladie et des congrès allemands des villes, qui est appliquée dans un grand nombre de Lander, limite pour le traitement des maladies chroniques la couverture aux soins indispensables pour prévenir une aggravation de la maladie. Elle exclut :

- la prévention ;

- les aides ménagères ;

- l'insémination artificielle ;

- la stérilisation ;

les programmes de soins programmés pour les maladies chroniques ;

- les soins à l'étranger ;

- les prestations monétaires.

Sont soumis à autorisation préalable :

- les traitements hospitaliers non urgents ;

- la rééducation physique ;

- la psychothérapie ;

- les soins à domicile ;

- certains dispositifs médicaux (chaises roulantes) ;

- certains traitements dentaires (orthodontie).

Ce régime s'applique aux demandeurs d'asile et aux étrangers sans titre de séjour régulier, les 18 premiers mois de résidence sur le territoire. À noter, concernant la prise en charge sanitaire des demandeurs d'asile (relevant de la PUMA en France), la prise en charge des soins supérieurs à 250 euros peut impliquer une autorisation écrite.

Le panier de soins pris en charge par l'Allemagne pour les étrangers en situation irrégulière est donc moins large que celui appliqué en France.

Au Royaume-Uni, les pouvoirs publics ont introduit des dispositifs pour limiter le recours aux soins de santé. En particulier, les hôpitaux ont l'obligation de déterminer si un patient doit être facturé des soins qu'il reçoit : certains établissements sont dotés d'agents dédiés aux patients étrangers à ce titre.

Les soins délivrés par la médecine de ville sont gratuits. Concernant l'hôpital, certains actes sont de toute façon gratuits :

- le diagnostic et le traitement des maladies infectieuses mentionnées dans une liste ;

- le traitement des maladies sexuellement transmissibles ;

- les actes relevant du planning familial (sauf l'IVG) ;

- les soins requis pour une pathologie physique et mentale résultant d'un acte de torture, de mutilations sexuelles féminines ou de violences conjugales et sexuelles ;

- les actes urgents pour la survie du patient - mais dans ce cas les soins délivrés ultérieurement sont facturés.

Ces soins deviennent d'ailleurs onéreux s'il est établi que la personne est venue au Royaume-Uni pour les recevoir.

Pour les autres soins, les étrangers en situation irrégulière doivent s'acquitter par avance du coût de leur prise en charge, cadre qui s'applique également aux étrangers présents régulièrement sur le sol britannique. S'ils ne peuvent pas payer, ils doivent avoir un garant. Toutefois, le recouvrement des créances dues par les étrangers est notoirement difficile (y compris pour les créances dues par des étrangers présents régulièrement sur le sol) - surtout quand les personnes n'ont pas de papier d'identité.

Certains pays, comme l'Espagne ou encore la Belgique, font bénéficier les étrangers en situation irrégulière de pratiquement l'ensemble des soins dont bénéficient les assurés sociaux.

En 2012, l'Espagne avait drastiquement réduit la prise en charge des soins aux personnes en situation irrégulière aux soins urgents, à la maternité et aux mineurs de moins de 18 ans. Toutefois, ce cadre a été revu en 2018, pour décharger les urgences hospitalières. Les étrangers en situation irrégulière peuvent bénéficier des soins gratuits dans les mêmes conditions que les citoyens espagnols. Ils doivent toutefois s'acquitter de 40 % du prix des médicaments, ne bénéficiant pas d'une réduction de ce ticket modérateur.

En Belgique, l'aide médicale d'urgence est définie au niveau fédéral et est mise en oeuvre et gérée localement par les centres publics d'action sociale (CPAS). Les CPAS disposent de l'autonomie de décision pour définir l'étendue de la prise en charge, laquelle correspond à tous les soins jugés « nécessaires » par un médecin établissant un certificat médical. Il n'existe pas de définition préalable des soins nécessaires, qui peuvent donc recouvrir en théorie tous les soins concernés.

2. Une indispensable réforme structurelle du dispositif à mettre en oeuvre

Une réforme de l'AME est donc à la fois possible et absolument nécessaire, comme l'a déjà recommandé à plusieurs reprises le rapporteur spécial. L'absence d'articulation entre politique de l'immigration et prise en charge des soins délivrés aux étrangers en situation irrégulière met par ailleurs en cause la pertinence de l'inclusion de l'AME dans la mission « Santé ». 

Plusieurs mesures sont entrées en vigueur à partir du 1er janvier 2020 afin de mieux prévenir les risques de fraudes et de détournements abusifs du dispositif de l'AME.

Une condition de durée minimale de séjour irrégulier de trois mois est désormais nécessaire pour obtenir le bénéfice de l'AME12(*), afin d'éviter un accès immédiat au dispositif dès l'expiration d'un visa touristique ; de même, une obligation de dépôt physique de la première demande d'AME13(*) a été instituée.

Les caisses primaires d'Assurance maladie ont commencé, par l'interrogation de la base Visabio, à vérifier que les demandeurs ne disposaient pas d'un visa en cours de validité, situation devant les exclure du bénéfice de l'AME.

Des mesures de lutte contre la fraude, réelles
mais pouvant encore être améliorées

De mesures de lutte contre la fraude ont été mises en oeuvre. Ainsi, 15,5 % des dossiers d'AME ont fait l'objet d'un contrôle en 2024. Un objectif de 15 % de contrôles est proposé pour 2025. Les dossiers contrôlés font l'objet d'une double instruction vérifiant notamment l'exactitude des ressources déclarées, le respect des critères de résidence ou encore la conformité des pièces justificatives. Environ 2,3 % des dossiers contrôlés ont présenté une anomalie conduisant à un rejet de la demande d'AME. Le préjudice des fraudes détectées s'élève en 2024 à 0,91 million d'euros.

La Caisse nationale d'Assurance maladie conduit également des contrôles ciblés sur les consommations de médicaments présentant des montants élevés ou des anomalies. Un programme national de contrôle mis en oeuvre depuis 2019 permet de vérifier la stabilité de la résidence en France des assurés de l'AME, en exploitant les signalements d'organismes ou via des échanges avec les consulats.

Des contrôles supplémentaires pourraient toutefois être conduits, par exemple concernant l'attribution des numéros de sécurité sociale.

Source : commission des finances

Depuis le 1er janvier 2021, le bénéfice de certaines prestations programmées et non urgentes est subordonné à un délai d'ancienneté de neuf mois de bénéfice de l'AME14(*). Pour les cas les plus urgents ne pouvant attendre le délai d'ancienneté, la prise en charge par l'AME est également possible après accord préalable du service du contrôle médical de la caisse primaire d'Assurance maladie. Selon le rapport15(*) Evin-Stefanini, un peu plus de 20 demandes d'accord préalable avaient été dénombrées par l'Assurance maladie en 2022.

Le rapport Evin-Stefanini, publié en décembre 2023, faisait des recommandations, dont certaines de niveau législatif. Les auteurs préconisent notamment un régime d'accord préalable permanent par les caisses primaires d'Assurance maladie pour l'accès au panier de soins défini à l'article R251-3 du code de l'action sociale et des familles, qui comprend en particulier les opérations de la cataracte, la pose de prothèses de genoux et d'épaules, d'implants cochléaires ou les interventions sur le canal carpien.

Rapport Evin-Stefanini

Le rapport Evin-Stefanini, publié le 4 décembre 2023, propose plusieurs recommandations de réforme de l'Aide médicale d'État, notamment :

- l'émancipation des majeurs ayants-droits pour le bénéfice de l'AME ;

- le resserrement de la vérification des conditions d'accès (présence physique du bénéficiaire à chaque dépôt de dossier et retrait de cartes, amélioration de la formation des agents des CPAM à la détection de faux papiers) ;

- l'exclusion du bénéfice de l'AME des personnes frappées d'une mesure d'éloignement du territoire pour motif d'ordre public ;

- l'extension du recours à l'accord préalable (application au-delà de 9 mois, extension à d'autres actes ou affections).

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial, dans son rapport précité, a également fait des recommandations nombreuses, tendant notamment à redéfinir les droits ouverts au titre de l'AME, en s'inspirant du modèle allemand, et à lutter contre la fraude. Celles-ci doivent être mises en oeuvre à la fois au niveau réglementaire et législatif.

Les recommandations du rapporteur spécial relatives
à la maitrise du dispositif d'AME

Recommandation n° 1 : Imposer une visite médicale obligatoire, dans le pays d'origine, grâce à un réseau de médecins « agréés » aux personnes souhaitant bénéficier d'un visa de longue durée en France (direction générale des étrangers de France, ministère des affaires étrangères).

Recommandation n° 2 : intégrer les demandeurs d'asile au régime de l'AME (direction de la sécurité sociale - DSS, caisse nationale d'assurance maladie - CNAM).

Recommandation n° 3 : actualiser chaque mois les remontées de dépenses et de bénéficiaires de l'aide médicale de l'État afin d'améliorer la prévision (DSS, CNAM).

Recommandation n° 4 : enregistrer le statut administratif des personnes sollicitant ou bénéficiant d'une greffe (agence de biomédecine).

Recommandation n° 5 : limiter le bénéfice de l'aide médicale de l'État aux enfants mineurs à charge du bénéficiaire et prendre en compte les revenus du conjoint lors de la définition du plafond de ressources pris en compte pour le calcul de l'aide (DSS).

Recommandation n° 6 : exclure du bénéfice de l'AME les personnes à qui un titre de séjour n'a pas été accordé ou a été retiré pour un motif d'ordre public (DSS).

Recommandation n° 7 : étendre le recours à l'accord préalable avant de bénéficier de soins « non urgents » à l'ensemble des bénéficiaires de l'AME (DSS, CNAM).

Recommandation n° 8 : limiter le panier de soins pris en charge, sur le modèle de la recommandation cadre de l'Allemagne, en excluant notamment les programmes de soins programmés pour les maladies chroniques, et en soumettant à autorisation préalable les traitements hospitaliers non urgents, la rééducation physique ou encore la psychothérapie (DSS, CNAM).

Recommandation n° 9 : mettre en oeuvre des campagnes de prévention spécifiques à destination des bénéficiaires de l'AME dans les CPAM, en particulier lors de la délivrance de la carte de bénéficiaire de l'aide (DSS, CNAM).

Recommandation n° 10 : exclure l'extrait d'acte de naissance de la liste des documents d'identité valables pour délivrer une carte d'aide médicale de l'État (DSS, CNAM).

Source : rapport d'information n° 841 (2024-2025) sur l'Aide médicale d'État, déposé le 9 juillet 2025 par M. Vincent DELAHAYE au nom de la commission des finances

Il serait important en particulier de supprimer la possibilité pour un demandeur d'une carte d'AME de présenter un extrait d'acte de naissance, document sur lequel ne figure aucune photo, pour justifier son identité. Un projet de décret a été envisagé en ce sens par le Gouvernement, qu'il faudrait mettre en oeuvre urgemment. Si les statistiques du nombre de bénéficiaires de l'AME ayant présenté un extrait d'acte de naissance pour obtenir leur carte AME n'existent pas, en revanche une enquête conduite pendant 15 jours en Guyane avait permis de montrer que 41 % des demandeurs présentaient un tel document.

Même en supposant que seuls 10 à 20 % des bénéficiaires de l'AME, qui renouvellent leur carte chaque année, présentent un extrait d'acte de naissance, une diminution à due concurrence des dépenses conduirait à une économie comprise en 2026 entre 138 millions d'euros et 275 millions d'euros, ce qui pourrait permettre de rapprocher le niveau réel envisagé des dépenses d'AME de leur budgétisation, pour l'instant sous-estimées de près de 240 millions d'euros. En l'état et sans changement, la budgétisation des dépenses d'AME est insuffisante. Il est indispensable que le gouvernement procède à la réforme réglementaire, permettant également de lutter contre la fraude, pour exclure l'extrait d'acte de naissance de la liste des justificatifs acceptés pour les demandes d'AME.

D'autres mesures, de niveau législatif, déjà adoptées par le Sénat, souvent à l'initiative de sa commission des finances, peuvent permettre de réaliser des économies sur le niveau des dépenses.

En particulier, la prise en charge des frais correspondant à des prestations jugées non urgentes et définies par décret est subordonné à un délai d'ancienneté de neuf mois d'admission à l'AME, sauf lorsque l'absence de réalisation de ces prestations est susceptible d'avoir des conséquences vitales ou graves et durables sur l'état de santé de la personne. Dans ce cas, les frais peuvent être pris en charge avant le délai d'ancienneté de neuf mois, sur accord préalable des caisses primaires d'Assurance maladie.

Le rapporteur spécial propose d'appliquer ce dispositif à tous les bénéficiaires d'AME, quelle que soit leur ancienneté. Il recommande également au Gouvernement d'élargir la définition des prestations listées à l'article R.251-3 du code de l'action sociale et des familles, notamment à la prise en charge des soins programmés non-urgents, qui ne sont par exemple pas remboursés en Allemagne aux étrangers en situation irrégulière. Le rapporteur spécial propose également de tirer les conséquences budgétaires de cette recommandation, en minorant de 200 millions d'euros les dépenses d'AME au PLF 2026.

Pour mémoire, le Sénat a constamment recommandé ces dernières années une révision du panier de soins pris en charge par l'AME, qui se limiterait au traitement des maladies graves et des soins urgents, aux soins liés à la grossesse et ses suites, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive.

D. UNE DOTATION STABLE AU FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

Le programme 183 « Protection maladie » comporte également une dotation de 8 millions d'euros destinée au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), créé en 1997, dont le montant, inchangé depuis 2017, ne représente qu'un très faible part des ressources du fonds (1,3 % des produits en 2025), celles-ci étant majoritairement constituées d'une dotation de la branche « accidents du travail - maladies professionnelles » de la sécurité sociale. Cette dotation est versée au titre de la prise en charge, par la solidarité nationale, de l'indemnisation des victimes non professionnelles de l'amiante.

III. LE PROGRAMME 204 « PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS » : DES FINANCEMENTS DISPERSÉS

Plus de la moitié des crédits de ce programme se concentrent sur quatre actions, dotées des montants suivants en 2026 :

- la subvention à l'Agence de santé des îles Wallis-et-Futuna (66,9 millions d'euros) ;

- les actions juridiques contentieuses (41,7 millions d'euros), incluant la subvention de l'État à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux et des infections iatrogènes (Oniam) ;

- une subvention à l'Institut national du cancer (41,8 millions d'euros) ;

- une subvention à l'Agence nationale de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) (23,3 millions d'euros).

Selon les prévisions pluriannuelles, le programme 204 connaîtrait une forte baisse de ses crédits en 2027 (- 6,3 % en CP) et en 2028 (- 2,8 % en AE).

Beaucoup d'actions financées par ce programme sont extrêmement dispersées, pour des montants généralement faibles, si bien qu'elles paraissent loin de disposer d'une « masse critique » suffisante pour prétendre produire un réel impact sur la réalisation des objectifs de santé publique poursuivis. Le projet annuel de performances énumère à ce titre de nombreuses contributions budgétaires à des plans nationaux ou feuilles de route16(*) dans des domaines qui ont été très largement délégués à des opérateurs aujourd'hui surtout financés par l'Assurance maladie.

Par ailleurs, l'action 16, qui comprend les crédits alloués au fonds de concours « Participation de l'Union européenne à la constitution d'un stock de produits médicaux et non médicaux en cas d'événement nucléaire, radiologique, biologique ou chimique » par l'Union européenne, connait un recul de son enveloppe (voir supra).

A. UNE AUGMENTATION DU FINANCEMENT DES OPÉRATEURS DE LA MISSION

1. Une dotation stable pour l'ANSES

La mission « Santé » ne finance plus que deux opérateurs :

- l'Institut national du cancer (INCa) ;

- et l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSèS).

Toutefois, l'ANSèS est placée sous la tutelle conjointe de cinq ministères (ceux en charge de l'agriculture, de l'environnement, de la santé, du travail, de la consommation et des finances). Sa subvention pour charges de service public, qui s'élève pour 2026 à 116 millions d'euros, n'est financée qu'à hauteur de 23,3 millions d'euros par la mission « Santé », soit un montant stable par rapport à 2025. La part principale provient du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission « Agriculture » (75,5 millions d'euros en CP).

L'INCa demeure donc l'unique opérateur pleinement rattaché à la mission « Santé » qui seule finance sa subvention pour charges de service public (41,8 millions d'euros pour 2026).

2. L'Institut national du Cancer en difficulté pour financer ses projets, malgré une hausse de sa dotation

Le projet de loi de finances prévoit en particulier une hausse significative de la subvention destinée à l'Institut national du cancer (INCa), à hauteur de 41,77 millions d'euros en PLF 2026, contre 32,17 millions d'euros en 2025. Le plafond d'emplois est relativement stable, à 132 équivalents temps pleins travaillés (ETPT). Cette subvention est principalement destinée à financer le fonctionnement de l'opérateur - ses dépenses d'intervention étant financées par une autre dotation provenant de la mission « Recherche » pour un montant de 68 millions d'euros en 2026.

La hausse de la subvention de l'INCa est liée à la mise en oeuvre de la loi17(*) visant à mettre en place un registre national des cancers. L'INCa est en effet chargé de la mise en oeuvre d'un tel registre, et bénéficie à ce titre d'une hausse de la subvention de 9,6 millions d'euros. Parallèlement, l'affectation des prélèvements sur les casinos en faveur de Santé publique France, qui était chargé avant l'entrée en vigueur de la loi précitée de maintenir des registres suivant le nombre de cancers en France, est plafonnée non plus à 5 millions d'euros comme en 2025 mais à 400 000 euros, conformément à l'article 36 du présent projet de loi de finances. Cette mesure de périmètre permet de dégager une marge de manoeuvre de 4,2 millions d'euros, en vue de financer la mise en oeuvre du registre national des cancers par l'INCa.

Le « jaune » budgétaire relatif aux opérateurs de l'État18(*) montre que l'INCa enregistrerait un résultat net négatif en 2025, en déficit de 9,5 millions d'euros, qui conduit à une diminution de 10,25 millions d'euros de son fonds de roulement. De plus, les charges de personnel et de fonctionnement de l'opérateur s'élèvent à 45 millions d'euros, un niveau supérieur à sa subvention du programme 204. Le présent projet de loi prévoit donc un abondement de 5,2 millions d'euros en 2026, afin de reconstituer la trésorerie limitée de l'INCa.

La subvention de l'INCa en provenance de la mission « Santé » a significativement diminué depuis 2023, à hauteur de de 5 millions d'euros. Ainsi, alors que les besoins en dépenses de fonctionnement s'élèvent à 40 millions d'euros, la dotation du ministère de la santé est limitée à 35 millions d'euros : un effort de rationalisation budgétaire relativement significatif est donc demandé à cet opérateur.

Évolution de la subvention pour service public de l'INCa de 2021 à 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La situation financière de l'INCa constitue un point de vigilance pour le rapporteur spécial : s'il est normal et même souhaitable de ne pas subventionner excessivement un opérateur qui bénéficierait d'un fonds de roulement confortable, il convient également de lui permettre de mener à bien ses missions. Si à l'avenir un niveau d'excédents trop important était constaté, le rapporteur soutiendrait une diminution de sa subvention ; dans l'hypothèse inverse, il recommanderait a minima de la maintenir à un niveau inchangé.

B. UNE ACCÉLÉRATION DE L'INDEMNISATION DES VICTIMES DE LA DÉPAKINE

La dotation pour actions juridiques et contentieuses constitue une part importante des crédits du programme 204. Elle est constituée :

- d'une provision destinée aux frais de justice de la direction générale de la santé et de la direction générale de l'offre de soins, fixée à 8,2 millions d'euros pour 2026, soit un montant équivalent à 2025 ;

- d'une dotation versée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) qui s'élève à 34,5 millions d'euros en 2026, contre 30,8 millions d'euros en LFI 2025, soit une hausse de 3,8 millions d'euros.

L'objectif de cette revalorisation est de couvrir la révision du barème d'indemnisation des victimes de la Dépakine, qui fait suite à une décision19(*) de la Cour d'appel administrative de Paris, ainsi que l'accélération de l'indemnisation des victimes de la Dépakine.

En ce qui concerne la dotation versée à l'ONIAM, elle doit permettre de couvrir pour 2026 :

- l'indemnisation des accidents vaccinaux liés aux vaccinations obligatoires survenus depuis le 1er janvier 2006 ainsi que l'indemnisation des victimes des mesures sanitaires d'urgence, y compris l'indemnisation des éventuelles conséquences dommageables de la vaccination contre le Sars-Cov-2. Au 31 août 2025, ce sont 217 victimes qui ont été indemnisées pour un montant de 2 millions d'euros, au total, dont 700 000 euros en 2025 ;

- l'indemnisation des victimes de la Dépakine (valproate de sodium).

Comme l'a souligné le contrôle présenté par le précédent rapporteur spécial le 28 septembre 2022 devant la commission des finances20(*), le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine se caractérise par une sous-exécution des crédits qui témoigne d'un non recours significatif.

Il demeure difficile d'établir des prévisions de dépenses résultant de ce dispositif d'indemnisation. Les indemnités varient fortement selon les types de préjudices subis. La réforme du processus d'évaluation des dossiers intervenue en 2020, notamment la mise en place d'un collège unique d'experts, constitue une avancée positive, mais, sans qu'il soit nécessaire d'entreprendre une nouvelle réforme, des améliorations doivent être apportées pour accélérer le traitement des dossiers et accroître le recours au dispositif. Le rapport précité a émis plusieurs recommandations en ce sens, notamment pour renforcer le collège d'experts et les capacités d'analyse juridique des dossiers et mieux accompagner les familles.

Le niveau de budgétisation ne paraît pas toujours cohérent avec les dernières prévisions de consommation. En 2023, par exemple, 57,8 millions d'euros ont été versés par l'ONIAM à 1 649 personnes. En 2024, le versement de 30,7 millions d'euros, soit un montant inférieur à ce qui était initialement décidé en LFI pour 2024 en raison du décret d'annulation du 21 février 2024, devrait se révéler insuffisant pour finir l'année. Le projet de loi de fin de gestion pour 2024 avait permis l'ouverture de 13,8 millions d'euros sur le programme 204 à ce titre, ainsi que pour compléter la dotation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna. Pour 2025, ce sont même 18 millions d'euros qui pourraient manquer pour indemniser les victimes de la Dépakine.

Toutefois, comme il est très difficile de prévoir les besoins de l'ONIAM, maintenir la dotation à ce niveau, quitte à ajuster en cours d'année si besoin, parait une solution sensée.

La direction générale de la santé a par ailleurs indiqué au rapporteur qu'aucun nouveau contentieux susceptible de donner lieu à la mobilisation de la provision des frais de justice n'était identifié pour 2026.

S'agissant des frais de justice, il faut rappeler qu'une ouverture de crédits de paiement de 33,7 millions d'euros était intervenue lors de la seconde loi de finances rectificative pour 2021 en prévision d'un éventuel aboutissement de la requête du laboratoire Servier visant à obtenir le remboursement par l'État de 30 % des sommes versées dans le cadre de l'indemnisation des victimes du Médiator. Ces crédits ont été reportés sur 2022, mais à la suite de la décision favorable au laboratoire Servier rendue par le tribunal administratif de Paris le 25 mars 2022, le montant du remboursement incombant à l'État a finalement été fixé à 56,7 millions d'euros. Toutefois, la Cour21(*) d'appel administrative de Paris a annulé en juillet 2024 cette décision. La somme a été versée par le laboratoire, mais le contrôleur budgétaire et comptable ministériel n'a pour l'instant pas débloqué la somme.

C. UNE DOTATION EN HAUSSE POUR L'AGENCE DE SANTÉ DE WALLIS-ET-FUTUNA, À LA SANTÉ FINANCIÈRE FRAGILE

Collectivité d'outre-mer de 11 500 habitants, les îles Wallis-et-Futuna présentent la particularité de ne pas disposer de système de sécurité sociale. Les soins y sont directement pris en charge par l'État, en application d'un principe posé par l'article 68 de la loi de finances pour 1972, et gratuitement délivrés dans les établissements hospitaliers et dispensaires qu'il administre et finance.

Ces fonctions relèvent depuis 200022(*) d'une agence de santé, établissement public national à caractère administratif. L'agence de santé dispose d'un centre hospitalier et de trois dispensaires à Wallis, ainsi que d'un établissement hospitalier, incluant un dispensaire, à Futuna. L'agence assure les examens de diagnostic, la surveillance et le traitement des patients, leur délivre les médicaments et dispositifs médicaux et procède si nécessaire à leur transfert dans un établissement hors du territoire. Elle est également chargée d'élaborer un programme de santé publique.

Pour 2026, le projet de loi de finances prévoit une hausse de 3 millions d'euros de la dotation de fonctionnement, qui s'établirait à 55,3 millions d'euros en AE et à 56,6 millions d'euros en CP.

La situation financière de l'agence est difficile : comme l'a régulièrement souligné la Cour des comptes, l'agence de santé a longtemps connu une situation de sous-budgétisation chronique. Elle avait notamment contracté vis-à-vis du centre hospitalier de Nouméa et de la caisse de sécurité sociale pour la Nouvelle-Calédonie une dette liée aux évacuations sanitaires qui atteignait plus de 20 millions d'euros fin 2014. Celle-ci a pu être remboursée grâce à un prêt de l'Agence française de développement de 26,6 millions d'euros. La dotation intègre chaque année un montant de 1,3 million d'euros correspondant à l'annuité du remboursement de ce prêt qui s'étale sur 20 ans.

Par ailleurs, les évacuations sanitaires représentent une part très importante des dépenses de l'agence (près de 35 %). Elles interviennent de Futuna vers Wallis, distantes de 200 kilomètres. Elles s'effectuent également vers la Nouvelle-Calédonie, et plus exceptionnellement vers l'hexagone, pour les soins relevant de spécialités médicales qui ne sont pas assurées sur l'archipel.

Des efforts ont été entrepris ces dernières années pour améliorer l'offre de soins sur le territoire : acquisition de nouveaux équipements, création de trois postes de médecins, développement de missions de médecins spécialistes pour assurer le suivi des patients sur le territoire, développement de la télémédecine en partenariat avec le CHU de Rennes. La réalisation d'une unité d'hémodialyse sur Futuna, plusieurs fois reportée en raison de marchés déclarés infructueux, est engagée. Ces mesures sont de nature à améliorer les réponses aux besoins de santé des populations du territoire, mais n'atténueront que modestement le recours aux évacuations sanitaires, qui demeureront nécessaires et vouées à représenter un des postes de dépenses principaux de l'agence de santé.

Le Ségur de la Santé finance en particulier un programme de modernisation de reconstruction de l'hôpital de Futuna, à hauteur de 45 millions d'euros, qui se poursuit en 2025. Ce nouvel équipement immobilier n'a pas vocation à couvrir la totalité des prises en charges, notamment la chirurgie qui continuera de nécessiter un transfert vers l'hôpital situé à Wallis ou, en fonction de la gravité du cas, une évacuation sanitaire sur la Nouvelle-Calédonie ou l'Hexagone.

Cependant, la modernisation du plateau technique de l'hôpital de Futuna, notamment en termes d'imagerie avec l'installation d'un mammographe et d'un scanner, devrait générer une baisse notable du nombre de transferts entre Futuna et Wallis. Cette diminution peut être estimée, en année pleine, à environ 300 pour une économie globale de 120 000 euros.

Le plan de maitrise des dépenses, déjà mis en oeuvre par l'Agence (déploiement de nouveaux systèmes d'information de ressources humaines ; mise en place d'un pilotage budgétaire par service ainsi que d'un service facturier etc.), doit absolument être poursuivi et consolidé. Un rapport est attendu des inspections générales des finances et des affaires sociales, qui pourrait permettre de guider la modernisation de l'Agence.

L'Agence de santé doit disposer d'une santé financière suffisamment bonne pour être en mesure de faire face aux crises successives.

IV. LE PROGRAMME 379 « REVERSEMENT À LA SÉCURITÉ SOCIALE DES RECETTES DE LA FACILITÉ POUR LA RELANCE ET LA RÉSILIENCE » : UN RÉABONDEMENT PAR LES FONDS EUROPÉENS

Dans le cadre de la Facilité pour la relance et la résilience (FRR) européenne, la France devait recevoir un montant global de 6 milliards d'euros destinés à soutenir l'investissement dans le secteur hospitalier ; dont 2,5 milliards d'euros pour soutenir les projets d'investissement dans les établissements de santé, 1,5 milliards d'euros pour l'investissement des établissements médico-sociaux et 2 milliards d'euros pour l'amélioration des outils numériques en santé.

Un premier versement européen de 778 millions d'euros est intervenu en 2021. Il a été transféré à l'Assurance maladie sous la forme de l'affectation d'une fraction de TVA en application de l'article 1er de la seconde loi de finances rectificative pour 202123(*).

Depuis la loi de finances rectificative du 1er décembre 202224(*), ces versements transitent, avant d'être reversés à l'Assurance maladie sous forme de crédits budgétaires, par le présent programme 379 de la mission « Santé », créé pour l'occasion.

Ce programme a également vocation à assurer la compensation à la sécurité sociale des éventuels dons de vaccins effectués à des pays tiers. En 2021, cette compensation avait également été effectuée par affectation d'une fraction de TVA, à hauteur de 600 millions d'euros, dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative.

Les versements européens via le programme 379 devaient se tarir en 2025. La LFI pour 2025 avait reconduit ce programme 379, doté d'un montant de 54 millions d'euros pour 2025.

Le plan initial de reversement des fonds européens sur la période 2021-2026 a fait l'objet d'une convention entre le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre de la santé et de la prévention. Cette convention est révisée, à partir de 2026, pour rééchelonner les reversements de la FRR jusqu'à expiration en 2028. Le programme 379 est ainsi doté de 242 millions d'euros en 2026 pour permettre d'opérer l'intégralité des versements de la FRR aux établissements de santé et médico-sociaux d'ici 2028.

C'est ainsi la hausse des versements européens au programme 379 qui explique l'augmentation de 11,4 % des crédits de la mission en CP. Il ne s'agit toutefois pas d'une hausse réelle des dépenses de l'État, mais simplement d'un transfert de fonds européens vers l'assurance maladie.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE ADDITIONNEL APRES L'ARTICLE 78 (nouveau)

Réforme de l'aide médicale d'État (AME)

Le présent article additionnel, issu d'un amendement n°  II-29 (FINC-2), adopté par la commission des finances à l'initiative du rapporteur spécial, prévoit d'adapter le régime de prise en charge des frais relatifs à des prestations programmées non urgentes.

Il étend la nécessité d'obtenir une autorisation des caisses primaires d'assurance maladie pour accéder à un panier de soins non urgents, définis par décret, à l'ensemble des bénéficiaires de l'aide médicale d'État (AME), et non uniquement aux personnes bénéficiaires de l'AME depuis moins de neuf mois.

La commission propose d'adopter cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : L'ACCÈS AUX SOINS NON URGENTS SOUMIS À AUTORISATION UNIQUEMENT POUR LES BÉNÉFICIAIRES DE L'AME DEPUIS MOINS DE NEUF MOIS

Le régime actuel de l'aide médicale d'État est défini à l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles.

Actuellement, la prise en charge des frais correspondant à ces prestations est subordonné à un délai d'ancienneté de neuf mois d'admission à l'AME, sauf lorsque l'absence de réalisation de ces prestations est susceptible d'avoir des conséquences vitales ou graves et durables sur l'état de santé de la personne. Hors ce dernier cas, les frais peuvent être pris en charge avant le délai d'ancienneté de neuf mois uniquement sur accord préalable des caisses primaires d'assurance maladie. Cette disposition a été introduite par l'article 264 de la loi25(*) de finances initiale pour 2020.

Le rapporteur spécial estime étonnant que cette obligation ne concerne que les personnes bénéficiaires de l'AME depuis moins de neuf mois et n'y voit aucune justification médicale, comme il l'a déjà relevé dans un rapport26(*) récent.

Le rapport27(*) remis par Claude Evin et Patrick Stefanini à la Première Ministre Élisabeth Borne en décembre 2023 recommande également d'étendre ce régime de l'accord préalable à l'ensemble des bénéficiaires de l'AME.

La liste des prestations concernées relève d'un décret. Elle est actuellement fixée à l'article R. 251-3 du code de l'action sociale et des familles. Figurent notamment sur cette liste les opérations de la cataracte, la pose de prothèses de genoux et d'épaules, la pose d'implants cochléaires et des interventions sur le canal carpien.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : UNE ADAPTATION DU RÉGIME DE PRISE EN CHARGE DES FRAIS RELATIFS À DES PRESTATIONS PROGRAMMÉES NON URGENTES

Le présent article additionnel, issu d'un amendement n°  II-29 (FINC-2), adopté par la commission des finances à l'initiative du rapporteur spécial, modifie le huitième alinéa de l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles.

Le 1° et le 2° permettent ainsi de subordonner l'ensemble des soins non programmés et sans caractère d'urgence, qui sont définis par décret, à un accord préalable du service du contrôle médical mentionné à l'article L. 315-1 du code de la sécurité sociale, en supprimant la condition d'ancienneté. Actuellement, seules les personnes bénéficiaires de l'AME depuis moins de neuf mois doivent obtenir une autorisation du service du contrôle médical pour avoir accès au panier de soins non urgents précité. Les 1° et 2° suppriment cette condition pour introduire un régime d'accord préalable pour l'accès à certains soins non urgents pour l'ensemble des bénéficiaires de l'AME.

Le 3° précise que le service concerné doit s'assurer que les soins prescrits auxquels il doit donner son autorisation n'ont pas un caractère vital ni de conséquences « graves et durables » sur la personne devant bénéficier des soins.

Le 4° procède à une coordination.

Le rapporteur recommande par ailleurs au Gouvernement de revoir la liste des actes fixée par l'article R. 251-3 du code de l'action sociale et des familles, correspondant aux prestations programmées ne présentant pas un caractère d'urgence.

En effet, la liste de ces actes est aujourd'hui relativement limitée en France par rapport à d'autres pays européens. En Allemagne, par exemple, sont soumis à autorisation préalable :

- les traitements hospitaliers non urgents ;

- la rééducation physique ;

- la psychothérapie ;

- les soins à domicile ;

- certains dispositifs médicaux (chaises roulantes) ;

- certains traitements dentaires (orthodontie).

Le Sénat a également constamment recommandé ces dernières années une révision du panier de soins pris en charge par l'AME, qui se limiterait au traitement des maladies graves et des soins urgents, aux soins liés à la grossesse et ses suites, aux vaccinations réglementaires et aux examens de médecine préventive.

Le rapport Evin-Stefanini recommande aussi d'examiner l'élargissement de cette liste d'actes nécessitant l'accord préalable des caisses primaires d'assurance maladie, en faisant référence aux actes de masso-kinésithérapie, à l'appareillage auditif et optique, à la pose de prothèses dentaires, à l'hospitalisation à domicile ou aux soins médicaux et de réadaptation.

Ces pistes représentent des sources d'économies potentielles qui méritent d'être explorées par le Gouvernement.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Santé ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le vendredi 14 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, sur la mission Santé.

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec l'examen des crédits de la mission « Santé ».

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial de la mission « Santé ». - La mission « Santé » a été déplumée au fil du temps, l'essentiel de ses crédits ne servant quasiment plus qu'à financer l'aide médicale de l'État (AME). Les crédits de cette mission augmentent en apparence dans le présent projet de loi de finances de près de 11 %. Ils représentent 1,67 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).

Cette augmentation des crédits n'est toutefois qu'apparente, puisqu'elle porte exclusivement sur le programme 379 « Reversement à la sécurité sociale des recettes de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) européenne au titre du volet “ Ségur investissement ” du plan national de relance et de résilience (PNRR) ». Ce programme, créé à la fin de 2022, rassemble des fonds européens qui y transitent avant d'être transférés à la sécurité sociale. L'augmentation de ces fonds en 2026 par rapport à 2025 explique la hausse apparente des crédits de la mission. Le volet « Ségur investissement » représente en effet un montant total de 19 milliards d'euros, dont 6 milliards proviennent de la facilité pour la reprise et la résilience européenne. Entre 2021 et 2025, un peu plus de 4,9 milliards d'euros ont été versés à la mission « Santé » par ce biais, c'est-à-dire plus de 80 % de la somme promise. Un rééchelonnement des versements a été opéré, permettant de décaisser progressivement le milliard d'euros restant entre 2026 et 2028. Par ailleurs, si ce programme améliore la traçabilité des fonds européens, nous ne pouvons considérer que des dépenses financées par l'Union européenne alimentent le budget de l'État.

Si l'on exclut le programme 379, les crédits de la mission « Santé » sont globalement stables entre 2025 et 2026, puisqu'ils diminuent de 0,6 % en AE et qu'ils augmentent de 1 % en CP.

J'en viens maintenant à l'aide médicale de l'État (AME), portée par le programme 183, « Protection maladie ». Les dépenses d'AME représenteront environ 1,208 milliard d'euros en 2026, soit un montant stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2025. Cette budgétisation est toutefois insincère, car elle cache en réalité une augmentation des dépenses non financées par l'État, comme j'ai déjà eu l'occasion de le relever en juillet dernier lors de la présentation à la commission de mon rapport d'information sur l'aide médicale de l'État.

En effet, l'AME de droit commun, destinée à la prise en charge des soins de santé des étrangers en situation irrégulière présents de manière stable sur le territoire national depuis plus de trois mois, doit être financée intégralement par l'État. Aussi l'État rembourse-t-il à la sécurité sociale les soins pris en charge, pour des dépenses estimées à 1,137 milliard d'euros dans le présent projet de loi de finances. Le reliquat de 70 millions d'euros prévu sur le programme 183 est destiné à financer la dotation de l'État à la sécurité sociale au titre des soins urgents des étrangers en situation irrégulière ne bénéficiant pas de l'AME.

Pourtant, en 2024, les dépenses d'aide médicale de l'État de droit commun se sont élevées en réalité à 1,255 milliard d'euros, et ont donc été sous-évaluées de près de 170 millions d'euros. Les dépenses réelles de l'AME pour les soins urgents, qui n'ont pas vocation à être prises en charge intégralement par l'État, se sont quant à elles élevées à 132 millions d'euros.

En 2024, l'État a ainsi contracté à l'égard de la sécurité sociale une dette de 185 millions d'euros au titre de l'AME. Pour 2025, au vu du niveau de l'exécution et de la prévision de dépenses, les dépenses d'AME seront supérieures de 177 millions d'euros au niveau prévu en loi de finances initiale (LFI). Pour autant, aucune ouverture de crédits n'est prévue à ce titre en projet de loi de fin de gestion pour 2025. Il s'agit d'un exemple flagrant de l'insincérité budgétaire de l'État. Dans le projet de loi de finances pour 2026, nous estimons que les dépenses d'AME sont sous-estimées d'environ 240 millions d'euros. Afin de maîtriser les dépenses réelles en la matière plutôt que de se contenter d'augmenter la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale, il est indispensable et urgent de procéder à une réforme de fond du dispositif.

J'en viens aux causes de l'augmentation des dépenses réelles d'AME. Cette évolution résulte notamment de la hausse du nombre de bénéficiaires : alors qu'ils étaient 411 000 à la fin de 2022, ils étaient plus de 465 000 à la fin de 2024. Le nombre de bénéficiaires a donc augmenté de 13,1 % durant cette période.

Pour mieux maîtriser les dépenses d'AME, la présente commission a adopté en juillet dernier les recommandations que je vous ai présentées. En particulier, afin de lutter contre les fraudes, nous avions proposé d'exclure l'extrait d'acte de naissance, qui ne comporte pas de photographie, de la liste des justificatifs d'identité acceptés pour valider le dossier d'un demandeur d'AME. Il s'agit d'une mesure d'ordre réglementaire, que le Gouvernement a eu des velléités d'adopter, puisqu'un projet de décret en ce sens a été transmis à la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) il y a peu.

Une telle mesure de lutte contre la fraude permettrait d'effectuer des économies significatives sur les dépenses d'AME. En effet, si nous ne connaissons pas la proportion exacte de personnes bénéficiant de l'AME et devant renouveler leur demande chaque année qui présentent un extrait d'acte de naissance, une étude conduite dans certaines zones géographiques a permis de montrer que, en un mois, dans près de 40 % des cas, la pièce justificative d'identité jointe aux dossiers était un extrait d'acte de naissance. Même en retenant une hypothèse moindre, selon laquelle entre 10 % et 20 % des demandeurs d'AME présenteraient un extrait d'acte de naissance, les économies réalisées représenteraient entre 140 et 275 millions d'euros. Elles permettraient donc de ramener le niveau réel des dépenses d'AME à celui des dépenses prévues par le présent projet de loi. Que les choses soient claires : si notre proposition était retenue, nous pourrions estimer que le budget de la mission serait sincère.

Il est donc particulièrement important que le décret en question soit publié. Mes chers collègues, je déposerai peut-être un amendement d'appel afin d'interpeller le Gouvernement sur la nécessité de prendre cette mesure.

Par ailleurs, comme nous l'avions indiqué en juillet dernier lors de la présentation de mon rapport, il est possible d'aller plus loin dans les économies réalisées sur ce dispositif. Dans certains pays européens, seuls les soins urgents, les soins liés à la maternité, aux mineurs et les dispositifs de soins préventifs dans le cadre de programmes sanitaires publics sont pris en charge gratuitement pour les étrangers en situation irrégulière. En Allemagne en particulier, les soins programmés à l'hôpital et considérés comme non urgents ne sont pas pris en charge pour les étrangers en situation irrégulière. En raison de l'éventail des soins qu'elle couvre, l'AME constitue une exception par rapport aux pays voisins.

Comme l'an dernier, et suivant une recommandation également formulée dans le rapport remis par Claude Evin et Patrick Stefanini en décembre 2023, je vous propose d'adapter le régime de prise en charge des frais relatifs aux prestations programmées non urgentes dans le cadre de l'aide médicale de l'État. Ces prestations ne peuvent être délivrées en l'absence d'un accord des caisses primaires d'assurance maladie à l'ensemble des assurés bénéficiant d'une AME depuis moins de neuf mois. Une telle condition d'ancienneté est étonnante : il n'y a en effet aucune raison de considérer que la délivrance d'une prestation peut être subordonnée à une autorisation de l'assurance maladie pour certains assurés seulement.

C'est pourquoi je vous propose d'adopter l'amendement  II-29 (FINC-2), qui vise à adapter le régime d'accord préalable en étendant celui-ci à tous les assurés pour les soins non urgents. Quelle que soit la durée de son affiliation à l'AME, un affilié pourrait avoir accès à une prestation incluse dans le panier de soins non urgents sous condition d'un accord préalable avec les caisses primaires d'assurance maladie.

Je vous propose également d'adopter l'amendement budgétaire FINC. 1, qui a pour objet de tirer les conséquences des dispositions de cet amendement. L'objectif est d'encourager le Gouvernement à inclure davantage de prestations dans le panier de soins non urgents. En particulier, les soins programmés non urgents à l'hôpital, les actes de masso-kinésithérapie, l'appareillage auditif et optique, la pose de prothèses dentaires, l'hospitalisation à domicile ou encore les soins médicaux et de réadaptation pourraient être considérés comme des prestations prises en charge uniquement après autorisation de l'assurance maladie. En additionnant les gains attendus de la restriction du panier de soins, cet amendement aboutit à une économie estimée à 200 millions d'euros.

J'en viens enfin aux nombreuses actions financées par le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », qui représente 210,5 millions d'euros en AE et 213,8 millions d'euros en CP. Les dépenses restantes se concentrent sur quatre postes principaux : dépenses de contentieux, prise en charge du système de santé à Wallis-et-Futuna, subventions pour l'Institut national du cancer (Inca) et pour l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui reçoivent également des financements d'autres missions budgétaires.

Ainsi, la dotation de l'Institut national du cancer augmente de 9,6 millions d'euros en 2026 par rapport à 2025, afin de financer la mise en oeuvre du registre national des cancers, à la suite de la promulgation de la loi visant à créer un tel registre en juin dernier.

Le financement des dépenses de contentieux augmente de 3,8 millions d'euros par rapport à 2025, afin de couvrir l'accélération de l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Une ouverture de crédits est d'ailleurs prévue dans le projet de loi de fin de gestion à hauteur de 2,2 millions d'euros en AE et de 5 millions d'euros en CP pour financer tant l'indemnisation des victimes de la Dépakine que le déficit de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna.

La situation de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna est inquiétante, en raison des crises sanitaires et inflationnistes, ainsi que des émeutes en Nouvelle-Calédonie, qui ont entraîné l'évacuation de certains patients dans l'Hexagone. Sa dotation augmente de 3 millions d'euros en 2026 afin de permettre la construction d'un nouvel hôpital à Futuna pour limiter les transferts vers la Nouvelle-Calédonie et l'Hexagone. Il est toutefois également important de poursuivre la mise en oeuvre d'un plan efficient de maîtrise des dépenses, pour améliorer la résilience de l'agence face aux crises.

Comme les années précédentes, le programme 204 finance aussi un grand nombre d'actions extrêmement dispersées, pour des montants généralement faibles. Leur masse critique semble largement insuffisante pour avoir de réels effets sur l'atteinte des objectifs de santé publique. Repenser les financements de ce programme, pour éviter un saupoudrage trop fort, constitue une piste de réflexion à explorer.

Mes chers collègues, je vous propose donc d'adopter les crédits de la mission, assortis des modifications relatives à l'aide médicale de l'État que j'ai présentées.

Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales sur la mission « Santé ». - Je partage les propos du rapporteur spécial sur l'AME. Comme l'année dernière, nous réalisons que l'augmentation du flux des demandeurs d'AME obère les finances de l'État, et que c'est en révisant le panier de soins que l'on peut espérer faire des économies. Il faut également des mesures d'affichage pour faire comprendre que, en France, il n'y a pas d'open bar permettant de couvrir des prestations non urgentes et parfois de confort.

Permettez-moi de revenir sur les crédits accordés à l'Inca - je suis également présidente du groupe d'études Cancer. Tenir un registre national des cancers est important, d'autant plus que, en France, le taux de cancers augmente rapidement, notamment chez les jeunes. Nous avons besoin d'éléments pour identifier les causes de cette augmentation. Nous devons donc être vigilants pour nous assurer de la création de ce registre national, qui n'est pas si fluide et comporte quelques difficultés.

En tant que pédiatre, je suis très attentive à l'indemnisation des victimes de la Dépakine. Mais Sanofi, qui a produit ce médicament, doit aussi participer à l'indemnisation des victimes ; un flou demeure sur ce point.

La première pierre du futur hôpital de Wallis-et-Futuna n'a toujours pas été posée. Sans parler de gouffre financier, les coûts se révèlent plus importants que prévu. Plus nous attendons, et plus ils seront élevés.

La commission des affaires sociales partage donc la position du rapporteur spécial. Je déposerai un amendement identique pour diminuer les crédits de l'AME de 200 millions d'euros.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je serai bref, car cette mission ne présente pas de grande nouveauté. Il faut un suivi plus rigoureux des postes de dépenses. La mesure proposée pour lutter contre la fraude en matière de justification de l'identité me semble sérieuse, tout autant que la révision du panier des soins non urgents. Posons simplement les choses sans enflammer les débats : derrière, ce sont des dépenses qui continuent de dériver. Je soutiendrai donc les amendements du rapporteur spécial.

M. Vincent Capo-Canellas. - Est-il possible de modifier, dans le PLF, le code de l'action sociale et des familles, ainsi que le vise l'amendement  II-29 (FINC-2), ou n'y a-t-il pas là un risque de cavalier législatif ? J'ai cru comprendre qu'il s'agissait d'un amendement d'appel ; est-ce bien le cas, et a-t-on identifié quel véhicule législatif serait approprié pour porter une telle mesure ?

M. Arnaud Bazin. - Au sujet de l'indemnisation des victimes de la Dépakine, une étude récente établit que les enfants dont le père a pris ce médicament pouvaient aussi subir des séquelles. Seront-ils couverts ?

M. Victorin Lurel. - Mon intervention portera essentiellement sur le financement de l'AME. Monsieur le rapporteur spécial, vous indiquez dans le rapport que la dette à l'égard de la Cnam passerait de 185 millions d'euros en 2024 à 238 millions d'euros en 2026. Cette augmentation est-elle liée à celle du nombre de bénéficiaires de cette aide, que vous estimiez à 900 000 dans votre rapport de l'an passé ?

En outre, si l'on s'alignait sur l'Allemagne, considérée comme un moyen terme entre l'Espagne et la Suisse, quels soins seraient alors considérés comme non urgents ? Les débats télévisés sur ce sujet sont souvent passionnés : certains avancent que les cures thermales, ou encore la psychothérapie feraient partie des soins couverts, ce qui semble pour le moins curieux.

Par ailleurs, reprenez-vous l'une des dix recommandations que vous formuliez dans votre rapport, qui consistait à intégrer directement les demandeurs d'asile dans le régime de l'AME ?

Quoi qu'il en soit, pour parler franchement, nous ne pouvons pas soutenir la baisse de 200 millions d'euros des crédits de l'AME.

M. Pierre Barros. - Je ne pensais pas que l'examen de la mission « Santé » deviendrait à ce point un débat sur l'AME. Y a-t-il une augmentation des coûts de santé pour le reste de la population, qui serait moins forte que celle des bénéficiaires de l'AME ? Si cela se corroborait, on ne pourrait pas tirer de conclusions hâtives : peut-être que, de manière générale, les coûts de santé ont fortement augmenté, les dépenses pour soigner un cancer étant par exemple bien plus importantes aujourd'hui qu'il y a une dizaine d'années.

M. Claude Raynal, président. - Vous indiquez que la subvention de l'Inca augmentera de 9,5 millions d'euros en raison de la création du registre national des cancers. Une telle augmentation, qui correspond à 25 % des crédits de cette institution, me semble énorme pour créer uniquement un fichier informatique. Des crédits devront-ils également être ouverts à ce titre l'année prochaine, ou ne valent-ils que pour cette année ?

Mme Florence Lassarade, rapporteure pour avis. - L'Inca était très réticent face à l'idée de créer un registre national unique des cancers. Des registres existent déjà, mais ils sont très fragmentés, ne concernant par exemple que certains cancers pédiatriques. En France, nous n'avons pas la culture de l'évaluation. Pour répondre aux interrogations sur les causes environnementales des cancers et sur d'autres facteurs comme le vieillissement de la population ou l'obésité, nous avons besoin d'éclairages précis. Il faudra regrouper les données dont nous disposons et faire des expérimentations, au moins dans un secteur urbain et périurbain, notamment pour étudier les conséquences de la pollution, et un secteur rural, pour étudier les effets attribués aux pesticides. Le registre ne portera donc pas sur toute la France. Cela exige un coût humain très important, car regrouper ces divers éléments est très fastidieux. Il ne s'agit pas seulement de croiser les fichiers - ce qui pose d'ailleurs des problèmes, entre le système national des données de santé et la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) - ; il faut aussi que chaque cas de cancer, individuellement, soit pris en compte de manière très minutieuse pour pouvoir en étudier les causes. L'Inca a repoussé depuis plusieurs années un tel chantier. Les fichiers pourront être croisés de manière efficace, mais le coût au démarrage est important, et je pense qu'il ne sera pas limité à 2026.

Quant à la Dépakine, les descendants d'hommes ayant pris ce médicament et présentant des séquelles comme l'infertilité seront considérés comme indemnisables. Ce médicament, largement prescrit il y a une dizaine d'années, agit comme une véritable bombe à retardement, et la question de la responsabilité de Sanofi, ainsi que je l'indiquais, n'a pas encore été tranchée.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Monsieur Vincent Capo-Canellas, l'amendement II-29 (FINC-2) ne me semble pas être un cavalier législatif, car il emporte des conséquences budgétaires. S'il était considéré comme inconstitutionnel, cela signifierait que l'on ne pourrait plus proposer d'économies. C'est ce à quoi la commission mixte paritaire a abouti l'an dernier : nous avons baissé arbitrairement les crédits de l'AME, mais aucune mesure d'économies n'a pu être prise, et cela n'a abouti qu'à augmenter la dette de l'État envers la sécurité sociale.

Dans le rapport, un tableau montre que si l'on ne fait rien sur le fond et si on ne modifie pas les prestations prises en charge par l'AME, à la fin de 2026, la dette cumulée que contracte l'État vis-à-vis de la sécurité sociale au titre des dépenses d'AME sera de 671 millions d'euros. Cela revient à creuser le trou de la sécurité sociale, alors que c'est l'État qui doit prendre en charge ces dépenses. La situation est donc totalement anormale.

Si l'on veut que cela cesse, il faut d'une part proposer des économies, en améliorant la lutte contre la fraude. Je déposerai un amendement d'appel en ce sens, pour inciter le Gouvernement à publier un décret pour interdire le recours aux actes de naissance et ainsi limiter le nombre de fraudes et de bénéficiaires. D'autre part, il faut justifier l'économie proposée, à l'aide d'un amendement qui modifie les crédits de l'AME. Si l'amendement  II-29 (FINC-2) n'est pas adopté, les 200 millions d'euros que nous proposons d'économiser avec l'amendement  II-27 (FINC-1) seront prélevés sur le budget de la sécurité sociale. Les deux amendements que nous proposons sont donc liés : l'un correspond aux économies budgétaires, et l'autre précise comment réaliser ces économies, sur le fond, par l'extension du recours à l'accord préalable de l'assurance maladie pour accéder à un panier de soins non urgents.

Monsieur Lurel, on estime que 900 000 étrangers sont en situation irrégulière, et qu'environ la moitié bénéficie de l'AME. Leur nombre augmentera de 4 % l'année prochaine, selon le PLF. Il est difficile d'obtenir des chiffres précis et réguliers. J'avais proposé, dans le rapport de juillet dernier, qu'un suivi trimestriel des dépenses et du nombre de bénéficiaires soit assuré, pour permettre d'y voir plus clair. Il est dommage que nous ne disposions des chiffres en question que tardivement.

Monsieur Barros, le coût par bénéficiaire augmente, mais moins que pour le reste de la population ; en revanche, le nombre de bénéficiaires progresse un peu plus rapidement que pour le reste de la population. Dans l'augmentation du coût global, il faut tenir compte du paramètre que vous indiquez, mais il faut aussi tenir compte de l'augmentation du nombre de bénéficiaires.

Parmi les actes considérés comme non urgents figurent les soins programmés à l'hôpital, les actes de masso-kinésithérapie, les appareillages auditifs et optiques ou la pose de prothèses dentaires. Il s'agit en réalité de soins non vitaux, ou des soins programmés de maladies chroniques qui ne sont pas urgents, pour lesquels nous souhaitons que l'accord préalable des caisses primaires d'assurance maladie devienne systématique.

Aujourd'hui, les demandeurs d'asile sont directement affiliés à la protection universelle maladie (PUMa) lors de leur demande d'asile ; comme beaucoup d'entre eux sont finalement déboutés de leur demande, il semblerait plus normal qu'ils soient d'abord couverts par l'AME avant d'éventuellement passer à la PUMa. Néanmoins, cette proposition n'a pas encore fait l'objet d'un accord.

Monsieur le président Raynal, les 9,5 millions d'euros accordés à l'Inca correspondent non seulement à la création du registre, mais aussi à la reconstitution de la trésorerie de l'Institut. Je me renseignerai pour vous donner des précisions sur le sujet. Il y aura sûrement des frais de suivi annuels, mais ils ne seront pas de cet ordre : la constitution du registre coûte probablement bien plus cher que le suivi annuel.

M. Claude Raynal, président. - C'est tout de même un peu inquiétant : si cela coûte 10 millions d'euros de croiser les données sur deux secteurs géographiques, nous n'en avons pas fini.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Je reviendrai vers vous avec davantage de précisions sur ce sujet.

Article 49 (état B)

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Ainsi que je l'ai indiqué, amendement  II-27 (FINC-1) vise à réduire les crédits de l'AME de 200 millions d'euros, qui répercute l'amendement de fond que je présenterai juste après. Le budget de l'AME est de plus sous-dimensionné, et il faudrait que le Gouvernement s'engage à publier le décret relatif aux pièces justificatives à avancer pour bénéficier de l'AME pour que ses prévisions soient respectées.

L'amendement  II-27 (FINC-1) est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Santé », sous réserve de l'adoption de son amendement.

EXAMEN D'UN AMENDEMENT PORTANT ARTICLE ADDITIONNEL RATTACHÉ À LA MISSION

Après l'article 78

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - L'amendement II-29 (FINC-2) a pour objet la révision du panier de soins non urgents et l'obligation d'un accord préalable avec la Cpam. S'il est également adopté, il permettrait de réaliser une économie de 200 millions d'euros.

L'amendement II-29 (FINC-2) portant article additionnel est adopté.

*

* *

Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la santé (DGS)

- Mme Sarah SAUNERON, directrice générale adjointe ;

- Mme Claire MARIN, adjointe à la cheffe de bureau budget et performance) ;

- Mme Florence LYS, chargée de mission auprès du sous-directeur appui au pilotage et ressources.

Direction de la sécurité sociale

- M. Thomas RAMILIJAONA, sous-directeur du financement de la Sécurité sociale ;

- Mme Marion MUSCAT, sous-directrice de l'accès aux soins, des prestations familiales et des accidents du travail ;

- Mme Marie-Agnès PARIAT-POMMERY, cheffe de bureau à l'accès aux soins et prestations de santé ;

- Mme Cindy RIVIÈRE-MARBOIS, chargée de mission du financement de la Sécurité sociale, synthèse financière, relations État/Sécurité sociale : champ emploi.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html


* 1 Rapport d'information n° 841 (2024-2025) sur l'Aide médicale d'État, déposé le 9 juillet 2025 par M. DELAHAYE.

* 2 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 3 Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 concernant la couverture maladie universelle.

* 4 Note d'exécution budgétaire, mission « Santé » du budget général de l'État, avril 2024.

* 5 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 6  Note d'exécution budgétaire, mission « Santé » du budget général de l'État, avril 2024.

* 7 Rapport d'information n° 841 (2024-2025) sur l'Aide médicale d'État, déposé le 9 juillet 2025 par M. Vincent DELAHAYE au nom de la commission des finances.

* 8 D'après des informations communiquées en audition par la Direction de la sécurité sociale.

* 9 Selon l'Insee, en 2015, la moitié des étrangers non natifs de Mayotte se trouvait en situation administrative irrégulière (Insee analyses La Réunion Mayotte, n° 12, mars 2017), soit sans doute plus de 40 000 personnes compte tenu du nombre d'étrangers nés à l'étranger, évalué à près de 82 000 en 2017 (Insee, « À Mayotte, près d'un habitant sur deux est de nationalité étrangère », Insee Première, n° 1737, février 2019).

* 10 Voir à ce sujet le rapport d'information n° 833 (2021-2022) de la commission des affaires sociales : Mayotte : un système de soins en hypertension - juillet 2022.

* 11 Ce calcul est effectué à partir de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) totale et du nombre de résidents sur le territoire français en 2023.

* 12 Article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles.

* 13 Article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 14 Articles L. 251-1 et R. 251-4 du code de l'action sociale et des familles.

* 15 Rapport sur l'aide médicale d'État, Claude Evin et Patrick Stefanini, décembre 2023.

* 16 Nutrition et santé, santé environnement, santé mentale et psychiatrie, maladie d'Alzheimer...

* 17 Loi n° 2025-596 du 30 juin 2025 visant à mettre en place un registre national des cancers.

* 18 Annexe au projet de loi de finances pour 2025, « Opérateurs de l'État ».

* 19 Décision n° 21PA04398.

* 20 Le dispositif d'indemnisation pour les victimes de la Dépakine : mieux anticiper pour mieux indemniser - Rapport d'information n° 904 (2021-2022) de M. Christian Klinger.

* 21 CAA de PARIS, 8ème chambre, 04/07/2024, 22PA02445.

* 22 Ordonnance n° 2000-29 du 13 janvier 2000 portant création d'une agence de santé et extension ou adaptation de certaines dispositions du code de santé publique aux îles Wallis-et-Futuna.

* 23 Loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificatives pour 2022.

* 24 Programme 379, « Compensation à la Sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR) ».

* 25 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 26 Rapport d'information n° 841 (2024-2025) sur l'Aide médicale d'État, déposé le 9 juillet 2025 par M. Vincent DELAHAYE au nom de la commission des finances.

* 27 Rapport sur l'aide médicale d'État, Claude Evin et Patrick Stefanini, décembre 2023.

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