N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 28a
SÉCURITÉS
(Programmes 152 « Gendarmerie nationale », 176 « Police nationale »
et 207 « Sécurité et éducation routières »)

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : CONTRÔLE DE LA CIRCULATION
ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS

Rapporteur spécial : M. Bruno BELIN

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

I. UN BUDGET POUR 2026 QUI PORTE UNE HAUSSE DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS POUR LA POLICE ET LA GENDARMERIE NATIONALES

A. UN BUDGET EN HAUSSE POUR LES DEUX FORCES

En 2026, les crédits cumulés de la police et de la gendarmerie nationales progressent par rapport à 2025, tant en AE (+ 1,4 %, soit + 346 millions d'euros) qu'en CP (+ 2,6 %, soit + 637 millions d'euros). Cette évolution, intervenue dans un contexte de forte contrainte budgétaire, doit être saluée. Les crédits atteignent 25,5 milliards d'euros en AE et 25,0 milliards d'euros en CP.

La progression profite davantage à la police nationale (+ 514 millions d'euros en AE et + 437 millions d'euros en CP, soit respectivement + 3,7 % et + 3,3 %) qu'à la gendarmerie nationale (- 168 millions d'euros en AE et + 200 millions d'euros en CP, soit - 1,5 % et + 1,8 %). Le budget de la police nationale s'élève ainsi à 14,3 milliards d'euros en AE et 13,9 milliards d'euros en CP, tandis que celui de la gendarmerie nationale atteint 11,2 milliards d'euros en AE et 11,1 milliards d'euros en CP. La trajectoire prévue par la LOPMI1(*), hors CAS « Pensions », est légèrement dépassée pour les deux forces.

Comparaison des crédits ouverts en 2025 et prévus en 2026
pour la police (gauche) et la gendarmerie nationale (droite)

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat

B. UNE REPRISE BIENVENUE DE LA HAUSSE DES EFFECTIFS, PLUS PRONONCÉE POUR LA POLICE QUE POUR LA GENDARMERIE NATIONALE

La mise en oeuvre de la LOPMI s'accompagne d'une trajectoire de renforcement des effectifs des forces de sécurité intérieure entre 2023 et 2027, soit + 3 872 ETP pour la police nationale et + 3 540 pour la gendarmerie nationale. Après deux exercices (2023 et 2024) conformes aux objectifs, le gel du schéma d'emplois en 2025, décidé dans un contexte budgétaire contraint, a interrompu cette dynamique alors que la LOPMI prévoyait respectivement + 500 ETP pour la gendarmerie et + 356 ETP pour la police.

La trajectoire reprend une pente ascendante en 2026, avec + 1 000 ETP pour la police et + 400 ETP pour la gendarmerie. Ces créations permettraient à la police nationale d'atteindre dès 2026 les objectifs pluriannuels de la LOPMI, tandis qu'un écart d'environ 1 150 ETP subsisterait à ce stade pour la gendarmerie à l'horizon 2027.

Les renforts de 2026 répondent à des besoins opérationnels précis, à savoir pour la police nationale + 700 ETP pour la filière investigation et + 300 ETP pour la police aux frontières, afin notamment de mieux traiter la délinquance du quotidien et la criminalité organisée, et d'accompagner l'ouverture de nouvelles places en rétention administrative. Pour la gendarmerie, les 400 ETP seront dédiés à la création de nouvelles brigades, projet structurant de l'institution. Sur les 239 nouvelles brigades annoncées, 80 ont été ouvertes en 2024, mais aucune des 57 prévues pour 2025 n'a pu l'être, faute d'effectifs supplémentaires. Leur mise en place interviendrait en 2026, avec un an de retard. Un rattrapage restera nécessaire en 2027 pour achever le déploiement d'environ 100 brigades.

Plus globalement, la poursuite de la dynamique de recrutement demeure indispensable pour répondre aux besoins croissants des forces de sécurité intérieure, dans un environnement sécuritaire très exigeant.

Évolution des CP pour les deux forces

Évolution des effectifs pour la police nationale

Évolution des effectifs pour la gendarmerie nationale

+400 ETP

 

En 2026, les deux forces de sécurité intérieure enregistrent une hausse de leurs dépenses de personnel : + 3,1 % pour la police nationale et + 1,9 % pour la gendarmerie. Hors pensions, la hausse s'établit à 86 millions d'euros pour la police (+ 1,1 %) et à 125 millions d'euros pour la gendarmerie (+ 2,5 %). La part des crédits de titre 2 dans les deux programmes demeure globalement stable, représentant 85 % des crédits en CP.

C. UNE ÉVOLUTION LIMITÉE DES CRÉDITS HORS DÉPENSES DE PERSONNEL POUR LA GENDARMERIE NATIONALE

S'agissant des dépenses hors personnel, les deux forces connaissent une dynamique différente.

1. Une hausse des crédits de la police nationale centrée principalement sur la transformation numérique, le renouvellement automobile et l'immobilier

Les crédits hors dépenses de personnel de la police nationale progressent en 2026 de 146 millions d'euros en AE (+ 6,9 %) et de 70 millions d'euros en CP (+ 4,0 %). Cette évolution traduit un effort concentré sur trois priorités : la transformation numérique, le renouvellement du parc automobile et la modernisation immobilière.

Les AE dédiées à l'immobilier augmentent de 46 millions d'euros (+ 3 millions d'euros en CP), afin d'assurer la poursuite des opérations pluriannuelles déjà engagées (notamment les hôtels de police de Nice et de Valenciennes) et de lancer de nouveaux projets à fort enjeu opérationnel.

Les crédits destinés au renouvellement du parc automobile progressent de 51 millions d'euros en AE et de 28 millions d'euros en CP. Alors que l'objectif général est d'acquérir au moins 2 500 véhicules par an, seuil nécessaire au maintien de l'opérationnalité des forces, et après seulement 1 305 véhicules renouvelés en 2024 et 1 263 prévus en 2025 en raison du gel des crédits2(*), le budget 2026 permettrait un rattrapage partiel avec environ 2 900 acquisitions.

Enfin, les investissements numériques augmentent de 210 millions d'euros en AE (+ 4 millions d'euros en CP). Ils financeront notamment le plan de vidéoprotection pour Paris et la poursuite des grands projets numériques et stratégiques pour le renseignement.

2. Des crédits contraints pour la gendarmerie, privilégiant l'immobilier au détriment des véhicules et des systèmes d'information et de communication

Les crédits hors dépenses de personnel de la gendarmerie nationale reculent en AE (- 335 millions d'euros, soit - 14,3 %) et progressent en CP (+ 33 millions d'euros, soit + 1,7 %). Une large part de la baisse d'AE tient à des ajustements pluriannuels récurrents (loyers, énergie, moyens lourds de projection et d'intervention), pour un total net de - 285 millions d'euros. Le niveau de crédits prévu a toutefois imposé des arbitrages, orientés en faveur de l'immobilier au détriment des véhicules et des systèmes d'information et de communication (SIC).

En fonctionnement, la priorité reste la préservation de l'activité opérationnelle, notamment celle de la gendarmerie mobile. Les dépenses d'entretien du casernement atteindraient 83,7 millions d'euros en CP, en hausse de + 17 millions d'euros, ce qui est pleinement justifié au regard de l'état du parc. En revanche, les crédits des SIC diminuent nettement (- 54 millions d'euros en AE et - 70 millions d'euros en CP).

En investissement, le budget 2026 poursuit la relance immobilière amorcée depuis plusieurs exercices. Doté de 353 millions d'euros en AE et de 279 millions d'euros en CP (en hausse respective de + 58 et + 103 millions d'euros), l'effort reste toutefois inférieur au besoin estimé à 400 millions d'euros par an. À l'inverse, les moyens mobiles enregistrent une contraction de près de trois quarts en AE et de moitié en CP, pour s'établir à 24 millions d'euros en AE et 49 millions d'euros en CP. Seuls 600 à 700 véhicules pourraient être acquis, loin du besoin annuel de 3 750. Ce déficit fragilise les unités, pour lesquelles la mobilité constitue un outil essentiel.

Enfin, le rapporteur spécial attire l'attention sur la nécessité d'un renouvellement rapide de la flotte d'hélicoptères. À défaut, certaines missions aériennes ne pourraient plus être assurées, par exemple le secours en montagne.

II. LE PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES » ET LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS »

A. UNE POLITIQUE INTERMINISTÉRIELLE DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE QUI DOIT ENCORE RENFORCER SON EFFICACITÉ

De nature interministérielle, la politique de sécurité routière représente en 2026 un coût de 5,05 milliards d'euros en CP pour l'État, réparti entre plusieurs missions budgétaires.

Après un pic historique de plus de 18 000 décès en 1972, la mortalité routière a connu une baisse tendancielle sur plusieurs décennies. En 2024, 3 432 personnes ont perdu la vie sur les routes de France (+ 1 % par rapport à 2023), dont 3 193 en métropole (+ 0,8 %) et 239 dans les outre-mer (+ 3,5 %). Ce niveau demeure toutefois inférieur de 1,9 % à celui de 2019 (3 498 décès). En métropole, environ 236 000 blessés ont été recensés, dont près de 16 000 blessés graves.

Évolution de la mortalité routière annuelle en France métropolitaine
de 2010 à 2024

Source : Observatoire national interministériel de la sécurité routière

Malgré l'engagement des forces de l'ordre et des administrations concernées, les résultats demeurent perfectibles au regard des objectifs de long terme. Les données des neuf premiers mois de 2025 manifestent d'ailleurs une tendance à surveiller : 2 428 décès ont été enregistrés en métropole (+ 4,2 %) et 195 dans les outre-mer (+ 27,5 %).

B. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS DU PROGRAMME « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES » ET UNE HAUSSE DES DÉPENSES DU CAS « RADARS »

Les crédits du programme 207 « Sécurité et éducation routières », rattaché à la mission « Sécurités », demeurent stables en 2026, à 83,6 millions d'euros en AE et 82,1 millions d'euros en CP. Ils financent principalement les actions de communication, d'éducation et de prévention, ainsi que l'organisation du permis de conduire.

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dit CAS « Radars », enregistre en revanche une hausse de 3,5 % des recettes issues des amendes (soit + 64,5 millions d'euros). Cette progression se traduit par une augmentation parallèle des dépenses :

- le programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière » bénéficie de + 8 millions d'euros, afin de financer les dépenses d'initialisation de l'accord-cadre proposé aux collectivités territoriales pour les radars qu'elles déploieront en application de la loi « 3DS »3(*);

- les programmes 754 et 7554(*) voient leurs crédits augmenter respectivement de + 30 millions d'euros et + 26,6 millions d'euros, au profit, d'une part, des équipements routiers des collectivités territoriales et, d'autre part, du désendettement de l'État.

Réunie le 5 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 30 % des réponses. À la date d'examen en commission de la mission/du compte spécial le 5 novembre, il a obtenu 70 % des réponses.

PREMIÈRE PARTIE
LES PROGRAMMES « POLICE NATIONALE » ET « GENDARMERIE NATIONALE »

En 2026, le budget proposé pour la mission « Sécurités » s'établit à 26,58 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE, + 1,8 %, soit + 481 millions d'euros) et à 25,95 milliards d'euros en crédits de paiement (CP, + 2,7 %, soit + 690 millions d'euros), soit une progression supérieure à l'inflation5(*). Hors compte d'affectation spéciale « Pensions » (CAS « Pensions »), les CP sont en hausse de 2,1 %, soit 364 millions d'euros. Cette dynamique doit être saluée dans un contexte de contrainte budgétaire forte pour l'État.

La mission « Sécurités » est composée de quatre programmes, à savoir les programme 176 « Police nationale » (53,5 % des crédits de la mission en 2026), 152 « Gendarmerie nationale » (42,8 %), 207 « Sécurité et éducation routières » (0,3 %) et, enfin, 161 « Sécurité civile » (3,4 %). Les trois premiers programmes relèvent de la compétence du rapporteur spécial Bruno Belin6(*).

La présente première partie du rapport porte sur les programmes 176 (« Police nationale ») et 152 (« Gendarmerie nationale), tandis que la seconde partie traite du programme 207 (« Sécurité et éducation routières ») et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

I. UN BUDGET POUR 2026 QUI RESPECTE LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE FIXÉE PAR LA LOPMI, MALGRÉ UN CONTEXTE DE FORTE CONTRAINTE BUDGÉTAIRE POUR L'ÉTAT

Les enjeux liés à l'exécution budgétaire pour 2025

Dans un contexte de forte tension sur les finances publiques, le Gouvernement a procédé, par décret du 25 avril 20257(*), à plusieurs annulations de crédits affectant la mission « Sécurités ». Ont ainsi été annulés 15 millions d'euros en AE sur le programme 152 « Gendarmerie nationale », 46,5 millions d'euros en AE et 36,5 millions d'euros en CP sur le programme 176 « Police nationale », ainsi que 15,5 millions d'euros en AE et en CP sur le programme 207 « Sécurité et éducation routières »8(*).

Par ailleurs, au 3 octobre 2025, les programmes 152 et 176 faisaient encore l'objet d'un gel de crédits respectivement à hauteur, hors dépenses de personnel, de 130,4 millions d'euros en AE et 121,4 millions d'euros en CP pour la gendarmerie nationale, et de 86,1 millions d'euros en AE et 75,5 millions d'euros en CP pour la police nationale9(*).

Le rapporteur spécial souligne que, s'il comprend la nécessité d'une régulation budgétaire interministérielle en cours d'exercice, ces mesures pèsent sur la capacité des forces à soutenir leur niveau d'investissement cette année. À titre d'illustration, pour la gendarmerie nationale, les crédits gelés concernent notamment l'acquisition de véhicules (pour 31 millions d'euros), les équipements (pour 13 millions d'euros) et des projets numériques (pour 25 millions d'euros). De même, pour la police nationale, diverses dépenses sont concernées, y compris des dépenses d'investissement en matière d'immobilier et d'acquisition de véhicules.

Dans un contexte marqué par un niveau d'engagement des forces très élevé, y compris en outre-mer, qui génère une consommation significative de crédits, et de besoins importants en matière d'investissement, le rapporteur spécial plaide pour un dégel des crédits concernés.

Source : commission des finances.

A. LA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PRÉVUE PAR LA LOPMI EST RESPECTÉE EN 2026

1. La LOPMI a prévu une hausse continue des crédits des deux programmes de 2023 à 2027

La loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (dite « LOPMI »10(*)), entrée en vigueur en janvier 2023, présente les orientations financières et stratégiques pour le ministère de l'Intérieur pour les années 2023 à 2027, notamment pour la police et la gendarmerie nationales.

Le budget du ministère de l'Intérieur, qui porte sur trois missions budgétaires11(*), doit ainsi passer, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », de 20,78 milliards d'euros en CP en 2022 à 25,35 milliards d'euros en 2027 (+ 4,57 milliards d'euros des crédits annuels, soit + 22,0 %). Ces montants intègrent l'augmentation de 60 millions d'euros, en crédits de paiement, de la trajectoire prévue pour chacune des années concernées par la programmation (de 2023 à 2027) et permise par l'adoption d'un amendement de nos collègues députés Éric Ciotti et Philippe Gosselin12(*).

Au total, la hausse cumulée de crédits sur les cinq années 2023-2027 doit atteindre 15,3 milliards d'euros.

Trajectoire budgétaire proposée par le projet de loi LOPMI
pour le ministère de l'Intérieur pour les années 2023 à 202713(*)

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

CRÉDITS DE PAIEMENT ET PLAFONDS DES TAXES AFFECTÉES

hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Budget du ministère de l'Intérieur, en millions d'euros (hors programme 232 « Vie politique », hors programmes outre-mer et hors programmes du « CAS Radars » n° 754 et 755)

20 784

22 094

22 974

24 074

24 724

25 354

Évolution (N / N - 1), en millions d'euros

-

1 310

880

1 100

650

630

Taux d'évolution (N / N - 1)

-

6,3 %

4,0 %

4,8 %

2,7 %

2,5 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : article 2). Les montants pour le budget du ministère de l'Intérieur (deuxième ligne) résultent de l'article 2 ; les calculs (troisième et dernière lignes) sont ceux de la commission des finances

À titre indicatif, et sans que ne soit prise en compte la hausse annuelle de 60 millions d'euros prévue par l'amendement précité14(*), le rapport annexé à la LOPMI décline par programmes budgétaires concernés la trajectoire pluriannuelle.

Il prévoit notamment la trajectoire suivante pour les programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » :

Trajectoire budgétaire indicative prévue pour les années 2023 à 2027 par la LOPMI pour le programme 176 « Police nationale », hors « CAS pensions »

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

CRÉDITS DE PAIEMENT

hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Programme 176 « Police nationale »

8 449

8 925

9 208

9 538

9 563

9 824

Dont dépenses « hors titre 2 »

1 435

1 539

1 629

1 826

1 826

2 029

Évolution du programme (N / N - 1), en millions d'euros

-

476

283

330

25

261

Taux d'évolution du programme (N / N - 1)

-

5,6 %

3,2 %

3,6 %

0,3 %

2,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : rapport annexé). Les montants pour le programme (deuxième ligne) résultent du rapport annexé ; les calculs (troisième et dernière lignes) sont ceux de la commission des finances

Trajectoire budgétaire indicative prévue pour les années 2023 à 2027
par la LOPMI pour le programme 152 « Gendarmerie nationale »,
hors « CAS pensions »

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

CRÉDITS DE PAIEMENT

hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Programme 152 « Gendarmerie »

5 894

6 188

6 361

6 503

6 811

6 931

Dont dépenses « hors titre 2 »

1 555

1 555

1 528

1 596

1 838

1 904

Évolution du programme (N / N - 1), en millions d'euros

-

294

173

142

308

120

Taux d'évolution du programme (N / N - 1)

-

5,0 %

2,8 %

2,2 %

4,7 %

1,8 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : rapport annexé). Les montants pour le programme (deuxième ligne) résultent du rapport annexé ; les calculs (troisième et dernière lignes) sont ceux de la commission des finances

2. Le budget pour 2026 dépasse légèrement la trajectoire prévue

La LOPMI prévoit que les CP hors « CAS Pensions » devaient être en 2026 de 9,563 milliards d'euros pour la police et de 6,811 milliards d'euros pour la gendarmerie nationale. Cet objectif est légèrement dépassé pour les deux forces (respectivement 9,753 milliards d'euros et 7,051 milliards d'euros).

B. UNE HAUSSE CUMULÉE DE 2,6 % SUR LES DEUX PROGRAMMES...

Les crédits demandés pour les programmes 176 « Police nationale » et 152 « Gendarmerie nationale » sont en hausse en cumulé par rapport à 2025, tant en AE (+ 1,4 %, + 346 millions d'euros), qu'en CP (+ 2,6 %, + 637 millions d'euros)15(*). Ils s'établissent à 25,5 milliards d'euros en AE et à 25,0 milliards d'euros en CP. Cette hausse doit être saluée dans le contexte général de redressement des finances publiques.

Comparaison des crédits ouverts en 2025 et demandés en 2026

(en millions d'euros, en %)

 

 

Loi de finances initiale pour 2025

Crédits demandés en 2026

Évolution

Police nationale

AE

13 828,7

14 342,4

3,7 %

CP

13 453,5

13 890,8

3,3 %

Gendarmerie nationale

AE

11 327,3

11 159,7

- 1,5 %

CP

10 891,8

11 091,9

1,8 %

Total

AE

25 156,0

25 502,1

1,4 %

CP

24 345,3

24 982,7

2,6 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La hausse bénéficie davantage au programme 176 « Police nationale » (+ 514 millions d'euros en AE et + 437 millions d'euros en CP, soit respectivement + 3,7 % et + 3,3 %) qu'au programme 152 « Gendarmerie nationale » (- 168 millions d'euros en AE et + 200 millions d'euros en CP, soit respectivement - 1,5 % et + 1,8 %).

Comparaison des crédits ouverts en 2025 et prévus en 2026
pour la police (à gauche) et la gendarmerie nationales (à droite)

(en millions d'euros, en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. LE BUDGET POUR 2026 MARQUE UNE REPRISE BIENVENUE DANS LA HAUSSE DES EFFECTIFS

A. DES EFFECTIFS EN PROGRESSION TANT POUR LA POLICE QUE LA GENDARMERIE NATIONALE EN 2026, SELON UNE INTENSITÉ DIFFÉRENCIÉE

Dans le contexte de l'examen du projet de LOPMI, la Première ministre Élisabeth Borne avait annoncé, le 6 septembre 2022, la création d'environ 8 500 postes de policiers et gendarmes entre 2023 et 2027, poursuivant sur la lancée du quinquennat précédent.

Concrètement, sur la période de 2023 à 2027, il est attendu (selon les données recueillies par le rapporteur spécial16(*) mais qui ne sont pas inscrites dans le dispositif ou le rapport annexé de la LOPMI) un schéma d'emplois de + 3 540 ETP pour la gendarmerie nationale et + 3 872 pour la police nationale, soit un total légèrement inférieur à 7 500. En 2023, le schéma d'emplois prévu a été exécuté pour les deux forces conformément aux objectifs (respectivement + 950 et + 1 947 ETP17(*)), de même qu'en 2024 (+ 1 045 et + 1 139 ETP).

En 2025, alors que le schéma d'emplois attendu était de + 500 ETP pour la gendarmerie et de + 356 ETP pour la police nationale, il avait été gelé par la loi de finances initiale pour 2025. Si ce schéma d'emplois nul pouvait s'expliquer par la situation très dégradée des finances publiques, il a induit des contraintes fortes pour la réalisation des missions des forces de sécurité intérieure, dans un contexte sécuritaire toujours plus tendu. En dépit de redéploiements internes à chaque force, le schéma d'emplois nul a freiné la réalisation de montées en charge dans certains domaines, à l'image de l'ouverture de nouvelles brigades de gendarmerie et, pour ce qui concerne la police nationale, d'une intensification encore supérieure de la lutte contre l'immigration irrégulière, de l'ouverture de nouveaux centres de rétention administrative (CRA) et du renforcement de la lutte contre la criminalité organisée.

En 2026, un schéma d'emplois positif de + 1000 ETP est prévu pour la police nationale et de + 400 ETP pour la gendarmerie nationale.

Il en résulte que le schéma d'emplois pluriannuel prévu par la LOPMI pour la police nationale (+ 3872 ETP d'ici 2027) serait atteint dès 2026, avec une année d'avance sur l'échéance (+ 4 041 ETP entre 2023 et 2026). Néanmoins, il convient de prendre en compte le fait que la LOPMI n'intégrait toutefois qu'en partie les objectifs fixés ces deux dernières années concernant notamment la lutte contre la criminalité organisée, la mise en place du système d'entrée-sortie des frontières (système européen dit « EES »), ou encore le renforcement de la lutte contre l'immigration clandestine à Mayotte.

Programmation et exécution des schémas d'emplois entre 2023 et 2027
pour la police nationale

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

En revanche, pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, il demeurerait un écart de 1 145 ETP entre l'objectif prévu pour 2027 (+ 3 540 ETP) et les hausses d'effectifs réalisés entre 2023 et 2026 (+ 2 395 ETP). En effet, à la différence de la police nationale, le schéma d'emploi initialement prévu pour 2025 n'est pas rattrapé en 2026.

Programmation et exécution des schémas d'emplois entre 2023 et 2027
pour la gendarmerie nationale

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires.

Les schémas d'emplois positifs en 2026 permettront de répondre à des besoins essentiels des forces de sécurité intérieure. Pour la gendarmerie nationale, ils seront intégralement consacrés à l'ouverture de nouvelles brigades territoriales (+ 400 ETP)18(*), tandis que, s'agissant de la police nationale, ils viendront renforcer la filière investigation (+ 700 ETP) et la police aux frontières (+ 300 ETP).

Néanmoins, la dynamique de création d'effectifs devra être poursuivie à l'avenir pour répondre aux nombreux besoins.

B. LE DÉPLOIEMENT DES NOUVELLES BRIGADES DE GENDARMERIE POURRA REPRENDRE EN 2026

Le 2 octobre 2023, le Président de la République a présenté le plan de création des 239 nouvelles brigades de gendarmerie, dont le principe avait été annoncé dans le cadre de la LOPMI19(*). Elles s'ajoutent à la mise en place de 7 nouveaux escadrons de gendarmerie mobile (EGM), opérationnels depuis 2024. Ces brigades ont vocation à être créées dans tous les départements, en métropole comme dans les outre-mer. Elles doivent consister en 145 brigades mobiles et 94 brigades fixes sur l'ensemble du territoire national.

Selon les informations transmises au rapporteur spécial20(*), le calendrier prévisionnel prévoyait initialement l'ouverture de 80 nouvelles brigades en 2024 puis de 57 en 2025. Au 31 décembre 2024, les 80 premières brigades (28 fixes et 52 mobiles) étaient effectivement en place, dans 64 départements de métropole et 8 départements ou collectivités d'outre-mer ; elles occupent un total de 618 ETP au 31 août 2025.

Toutefois, alors que les prévisions d'ouverture de nouvelles brigades sont étroitement corrélées avec celles de hausses d'effectifs, le gel des effectifs en 2025 a conduit à renoncer à la création de 57 brigades additionnelles cette année. Il n'apparaîtrait en effet pas possible d'ouvrir de nouvelles brigades à effectifs constants sans générer de multiples conséquences néfastes.

Comme l'ont indiqué les représentants de la direction générale de la gendarmerie nationale lors de leur audition, la création de 400 ETP en 2026 permettra d'ouvrir 58 brigades (27 fixes et 31 mobiles, y compris dans 27 départements non concernés par les déploiements de 2024).

Dans ces conditions, le rapporteur spécial estime qu'un rattrapage sera nécessaire en 2027 pour assurer le déploiement effectif des 239 nouvelles brigades à cet horizon, dont environ 100 resteraient à ouvrir après 2026.

C. LA HAUSSE DES EFFECTIFS DE LA POLICE SERA CONSACRÉE ESSENTIELLEMENT À LA FILIÈRE INVESTIGATION ET À LA POLICE AUX FRONTIÈRES

En 2026, les effectifs supplémentaires affectés à la police nationale répondront à deux priorités principales, à savoir le renforcement de la filière investigation et la lutte contre l'immigration clandestine.

S'agissant du renforcement de la filière investigation, l'objectif est de mieux traiter la délinquance du quotidien, d'améliorer la lutte contre la criminalité organisée et de redynamiser l'attractivité de la filière, dans un contexte de réforme récente de son organisation. Ainsi, 700 ETP seront créés à cet effet en 2026, afin notamment d'augmenter les capacités de traitement des stocks de procédure et de renforcer les capacités d'enquête. Cet effort s'accompagne du déploiement de nouveaux outils numériques d'aide à l'investigation et de la poursuite de la montée en compétence des agents.

S'agissant de la lutte contre l'immigration clandestine, 300 ETP seront créés, notamment pour permettre l'accroissement de la capacité des centres de rétention administrative (CRA). En outre, la direction nationale de la police aux frontières (DNPAF) est aujourd'hui confrontée à une série de défis majeurs, tels que la hausse de la pression migratoire et du nombre de personnes faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, le maintien de la fluidité des contrôles dans les aéroports, la gestion des risques sécuritaires y compris terroristes, ainsi que l'adaptation aux évolutions géopolitiques et aux grands événements internationaux.

De nouveaux enjeux doivent être par ailleurs pris en compte, à l'image de la vigueur des filières de passeurs ou des conséquences matérielles de la décision du Conseil d'État du 2 février 2024, dite jurisprudence « ADDE », qui a alourdi les protocoles de prise en charge des étrangers en situation irrégulière. S'ajoutent la mise en oeuvre du système européen d'entrée-sortie (EES), destiné à enregistrer les passages des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures de l'espace Schengen, et le plan « CRA 3000 », qui vise à porter la capacité d'accueil en CRA de 1 959 à 3 000 places en métropole d'ici 2029, nécessitant une progression parallèle des effectifs, estimée à 1 566 ETP par la DNPAF21(*). Enfin, l'application à venir du pacte européen sur la migration et l'asile à compter de 2026 exigera des moyens humains complémentaires.

Si cette évolution va dans le bon sens, le rapporteur estime que l'effort devra être prolongé et amplifié dans les années à venir en faveur de la police nationale, y compris pour la filière investigation, dont la montée en puissance conditionne la qualité de la réponse pénale, et la sécurisation des frontières.

D. LE RENFORCEMENT DES RÉSERVES OPÉRATIONNELLES DE LA GENDARMERIE ET DE LA POLICE NATIONALES

Les réserves opérationnelles de la gendarmerie nationale et de la police nationale constituent pour chacune de ces forces un levier stratégique essentiel, à la fois pour assurer un renfort permanent d'effectifs et pour garantir une capacité de déploiement rapide en cas de besoin opérationnel accru.

L'objectif de montée en puissance de ces réserves, fixé par la LOPMI est particulièrement ambitieux : 50 000 réservistes pour la gendarmerie nationale et 30 000 pour la police nationale à l'horizon 2027.

1. La réserve de la police nationale

Créée en 2022, la réserve opérationnelle de la police nationale (ROPN) continue de se développer à un rythme soutenu. Elle comptait 10 938 réservistes au 30 juillet 2025, contre 9 726 fin 2024. En 2024, le nombre moyen de vacations par réserviste s'est établi à 50 jours. Les réservistes sont principalement engagés dans des missions de patrouille, de sécurisation de la voie publique et des lieux ouverts au public, qui représentent près de la moitié des vacations annuelles.

Les retours des services employeurs soulignent une intégration réussie des réservistes, dont la présence semble contribuer à apporter un dynamisme nouveau aux unités opérationnelles. Sur cette base, le directeur général de la police nationale a décidé, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, de rehausser l'objectif initial de 30 000 réservistes à 40 000 d'ici 2030. Parallèlement, la composition de la réserve doit évoluer ; actuellement composée à 70 % d'anciens policiers, elle vise à devenir majoritairement civile (70 % de civils à l'horizon 2030), afin de diversifier les profils.

2. La réserve de la gendarmerie nationale

Plus ancienne que celle de la police nationale et déjà solidement structurée, la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale poursuit sa progression. Elle comptait 38 921 réservistes au 31 août 2025, contre 36 418 fin 2024. Cette évolution s'accompagne d'un effort budgétaire notable. En 2026, les crédits de personnel dédiés à la réserve augmenteront d'un tiers (+ 24,4 millions d'euros), pour atteindre 100 millions d'euros, effort que le rapporteur spécial salue.

3. Des objectifs ambitieux nécessitant un accompagnement budgétaire durable

L'atteinte des objectifs quantitatifs fixés par la LOPMI suppose un accompagnement qualitatif : maintien d'un nombre de jours d'emploi suffisant par réserviste, renforcement du niveau de formation initiale et continue, et mise en oeuvre de mesures de fidélisation adaptées.

Si les résultats obtenus témoignent d'une dynamique, des efforts supplémentaires demeurent nécessaires pour atteindre les cibles fixées. Le rapporteur spécial souligne qu'une montée en puissance durable des réserves ne saurait se concevoir sans moyens financiers pérennes et une politique de gestion des ressources humaines spécifique.

III. LES ÉVOLUTIONS BUDGÉTAIRES PRÉVUES POUR 2026 POUR LES DEUX FORCES

A. DES CRÉDITS DE PERSONNEL QUI DEMEURENT PRÉPONDÉRANTS

En 2026, les deux forces de sécurité intérieure enregistrent une hausse de leurs dépenses de personnel : + 368 millions d'euros pour la police nationale (en AE/CP, soit + 3,1 %) et + 167 millions d'euros pour la gendarmerie nationale (soit + 1,9 %). La progression des crédits de titre 2 représente ainsi entre 83 % et 84 % de la hausse globale des crédits des deux programmes.

Une part significative de cette augmentation est toutefois liée à la contribution au CAS « Pensions ». Hors pensions, la hausse des dépenses de titre 2 s'établit à 86 millions d'euros pour la police nationale (+ 1,1 %) et à 125 millions d'euros pour la gendarmerie nationale (+ 2,5 %), dont une partie relève de l'évolution tendancielle de la masse salariale.

Pour la police nationale, cette évolution tient également à des mesures catégorielles pour un montant de 36,9 millions d'euros, dont 36,6 millions d'euros au titre du protocole pour la modernisation des ressources humaines signé le 2 mars 2022. Ces mesures concernent notamment la revalorisation de la prime de voie publique (+ 13 millions d'euros), l'indemnité pour travail de nuit (+ 8 millions d'euros) et la réforme statutaire du corps d'encadrement et d'application (+ 8 millions d'euros).

Pour la gendarmerie nationale, la hausse s'explique principalement par une augmentation de + 24,4 millions d'euros destinée à la réserve opérationnelle et l'extension en année pleine, en 2026, des mesures catégorielles engagées en 2025, pour un coût total de + 44,4 millions d'euros, dont + 20 millions d'euros au titre du parcours de carrière rénové des officiers et + 15,5 millions d'euros au titre de la prime de voie publique.

En 2026, la part des crédits de titre 2 dans les deux programmes demeure globalement stable, représentant 85 % des crédits en CP (87 % pour la police nationale et 82,5 % pour la gendarmerie nationale).

Part des dépenses de personnel dans l'ensemble des dépenses
de la police et de la gendarmerie nationales

(hors crédits de la mission « Plan de relance »)

(en CP, en %)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

B. UNE PROGRESSION DIFFÉRENCIÉE DES CRÉDITS « HORS TITRE 2 » POUR LES DEUX FORCES

Pour les deux forces, en cumulé, les crédits « hors titre 2 » diminuent en AE (- 4,2 %, soit - 189 millions d'euros) et augmentent en CP (+ 2,8 %, soit + 103 millions d'euros). Ils se décomposent essentiellement en dépenses de fonctionnement (2,84 milliards d'euros en CP) et d'investissement (862 millions d'euros).

La police nationale voit ses crédits hors dépenses de personnel progresser tant en AE qu'en CP (+ 146 millions d'euros en AE, soit + 6,9 %, et + 70 millions d'euros en CP, soit + 4,0 %), quand ceux de la gendarmerie nationale sont en recul en AE (- 335 millions d'euros, soit - 14,3 %) et en augmentation en CP (+ 33 millions d'euros, soit + 1,7 %).

S'agissant de la gendarmerie nationale, il convient de souligner qu'une part importante de la baisse d'AE provient de mouvements pluriannuels récurrents, en particulier sur les loyers, l'énergie et les moyens lourds de projection et d'intervention, pour un total net de - 285 millions d'euros. Pour la police nationale, on observe le même phénomène sur certains marchés (fluides, immobilier, convention « Voyager et protéger », carte de circulation), qui ne produisent pas d'engagements nouveaux en 2026, à la différence de 2025.

Le niveau des dépenses hors personnel peut être mis en regard de la trajectoire prévue par le rapport annexé à la LOPMI de ce point de vue22(*). Pour la police nationale, elles s'établissent en 2026 à 1,804 milliard d'euros en CP, soit un niveau inférieur d'environ 22 millions à ce que prévoyait la LOPMI. Pour la gendarmerie nationale, elles s'établissent à 1,939 milliard d'euros, soit un niveau supérieur de 101 millions d'euros à l'objectif de la LOPMI.

1. La hausse des crédits hors titre 2 de la police nationale se concentre principalement sur la transformation numérique, le renouvellement automobile et l'immobilier

La progression des crédits hors dépenses de personnel au sein du programme 176 « Police nationale » vise à soutenir la sécurité du quotidien et à améliorer l'efficacité opérationnelle des unités. Les efforts portent principalement sur la transformation numérique, le renouvellement automobile et l'immobilier.

Pour la police nationale, la hausse des CP hors « titre 2 » (+ 70 millions d'euros) se réalise au bénéfice principalement :

- en fonctionnement, des moyens mobiles (+ 7 millions d'euros23(*)), et de l'immobilier (+ 11 millions d'euros) ;

- en investissement, de l'acquisition de moyens mobiles (+ 28 millions d'euros), du numérique (+ 4 millions d'euros) et de l'immobilier (+ 3 millions d'euros).

Par ailleurs, la hausse des AE, plus significative (+ 146 millions d'euros), résulte d'un mouvement contraire de :

- baisse des dépenses de fonctionnement, qui concerne notamment le fonctionnement courant des services pour - 144 millions d'euros et les dépenses immobilières pour - 62 millions d'euros ; ces évolutions sont liées, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, à de moindres besoins en engagements cette année, du fait de fluctuations pluriannuelles24(*) ;

- hausse des dépenses d'investissement, qui concerne notamment l'acquisition de moyens mobiles pour + 51 millions d'euros, le numérique pour + 210 millions d'euros (au profit notamment du plan de vidéoprotection pour Paris, ainsi que de la poursuite de grands projets numériques et de projets stratégiques pour le renseignement) et l'immobilier pour + 46 millions d'euros.

S'agissant de l'immobilier, la hausse des prévisions d'engagements en investissement par rapport aux exercices précédents traduit la volonté d'assurer la continuité des opérations pluriannuelles déjà engagées, notamment celles des hôtels de police de Nice et de Valenciennes, tout en permettant le lancement de nouveaux projets à fort enjeu opérationnel demeurés jusqu'à présent sans financement.

Les principales livraisons prévues en 2026 concernent l'hôtel des polices de Nice, les hôtels de police d'Annecy et de Cayenne, ainsi que les commissariats de Vichy et du Kremlin-Bicêtre. Ces réalisations participent au redressement du parc immobilier de la police nationale, dont la modernisation constitue un levier déterminant d'attractivité et d'efficacité opérationnelle.

S'agissant du renouvellement du parc automobile, le rapporteur spécial rappelle qu'un objectif minimal de 2 500 véhicules acquis par an demeure nécessaire pour garantir le maintien en condition opérationnelle des forces, pour un coût annuel estimé à environ 100 millions d'euros en AE. En 2024, seuls 1 305 véhicules avaient pu être renouvelés, tandis que le budget pour 2025 prévoit l'acquisition de 1 263 véhicules. Sous réserve du dégel des crédits en fin de gestion, le responsable de programme pourrait porter l'enveloppe à 93,6 millions d'euros en AE et 99,3 millions d'euros en CP, permettant de passer commande d'environ 2 200 véhicules.

Pour 2026, les crédits inscrits au projet de loi de finances permettent de mobiliser 116 millions d'euros en AE et 103 millions d'euros en CP, correspondant à l'acquisition d'environ 2 900 véhicules. Le rapporteur spécial se félicite de cette progression, qui traduit un effort réel de rattrapage, tout en restant vigilant quant aux effets des éventuels gels de crédits, susceptibles de compromettre la réalisation effective des commandes.

2. La gendarmerie nationale connaît une évolution contrastée de ses crédits hors « titre 2 »

Pour la gendarmerie nationale, le budget pour 2026 permet de couvrir les besoins essentiels au bon fonctionnement des forces, sans toutefois répondre à l'ensemble des attentes, en particulier en matière d'investissement, où une priorisation des opérations s'est révélée nécessaire.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, la priorité demeure la préservation de l'activité opérationnelle, notamment celle de la gendarmerie mobile. En matière d'investissement, la programmation 2026 poursuit la relance de l'effort immobilier engagée depuis plusieurs exercices, avec le maintien d'une trajectoire de crédits d'environ 400 millions d'euros par an, effort que le rapporteur spécial salue.

La nécessité de poursuivre le redressement de l'investissement immobilier pour la gendarmerie nationale

Le rapporteur spécial a présenté un rapport de contrôle sur l'immobilier de la gendarmerie nationale en 202425(*).

L'immobilier constitue une fonction stratégique pour la gendarmerie nationale, en raison notamment de l'obligation de logement en caserne pour les militaires et leurs familles. Le parc immobilier, qui représente près de 11 millions de mètres carrés, reste marqué par une dette grise importante sur le parc domanial et par le coût croissant du parc locatif.

Pour y remédier, le rapporteur spécial recommande de pérenniser les modes de financement innovants, tels que les marchés de partenariat, et de consolider la participation des collectivités locales au déploiement des nouvelles brigades territoriales. Il apparaît, de ce point de vue, nécessaire de rehausser les coûts-plafonds fixant les loyers versés par la gendarmerie aux collectivités et aux bailleurs sociaux, afin d'assurer la viabilité économique des projets d'extension du parc locatif26(*).

Il convient, enfin, de mieux hiérarchiser les priorités et de planifier à moyen terme les investissements immobiliers.

Pour 2026, les crédits d'investissement dédiés à l'immobilier s'établissent à 352,8 millions d'euros en AE et 278,9 millions d'euros en CP, soit une hausse respective de + 57,6 millions d'euros et + 103,4 millions d'euros par rapport au projet de loi de finances pour 2025.

Ces crédits permettront de financer, d'une part, les réhabilitations prioritaires de plusieurs emprises domaniales (Dijon : 60 millions d'euros ; Lodève : 27 millions d'euros ; Antibes : 20 millions d'euros ; Wissembourg : 15 millions d'euros) et, d'autre part, la construction de nouveaux casernements pour les escadrons de gendarmerie mobile (Hyères : 27 millions d'euros ; Thionville, Villeneuve-d'Ascq et Joué-lès-Tours : 3 millions d'euros chacun) ainsi que d'autres projets majeurs, notamment à Saint-Astier (10 millions d'euros).

Les dépenses d'entretien du casernement atteindront 83,7 millions d'euros en CP, en progression de 17 millions d'euros, avec l'objectif d'atteindre à terme un niveau annuel de 100 millions d'euros, pleinement justifié au regard de l'état du parc.

Enfin, 23 millions d'euros seront consacrés en 2026 à la préparation du projet « Cap Satory », programme immobilier d'envergure dont la signature du marché de partenariat est prévue fin 2027.

Source : commission des finances

La légère hausse des CP hors « titre 2 » (+ 33 millions d'euros), résulte de mouvements inverses :

- en fonctionnement, alors que les crédits en faveur des systèmes d'information et de communication se réduisent de - 70 millions d'euros, témoignant de l'impact des arbitrages budgétaires ayant dû être réalisés27(*), ceux dédiés à l'immobilier progressent (+ 32 millions d'euros, dont 15 millions d'euros au titre des loyers et 17 millions d'euros pour l'entretien), tout comme les dépenses d'équipement (+ 9 millions d'euros), et celles dédiées aux moyens lourds de projection et d'intervention (+ 13 millions d'euros) ;

- en investissement, alors que les crédits en faveur des moyens mobiles reculent (- 57 millions d'euros28(*)), ceux dédiés à l'immobilier progressent de 103 millions d'euros.

Les lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation (LAPI)

Autorisés par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003, les lecteurs automatisés de plaques d'immatriculation (LAPI) permettent la captation et le traitement automatisé des données signalétiques des véhicules dans le but de prévenir et de réprimer le terrorisme, la criminalité organisée, le vol et le recel de véhicules, ou encore la contrebande en bande organisée. Régis par les articles L. 233-1 à L. 233-2 du code de la sécurité intérieure, ces dispositifs peuvent être mis en oeuvre, à l'échelle nationale, par la police, la gendarmerie et les douanes, notamment dans les zones frontalières, portuaires, aéroportuaires et sur les grands axes de transit.

Le rapporteur spécial souligne que ces outils, particulièrement efficaces, demeurent insuffisamment déployés en France au regard des pratiques observées chez nos voisins européens. Il recommande en conséquence une augmentation significative de leur nombre, ainsi qu'une centralisation du traitement des données auprès de la gendarmerie nationale, compétente sur la majeure partie du territoire.

Source : commission des finances

La nette baisse des AE hors « titre 2 » (- 335 millions d'euros), qui s'explique pour une part significative par des mouvements pluriannuels classiques29(*), résulte de mouvements suivants :

- en fonctionnement, une hausse de 197 millions d'euros au profit des moyens lourds de projection et d'intervention (en raison de la conclusion d'un marché pluriannuel de maintien en condition opérationnelle d'hélicoptères), compensée par une nette réduction des crédits immobiliers (- 432 millions d'euros, du fait d'une fluctuation pluriannuelle des engagements sur les loyers, les fluides et l'énergie) et une baisse des dépenses en faveur des systèmes d'information et de communication (- 54 millions d'euros). Cette dernière baisse, observable aussi en CP, et qui porte sur des renoncements à la montée en puissance de certains équipements et au lancement de nouveaux projets, manifeste les conséquences des arbitrages rendus nécessaires par un niveau de crédits hors « titre 2 » qui demeure limité ;

- en investissement, une nette baisse des crédits en faveur des moyens mobiles (- 81 millions d'euros30(*)) et une hausse des crédits immobiliers (+ 58 millions d'euros).

Point d'alerte sur les moyens mobiles et les hélicoptères
de la gendarmerie nationale

Dans un contexte de crédits hors « titre 2 » limités et d'arbitrages en faveur de l'activité opérationnelle et de l'immobilier, les crédits d'investissement consacrés aux moyens mobiles enregistrent en 2026 une baisse très marquée, de près de trois quarts en AE et de moitié en CP, pour s'établir à 24 millions d'euros en AE et 49 millions d'euros en CP, un niveau particulièrement faible, comparable à 2024. Ce montant ne permettra le renouvellement que de 600 à 700 véhicules, très en deçà du besoin annuel estimé à 3 750 unités.

Les véhicules constituent pourtant un outil essentiel pour les unités territoriales, couvrant 96 % du territoire national. Le rapporteur spécial appelle en conséquence à un effort budgétaire renforcé pour garantir la continuité opérationnelle des forces.

Par ailleurs, le faible nombre d'hélicoptères disponibles conduit déjà à restreindre certaines missions, plusieurs sections aériennes ayant été fermées temporairement. Les appareils de type Écureuil ne pourront en outre plus voler au-delà de 2029. Le rapporteur souligne donc la nécessité d'affermir la tranche complémentaire du marché conclu avec Airbus, portant sur 22 hélicoptères H145 pour un coût pluriannuel de 355 millions d'euros. À défaut, certaines missions critiques, comme le secours en montagne, pourraient ne plus être assurées par la gendarmerie. Pour mémoire, la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes31(*) la réalisation d'une enquête sur le secours en montagne, qui implique tant la gendarmerie que la police nationale et la sécurité civile. Celle-ci est en cours.

Source : commission des finances

DEUXIÈME PARTIE
LE PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES » ET LE CAS « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS »

I. LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE, UNE POLITIQUE DONT LES RÉSULTATS DOIVENT ÊTRE ENCORE AMÉLIORÉS

A. UNE POLITIQUE STRUCTURELLEMENT INTERMINISTÉRIELLE, REPRÉSENTANT UN BUDGET D'ENVIRON 5 MILLIARDS D'EUROS POUR L'ÉTAT

La politique de sécurité routière, dont la finalité est d'assurer la sûreté et la protection de l'ensemble des usagers de la route, repose sur trois grands objectifs :

- responsabiliser les usagers à travers la formation, l'information, la sensibilisation, la réglementation et la sanction ;

- améliorer la sécurité des infrastructures, notamment par la signalisation et la sécurisation des axes ;

- accompagner l'évolution des mobilités afin de garantir une sécurité renforcée pour tous (encadrement de l'aide à la conduite, prévention des situations accidentogènes, accompagnement de l'utilisation des nouveaux moyens de mobilité, etc.).

La politique de sécurité routière, une politique interministérielle
dont les axes prioritaires ont été récemment renouvelés

La politique de la sécurité routière est par nature interministérielle. Au sein du ministère de l'Intérieur, elle concerne tant la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), que la direction générale de la police nationale (DGPN) et la délégation à la sécurité routière (DSR). De nombreux autres ministères sont également concernés : ministère de l'Éducation nationale (formation, sensibilisation, examens pour les attestations scolaires de sécurité routière), ministère de la Justice (contentieux de la circulation routière), ministère de la santé, des familles, de l'autonomie et des personnes handicapées (sensibilisation aux risques pour la santé et organisation de la chaîne des secours et de soins d'urgence), ministère du travail et des solidarités (animation de la prévention du risque routier professionnel), etc.

La coordination interministérielle est assurée par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), placé sous l'autorité du Premier ministre, qui fixe les orientations en matière de sécurité routière. C'est ensuite la Déléguée interministérielle à la sécurité routière (DISR), qui dirige en outre la DSR, qui prépare et met en oeuvre la politique de sécurité routière. L'action locale est portée dans chaque département par le préfet.

Le CISR du 17 juillet 2023 a décidé du renouvellement des axes prioritaires de la politique de sécurité routière, autour de 7 axes : éduquer pour mieux partager la route ; mieux détecter, évaluer et suivre les inaptitudes à la conduite ; protéger les usagers vulnérables de la route et accompagner les victimes ; s'engager pour la sécurité de toutes et tous sur les routes ; lutter contre les comportements les plus dangereux ; simplifier la vie des usagers de la route ; enfin, agir pour une meilleure sécurité routière dans les outre-mer.

Sur cette base, il a été décidé de renforcer l'éducation, la prévention et la répression des comportements les plus dangereux (alcool, stupéfiants, vitesse), en prônant en parallèle une logique d'indulgence pour les fautes d'inattentions (petits excès de vitesse).

La loi n° 2025-622 du 9 juillet 2025 créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière procède de cette démarche. Parmi ses dispositions, figurent la création de délits spécifiques d'homicide et blessures routiers et la délictualisation des grands excès de vitesse. Parallèlement, la loi porte une attention particulière aux victimes et aux familles de victimes, y compris en intégrant l'information obligatoire des parties civiles de la date d'audience pour les affaires pénales. En outre, elle renforce le volet prévention, notamment en étendant le champ des délits assimilés, au regard de la récidive, aux faits de conduite sans permis et en renforçant les sanctions administratives, à l'image de l'immobilisation du véhicule.

Source : commission des finances

Le coût de la politique de sécurité routière est estimé, d'un point de vue interministériel, à environ 5,05 milliards d'euros en 2026 en CP, en hausse d'environ 25 millions d'euros par rapport à 2025. Ce coût est porté à titre principal par deux missions et un compte d'affectation spéciale :

- « Écologie, développement et mobilité durables » : via notamment les programmes 203 « Infrastructures et services de transport » (1,05 milliard d'euros) et 217 « Conduite et pilotages des politiques de l'économie, du développement et de la mobilité durables » (556 millions d'euros) ;

- « Sécurités » : via les programmes 152 « Gendarmerie nationale » (1,02 milliard d'euros), 176 « Police nationale » (598 millions d'euros), mais également 207 « Sécurité et éducation routières » (82 millions d'euros) ;

- le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », via notamment les programmes 754 « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières » (807 millions d'euros) et 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière » (344 millions d'euros).

B. UNE POLITIQUE QUI PRODUIT DES RÉSULTATS, MAIS QUI DOIVENT ENCORE ÊTRE AMÉLIORÉS

Les résultats de la politique de sécurité routière s'apprécient principalement à travers l'évolution du nombre d'accidents et de victimes de la route. Après un pic historique de plus de 18 000 décès en 1972, la mortalité routière a connu une baisse tendancielle sur plusieurs décennies. Les comparaisons doivent toutefois exclure la période 2020-2021, marquée par les restrictions de circulation liées à la crise sanitaire. L'année 2019 reste ainsi la référence pour les analyses récentes.

Évolution de la mortalité routière annuelle en France métropolitaine
de 1952 à 2024

Source : Observatoire national interministériel de la sécurité routière

En 2024, 3 432 personnes ont perdu la vie sur les routes de France (+ 1 % par rapport à 2023), dont 3 193 en métropole (+ 0,8 %) et 239 dans les outre-mer (+3,5 %)32(*). Ce niveau demeure inférieur de 1,9 % à celui de 2019 (3 498 décès). En métropole, environ 236 000 blessés ont été recensés, dont près de 16 000 blessés graves en 2024.

Sur les neuf premiers mois de 2025, 2 428 décès ont été enregistrés en métropole (+ 4,2 % par rapport à 2024), et 195 dans les outre-mer (+ 27,5 %). Ces chiffres, bien qu'en hausse, restent en deçà des niveaux de 201933(*).

Chiffres clés 2024 de la sécurité routière (en France métropolitaine)

Source : Observatoire national interministériel de sécurité routière

La part des usagers vulnérables (piétons, cyclistes, utilisateurs d'engins de déplacement personnels motorisés et usagers de deux-roues) continue de progresser : en 2024, les occupants de voitures ne représentent plus que 48 % des personnes tuées, bien que 71 % des décès impliquent un véhicule automobile.

Répartition de l'accidentalité par types de mobilité en 2024

Note : MAIS3+ : niveau de lésion égal ou supérieur à 3 sur une échelle de 1 à 6.

Source : Observatoire national interministériel de sécurité routière

Les hommes demeurent nettement surreprésentés (84 % des présumés responsables et 77 % des décès). Environ un accident sur trois est lié à la vitesse, un sur quatre à l'alcool et un sur cinq aux stupéfiants, ces facteurs pouvant être cumulés. Les routes hors agglomération concentrent 60 % des décès et 47 % des blessés graves, tandis que les autoroutes demeurent proportionnellement beaucoup moins accidentogènes.

Répartition des tués et des blessés graves par types de routes en 2024

Source : Observatoire national interministériel de sécurité routière

Les jeunes, en particulier de 18 à 24 ans, sont sur-représentés parmi les tués et les blessés graves ou avec séquelles. Il en va de même s'agissant des personnes de 25 à 34 ans, quoique dans des proportions moins importantes.

Répartition des personnes accidentées par âge en 2024

Source : Observatoire national interministériel de sécurité routière

Au regard des auditions menées et des données disponibles, le rapporteur spécial estime que la politique de sécurité routière, bien qu'engageant déjà fortement les forces de l'ordre et les autres administrations concernées, nécessite encore un renforcement de l'action publique. Les efforts doivent notamment porter sur :

- une politique de formation et de prévention plus ambitieuse, particulièrement à destination des jeunes ;

- une communication nationale renouvelée, permettant de renforcer la culture de sécurité routière de la population ;

- une meilleure intégration du travail des associations et des collectifs de victimes.

II. OBSERVATIONS SUR LE PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES »

Le programme 207 « Sécurité et éducation routières », rattaché à la mission « Sécurités » depuis 2013 et qui ne porte pas de dépenses de personnel34(*), regroupe des crédits représentant environ 0,32 % de la mission en 2026. Ils sont principalement consacrés aux actions de communication, d'éducation, de prévention et à l'organisation du permis de conduire (fonctionnement et examens).

Évolution des crédits par action du programme 207

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2025

PLF 2026

Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (volume)

Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (%)

FDC et ADP attendus en 2026

01 - Observation, prospective, réglementation et soutien au programme

AE

7,9

7,9

0

0,0 %

0,0

CP

7,9

7,9

0

0,0 %

0,0

02 - Démarches interministérielles et communication

AE

49,3

49,3

0

0,0 %

0,1

CP

48,7

48,7

0

0,0 %

0,1

03 - Éducation routière

AE

26,5

26,5

0

0,0 %

0,0

CP

25,6

25,6

0

0,0 %

0,0

Total programme 207

AE

83,6

83,6

0

0,0 %

0,1

CP

82,1

82,1

0

0,0 %

0,1

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2026, le programme 207 « Sécurité et éducation routières » connaît une stabilité de ses crédits par rapport à la loi de finances initiale pour 2025, tant à l'échelle du programme que de ses actions. Les crédits s'élèvent à 83,6 millions d'euros en AE et à 82,1 millions d'euros en CP.

Ils s'établissent toutefois à un niveau inférieur à ce qui était prévu dans le rapport annexé à la LOPMI pour 2026.

Trajectoire budgétaire indicative prévue pour les années 2023 à 2027
par la LOPMI pour le programme 207 « Sécurité et éducation routières

(en millions d'euros, en crédits de paiement, », « hors CAS pensions »)

CRÉDITS DE PAIEMENT

hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Programme 207 « Sécurité et éducation routières », dont l'intégralité « hors titre 2 »

51

74

105

109

110

113

Évolution du programme (N / N - 1), en millions d'euros

-

23

31

4

1

3

Taux d'évolution du programme (N / N - 1)

-

45,1 %

41,9 %

3,8 %

0,9 %

2,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : rapport annexé). Les montants pour le programme (deuxième ligne) résultent du rapport annexé ; les calculs (troisième et dernière lignes) sont ceux de la commission des finances

Les dépenses de communication destinées au grand public représentent environ 18 millions d'euros en 2026. Ces moyens permettent de financer les campagnes nationales de sensibilisation (lutte contre l'alcool et les stupéfiants au volant, contre l'usage du téléphone, etc.), la communication numérique sur les réseaux sociaux et les sites dédiés, ainsi que diverses actions locales de communication.

Les actions locales et partenariats avec les associations de sécurité routières mobilisent pour leur part près de 14 millions d'euros. Cette enveloppe finance des actions menées directement par les services de l'État, les subventions accordées aux associations de sécurité routière, ainsi qu'une dotation spécifique au bénéfice des départements et régions d'outre-mer.

L'organisation des examens du permis de conduire représente un coût estimé à 17 millions d'euros, tandis que la formation des personnels mobilise environ 4 millions d'euros. Dans un contexte de hausse des délais pour présenter le permis de conduire, un plan pluriannuel prévoyait la création de 100 postes d'inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière (IPCSR) sur la période 2023-2026, en complément du remplacement des départs. 53 postes ont été créés en 2023 et 2024, aucun en 2025, et 10 créations supplémentaires sont envisagées en 2026.

Enfin, une priorité particulière demeure la lutte contre la conduite après usage de stupéfiants, qu'il conviendrait sans doute de renforcer encore. La dotation pour l'acquisition des kits salivaires de dépistage et de confirmation s'établit en 2026 à 4,1 millions d'euros, afin de soutenir l'intensification des contrôles réalisés par les forces de l'ordre. Selon les données transmises au rapporteur spécial, 1,2 million de dépistages de stupéfiants ont été effectués en 2024 (+ 21,4 % par rapport à 2023). À titre de comparaison, le nombre de contrôles d'alcoolémie demeure toutefois supérieur à 8 millions par an.

III. OBSERVATIONS SUR LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS »

A. UN COMPTE À L'ARCHITECTURE COMPLEXE, FAISANT L'OBJET D'AJUSTEMENTS EN 2025 ET 2026

L'article 49 de la loi de finances pour 200635(*) a créé le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », habituellement appelé CAS « Radars »36(*), en partie improprement, ses recettes étant en réalité plus larges37(*). Son architecture, qui fait l'objet d'ajustements en 2025 et 2026, est devenue aujourd'hui complexe.

1. Le CAS « Radars » est composé de deux sections finançant des dépenses de diverses natures

Le CAS repose sur une architecture à deux sections regroupant quatre programmes.

Depuis 2017, la section 1 « Contrôle automatisé » ne comprend que le seul programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière », qui finance le déploiement et la maintenance du parc de radars, le traitement automatisé des infractions (par l'ANTAI38(*) et son centre national de traitement) ainsi que la gestion du permis à points.

La section 2 « Circulation et stationnement routiers » regroupe trois programmes :

- le programme 753 « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers », chargé notamment du déploiement du procès-verbal électronique (PVe), outil de dématérialisation et de modernisation de la gestion des amendes ;

- le programme 754 « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières », qui reverse une partie des recettes des amendes aux collectivités pour financer des projets locaux liés à la sécurité routière ou aux transports en commun ;

- le programme 755 « Désendettement de l'État », qui vient abonder le budget général au titre des recettes non fiscales.

2. Des recettes issues des amendes et réparties selon un schéma encadré

Le CAS « Radars » est alimenté par deux types de recettes :

- le produit des amendes forfaitaires faisant suite aux infractions relevées par les radars, dites « AF radars » ;

- le produit des autres amendes de la police de la circulation forfaitaires, dites « AF hors radars », et des amendes forfaitaires majorées, dites « AFM » (radars et hors radars).

Néanmoins, le « CAS Radars » ne bénéficie pas de l'affectation de la totalité des recettes résultant de ces amendes. C'est l'article 49 de la loi de finances initiale pour 200639(*) qui fixe les règles de répartition de ces recettes.

Pour les « AF radars » :

- une première fraction vient abonder la section 1 « Contrôle automatisé » du CAS, dans le respect d'un plafond défini par l'article 49 de ladite loi, aujourd'hui fixé à 336,65 millions d'euros ;

- une seconde fraction bénéficie à la section 2 « Circulation et stationnement routiers » », dans le respect d'un plafond défini par l'article 49 de ladite loi, aujourd'hui fixé à 170 millions d'euros. Une première partie de cette fraction est affectée au programme 754 « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières ». La seconde partie de la fraction est affectée au programme 755 « Désendettement de l'État » ;

- dans le cas où le solde des recettes des AF radars excède le cumul des plafonds de ces deux fractions, le solde revient au Fonds pour la modernisation de l'investissement en santé (FMIS), dans la limite de 26 millions d'euros, à l'ANTAI, dans la limite de 13 millions d'euros, puis à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), pour le solde.

Pour les « AF hors radars » et les « AFM » :

45 millions d'euros sont affectés au budget général au titre de recettes non fiscales ;

le solde vient alimenter la section 2 du CAS dont une première fraction est fléchée vers le programme 753 ; une seconde fraction est ensuite répartie entre le programme 754 pour 53 %, et le programme 755, pour 47 %.

Ce schéma de répartition des recettes au sein du CAS Radars s'applique tant aux recettes prévues en loi de finances initiale qu'aux éventuelles hausses de recettes en cours d'exécution, sauf disposition législative contraire. Les dépenses correspondantes varient chaque année en fonction du rendement des amendes, qui tend à augmenter.

Le schéma suivant récapitule les affectations des deux recettes entre les deux sections et les quatre programmes décrits supra.

Schéma d'affectation du produit des amendes routières en 2026

Source : projet annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », annexé au projet de loi de finances pour 2026

Les ajustements de l'architecture du CAS prévus par la loi de finances initiale pour 2025 et l'article 38 du projet de loi de finances pour 2026

L'article 130 de la loi de finances pour 2025 a modifié l'article 49 de la loi de finances pour 2006, pour, d'une part, minorer de 3,3 millions d'euros le niveau du plafond d'affectation des recettes des AF Radars à la première section du compte (programme 751). Le plafond est ainsi passé de 339,95 millions d'euros à 336,65 millions d'euros. D'autre part, elle a créé une affectation directe d'une fraction du produit des AF Radars à l'ANTAI40(*). Cette affectation de recettes est sans lien avec la subvention déjà versée à l'ANTAI au titre des programmes 753 et 754, à savoir 124 millions d'euros en 2026.

L'article 38 du projet de loi de finances pour 2026 prévoit de relever de 8 millions d'euros le plafond du produit des AF Radars affectées à la première section du compte - de 336,65 millions d'euros à 344,65 millions d'euros -, afin de tirer les conséquences de la hausse des crédits prévue pour le programme 751 afin de financer les coûts pour l'Etat associés au lancement du marché de nouveaux dispositifs de contrôle automatisé déployés par les collectivités territoriales, en application de la loi du 21 février 2022 dite « 3DS »41(*).

Source : commission des finances

En 2026, alors que les amendes devraient produire un rendement cumulé de 2,152 milliards d'euros, 1,928 milliard d'euros reviendrait au CAS « Radars ». En effet 224 millions d'euros, soit 10,4 % du produit des amendes, n'entrent pas dans son périmètre et alimentent directement l'AFITF (139 millions d'euros), le budget général de l'État (45 millions d'euros), le FMIS (26 M€) et l'ANTAI (13 millions d'euros)42(*).

Certaines affectations de recettes des amendes, comme celle de 45 millions d'euros au budget général, ne présentent ainsi aucun lien avec la sécurité ou les infrastructures routières. C'est le cas également, au sein du périmètre des dépenses du CAS, des crédits qui alimentent le programme 755 « Désendettement de l'État », soit 38,9 % des crédits (751 millions d'euros) du compte.

Au total, ce sont donc environ 800 millions d'euros des dépenses qui ne présentent aucun lien avec la sécurité ou les infrastructures routières, soit plus d'un tiers des recettes des amendes (37,0 %).

Ventilation de l'affectation des recettes des amendes en 2026

Source : commission des finances, d'après les données du projet annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », annexé au projet de loi de finances pour 2026

B. UNE PROGRESSION DU PRODUIT DES AMENDES AFFECTÉES AU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE, QUI BÉNÉFICIE PRINCIPALEMENT AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET AU DÉSENDETTEMENT DE L'ÉTAT

1. Une augmentation des recettes affectées au CAS d'environ 3,5 % en 2026

En 2026, les recettes du CAS « Radars » sont prévues en hausse de 3,5 % en AE/CP (+ 64,5 millions d'euros) par rapport à 2025, pour s'établir à 1,93 milliard d'euros, comme les dépenses43(*). Le solde prévisionnel du compte est nul.

La hausse des recettes du CAS provient des « AFM » et des « AF hors radars » affectées au CAS, en hausse de 4,2 % (+ 56,5 millions d'euros), tandis que les « AF radars » affectées au CAS sont en légère hausse également (+ 1,6 %, soit + 8,0 millions d'euros), comme le permet l'article 38 du projet de loi de finances pour 202644(*).

Évolution des crédits de la mission « Contrôle de la circulation
et du stationnement routiers »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

LFI 2025

PLF 2026

Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (volume)

Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (%)

751 - Structures et dispositifs de sécurité routière

AE

336,3

344,3

+ 8,0

+ 2,4 %

CP

336,3

344,3

+ 8,0

+ 2,4 %

755 - Désendettement de l'État

AE

724,9

751,4

+ 26,6

+ 3,7 %

CP

724,9

751,4

+ 26,6

+ 3,7 %

754 - Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

AE

776,8

806,7

+ 30,0

+ 3,9 %

CP

776,8

806,7

+ 30,0

+ 3,9 %

753 - Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

AE

26,2

26,2

0,0

0,0 %

CP

26,2

26,2

0,0

0,0 %

Total CAS

AE

1 864,2

1 928,7

+ 64,5

+ 3,5 %

CP

1 864,2

1 928,7

+ 64,5

+ 3,5 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Des crédits des programmes liés à la politique de sécurité routière en très légère progression et dans l'épure de la LOPMI
a) Les crédits du programme 751 progressent de 2,4 %, en vue du futur déploiement des radars des collectivités prévue par la loi « 3DS »

Les crédits du programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière », sont en légère progression en 2026. Ils s'établissent à 344,3 millions d'euros en AE/CP, en hausse de 2,4 %, à savoir + 8,0 millions d'euros, au profit du futur déploiement des radars des collectivités territoriales45(*).

Ces crédits financent trois postes principaux.

Premièrement, le poste de dépenses principal du programme concerne l'action et les moyens mis en oeuvre par l'État dans le cadre du système de contrôle-sanction automatisé (radars), à l'exception des moyens humains nécessaires à la mise en oeuvre des dispositifs mobiles et ceux alloués au traitement automatisé des infractions. 204,5 millions d'euros sont prévus à ce titre en 2026, en hausse de 4,1 %, soit + 8,0 millions d'euros, par rapport à 2025.

Au 1er septembre 2025, le parc de radars était au total de 4 858 équipements opérationnels (contre 4 221 au 1er janvier 2021). Sur ce total, 4 160 sont actifs46(*). Leur taux de disponibilité s'est réduit récemment ; alors qu'il était de 90,7 % au 1er janvier 2023, il n'était que de 81,8 % au 1er janvier 2025. L'administration est néanmoins confiante sur le fait de tendre vers l'atteinte d'un objectif de 93 % en fin d'année, après un renouvellement des marchés d'entretien des radars. En outre, l'achèvement opérationnel de l'externalisation de la conduite des véhicules radars dans toutes les régions (hors Île-de-France) s'est opéré fin 202447(*).

Évolution du nombre de radars entre 2021 et 2025

Date

Nombre total de radars

Radars fixes vitesse

Radars embarqués

Radars feu rouge

Radars passage à niveau

Radars autonomes

Radars Tourelles (Vitesse et franchissement)

Radars Urbains (Vitesse et franchissement)

1er janvier 2021

4 221

1 572

902

628

76

249

794

0

1er janvier 2022

4 422

1 528

964

590

71

308

961

0

1er janvier 2023

4 415

1 393

995

534

71

337

1085

0

1er janvier 2024

4 597

1 283

991

526

71

453

1273

0

1er janvier 2025

4 753

1 240

934

519

71

396

1519

74

1er sept.

2025

4 858

1 239

944

511

69

495

1522

78

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'extension aux collectivités territoriales de la possibilité de recourir
au contrôle-sanction automatisé

Le contrôle sanction-automatisé a longtemps constitué une compétence exclusive de l'État. Néanmoins, après une première évolution introduite par la loi dite « LOM » du 24 décembre 201948(*), la loi « 3DS » du 21 février 2022 a modifié l'article L. 130-9 du code de la route afin d'autoriser les collectivités et leurs groupements gestionnaires de voirie à installer des dispositifs de contrôle automatisé.

La mise en oeuvre de cette faculté demeure néanmoins encadrée. En effet, le préfet doit émettre un avis favorable sur la demande, après consultation de la commission départementale de la sécurité routière. La demande doit s'appuyer sur une étude d'accidentalité des sections de route concernées, prenant en compte les équipements déjà déployés49(*).

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, l'UGAP a publié le 14 avril 2025 un accord-cadre national élaboré sous l'égide technique de la délégation à la sécurité routière (DSR). L'analyse des offres est en cours et la notification du marché est attendue d'ici fin 2025. La DSR mènera ensuite les travaux d'homologation des matériels, participera à la conception du système de supervision et de contrôle du futur parc et passera commande de dix équipements qui seront installés en zones urbaine et rurale, pour tester le fonctionnement et la communication avec l'ANTAI. Ces travaux, inscrits au programme 751, représenteront une dépense de 8 millions d'euros en 2026.

À l'issue de cette phase de mise au point, les collectivités pourront passer des marchés subséquents sur la base de l'accord-cadre. Ce dispositif comprendra, contre le paiement d'un loyer périodique, les travaux d'installation, la fourniture et maintenance de l'équipement, ainsi que son raccordement à l'ANTAI.

Les recettes issues des contraventions, qui devraient être effectivement perçues essentiellement à compter de 2027, seraient versées50(*) sur le CAS « Radars », dont une part des recettes est attribuée aux collectivités territoriales51(*).

Source : commission des finances

Deuxièmement, le programme finance les dépenses liées au traitement des messages d'infractions constatées par un dispositif de contrôle automatisé et leur transformation en avis de contravention. Il s'agit concrètement d'une subvention à l'ANTAI, d'un montant de 98,3 millions d'euros en 2026, stable par rapport à 2025.

Troisièmement, le programme finance les dépenses en lien avec le système du permis de conduire à points (37,7 millions d'euros en 2026), notamment pour financer, d'une part, l'envoi de différents types de courriers destinés à assurer l'information de chaque titulaire du permis de conduire quant au nombre de points restants, et, d'autre part, la modernisation des systèmes d'information concernés.

b) Des crédits du programme 753 qui ne connaissent pas d'évolution, tandis que le champ d'application du procès-verbal électronique poursuit son extension

Le programme 753 « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers », dont le montant des crédits est de 26,2 millions d'euros en AE et CP en 2026, ne connaît pas de variation par rapport à 2025. Les crédits concernés financent le dispositif du procès-verbal électronique (PVe), dont la mise en oeuvre a été confiée à l'ANTAI. Ils consistent en une subvention versée à cette dernière agence.

Le dispositif du « PVe » substitue au carnet à souche des outils nomades de verbalisation des contraventions. L'infraction est constatée grâce à cet outil électronique dédié qui transmet directement les données au centre national de traitement (CNT) basé à Rennes, qui dépend de l'ANTAI. L'avis de contravention est édité et envoyé automatiquement par courrier au domicile du contrevenant. Le PVe est également applicable en matière de délits pouvant faire l'objet d'une procédure d'amende forfaitaire délictuelle (AFD).

L'extension du PVe à un nombre croissant d'amendes forfaitaires délictuelles

Alors que le dispositif du PVe a initialement été conçu pour traiter des contraventions routières, il a été étendu à compter de 2018 à certaines amendes forfaitaires délictuelles (AFD), routières et non-routières.

Le nombre d'AFD concernées par le PVe est en hausse progressive. À ce jour, quatorze AFD ont été intégrées au sein du PVe par l'ANTAI52(*). Six AFD sont par ailleurs en cours d'expérimentation.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La généralisation de la verbalisation électronique est achevée dans les services de l'État (police et gendarmerie nationales) depuis juin 2012 et le déploiement de la solution électronique continue sa progression auprès des collectivités territoriales volontaires. Selon le projet annuel de performances de la mission, 4 900 communes utilisaient ainsi une solution de verbalisation électronique (pour leurs agents municipaux, dont les policiers municipaux), fin juin 2025, dont la quasi-totalité des villes de plus de 50 000 habitants.

Au total, 12,6 millions d'avis de contravention (ACO) initiaux PVe ont été envoyés en 2024 (forces de sécurité intérieure, collectivités territoriales et autres services). S'y ajoute l'envoi de près de 465 000 AFD, soit 30,2 % de plus qu'en 2023.

c) Un montant des crédits des deux programmes conformes à la LOPMI

Les montants des programmes 751 et 753 (370,5 millions d'euros) sont conformes, à ce qui était prévu dans le rapport annexé à la LOPMI (366 millions d'euros).

Trajectoire budgétaire indicative prévue pour les années 2023 à 2027
par la LOPMI pour le « CAS Radars », programmes 751 et 753 (hors 754 et 755)

(en millions d'euros, en crédits de paiement, « hors CAS Pensions »)

CRÉDITS DE PAIEMENT

hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Programmes 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière » et 753 « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers », l'intégralité étant « hors titre 2 »

366

366

366

366

366

366

Taux d'évolution du programme (N / N - 1)

-

0 %

0 %

0 %

0 %

0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après la LOPMI : rapport annexé). Les montants pour le programme (deuxième ligne) résultent du rapport annexé

3. Des crédits en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et du désendettement de l'État en progression

Les crédits du programme 754 « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières » sont, au titre de 2026, d'un montant prévisionnel de 806,7 millions d'euros, en hausse de 3,9 % (+ 30,0 millions d'euros).

Elles se décomposent ainsi :

- une fraction d'un montant de 71 millions d'euros (issue des amendes forfaitaires du contrôle automatisé) destinée à financer des opérations contribuant à la sécurisation des réseaux routiers des communes et EPCI, pour une part limitée à 7 millions d'euros, et des départements, de la collectivité de Corse, de la métropole de Lyon, des régions d'outre-mer et des métropoles, pour une part limitée à 64 millions d'euros ;

- une contribution de 736 millions d'euros53(*) (issue des amendes forfaitaires majorées du contrôle automatisé et des amendes forfaitaires hors radars) au titre du financement par les collectivités d'opérations destinées à améliorer les transports en commun et la circulation.

Le comité des finances locales répartit le produit des amendes entre les collectivités territoriales. Les modalités de répartition doivent assurer une redistribution équitable et une mutualisation entre collectivités disposant de ressources différentes.

Le programme 755 « Désendettement de l'État » voit au titre de 2026, ses crédits s'établir à un montant prévisionnel de 751,4 millions d'euros, en hausse de 3,7 % (+ 26,6 millions d'euros).

Cette hausse mécanique résulte, comme pour le programme 754, de la clé de répartition des recettes au sein du CAS Radars54(*).

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Sécurités » et donc des programmes 176 « Police nationale », 152 « Gendarmerie nationale », 207 « Sécurité et éducation routières » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 5 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Bruno Belin, rapporteur spécial, sur les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des rapports spéciaux de Bruno Belin et Jean Pierre Vogel sur la mission « Sécurités » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Nous accueillons Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense pour le programme « Gendarmerie nationale ».

M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Dans le domaine de la sécurité intérieure, l'activité a été en en progression en 2025, après une année 2024 déjà chargée.

Pour 2026, même s'il n'y a pas de faits majeurs de l'intensité des jeux Olympiques et Paralympiques, l'organisation du G7, qui se tiendra en juin à Évian, est notamment déjà en préparation ; elle mobilisera bien entendu des moyens humains.

S'agissant des éléments budgétaires, j'évoquerai d'abord la police nationale, dont le budget total avoisine les 13,9 milliards d'euros.

Il faut d'abord noter une augmentation des moyens humains : plus de 1 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sont prévus dans le budget de la police nationale, dont 300 pour la police aux frontières. Ces effectifs vont au-delà de ce qui était prévu dans le cadre de la déclinaison ministérielle annuelle de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Mais un effort est également consenti pour les moyens autres qu'humains, notamment les véhicules, le numérique et l'immobilier.

Cette allocation de moyens supplémentaires doit permettre de répondre plusieurs axes d'action, parmi lesquels la sécurité du quotidien, la lutte contre l'immigration irrégulière et la sécurisation des frontières, la lutte contre la criminalité organisée - y compris le narcotrafic - et l'« entrisme ».

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le budget total dépasse les 11 milliards d'euros, en légère hausse. On ne constate pas la même progression que pour la police nationale.

Néanmoins, il est prévu le recrutement de 400 ETP supplémentaires, qui sont nécessaires pour armer les nouvelles brigades. Le Président de la République avait annoncé en 2023 la création de près de 240 nouvelles brigades, ce qui nécessite évidemment des moyens humains. Dans une première vague, un peu plus de 80 brigades ont été ouvertes en 2024. 57 brigades auraient dû l'être en 2025, mais elles ne l'ont pas été faute de création d'effectifs. Elles seront donc ouvertes en 2026. Il en restera une centaine à ouvrir pour la suite.

L'évolution du budget de la gendarmerie nationale appelle plusieurs points d'alerte.

D'abord, j'aborderai la question des véhicules. Si l'on veut que nos gendarmes soient correctement équipés, il faut renouveler environ 3 750 véhicules par an. Les budgets des années récentes n'ont permis d'en renouveler qu'un nombre très limité ; en 2026, 600 à 700 pourraient l'être, soit environ six ou sept véhicules par département.

Ensuite, je veux évoquer les hélicoptères. La gendarmerie nationale surveille un territoire très étendu, et les hélicoptères sont indispensables à ses différentes missions. Or, aujourd'hui, la gendarmerie dispose d'une flotte d'hélicoptères en fin de vie. Dans certains départements, ce sont des Écureuil, lesquels datent des années 1960, qui sont encore en service. La première tranche d'un marché conclu il y a quelques années avec Airbus a permis d'acquérir 26 hélicoptères mais la répartition s'est faite ainsi : 2 pour la gendarmerie et 24 pour la sécurité civile. Il faudra s'interroger sur l'état de la flotte d'hélicoptères et sur la manière dont nous pourrions, comme nous l'avons fait pour l'immobilier, accompagner la gendarmerie face au défi que représente la surveillance des territoires.

J'en viens à un autre sujet lié à l'étendue du territoire sur lequel s'exerce la mission de la gendarmerie nationale : la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Lapi). Aujourd'hui, la gendarmerie, la police nationale et les douanes comptent quelques centaines de dispositifs, quand la Belgique en possède plusieurs milliers. Le dispositif Lapi n'a pas de capacité répressive, à la différence des radars, mais permet d'identifier des véhicules et de reconstituer leurs parcours grâce à l'intelligence artificielle, ce qui est d'une grande utilité, notamment face à des enjeux liés au terrorisme, à des d'enlèvements ou à des évasions. Il nous faudrait dix ou vingt fois plus de ces dispositifs, sachant que l'unité coûte 15 000 euros.

En ce qui concerne l'immobilier de la gendarmerie nationale, nous partions de loin. Je rappelle que le rapport sur l'immobilier de la gendarmerie nationale rendu en 2024, au nom de notre commission, a contribué à permettre de mobiliser des fonds et de répondre à certaines difficultés importantes. À titre d'exemple, les travaux commencent enfin dans la caserne de Dijon, cinquante-cinq ans après son ouverture. Les militaires et leurs familles ne pouvaient pas y être accueillis correctement. De la même manière, les travaux que nous avions identifiés comme nécessaires à Satory sont enfin prévus dans le programme budgétaire.

Par ailleurs, je me suis rendu dans la Nièvre au mois de septembre, pour trouver des solutions en lien avec les collectivités, les bailleurs sociaux, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les départements, l'État, la Banque des territoires et la Caisse des dépôts et consignations. Nous avons notamment entamé une discussion avec le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) sur l'utilité pour la gendarmerie d'être propriétaire de ses logements et casernes, et sur les délais de prêt qui seraient envisageables.

J'en viens à la sécurité routière. En 2025, le nombre de décès augmentera un peu par rapport à 2024, année où il s'était établi à 3 432, dont 3 193 pour la métropole et 239 pour les outre-mer. En la matière, nous ne parvenons pas à descendre sous un certain plancher.

J'ai organisé une table ronde et des auditions à ce sujet en présence de représentants d'associations, de responsables de la coordination interministérielle et de personnes personnellement affectées. Un décès impacte environ neuf personnes, notamment en matière d'arrêts de travail et de traitements médicamenteux. En prenant en compte tous les paramètres, on estime que le coût des 3 400 décès représente au moins 80 milliards d'euros, ce qui équivaut à près de 3 points de PIB.

Comment faire baisser ce chiffre ? Je ne crois pas au tout répressif ; il faut aussi des mesures de formation, qui peut être permanente ou dispensée immédiatement après l'obtention du permis. À cet égard, je rappelle que 35 % des décès sur les routes concernent les moins de 34 ans. La répartition des causes des accidents ne change pas beaucoup : environ un accident sur trois est lié à la vitesse, un sur quatre à l'alcool et un sur cinq aux stupéfiants. De plus, 14 % des accidents impliquent un « distracteur », soit l'usage d'un téléphone ou d'un écran.

J'en viens au compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». La France compte 4 200 radars actifs, qui ont représenté en 2024 un rendement d'environ 889 millions d'euros. L'ensemble des recettes des amendes, y compris celles relevant de la police de la circulation (hors radars), représenterait 2,15 milliards d'euros en 2026, dont un peu plus d'un tiers est affecté aux dépenses routières des collectivités, un tiers au désendettement de l'État, et près d'un cinquième au fonctionnement des radars et au procès-verbal électronique.

La politique de l'État est de ne pas augmenter le nombre de radars actifs.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une dotation de 995 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 860 millions d'euros en crédits de paiement (CP) pour le programme « Sécurité civile », ce qui représente une augmentation de 16 % en AE et de 6 % en CP par rapport à 2025.

Cependant, ce budget appelle une mise en perspective pluriannuelle. Pour la période 2023-2026, la moyenne du montant des CP se stabilise à environ 850 millions d'euros, soit à un niveau supérieur de 40 % à celui observé entre 2019 et 2022.

Dans un contexte de contrainte budgétaire, cette augmentation pourrait surprendre, mais elle est logique et, ce, pour au moins deux raisons.

Premièrement, cette hausse des crédits à moyen terme est nécessaire pour sauvegarder et mettre à niveau les moyens capacitaires humains et matériels de la sécurité civile, face à l'extension temporelle et géographique des risques climatiques.

De récents travaux du Sénat, et plus particulièrement de la commission des finances, ont établi cette nécessité. Ainsi, deux rapports de contrôle, l'un portant sur les régimes d'indemnisation des catastrophes naturelles et l'autre sur les inondations survenues en 2023 et 2024, ont mis en exergue les coûts humains et financiers colossaux entraînés par un défaut des moyens de prévention et d'intervention face à l'intensification des aléas climatiques.

Deuxièmement, le budget du programme 161 doit être pensé de façon transversale. En effet, les moyens accordés à la sécurité civile sont mis au service d'un ensemble de politiques publiques. À titre d'exemple, le financement de matériel indispensable pour la sécurisation de la Coupe du monde de rugby, ou des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, a conduit la sécurité civile à partager l'ambition de nos politiques sportives. De la même manière, la mobilisation exceptionnelle des ressources humaines et matérielles de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie, puis à Mayotte, pour un coût dépassant 130 millions d'euros en 2025, témoigne de l'utilisation des crédits du programme 161 au service de nos politiques de cohésion et de solidarité nationale à l'égard des territoires ultramarins.

En ce qui concerne l'analyse des crédits du PLF pour 2026, il faut noter une croissance de 5 % des dépenses de personnels ainsi qu'un schéma d'emploi positif.

Par ailleurs, le montant élevé des AE, qui s'élève à près d'1 milliard d'euros, s'explique par les dépenses d'investissement, qui augmentent de 200 millions d'euros, en raison de la commande de deux nouveaux Canadair.

Les dépenses de fonctionnement sont relativement stables et visent essentiellement le paiement des contrats de maintien en condition opérationnelle des aéronefs.

Enfin, les dépenses d'intervention sont également stables. Elles portent principalement sur le financement des pactes capacitaires dédiés à la lutte contre les feux de forêt.

J'en viens aux enjeux thématiques du programme.

En ce qui concerne la flotte d'aéronefs de la sécurité civile, je soulignais l'an dernier le caractère heureux des résultats de la campagne 2024 de lutte contre les feux de forêt, qui s'expliquaient par une météo clémente. Cependant, en 2025, la France a connu plus de 10 000 départs de feux, dont le mégafeu qui a sévi dans l'Aude. Ce dernier a été le feu de forêt le plus important depuis 1949. Il a duré trois semaines et, chaque minute pendant vingt-quatre heures, l'équivalent de 16 terrains de football est parti en fumée. En tout, 17 000 hectares ont brûlé, dont 16 000 en vingt-quatre heures.

En juillet 2025, le nombre insuffisant d'avions bombardiers d'eau disponibles a conduit à arbitrer entre des demandes d'engagement des opérations de secours dans deux territoires distincts : l'Aude et les Bouches-du-Rhône. Le risque de rupture capacitaire s'est donc avéré.

Dans ce contexte, il nous faut retenir trois points concernant les moyens aériens. D'abord, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères se poursuit au rythme prévu puisque, d'ici à la fin de l'année 2025, 8 modèles H145 doivent être livrés. Le calendrier, qui prévoit la livraison de 36 appareils d'ici à 2029, devrait donc être respecté.

Ensuite, le budget pour 2026 consacre la pérennisation de crédits dédiés à la location d'aéronefs, à hauteur de 30 millions d'euros. Cette année, la flotte locative a été pleinement mobilisée et a démontré son importance dès le mois de juillet.

Enfin, l'intensité de la dernière saison des feux a conduit à l'annonce de l'achat de deux nouveaux Canadair. Le PLF pour 2026 consacre bien 200 millions d'euros en AE au financement - entièrement sur fonds propres - de deux appareils, qui doivent être livrés entre 2032 et 2033. Ils viendront s'ajouter aux deux Canadair déjà commandés en 2024, cofinancés par l'Union européenne et officiellement attendus pour 2028.

J'en viens aux pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) par l'acquisition de matériels, notamment de véhicules, cofinancés par l'État.

Après les incendies de 2022, une enveloppe additionnelle de 150 millions d'euros en AE avait été allouée pour faire face aux feux de forêt. Le PLF pour 2026 tient sa promesse en la matière, puisque des CP d'un montant de 22 millions d'euros seront dédiés à ces pactes capacitaires, tandis que 120 millions d'euros en CP ont déjà été consommés entre 2023 et 2025. Ainsi, en juillet 2025, plus de 300 engins de lutte contre les feux de forêt avaient déjà été livrés dans les services d'incendie et de secours (SIS).

Par ailleurs, la multiplication des inondations constitue un second défi capacitaire. L'idée de pactes capacitaires « inondations » a été formulée. Cependant, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a privilégié l'investissement dans des moyens nationaux, mobilisables dans les différents territoires, en fonction des besoins. En plus d'acquisitions réalisées en urgence pour faire face aux épisodes de 2024, des achats de pompes spécifiques sont prévus lors de l'exercice 2026.

Au-delà des moyens aériens et des moyens de pompage, les capacités et l'efficacité des interventions des acteurs de la sécurité civile reposent sur un ensemble de systèmes d'information. À l'occasion du congrès national des sapeurs-pompiers de France, que j'ai eu le plaisir d'accueillir au Mans, l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) a procédé à une démonstration de l'outil NexSIS. Il s'agit d'un projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS, dont l'ensemble des acteurs de la sécurité civile reconnaissent aujourd'hui la maturité technique, la valeur ajoutée opérationnelle et la source d'économies.

Cependant, alors que les SIS témoignent d'un enthousiasme certain à l'égard du projet, l'ANSC connaît une situation de sous-effectifs qui en menace l'avancement.

Enfin, après plusieurs suspensions liées à l'instabilité gouvernementale, le Beauvau de la sécurité civile a finalement conclu ses travaux début septembre, avec la présentation d'un rapport de synthèse. Cependant, les propositions et les possibilités de réformes compilées dans ce rapport sont sujettes à des arbitrages interministériels. Un projet de loi visant à refonder la sécurité civile continue donc de se faire attendre, alors que chacun reconnaît que le modèle de financement des SIS est à bout de souffle.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits du programme « Sécurité civile ».

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Gendarmerie nationale ». - Deux sujets reviennent chaque année quand il s'agit de la gendarmerie nationale : l'immobilier et les véhicules légers. Il y a quelques années, nous avons établi la nécessité d'effectuer des travaux, d'entretien ou de création de casernes neuves, à hauteur de 400 millions d'euros par an. En ce qui concerne les véhicules légers, il s'agit d'en acquérir 3 750 par an, afin d'assurer le renouvellement de la flotte.

Cette année, nous observons une légère amélioration pour le budget consacré à l'immobilier, mais nous sommes encore très loin du compte. Sur la période des huit dernières années, il manque environ 2 milliards d'euros pour atteindre l'objectif fixé. Les dépenses liées au coût des loyers progressent de façon importante ; faut-il continuer ainsi ou développer davantage le parc domanial ? Le DGGN est en faveur de cette dernière option, qui revient moins cher à terme. Des discussions ont lieu entre le ministère de l'intérieur et Bercy pour identifier des moyens de procéder à du leasing, afin que les biens loués finissent par appartenir à la gendarmerie après un certain nombre d'années, ce qui permettrait d'effectuer d'importantes économies. Il s'agit d'un sujet important, également lié au bon accueil des familles et à la fidélisation des gendarmes.

En ce qui concerne les véhicules légers, nous en aurons acquis 4 700 en trois ans, bien loin des 3 750 prévus par an.

J'en viens aux personnels. Cette année, 57 nouvelles brigades auraient dû être créées, mais les crédits ont été insuffisants pour embaucher et former le personnel nécessaire. Pour 2026, des crédits sont prévus pour financer 400 ETP, ce qui permettra seulement de combler le manque de 2025. De plus, la gendarmerie peine toujours à recruter et n'a pas retrouvé son niveau de personnel de 2008, alors que le territoire à couvrir est plus important. L'année prochaine, hors des brigades nouvelles, les créations d'emplois seront nulles ; il y a des recrutements, mais aussi de nombreux départs, la gendarmerie étant confrontée à un problème de fidélisation, comme toutes les armes.

La gendarmerie compte seulement 58 hélicoptères, pour la métropole et les outre-mer. Sur ces 58 appareils, 26 doivent être renouvelés. Il faut lancer les contrats au plus vite, avec une date butoir au premier semestre 2027. Si des crédits n'y sont pas dédiés, des escales aériennes fermeront. Pour atteindre l'objectif, il faut trouver 350 millions d'euros.

Enfin, j'évoquerai un sujet moins connu, celui du remplacement des fusils d'assaut Famas par le HK416. Là aussi, il est temps de passer commande, puisque la date butoir est établie à 2030. Il faudra procéder à l'acquisition de 22 000 fusils, pour un total de 110 millions d'euros.

La situation n'est pas formidable, mais pourrait être pire. Je voterai donc en faveur des crédits du programme. Enfin, en présentant ce budget, le DGGN a souligné que nous étions à « un point de bascule » ; il ne faudrait pas que celui-ci se transforme en point de rupture.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La question de l'immobilier est sur la table depuis un moment et je propose que nous unissions nos efforts, afin d'aboutir sur ce sujet avant la fin de l'année. Cela me semble possible, car nous dépendons en la matière principalement d'un décret interministériel. Il faut y travailler vite pour proposer que nos gendarmes soient logés dans des conditions convenables ; il s'agit de respect et de dignité.

En ce qui concerne les radars, si les crédits augmentent, les dégradations des dernières années ont réduit le montant des recettes. Peut-on tirer les conséquences de ces dégradations de façon précise ? Par ailleurs, les radars n'ont pas tous la même productivité et la même efficacité en matière de sécurité routière, en fonction de leur emplacement ; existe-t-il des catégories de productivité moyenne ? Cela permettrait de faire des choix en matière de positionnement.

Enfin, une partie significative des interventions de la gendarmerie ont lieu pour répondre à des violences intrafamiliales, ce qui est énorme en matière de moyens mobilisés, humains et financiers. Les sapeurs-pompiers sont souvent appelés aussi sur ces cas. Pourrait-on faire un état des lieux de ces interventions ? Ne devrait-on pas identifier des solutions pour assurer une meilleure coordination entre les pompiers, la gendarmerie et la police, afin de réduire le coût pour les services publics ? Des dispositifs plus efficaces pourraient être mis en place, notamment en matière de prévention. Il existe ainsi aujourd'hui un certain nombre de prestations qui relèvent du service public, mais sont coûteuses et dévoreuses de temps comme de personnels.

M. Marc Laménie. - Ma première question s'adresse à Bruno Belin : les effectifs de CRS et de gendarmes mobiles sont-ils stables ou doivent-ils augmenter ? Je pense notamment au phénomène des violences urbaines.

D'après certaines informations obtenues localement, j'ai appris que les véhicules de la police nationale étaient à bout de souffle et que leur nombre était très peu élevé.

Enfin, en ce qui concerne la sécurité routière, je vous remercie d'avoir rappelé le coût direct et indirect des décès et des blessés.

M. Grégory Blanc. - Les budgets présentés sont en hausse, ce qui est salutaire, car ce n'est pas le cas pour l'ensemble des missions dans ce PLF. Cependant, cette année encore, les moyens dédiés à l'augmentation des interventions liées à l'immigration sont supérieurs aux moyens alloués à la lutte contre les événements climatiques ou aux outre-mer. Il s'agit d'un choix politique, qui fera sans doute l'objet d'un débat en séance.

La présentation du rapport de synthèse du Beauvau de la sécurité civile a eu lieu le 4 septembre et aucun élément n'a été intégré au sein de ce PLF. Ainsi, je regrette l'absence d'évolution fiscale visant à mieux soutenir les Sdis, qui auraient aussi permis d'aider les départements, qui sont en situation difficile et auxquels on va encore demander d'abonder les budgets.

Nous n'observons pas non plus d'évolution singulière quant aux pactes capacitaires « inondations », alors que ce risque augmente fortement. Pourtant, l'État a adopté le Pnacc 3 (plan national d'adaptation au changement climatique) et a chiffré les efforts à fournir pour adapter nos territoires et le pays aux enjeux climatiques. Le budget consacré au programme « Sécurité civile » ne suit pas, raison pour laquelle je n'adopterai pas ces crédits. La question de la sécurité des personnes et des biens doit être une priorité.

En ce qui concerne la mission « Sécurités », nous nous félicitons de l'augmentation des crédits. Un projet de loi doit être voté sur la police municipale et ce transfert à bas bruit, de compétences de missions régaliennes vers les polices municipales, doit s'assortir d'un transfert de crédits. Or un tel transfert ne semble pas prévu par le PLF ; faudrait-il présenter un amendement pour identifier comment l'État pourrait soutenir les collectivités locales en la matière ?

Enfin, des flottes d'entreprises basculent de plus en plus vers la location longue durée ; n'y aurait-il pas là une piste pour résoudre le problème automobile, d'autant que nous traversons une période de rupture technologique, avec l'électrification du parc ?

Mme Christine Lavarde. - Concernant le schéma pluriannuel de programmation immobilière du ministère, comment l'ordre de priorité est-il déterminé ? Comment choisit-on un commissariat plutôt qu'un autre ? À titre d'exemple, les collectivités proposent de cofinancer à plus de 50 % le coût d'un nouveau commissariat à Boulogne-Billancourt, mais le dossier n'est pas lancé, alors que les travaux figuraient dans la liste des priorités établie par le ministère.

En tant que rapporteur de la mission « Écologie », j'ai du mal à accepter que des crédits de débroussaillement lié à la prévention des feux de forêt soient financés par le fonds Barnier ; le feu de forêt n'est pas une catastrophe naturelle. Les moyens dédiés à sa prévention n'ont rien à faire au sein de l'action n° 14 et ne doivent pas être financés par la surprime prélevée sur les contrats d'assurance habitation et automobile. Pour avoir accès à une vision globale des financements alloués à la prévention des feux de forêt, il faut aussi prendre en compte des crédits figurant dans d'autres missions.

M. Michel Canévet. - Pour la gendarmerie, la question de l'immobilier est essentielle, notamment pour assurer le logement des familles. À titre d'exemple, dans le Finistère, des préoccupations ont été médiatisées concernant l'absence de chauffage dans la caserne du Conquet ou, au contraire, les températures caniculaires sévissant dans les logements du quartier Buquet à Brest. Les crédits dédiés aux opérations de maintenance, qui augmentent significativement, permettront-ils de faire face aux besoins identifiés ?

Concernant les constructions neuves, les besoins sont également nombreux. Dans le Finistère, des opérations ont commencé à Lannilis et à Plabennec, et des besoins sont identifiés à Douarnenez. Le cheminement est souvent long pour obtenir un accord pour des opérations pourtant urgentes. Les crédits prévus permettront-ils de lancer de nouvelles opérations cette année ?

Il semble difficile de mobiliser des crédits pour atteindre les objectifs en matière de renouvellement des véhicules. Les forces de gendarmerie et de police peuvent-elles obtenir des véhicules issus des saisies opérées par les services de l'État ?

Concernant la sécurité civile, nous nous réjouissons que des commandes puissent être passées pour la flotte aérienne. Cependant, les délais de livraison sont très longs. Comment la sécurité civile peut-elle assurer une bonne couverture des incendies compte tenu de l'état du parc ? La coopération européenne est-elle efficace en la matière ?

Enfin, le sous-effectif de l'ANSC a été évoqué ; combien manque-t-il de personnels pour mener une action concrète et cohérente ?

M. Didier Rambaud. - Existe-t-il une règle ou une doctrine sur la relation financière entre les collectivités locales et la gendarmerie en matière d'immobilier ? J'ai l'impression que tout se fait au cas par cas.

Enfin, j'entends Grégory Blanc faire appel à davantage de moyens pour la sécurité ; j'aimerais que son intervention soit entendue par les membres de son groupe politique et par tous les maires écologistes de France, qui ont une approche dogmatique de la question.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - Monsieur Laménie, en ce qui concerne les effectifs des CRS, je dois me renseigner pour vous répondre.

Les autres questions concernent toutes les ressources humaines, l'immobilier et les véhicules.

Pour répondre au rapporteur général, les violences intrafamiliales peuvent effectivement représenter une part notable des interventions dans certaines gendarmeries. L'une des réponses de la DGGN est le recours aux réservistes, qui pourraient constituer un vivier de 40 000 à 50 000 personnes. Cependant, il faudrait pouvoir en assurer la mobilité et les équiper.

L'attractivité du métier est notamment liée à la qualité des logements et son amélioration pourrait en partie répondre au besoin de renouvellement des effectifs. La programmation budgétaire est-elle suffisante ? Si nous parvenons à augmenter un peu le niveau de 2026 pendant dix ans, nous atteindrons peut-être nos objectifs. Cependant, dans le passé, il est arrivé que des programmes soient autorisés, que des équipes de la gendarmerie nationale soient au travail et qu'un maître d'oeuvre soit mobilisé, mais que Bercy ne donne jamais l'autorisation finale. C'est à nous de dire que l'immobilier constitue un sujet à sacraliser pour que nous puissions répondre aux besoins.

En ce qui concerne le choix des commissariats faisant l'objet de travaux, pour 2026, une partie du budget de la police nationale sera fléchée pour la construction des hôtels des polices de Nice, qui réunira la police nationale et la police municipale, offrant un type de coopération intéressant entre deux forces complémentaires, et l'hôtel de police de Valenciennes. Il est certain que des priorités sont fixées entre différents projets.

Monsieur Blanc, je ne prendrai pas la responsabilité d'un amendement prévoyant un transfert de moyens financiers de l'État aux collectivités en matière de sécurité ; il s'agirait de dégréver une partie du budget de la sécurité intérieure. Nous pourrons en débattre.

En ce qui concerne les véhicules, je vous invite à visiter les antennes territoriales du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et du Raid. Compte tenu de leur équipement et de la prescription de besoins à laquelle ils doivent répondre, ils ne peuvent pas se permettre de louer des véhicules comme un citoyen.

Sur la question des montages « type » pour la rénovation ou la construction immobilière dans la gendarmerie, nous avons des outils, comme les décrets de 1993 ou de 2016, mais il est vrai qu'il y a des réglages au cas par cas, en fonction de la volonté des élus et des relations entre les différents acteurs.

Les nouveaux moyens humains sont en partie fléchés vers la politique de l'immigration, puisque 300 postes seront alloués aux centres de rétention administrative (CRA), dont les capacités doivent s'accroître. Cependant, 700 nouveaux postes concernent la filière investigation.

Enfin, 82 % des radars étaient en état de fonctionnement au 1er janvier 2025, ce qui est faible mais il semblerait que la situation s'améliore progressivement depuis.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Le secours d'urgence aux personnes, notamment le relevage de personnes âgées, représente 80 % des interventions des sapeurs-pompiers. Un certain nombre de ces interventions qui ne sont pas toujours de leur ressort doivent être assurées, ce qui peut créer une lassitude et encourager certains à ne pas se déclarer disponibles. Je n'ai pas de statistiques particulières sur les violences intrafamiliales, pour lesquelles les pompiers se déplacent quand ils sont appelés.

Concernant l'absence d'évolution fiscale pour le financement des Sdis, il convient de rappeler que les départements sont les principaux financeurs de ces structures, à hauteur de 60 % en moyenne au niveau du pays. Au regard de la loi, ils sont aussi obligés de prendre en charge les dépenses nouvelles, les contributions des collectivités étant limitées au montant de l'inflation constatée l'année précédente. Des pistes sont évoquées pour compléter les financements et alléger les dépenses des départements. À titre d'exemple, l'augmentation de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) est envisagée. Cependant, aucune piste ne fait encore l'unanimité et il faut laisser le temps à la discussion. Il faudrait trouver une solution d'ici à 2027, car les départements sont à bout de souffle.

Le budget du programme 161 est tout de même ambitieux, comme en témoignent notamment les 450 millions d'euros mobilisés pour renouveler la flotte d'hélicoptères d'ici 2029. De plus, 150 millions d'euros ont été alloués aux pactes capacitaires « feux de forêt », notamment pour l'achat de véhicules tels que des camions-citernes, même si cela ne représente que 1,5 million d'euros par département.

La DGSCGC a décidé de mobiliser les moyens relatifs aux inondations au niveau national, ce qui semble logique. En effet, la lutte contre les risques d'inondation nécessite des moyens humains particuliers et des qualifications spécifiques, pour opérer certaines technologies telles que des pompes puissantes. De telles qualifications ne pourraient être présentes dans chaque Sdis. En la matière, des moyens nationaux ont donc été jugés plus efficaces.

Je prends note de la remarque de Mme Lavarde sur le financement par le fonds Barnier du débroussaillage. Il est vrai que les obligations légales de débroussaillement (OLD) sont normalement à la charge des propriétaires, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours respecté.

Concernant le délai de réponse aux commandes d'aéronefs, de Havilland Aircraft of Canada Limited, qui a le monopole de la fabrication des Canadair, attendait au moins une vingtaine de commandes avant de relancer la production, ce qui a demandé plusieurs années. En revanche, plusieurs sociétés françaises ont des projets dans ce domaine, ce qui pourrait favoriser l'indépendance industrielle de la France et de l'Europe. Le fait que la relance de la ligne de fabrication des Canadair n'ait pas été aussi rapide qu'espérée pourrait être une chance pour ces entreprises.

La flotte de Canadair est extrêmement vieillissante et son maintien en condition opérationnelle pose des difficultés. Ainsi, en 2024, sur douze appareils, seuls trois étaient opérationnels à certains moments de l'année. Il existe des moyens de substitution, comme les hélicoptères bombardiers d'eau, loués par certains départements ou par la DGSCGC. Dans l'attente du renouvellement de la flotte patrimoniale d'avions et d'hélicoptères, le PLF 2026 pérennise en ce sens une enveloppe de 30 millions d'euros dédiés à la location d'aéronefs. En outre, des moyens aériens et humains sont mutualisés en Europe, comme nous l'avons vu à l'occasion des mégafeux en Grèce ou en Espagne.

En complément, certains outils technologiques doivent être développés dans les départements français, dont les caméras de vidéodétection du départ de feux de forêt, assistées par l'intelligence artificielle, déployées dans mon département de la Sarthe. Ainsi, nous avons pu prévenir la Mayenne voisine d'un départ de feu.

L'ANSC pilote le projet NexSIS. Dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), il avait été décidé de relever progressivement le plafond d'emplois de l'ANSC à 35 d'ici 2026. Or, le PLF 2026 autorise seulement 23 ETPT, soit 12 emplois manquants. Cela rend impossible le respect du calendrier prévu de déploiement de NexSIS dans les Sdis. Or, un retard de déploiement dans les Sdis a une double conséquence financière : d'une part, une perte de recettes pour l'ANSC, dont le financement repose sur le versement de contributions d'exploitation versées annuellement par les SIS dans lesquels NexSIS est mis en service et d'autre part, des surcoûts de maintenance opérationnelle pour les Sdis contraints de continuer à recourir à d'autres solutions plus onéreuses. Entre outre, l'Agence est contrainte d'externaliser la réalisation d'une partie de ces missions, pour un coût équivalent à 220 % de celui du personnel directement employé. Le respect du schéma d'emplois prévu dans le cadre de la Lopmi permettrait donc des économies tout en assurant la mise en oeuvre du projet. Nous y reviendrons sans doute dans l'hémicycle.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

*

* *

Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de la police nationale (DGPN)

- M. Louis LAUGIER, directeur général de la police nationale ;

- Mme Valérie MINNE, directrice nationale de la police aux frontières ;

- Mme Naïma RAMALINGOM, conseillère budgétaire et logistique ;

- M. Stanislas CAZELLES, directeur des ressources humaines, des finances et des soutiens ;

- Mme Marie-Laure BERBACH, sous-directrice des finances et du soutien opérationnel à la DRHFS.

Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN)

- Général d'armée Hubert BONNEAU, directeur général de la gendarmerie nationale ;

- M. François DESMADRYL, directeur des soutiens et des finances ;

- Colonel Ronan LELONG, chef du bureau de la synthèse budgétaire de la DGGN.

Délégation à la sécurité routière (DSR)

- Mme Michèle LUGRAND, déléguée interministérielle à la sécurité routière ;

- Mme Marie MAUFFREY-VALLADE, adjointe au sous-directeur des actions transversales et des ressources.

Table-ronde sur la sécurité routière

Association « Les étoiles de la route »

- M. Nicolas BADARD, président ;

- Mme Stéphanie MAUFFRÉ, membre.

Association « Ligue contre la violence routière »

- M. Jean-Yves LAMANT, président.

Association « Prévention routière »

- Mme Sophy SAINTEN, déléguée générale.

Association « Victimes et avenir »

- Mme Maud ESCRIVA, présidente.

Collectif « Justice pour les victimes de la route »

Mme Raphaëlle PADIOLLEAU, membre.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html


* 1 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 2 2 200 en cas de dégel intégral des crédits concernés.

* 3 Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 4 Respectivement programmes 754 « Contribution à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières » et 755 « Désendettement de l'État ».

* 5 Hors effets de l'inflation (hors tabac), la progression des crédits de la mission est ramenée à 0,5 % en AE et à 1,4 % en CP.

* 6 Le programme « Sécurité civile » relève de la compétence du rapporteur spécial Jean-Pierre Vogel.

* 7 Décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits.

* 8 Certains décrets de virement ont également réduit le montant des crédits disponibles.

* 9 Et de 6,1 millions d'euros en AE et 5,8 millions d'euros en CP pour le programme 207.

* 10 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 11 La LOPMI couvre trois missions (« Sécurités », « Administration générale et territoriale de l'État », et « Immigration, asile et intégration »), le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » et les taxes affectées à l'ANTS (Agence nationale des titres sécurisés). Sont toutefois exclus du périmètre de la LOPMI le programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », les programmes 754 et 755 du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et les programmes « Outre-mer ».

* 12  https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/amendements/0343/CION_LOIS/CL540. Sur le fond, cette hausse du financement était justifiée par les auteurs de l'amendement par la nécessité de renforcer de 60 millions d'euros par an le financement des centres de rétention administrative (CRA).

* 13 Hors contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions » et hors programme 232 « Vie politique » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », programmes 754 et 755 du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », et programmes « Outre-mer ».

* 14 Voir supra.

* 15 Elle s'opère en présence de transferts de périmètre de faible ampleur.

* 16 Réponses de la direction générale de la police nationale et de la direction générale de la police nationale aux questionnaires du rapporteur spécial.

* 17 Contre un objectif de + 1 907 ETP.

* 18 Voir infra.

* 19 Dans le rapport annexé de la LOPMI, il est annoncé la création de 200 nouvelles brigades.

* 20 Réponses de la direction générale de la police nationale au questionnaire du rapporteur spécial.

* 21 Réponses de la DGPN au questionnaire du rapporteur spécial.

* 22 Voir tableaux supra.

* 23 À ce niveau de granularité, la comparaison est réalisée entre les projets de loi de finances pour 2025 et pour 2026, sans prise en compte des ajustements mineurs ayant été intégrés au budget final de la police tel que résultant de la loi de finances initiale pour 2025.

* 24 Voir supra.

* 25 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur l'immobilier de la gendarmerie nationale, M. Bruno BELIN, déposé le 10 juillet 2024.

* 26 Le montant du loyer annuel est fixé, en application des décrets et circulaires applicables, en appliquant un taux entre 6 % et 7 % aux dépenses réelles de construction de l'immeuble dans la limite d'un « coût plafond » par unité-logement.

* 27 Voir infra.

* 28 Voir infra.

* 29 Voir supra.

* 30 Voir infra.

* 31 En vertu du 2° de l'article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf).

* 32 La sécurité routière en France, Bilan de l'accidentalité de l'année 2024, ONISR, septembre 2025.

* 33 Baromètres du mois de septembre 2025, ONISR.

* 34 Les emplois sont inscrits au programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

* 35 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 36 Conformément à l'article 21 de la LOLF, « les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ».

* 37 Voir infra.

* 38 L'Agence nationale de traitement automatisé des infractions.

* 39 Loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 40 Voir supra.

* 41 Voir infra. Loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

* 42 Selon la ventilation exposée supra.

* 43 Les dépenses augmentent très légèrement plus, de 310 000 euros.

* 44 Voir supra.

* 45 Voir infra.

* 46 Le parc « opérationnel » est à distinguer du parc « actif ». À la différence des radars fixes, les radars mobiles et les radars autonomes déplaçables ne sont pas utilisés en permanence.

* 47 Réponses de la délégation à la sécurité routière au questionnaire du rapporteur spécial.

* 48 Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités, qui a prévu, sous certaines conditions, la faculté pour les collectivités du bloc communal de créer, sur tout ou partie du territoire de sa commune ou de son EPCI, des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) et d'y associer des dispositifs de contrôle automatisé pour en assurer le respect.

* 49 Un décret d'application du 8 mars 2024 énumère les pièces à fournir en appui de la demande et fixe un délai de 3 mois au préfet pour prendre sa décision. En l'absence de celle-ci, son avis est réputé défavorable.

* 50 En application de la clé de répartition actuellement prévue et exposée supra.

* 51 Voir supra.

* 52 Conduite sans permis, avec un permis inadapté et sans assurance (janvier 2019), usage de stupéfiants (septembre 2020), occupation illicite en réunion de parties communes d'immeubles (février 2022), vol simple, vente à la sauvette (juillet 2023), introduction, détention ou usage de fusées ou artifices dans une enceinte sportive (novembre 2023), introduction de boisson alcoolisée, par force ou fraude, dans une enceinte sportive lors d'une manifestation (avril 2025), entrée sur une aire de jeu d'enceinte sportive troublant le déroulement de la compétition ou portant atteinte à la sécurité des personnes ou des biens (avril 2025), délit d'entrave à la sécurité routière (avril 2025), exercice illégal d'activité d'exploitant de taxi (juillet 2025), prise en charge d'un client sur une ouverte à la circulation publique sans justification de réservation préalable par le conducteur d'un véhicule de transport routier de personnes à titre onéreux (juillet 2025) et exploitation de voiture de transport avec chauffeur sans inscription au registre (juillet 2025).

* 53 Selon la clé de répartition applicable, voir supra.

* 54 Voir supra.

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