N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 28b
SÉCURITÉS
(Programme 161 « Sécurité civile »)

Rapporteur spécial : M. Jean Pierre VOGEL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

I. UNE HAUSSE TENDIANCIELLE DES CRÉDITS AU SERVICE DE LA PRÉSERVATION DES MOYENS CAPACITAIRES DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Pour 2026, les crédits demandés sur le programme 161 « Sécurité civile » s'élèvent à 994,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 882,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 860,1 millions d'euros et 830,5 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2025, soit une hausse de 15,7 % en AE et de 6,3 % en CP.

Évolution des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2025 (LFI)

CP 2025 (LFI)

AE 2026 (PLF)

CP 2026 (PLF)

Variation AE 2026/2025

Variation CP 2026/2025

11 - Prévention et gestion de crises

72,2

62,0

67,4

66,0

- 6,6%

+ 6,6%

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

581,8

511,4

705,9

571,5

+ 21,3%

+ 11,8%

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

173,0

222,0

185,8

208,2

+ 7,4%

- 6,2%

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

33,1

35,1

35,8

37,0

+ 8,1%

+ 5,3%

Total

860,1

830,5

994,9

882,7

+ 15,7%

+ 6,3%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

A. DES DÉPENSES DE PERSONNEL ET UN SCHÉMA D'EMPLOIS EN CROISSANCE

Les dépenses de personnel poursuivent une augmentation tendancielle de + 5,2 % pour atteindre 253 millions d'euros. Cette progression couvre la mise en oeuvre de mesures catégorielles antérieures à 2024 et d'un schéma d'emplois positif (+ 50 ETP) comprenant notamment le recrutement de 30 militaires qui rejoindront le nouveau régiment d'instruction et d'intervention de la sécurité civile de Libourne.

B. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES INVESTISSEMENTS RÉSULTANT DE LA COMMANDE DE DEUX NOUVEAUX AVIONS BOMBARDIERS D'EAU

Les dépenses d'investissement connaissent une augmentation très significative de 214 millions d'euros (+ 428,4 %) en AE et progressent de 29 millions d'euros (+ 20,9 %) en CP par rapport aux montants inscrits en LFI pour 2025. Cela s'explique par l'inscription de 209 millions d'euros d'AE et 20 millions d'euros de CP en prévision de la commande de deux avions bombardiers d'eau sur fonds propres.

C. DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT PORTÉES PAR LES CONTRATS DE MAINTENANCE ET DE LOCATION DES AÉRONEFS

Le PLF 2026 prévoit 306 millions d'euros en AE (- 25,0 %), et 268 millions d'euros en CP (+ 11,2 %), qui sont principalement consacrés au financement de contrats pluriannuels de maintien en condition opérationnelle (MCO) de la flotte patrimoniale d'aéronefs. Par ailleurs, dans l'attente du renouvellement de cette dernière, le PLF 2026 pérennise une enveloppe de 30 millions d'euros dédiés à la location d'aéronefs.

D. UNE STABILISATION DES DÉPENSES D'INTERVENTION

Les dépenses d'intervention ont été préservées à des niveaux proches de la LFI 2025, pour s'élever à 170 millions d'euros en AE (+ 7 %) et 192 millions d'euros (- 7,5 %) en CP.

La baisse des CP traduit néanmoins l'extinction programmée du financement exceptionnel des pactes capacitaires « feux de forêt » initié par l'ouverture de 150 millions d'euros d'AE en LFI 2023. Le PLF 2026 prévoit ainsi 22 millions d'euros de CP dédiés à ces pactes capacitaires, alors que 120 millions d'euros ont déjà été consommés, à raison d'environ 40 millions d'euros par an entre 2023 et 2025.

Par ailleurs, le PLF 2026 prévoit une budgétisation ambitieuse en faveur des colonnes de renfort,13 millions d'euros en AE et en CP, soit près du double par rapport aux LFI 2023 et 2024.

Enfin, les dépenses liées à la part de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) assumée par l'État, connaissent une augmentation (24,9 millions d'euros dans le PLF 2026 contre 18 millions d'euros en 2025), amenée à se poursuivre dans les prochaines années. En effet, le montant de la prestation, qui vise à reconnaître et fidéliser l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires, a été revalorisé par la loi Matras de 2021. Ce montant a par exemple été doublé pour les pompiers ayant exercé au moins 25 ans. En outre, le seuil pour bénéficier de la NPFR avait également été abaissé de 20 à 15 années, engendrant une augmentation du nombre de bénéficiaires.

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA SÉCURITÉ CIVILE

A. DE SON ORGANISATION À SON FINANCEMENT : LE MODÈLE FRANÇAIS DE LA SÉCURITÉ CIVILE EN QUESTION SUITE AU BEAUVAU DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Après plusieurs suspensions des travaux liées à l'instabilité gouvernementale depuis l'été 2024, le Beauvau de la sécurité civile a repris, et le 4 septembre 2025, François-Noël Buffet, alors ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'Intérieur, en a finalement présenté le rapport de synthèse qui suggère des préconisations et réformes possibles.

Cependant, le contexte d'instabilité politique semble empêcher le prolongement des travaux par des arbitrages politiques et le dépôt d'un projet de loi devant « poser les bases d'un modèle renouvelé », 20 ans après la loi de modernisation de la sécurité civile. Le PLF pour 2026 ne contient, par ailleurs, aucune mesure fiscale visant à réformer un modèle de financement de la sécurité civile pourtant unanimement reconnu comme « à bout de souffle ».

Ainsi, la présentation des premières mises en oeuvre concrètes des réflexions issues du Beauvau de la sécurité civile ne devrait intervenir qu'en 2026.

B. LA POURSUITE DU RENFORCEMENT DES MOYENS AÉRIENS

1. Un risque de rupture capacitaire au regard de l'état de disponibilité de la flotte d'aéronefs

Les objectifs concernant le taux de disponibilité des hélicoptères (95 %, contre 81 % en 2024) et des avions de la sécurité civile (98 %, contre 86 % en 2024) paraissent optimistes au regard de la vétusté de la flotte et des nombreuses immobilisations pour maintenance observées. À certaines périodes critiques de l'été 2024, seuls trois Canadair sur douze étaient opérationnels. En juillet 2025, le sous-dimensionnement du nombre d'avions bombardiers d'eau (ABE) disponibles a conduit à arbitrer entre des demandes simultanées d'engagement d'opérations de secours dans deux territoires distincts, l'Aude et les Bouches-du-Rhône. Le risque de rupture capacitaire s'est donc avéré.

2. La poursuite du renforcement de la flotte d'hélicoptères H145 au rythme annoncé

Dans le cadre de la LOPMI 2023-2027, avait été décidé le renouvellement intégral de la flotte d'hélicoptères « Dragons » EC145 vieillissante, et l'inscription en LFI pour 2023 de 471 millions d'euros en AE, destinés à financer la commande de 36 nouveaux appareils de type H145. Le PLF 2026 prévoit 98 millions d'euros de CP pour l'achat des H145.

Échéancier prévisionnel des crédits consacrés à la livraison
des H145 (susceptible d'évolutions)

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

AE

411,9

2,6

4,2

6,7

8,5

8,1

9,8

CP

0

89,7

95

98

87

55,8

26

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Les 3 premiers H145 prévus par le marché de 2023 ont été livrés en fin d'année 2024 et se sont ajoutés aux 4 H145 déjà acquis entre 2021 et 2023. En 2025, 3 H145 ont déjà été livrés sur les 8 prévus. Ainsi, la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile sera portée à 40 appareils d'ici 2029.

Calendrier prévisionnel de livraison des hélicoptères H145

(en nombre d'appareils)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Total

Livraisons

3

8

8

6

8

3

36

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

3. La commande de deux Canadair cofinancés par l'Union européenne signée en 2024 complétée par la commande de deux nouveaux Canadair sur fonds propres en 2026

À terme, la garantie de bénéficier d'ABE opérationnels passera par le remplacement des 12 Canadair par 16 nouveaux appareils. En 2024, a été contractualisée une première commande de deux appareils financés en partie par des fonds européens, et dont la livraison est attendue en mars 2028 et novembre 2028.

Dans le cadre du PLF 2026, le programme 161 prévoit d'engager la commande de deux avions supplémentaires (209 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP). Ces deux appareils, financés entièrement sur fonds propres seraient livrés entre fin 2032 et courant 2033.

Le rapporteur spécial souligne que pour des raisons de souveraineté industrielle et sécuritaire, la DGSCGC continue d'opérer une veille stratégique concernant des projets européens alternatifs aux Canadair. Des lettres d'intention (LOI) peuvent être signées à destination des porteurs de projets afin de leur permettre d'accéder plus facilement à des financements privés ou publics.

C. LE SOUTIEN DE L'ÉTAT POUR FAIRE FACE AU RISQUE DE FEUX DE FORÊT ET INONDATION

1. Vers la pleine réalisation des « pactes capacitaires »

22 millions d'euros de CP sont inscrits dans le PLF 2026 pour poursuivre le financement des pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services d'incendie et de secours (SIS) par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État. La LFI 2023 prévoyait en effet 158 millions d'euros en AE, dont 150 millions spécifiquement dédiés à la lutte contre les feux de forêt, et 8 millions pour les « risques complexes et émergents » auxquels la LFI 2024 a ajouté 4 millions d'euros.

Trajectoire prévisionnelle des crédits de paiement
afférents aux pactes capacitaires

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027 et 2028

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Pactes capacitaires
« feux de forêt »

150

37,5

0

42

0

45

0

22

0

3,5

Pactes capacitaires « risques complexes et émergents »

8

1

4

4

0

0

0

0

0

7

Total

158

38,5

4

46

0

45

0

22

0

10,5

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

2. L'investissement dans des moyens nationaux pour faire face au risque inondation

Suite aux épisodes d'inondation exceptionnels de 2023 et 2024, la DGSCGC a privilégié le renforcement des moyens nationaux mobilisables dans les différents territoires. Dès 2024, elle a ainsi investi plus de 5 millions d'euros pour augmenter les moyens de pompages, tandis que la passation de marchés pour l'acquisition de matériel spécifique est en préparation.

D. NEXSIS 18-112 : UN DÉPLOIEMENT OPÉRATIONNEL ET UN MODÈLE DE FINANCEMENT MENACÉS PAR LE MANQUE DE MOYENS HUMAINS

Le programme NexSIS est un projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS dont l'intérêt opérationnel est unanimement reconnu. Cependant, la situation de sous-effectif de l'Agence du Numérique de la Sécurité Civile (ASNC), opérateur en charge de NexSIS, nuit à l'avancement de ce dernier et à son modèle de financement. En effet, les recettes de l'ANSC reposent notamment sur des contributions d'exploitation versées annuellement par les SIS dans lesquels NexSIS est mis en service. Un déploiement dans un nombre réduit de SIS par rapport au calendrier prévu génèrera ainsi non seulement un manque de recettes pour l'ANSC, mais encore des surcoûts de maintenance opérationnelle pour les SIS contraints de continuer à recourir à d'autres solutions plus onéreuses.

E. DES INTERVENTIONS ACCRUES DE LA SÉCURITÉ CIVILE DANS LES OUTRE-MER

Fixés à 19 millions d'euros en AE et en CP pour 2026, les crédits relatifs aux interventions dans les outre-mer apparaissent faibles au regard des 76 millions d'euros de CP exécutés en 2024 et des 140 millions d'euros de CP prévus en exécution 2025, expliqués notamment par l'impact financier des évènements insurrectionnels en Nouvelle-Calédonie et les conséquences du Cyclone Chido.

Réunie le 5 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France de 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la Nation », « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que les comptes spéciaux et les articles qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 0 % des réponses à son questionnaire portant sur le programme 161 « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

À la date d'examen en commission du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités » le 5 novembre, il a obtenu 78 % des réponses.

PREMIÈRE PARTIE 
ANALYSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 161 « SÉCURITÉ CIVILE »

La dotation inscrite en PLF pour 2026 sur le programme « Sécurité civile » s'élève à près de 994,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 882,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 861,0 millions d'euros et 830,5 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2025, soit une hausse de 15,7 % en AE et de 6,3 % en CP.

Évolution des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Nom de l'action

AE 2025 (LFI)

CP 2025 (LFI)

AE 2026 (PLF)

CP 2026 (PLF)

Variation AE 2026/2025

Variation CP 2026/2025

11 - Prévention et gestion de crises

72,2

62,0

67,4

66,0

- 6,6%

+ 6,6%

12 - Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux

581,8

511,4

705,9

571,5

+ 21,3%

+ 11,8%

13 - Soutien aux acteurs de la sécurité civile

173,0

222,0

185,8

208,2

+ 7,4%

- 6,2%

14 - Fonctionnement, soutien et logistique

33,1

35,1

35,8

37,0

+ 8,1%

+ 5,3%

Total Programme 161

860,1

830,5

994,9

882,7

+ 15,7%

+ 6,3%

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Évolution des autorisations d'engagement et crédits de paiement
du programme 161 entre 2019 et 2026 

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, les crédits présentés dans le PLF pour 2026 sont plus élevés de 22,4 % en CP que les montants estimés par la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI)1(*). Celle-ci prévoyait 770 millions d'euros en CP pour cette même année.

La moyenne du montant des crédits en CP sur la période 2023-2026 se stabilise ainsi à un niveau 40 % supérieur (environ 850 millions d'euros) à celui observé entre 2019 et 2022 (environ 600 millions d'euros). Cela s'explique principalement par une mobilisation accrue des moyens humains et matériels associée à des investissements significatifs face à l'extension géographique et temporelle des risques.

Évolution des autorisations d'engagement du programme 161 entre 2019 et 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits de paiement du programme 161 entre 2019 et 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

I. DES DÉPENSES DE PERSONNEL ET UN SCHÉMA D'EMPLOIS POURSUIVANT UNE AUGMENTATION TENDANCIELLE

Les dépenses de personnel du programme poursuivent une augmentation tendancielle en AE et en CP de 12,5 millions d'euros (+ 5,2 %), pour atteindre 253,1 millions d'euros.

Cette augmentation couvre à hauteur de 1,9 million d'euros la mise en oeuvre de mesures catégorielles antérieures à 2024. Elle finance ainsi par exemple la revalorisation des salaires des personnels navigants ainsi que celle des salaires des techniciens et des cadres aéronautiques. Par ailleurs, cette augmentation s'explique par l'impact du schéma d'emplois positif de 2026 à hauteur de 1,6 million d'euros.

Concernant l'évolution du schéma d'emplois, les effectifs ont connu une évolution à la hausse en 2023 et 2024 sous l'effet conjugué de la trajectoire LOPMI2(*) et des annonces du Président de la République d'octobre 2022 pour la création d'une 4ème unité d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) à Libourne, pour laquelle sont intervenus 65 recrutements en 2023 et 163 en 2024. Après un schéma d'emplois du programme 161 nul en 2025, le PLF 2026 prévoit une augmentation de 50 ETP répartis de la manière suivante : 30 militaires pour renforcer la montée en charge progressive de la 4ème UIISC de Libourne ; 20 personnels techniques et administratifs pour armer l'usine de destruction des munitions chimiques du déminage à Suippes ou encore assurer la maintenance des nouveaux aéronefs.

Description du schéma d'emplois depuis 2024

(en ETP)

Catégorie d'emplois

Exécution 2024

Prévision 2025

Prévision 2026

Personnels administratifs cat A

55

54

59

Personnels administratifs cat B

37

36

36

Personnels administratifs cat C

54

54

54

Personnels techniques

538

538

553

Militaires (hors gendarmes)

1666

1666

1696

Ouvriers d'État

40

40

40

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement (police nationale)

61

61

61

Corps d'encadrement et d'application (police nationale)

293

293

293

Total

2745

2743

2793

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Schéma d'emplois 2026

(en ETP)

Catégorie d'emplois

Sorties prévues

Entrées prévues

Schéma d'emplois

Personnels administratifs cat A

18

23

+ 5

Personnels administratifs cat B

32

32

0

Personnels administratifs cat C

31

31

0

Personnels techniques

56

71

+ 15

Militaires (hors gendarmes)

405

435

+ 30

Ouvriers d'État

0

0

0

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement (police nationale)

8

8

0

Corps d'encadrement et d'application (police nationale)

16

16

0

Total

566

616

+ 50

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Malgré un schéma d'emplois globalement positif, le rapporteur spécial attire l'attention sur l'Agence du Numérique de la Sécurité Civile (ANSC), opérateur rattaché au programme, actuellement en situation de sous-effectif. Le manque d'agents risque en effet de porter atteinte à l'avancement du projet NexSIS 18-112 et d'être source de surcoûts à court et long termes (Cf. Seconde partie IV.A du présent rapport).

II. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES INVESTISSEMENTS RÉSULTANT DE LA COMMANDE DE DEUX NOUVEAUX AVIONS BOMBARDIERS D'EAU

Le rapporteur souhaite préalablement rappeler que les variations significatives des crédits d'investissement du programme 161 entre les exercices s'expliquent principalement par les cycles de commandes d'aéronefs (le coût unitaire total d'un hélicoptère et d'un avion bombardier d'eau du type Canadair représentant respectivement environ 15 et 90 millions d'euros).

Les AE demandées pour 2026 bénéficient d'une augmentation très significative de 214,2 millions d'euros, soit + 428,4 % par rapport aux montants inscrits en LFI pour 2025. Les CP font également l'objet d'une hausse de 28,9 millions d'euros, soit + 20,9 %. Ces progressions apparaissent d'autant plus conséquentes que les crédits d'investissement avaient baissé en LFI 2025 par rapport à 2024. Cela s'explique par l'inscription de 209 millions d'euros d'AE et 20 millions d'euros de CP en prévision de la commande de deux avions bombardiers d'eau sur fonds propres, qui seraient livrés entre 2032 et 2033.

Les prévisions triennales présentent en ce sens des montants élevés de dépenses d'investissement en AE (149,7 millions d'euros en 2027) et en CP (167,6 et 164,6 millions d'euros en 2027 et en 2028) dans le cadre de la poursuite du renouvellement de la flotte aérienne.

III. UNE STABILISATION DES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT ET D'INTERVENTION NÉCESSAIRES AU MAINTIEN DES CAPACITÉS OPÉRATIONNELLES

A. DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT PORTÉES PAR LES CONTRATS DE MAINTENANCE ET DE LOCATION DES AÉRONEFS

Le niveau des dépenses de fonctionnement du programme dépend essentiellement des coûts de maintenance des aéronefs, qui peuvent faire l'objet de variations significatives en fonction du renouvellement ponctuel de contrats pluriannuels de maintien en condition opérationnelle (MCO) de la flotte patrimoniale, et des coûts de location d'aéronefs.

Le PLF 2026 prévoit 306,1 millions d'euros en AE, soit une baisse de 102,2 millions d'euros (- 25,0 %), et 268,0 millions d'euros en CP (+ 11,2 %). Le différentiel s'explique d'abord par un montant particulièrement élevé d'AE prévu par le PLF 2025 afin de financer le renouvellement du marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) « Cellules » des hélicoptères H145, qui couvrira à terme le MCO pour 12 ans de 40 appareils, et dont le coût était estimé à 165 millions d'euros. En outre, le PLF 2025 prévoyait un montant d'AE particulièrement élevé de 22,5 millions d'euros, dans le cadre d'engagements pluriannuels liés à la location de bâtiments, contre 0,5 million d'euros dans le PLF 2026 qui marque un retour au niveau de 2024.

Par ailleurs, dans l'attente de l'arrivée de nouveaux appareils bombardiers d'eau dans sa flotte patrimoniale, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) entend continuer d'assurer la disponibilité de moyens aériens suffisants par le recours à la location. Cette pratique a en effet donné la preuve de son efficacité lors des saisons 2023, 2024 et 2025. Ainsi, les AE et les CP dédiés à la location d'aéronefs sont stabilisés à 30 millions d'euros dans le cadre du PLF 2026.

B. UNE STABILISATION DES DÉPENSES D'INTERVENTION AU SERVICE DU RENFORCEMENT CAPACITAIRE DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Les dépenses d'intervention ont été préservées à des niveaux proches de la LFI 2025, avec une évolution de + 7 % en AE et - 7,5 % en CP, afin de sauvegarder les capacités opérationnelles des acteurs de la sécurité civile.

La baisse des CP traduit l'extinction progressive du financement exceptionnel des pactes capacitaires initié en 2023. Ainsi, 22 millions d'euros de CP sont prévus pour la dotation de soutien à l'investissement structurant des SDIS servant le financement des pactes capacitaires. Pour rappel, ces derniers visent à renforcer les moyens opérationnels des SIS par l'acquisition de matériels rares ou spécifiques cofinancés par l'État. La LFI 2023 avait prévu 158 millions d'euros d'AE, dont 150 millions d'euros pour les moyens consacrés aux « feux de forêt », et 8 millions d'euros pour les risques complexes et émergents (RCE). La LFI 2024 avait ajouté 4 millions d'euros d'AE en faveur des pactes capacitaires RCE.

Trajectoire prévisionnelle des crédits de paiement
afférents aux pactes capacitaires

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027 et 2028

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Pactes capacitaires
« feux de forêt »

150

37,5

0

42

0

45

0

22

0

3,5

Pactes capacitaires « risques complexes et émergents »

8

1

4

4

0

0

0

0

0

7

Total

158

38,5

4

46

0

45

0

22

0

10,5

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Outre les pactes capacitaires, ces dernières années, le soutien de l'État aux déploiements de moyens opérationnels suffisants s'est concrétisé par le renforcement des colonnes de renfort, qui traduit le principe d'une solidarité de plus en plus nationale face à l'extension des risques incendies dans le temps et dans l'espace.

Les crédits prévus au titre des colonnes de renfort pour l'année 2026, à hauteur de 13,3 millions d'euros en AE et en CP, sont égaux à ceux inscrits en PLF 2025 qui marquaient un renforcement par rapport à 2023 (6,3 millions d'euros) et 2024 (7 millions d'euros). Cette budgétisation apparait nécessaire alors le coût des colonnes de renfort au titre de la saison feux de 2025 est estimé à plus de 16 millions d'euros.

Enfin, les dépenses d'intervention liées à la part de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance (NPFR) assumée par l'État, connaissent une augmentation (24,9 millions d'euros dans le PLF 2026 contre 18 millions d'euros en 2025), amenée à se poursuivre dans les prochaines années. En effet, le montant de la prestation a été revalorisé avec la loi Matras de 20213(*). Il a par exemple doublé pour les pompiers ayant exercé au moins 25 ans. Le seuil pour en bénéficier avait également été abaissé de 20 à 15 années, engendrant une augmentation du nombre de bénéficiaires.

SECONDE PARTIE : LES PRINCIPAUX ENJEUX DE LA SÉCURITÉ CIVILE

I. DE SON ORGANISATION À SON FINANCEMENT : LE MODÈLE FRANÇAIS DE LA SÉCURITÉ CIVILE EN QUESTION SUITE AU BEAUVAU DE LA SÉCURITÉ CIVILE

Confrontée à de nouveaux défis, la sécurité civile doit s'adapter aux enjeux d'aujourd'hui et de demain et répondre encore mieux aux besoins de la population. À cet effet, le Gouvernement a lancé les travaux du Beauvau de la sécurité civile, le 23 avril 2024.

Voulu et pensé comme une démarche participative, le Beauvau de la sécurité civile s'est concrétisé au travers de plusieurs exercices animés par une logique de proximité avec le monde et les acteurs de la sécurité civile : des grands chantiers thématiques dont un consacré à « La gouvernance, le financement et les moyens des acteurs de la sécurité civile », des rencontres de terrain, et une grande enquête en ligne, complétés de travaux techniques, d'auditions et d'études documentaires assurés par une structure dédiée.

Après plusieurs suspensions des travaux liées à l'instabilité gouvernementale depuis l'été 2024, le Beauvau de la sécurité civile a repris sous la responsabilité du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau. Finalement, le 4 septembre 2025, François-Noël Buffet, alors ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'Intérieur a présenté le rapport de synthèse.

Ce rapport présente des préconisations et réformes possibles. Cependant, le contexte d'instabilité politique semble empêcher le prolongement logique des travaux par des arbitrages politiques et le dépôt, annoncé depuis plus d'an, d'un projet de loi devant « poser les bases d'un modèle renouvelé », 20 ans après la loi de modernisation de la sécurité civile.

Outre l'absence de dépôt d'un projet de loi refondateur, le PLF pour 2026 ne contient aucune mesure fiscale visant à réformer un modèle de financement de la sécurité civile pourtant unanimement reconnu comme « à bout de souffle ». Les crédits du programme 161 ne représentent en effet qu'une part minoritaire du financement de la sécurité civile, lequel est notamment assuré par la fraction de taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA), transférée aux collectivités territoriales.

La présentation des premières mises en oeuvre concrètes des réflexions issues du Beauvau de la sécurité civile, qui « connaissent désormais leur phase interministérielle » d'après la DGSCGC, ne devrait donc intervenir qu'en 2026.

II. LA POURSUITE DU RENFORCEMENT DES MOYENS AÉRIENS

L'intensité de la saison feux de forêt 2025, marquée par le méga incendie de Ribaute dans l'Aude, lequel a atteint des proportions exceptionnelles malgré la mobilisation totale des moyens, ramène à la nécessité pour les acteurs de la sécurité civile de disposer de moyens, aériens notamment, à la hauteur des risques.

De fait, les objectifs avancés dans le projet annuel de performances concernant le taux de disponibilité des hélicoptères (95 % contre 64 % en 2023 et 81 % en 2024) et surtout des avions de la sécurité civile (98 % contre 89 % en 2023 et 86 % en 2024) paraissent toujours exagérément optimistes au regard de la vétusté de la flotte et des nombreuses immobilisations pour maintenance observées. Le rapporteur spécial continue donc d'être particulièrement attentif aux efforts mis en oeuvre pour répondre aux impératifs d'adaptation, de modernisation et de renouvellement des moyens aériens.

A. LA POURSUITE DU RENFORCEMENT DE LA FLOTTE D'HÉLICOPTÈRES H145 AU RYTHME ANNONCÉ

L'acquisition de 4 appareils H145, dont 2 financés dans le cadre du plan de relance mis en service depuis janvier 2022 et 2 achetés sur crédits de droit commun du programme 161 et reçus en 2023, avait porté la flotte à 37 hélicoptères en 2023 (4 H145 et 33 EC145).

Dans le cadre de la LOPMI 2023-2027, a été décidé le renouvellement intégral de la flotte hélicoptères « Dragons » EC145 vieillissante et particulièrement sollicitée dans le cadre des missions de secours à personne. Cela avait donné lieu à l'inscription en LFI pour 2023 de 471,6 millions d'euros en AE, destinés à financer la commande de 36 nouveaux appareils de type H145. Le montant a ensuite été réévalué à 447 millions d'euros une fois les offres consolidées.

Coût du marché d'achat 36 hélicoptères H145

 

Prix unitaire estimé

Nombre d'appareils

Coût prévisionnel total

Hélicoptère H145

12,41 millions d'euros

36

446,98 millions d'euros

Ainsi, le PLF 2026 prévoit 98 millions d'euros de CP pour l'achat des H145, après 95 millions de CP déjà prévus en LFI 2025.

Calendrier prévisionnel de livraison des hélicoptères H145

(en nombre d'appareils)

 

2024

2025

2026

2027

2028

2029

Total

Livraisons

3

8

8

6

8

3

36

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Les 3 premiers H145 prévus par le marché de 2023 ont été livrés en fin d'année 2024 et se sont ajoutés aux 4 H145 déjà acquis entre 2021 et 2023. En 2025, 3 H145 ont déjà été livrés sur les 8 prévus. Ainsi, la flotte d'hélicoptères de la sécurité civile sera portée à 40 appareils d'ici 2029, ce qui devrait permettre, d'après la DGSCGC, d'armer toutes les bases et détachements de la sécurité civile et de disposer de suffisamment d'hélicoptères dédiés à la formation et au maintien en compétence des équipages.

Comme cela avait été développé par le rapporteur spécial dans son rapport du 5 juillet 2023 sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile4(*), les H145 sont équipés d'une capacité d'emport d'eau, et pourront dès lors être mobilisés, pour la lutte contre les feux de forêt de faible et moyenne envergure, contrairement aux « Dragons » actuels, quasi-exclusivement utilisés pour la réalisation d'opérations de secours.

Au total le besoin de financement actualisé sur la période 2023-2029 est de 451,5 millions d'euros.

Échéancier prévisionnel des crédits consacrés à la livraison
des H145 (susceptible d'évolutions)

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027

2028

2029

AE

411,9

2,6

4,2

6,7

8,5

8,1

9,8

CP

0

89,7

95

98

87

55,8

26

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

B. UN ÉQUILIBRE À TROUVER ENTRE FLOTTE PATRIMONIALE ET FLOTTE DE LOCATION

1. Un dispositif « feux de forêt » renforcé par la location de plusieurs aéronefs depuis 2022 

En complément de sa flotte aérienne de lutte contre les feux de forêts, la DGSCGC s'est progressivement dotée de moyens bombardiers d'eau auprès d'opérateurs privés. Historiquement, les locations portaient uniquement sur les hélicoptères bombardiers d'eau (HBE) d'une capacité de 3 000 litres, puis à compter de 2022 - véritable tournant dans le renforcement de la flotte aérienne, en réaction notamment à des incendies d'une rare intensité sur l'ensemble du territoire -, la DGSCGC s'est tournée vers des moyens héliportés plus légers (1 000 litres) ainsi que vers des avions bombardiers d'eau (ABE).

Ainsi, conformément aux engagements du Président de la République du 28 octobre 2022, la DGSCGC s'est dotée de 15 appareils supplémentaires (10 hélicoptères bombardiers d'eau (HBE) et 5 avions) pour la campagne 2023, soit 5 de plus par rapport à 2022.

2. Une pérennisation d'un mix entre flotte patrimoniale et flotte de location trouvant une traduction dans la programmation budgétaire depuis 2025

Ce dispositif a été maintenu pour 2024, avec le marché de location des HBE (jusqu'à 10 appareils mobilisables) complété par la location de 6 aéronefs ABE de type Air Tractor dans le cadre d'un marché pluriannuel. Prépositionnés en zone sud-ouest, ces avions sont disponibles de juillet à septembre et peuvent intervenir dans les zones sud-ouest, ouest et sud en renfort des moyens nationaux et territoriaux

Modalités d'engagement des HBE loués par la DGSCGC

Source : réponses de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Sur le volet financier, le marché des hélicoptères bombardiers d'eau est fondé, d'une part, sur des coûts d'immobilisation et, d'autre part, sur le paiement de la consommation effective des heures de vol, sans forfaitisation de ces dernières, permettant ainsi une dépense au plus juste du besoin réel.

Le coût total des HBE loués s'élevait à 14,4 millions d'euros HT soit 17,2 millions d'euros TTC pour la première année d'exécution du marché en 2023, contre 10,7 millions d'euros TTC pour 2022 (marché et réquisitions incluses). Cette hausse de presque 7 millions d'euros s'expliquait logiquement à la fois par l'immobilisation d'un plus grand nombre d'appareils et par un emploi sur une période plus étendue que l'année précédente. Au 31 juillet 2024, année alors caractérisée par une faible intensité des feux, le coût des HBE représentait un total de 7,5 millions d'euros TTC.

Les estimations des coûts pour 20255(*) sont de l'ordre de 18,4 millions d'euros TTC, comprenant à la fois la révision des prix du marché et la possible activation des moyens de renfort en dehors de la saison estivale, du 1er octobre de l'année n au 31 mai de l'année n+ 1, comme l'autorise désormais le marché.

Contrairement à 2024, les estimations des coûts des contrats de location des HBE et des avions légers de type Air tractor trouvent désormais une traduction budgétaire claire et réaliste de 30 millions d'euros en AE et en CP prévus pour la location d'aéronefs dans le cadre des PLF 2025 et 2026.

3. Articulation entre flotte patrimoniale et flotte de location :
une réflexion stratégique et budgétaire de long terme

La définition des moyens aériens nécessaires est fonction de l'évolution des risques et de l'adaptation de la doctrine qui sera décidée en conséquence.

La réflexion concernant l'intégration dans la flotte de la sécurité civile d'hélicoptères lourds multi-missions (lutte contre les feux de forêt et transport logistique) pour répondre aux catastrophes naturelles pose notamment la question du choix entre des appareils en pleine propriété de l'État, en propriété partagée ou en location.

Le rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de souligner les limites du recours à la location d'aéronefs pour renforcer le dispositif, en raison notamment de son coût budgétaire important, et d'éventuelles difficultés d'intégration de ces appareils loués dans le dispositif aérien6(*).

Il convient cependant aussi de prendre en compte les délais importants de fabrication de ces appareils (3 ans) auxquels viennent s'ajouter les délais de contractualisation d'un marché spécifique (18 mois minimum).

En outre, il s'agit d'appareils lourds et les coûts associés à leur acquisition en propre dépassent significativement le seul prix d'achat de l'hélicoptère : contrat pluriannuel de MCO, adaptation des infrastructures (hangars...), création d'ETP (personnel navigants, techniciens...). Ainsi, le coût d'acquisition d'un seul appareil (estimé à d'environ 46 millions d'euros pour un H225 neuf en configuration HBE) associé aux coûts d'exploitation dépasse très largement le coût des locations saisonnières (environ 15 millions d'euros par an comme expliqués précédemment) qui permettent de prépositionner jusqu'à 6 hélicoptères lourds simultanément sur le territoire durant plusieurs mois.

C. L'ENTRETIEN ET LE RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE DE CANADAIR

1. Le risque de rupture capacitaire rappelé par le mégafeu exceptionnel dans l'Aude en août 2025

À l'aune du réchauffement climatique, qui étend très au-delà de la seule période estivale l'exposition au risque de feux de forêt, la saison des feux s'étire désormais sur la quasi-totalité de l'année. En ce sens, nombre de schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR) classent le risque feu de forêts en risque courant et non plus en risque exceptionnel, traduisant le besoin d'adaptation de la réponse opérationnelle au dérèglement climatique.

Dans son précédent rapport budgétaire portant sur le PLF 2025, le rapporteur spécial soulignait que si les résultats de la campagne 2024 de lutte contre les feux de forêts étaient apparus satisfaisants et en retrait par rapport aux dernières années, ils le devaient en partie à une météo clémente. Par contraste, en 2025, la France a connu plus de 10 000 départs de feux, majoritairement en zone sud, dont le mégafeu de l'Aude, le plus important depuis 1949 avec une capacité de destruction de plus de 2000 ha/heure d'après la Fédération Nationale des Sapeurs-Pompiers de France. Ainsi, la pleine mobilisation des moyens aériens n'a pas suffi à contenir le caractère exceptionnel de cet incendie.

2. La commande de deux Canadair cofinancés par l'Union européenne signée en 2024 avec une livraison prévue en 2028

Aussi, le rapporteur spécial est particulièrement vigilant aux moyens alloués à l'entretien et au renouvellement annoncé de la flotte de Canadair. En effet, les difficultés posées par la vétusté croissante de la flotte de Canadair, conduisent à l'immobilisation d'une partie importante de cette dernière pour cause de panne et de maintenance.

D'après la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), à certaines périodes critiques de l'été 2024, seuls trois appareils sur douze étaient opérationnels. En juillet 2025, le sous-dimensionnement du nombre d'avions bombardiers d'eau disponibles a cette fois conduit à arbitrer entre des demandes simultanées d'engagement du commandant des opérations de secours dans deux territoires distincts dans l'Aude et les Bouches-du-Rhône. Le risque de rupture capacitaire est donc avéré.

Afin de renforcer sa flotte et d'initier les perspectives de son renouvellement, la France s'est inscrite dans le mécanisme européen entré en vigueur en 2021 qui prévoit de créer une réserve de sécurité civile européenne (RescEU), dotée de moyens subventionnés par l'Union Européenne, l'état-membre acquéreur s'engageant en contrepartie à les rendre disponibles en cas d'activation du mécanisme.

Au terme d'un long processus entre les 6 pays candidats (France, Espagne, Italie, Croatie, Grèce, Portugal), la Commission Européenne (DG ECHO) et l'entreprise De Havilland Canada - DHC, le lancement effectif de la chaîne de production des nouveaux « CANADAIR » (DHC-515) a été officiellement annoncé le 31 mars 2022, sécurisant ainsi le programme RescUE avec, au total, une expression de commande pour 22 appareils. L'Europe finance 12 avions DHC-515, soit 2 par pays demandeur. Les 6 États européens, la Commission et l'entreprise ont officiellement signé les contrats à l'été 2024. Pour la France, le contrat d'acquisition de deux DHC515 dans ce cadre a été signé par le Ministre de l'Intérieur le 12 août 2024.

En termes budgétaires, les coûts d'acquisition de 2 DHC-515 par pays sont couverts par la Direction générale pour la protection civile et les opérations d'aide humanitaire européennes de la Commission européenne (DG ECHO) pour les appareil seuls, soit 98,8 millions d'euros (49,4 millions d'euros hors taxe par appareil). Cependant, le coût global de l'ensemble des postes de dépenses pour un seul appareil est estimé autour de 91 millions d'euros TTC. En effet, demeurent à la charge de l'État acquéreur et donc du programme budgétaire 161 : la TVA à l'importation (23 millions d'euros) ainsi que les frais de douanes (3 millions d'euros) et un lot initial de matériels de rechange et de provisions (montant estimé entre 13 millions d'euros et 35 millions d'euros).

Du fait de la primauté de son contrat de subvention avec la Commission européenne, la France est prioritaire dans le calendrier de livraison des appareils, qui doit cependant tenir compte du niveau d'urgence rencontré dans certains pays, dont la Grèce. Aujourd'hui, selon les prévisions, le premier avion français serait attendu en mars 2028, le deuxième en novembre 2028. Ces délais ont été confirmés à la DGSCGC par l'industriel en 2025.

Il convient de préciser que les deux Canadair commandés par la France ne sont pas achetés via la DG ECHO mais bien par la France, dans le cadre d'un cofinancement accordé par la DG ECHO au titre de RescUE. Il est par ailleurs prévu dans le contrat de pouvoir commander des appareils sur financement propre.

3. La commande de deux Canadair supplémentaires sur fonds propres programmée dans le PLF 2026 suite au mégafeu de l'Aude

Par ailleurs, le contrat signé par la France avec la société canadienne DHC prévoit en option l'acquisition de 14 appareils de type DHC-515, commandables à l'unité et selon les conditions économiques à la date de la commande. Le coût unitaire de ces appareils serait ainsi plus élevé que ceux commandés via la Commission européenne. La butée contractuelle pour affermir tout ou partie ces appareils optionnels est fixée au 30 juin 2030.

Dans le cadre du PLF 2026, le programme 161 prévoit d'engager la commande de deux avions supplémentaires (209 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP). Ces deux appareils seraient livrés entre fin 2032 et courant 2033.

4. Des enjeux de financements et de souveraineté industrielle européenne

Le rapporteur spécial demeure vigilant sur le risque de non-respect du calendrier pour la livraison des deux premiers Canadair. D'une part, si le calendrier prévoit la livraison des deux appareils à horizon 2028, les difficultés intrinsèques à la remise en marche d'une chaîne de production industrielle de ce niveau laisse anticiper des retards et une livraison probable à horizon 2030. En outre, au regard des incendies ravageurs qui ont frappé l'Amérique du Nord, certains acteurs de la sécurité civile craignent que ces délais de livraison soient également retardés par la pression des États et des populations en faveur de la livraison prioritaire de ces Canadair au Canada et aux États-Unis plutôt qu'aux États de l'Union européenne.

Dans ces conditions, le rapporteur spécial partage l'analyse des acteurs de la sécurité civile auditionnés : la France et les pays européens ne peuvent pas être dépendants d'un unique industriel ni d'un unique modèle d'avion. Dans un contexte de besoin croissant d'avions bombardiers d'eau et d'un marché qui s'agrandit, le double enjeu de souveraineté industrielle et sécuritaire est de parvenir à faire émerger un modèle d'avion européen aux caractéristiques similaires au Canadair. En ce sens, la DGSCGC opère une veille stratégique en étant en contact étroit avec l'ensemble des porteurs de projets européens connus à ce jour. Des lettres d'intention (LOI) peuvent être signées à destination des porteurs de projets afin de leur permettre d'accéder plus facilement à des financements privés ou publics.

III. LA CONTRIBUTION DE L'ÉTAT AUX MOYENS DES SERVICES D'INCENDIE ET DE SECOURS (SIS)

Il convient en premier lieu de souligner que le financement de la sécurité civile repose essentiellement sur les dépenses locales. Ainsi, le budget consolidé des services d'incendie et de secours (SIS) s'élève en 2022 à 5,6 milliards d'euros7(*), et il est donc près de 6 fois supérieur aux crédits de paiement inscrits sur le programme 161 dans le PLF pour 2026. Les SIS sont en effet financés en très grande partie par les collectivités territoriales, et pour une part prépondérante par les départements (58 %).

Dans le cadre du Beauvau de la sécurité civile, se poursuivra le travail de concertation que la DGSCGC, en lien avec la direction générale des collectivités locales (DGCL), avait engagé avec Départements de France et l'Association des maires de France (AMF), sur le financement des SIS, et plus particulièrement, sur une éventuelle réforme de la part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) qui leur est affectée en application de l'article 53 de la loi de finances initiale pour 20058(*).

A. VERS LA PLEINE RÉALISATION DES « PACTES CAPACITAIRES » ENTRE L'ÉTAT, LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LES SIS

L'année 2023 a été marquée par la mise en oeuvre de pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des SIS par l'acquisition de matériels cofinancés par l'État.

Annoncés dans le cadre de la LOPMI, les pactes capacitaires devaient initialement être dotés d'une enveloppe totale de 30 millions d'euros sur cinq ans, par l'intermédiaire de la DSIS². La budgétisation initiale du programme 161 pour l'année 2023 prévoyait un montant de 8 millions d'euros en AE et d'1 million d'euros en CP au titre de ces pactes capacitaires.

Pour faire face aux feux de forêts, une enveloppe de 150 millions d'euros en AE et 37,5 millions d'euros en CP a ensuite été ajoutée à cette ligne budgétaire en cours de discussion9(*), à l'initiative du Gouvernement, afin de traduire les annonces du Président de la République du 28 octobre 2022, au lendemain des incendies qui ont frappé le pays au cours de l'été 2022. Ces crédits supplémentaires dédiés aux pactes capacitaires « feux de forêts », doivent permettre aux SIS d'acquérir d'ici à 2027, plus de 1 000 engins et matériels au profit d'une centaine de services métropolitains et ultra-marins. Les premiers véhicules ont été livrés à l'occasion du congrès national des sapeurs-pompiers fin septembre 2024.

La signature de conventions spécifiques entre l'État et les 101 SIS ou établissements publics porteurs de projets a permis d'engager l'intégralité des 150 millions d'euros d'AE en 2023, dont la consommation en CP devait ensuite s'étaler sur 4 ans, de 2023 à 2026.

Concernant les pactes capacitaires feux de forêt, 37,5 et 42 millions d'euros de CP ont été consommés respectivement en 2023 et 2024, et 45 millions d'euros devraient l'être en 2025. Le solde des paiements (28,5 millions d'euros) interviendra pour l'essentiel en 2026 (22 millions d'euros programmés par le PLF 2026) et jusqu'en 2028, en fonction des rythmes des livraisons effectives et des capacités budgétaires du programme.

Concernant le volet risques complexes et émergents (RCE), 8 millions d'euros en 2023, puis 4 millions en 2024, avaient été engagés en AE au bénéfice de projets permettant de combler des fragilités capacitaires portant sur différentes natures de risques sur le territoire (inondation, NRBCe, séismes, industriels, tunnels, bâtimentaire, etc.). Leur programmation et leur consommation en CP reste inachevée.

Trajectoire prévisionnelle des crédits de paiement
afférents aux pactes capacitaires

(en millions d'euros)

 

2023

2024

2025

2026

2027
et 2028

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Pactes capacitaires
« feux de forêt »

150

37,5

0

42

0

45

0

22

0

3,5

Pactes capacitaires « risques complexes et émergents »

8

1

4

4

0

0

0

0

0

7

Total

158

38,5

4

46

0

45

0

22

0

10,5

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Il ressort des auditions du rapporteur spécial certains regrets concernant les modalités de mise en oeuvre des pactes capacitaires : effets d'annonce, commandes uniformisées trop contraignantes, concertation de qualité variable entre élus et préfets de zone, incertitudes sur les délais de livraison, enveloppe relativement faible une fois rapportée au nombre de SIS (1,5 million d'euros), au regard des coûts induits par les interventions lors d'une catastrophe naturelle.

Néanmoins, le rapporteur spécial considère que le principe d'une commande massive d'appareils uniformisés représente en tout état de cause un intérêt opérationnel certain, compte tenu de l'extension géographique du risque incendie et de la multiplication des besoins de colonnes de renfort qui en résulte. Cette uniformisation permettra en effet une appropriation beaucoup plus rapide des matériels par les sapeurs-pompiers lorsque ces derniers seront amenés à prêter mains fortes à leurs voisins d'autres départements pour faire face à une crise d'ampleur. En outre, cette massification aura permis un double gain par la réduction des délais de production et une négociation à la baisse du prix d'achat des équipements. En juillet 2025, plus de 300 engins de lutte contre les feux de forêt (camions-citernes feux de forêt, véhicules de liaisons hors route...) avaient déjà été livrés dans les SIS.

B. L'INVESTISSEMENT DANS DES MOYENS NATIONAUX POUR FAIRE FACE AU RISQUE INONDATION

Outre le danger qu'elles font peser sur les vies humaines, les conséquences des inondations sont multiples et représentent des coûts significatifs pour les particuliers et la collectivité : inaccessibilités des routes, suspension des lignes de transport ferroviaires, destruction d'habitations, fermeture des écoles et des lieux recevant du public, perturbation des activités économiques et chômage technique, pertes sur le secteur agricole et de l'élevage...

Les conclusions de la mission de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024 menée par le Sénat soulignent qu'il existe un consensus scientifique sur le fait que l'augmentation des températures ainsi que l'élévation du niveau de la mer conduira à une hausse de la fréquence des inondations et des submersions marines dans l'avenir. Sur l'ensemble du territoire français, la sinistralité relative aux inondations pourrait connaître une progression située entre 6 % et 19 % à l'horizon 205010(*).

Or, face aux inondations sans précédent, spécifiquement dans le Nord et le Pas-de-Calais, les services de secours ont été confrontés à leurs limites, nécessitant l'intervention de renforts européens. Le manque d'équipements de pompage lourds et de capacités héliportées a révélé l'impératif d'un renforcement capacitaire (recommandation n° 12 du rapport). Les évènements dramatiques survenus en 2024 dans la région de Valence en Espagne ont à nouveau souligné cette nécessité.

Tandis que l'idée de pactes capacitaires « inondations » favorisant l'acquisition de matériel par les acteurs locaux avait été formulée, la DGSCG a souligné l'intérêt de plutôt privilégier l'investissement dans des moyens nationaux et mobilisables dans les différents territoires selon les besoins.

L'action de la DGSCGC s'est dès lors déployée selon deux axes.

Une réponse immédiate a produit ses effets concrets dès 2025 en permettant une augmentation de la dotation en moyens de pompage détenus en propre et mis en oeuvre par la DGSCGC au titre des moyens nationaux, grâce à des acquisitions réalisées fin 2024 via l'UGAP : 3 pompes HYDROSUB 250 (3,4 millions d'euros) constituant une augmentation de 30 % du potentiel de pompage des moyens nationaux ; 4 pompes HYDROSUB 60 (1,3 million d'euros), faciles et rapides à déployer constituant un complément aux moyens lourds pour une mise en place de toute urgence dans des zones plus difficiles d'accès ; 2 transports lourds de grande capacité (0,6 million d'euros).

Une réponse parallèle de moyen terme est en cours d'élaboration et vise la passation d'un marché de pompes spécifiques non disponibles au catalogue de l'UGAP (pompes à boue, pompes pouvant être installées en mode flottaison ...).

C. UNE PARTICIPATION DYNAMIQUE DE L'ÉTAT AU BUDGET DE FONCTIONNEMENT DE LA BSPP EN RAISON D'UN PLAN DE MODERNISATION IMPLIQUANT DES DÉPENSES SUPPLÉMENTAIRES

La contribution de l'État au budget de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) est une obligation légale, prévue par l'article L. 2512-18 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

La contribution de l'État au budget de la BSPP

L'article L. 2512-18 code général des collectivités territoriales indique que les recettes et dépenses de la BSPP sont inscrites au budget spécial de la Préfecture de police. L'article L. 2512-19 de ce même code prévoit notamment une contribution de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP, égale à 25 % des dépenses suivantes, inscrites au budget spécial :

- la rémunération des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, y compris l'alimentation des militaires pendant la durée légale du service ;

- les frais d'habillement, de déplacement, de transport et de mission ;

- les dépenses du service d'instruction et de santé ;

- l'entretien, la réparation, l'acquisition et l'installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport et du matériel de transmission.

Source : code général des collectivités territoriales

Le dynamisme de cette dépense s'est accéléré avec la mise en oeuvre du plan de modernisation de la BSPP, présenté en 2019, et qui visait notamment à permettre à la brigade de répondre aux enjeux de sécurité posés par les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 organisés à Paris. Ainsi, cette contribution est passée de 87,9 millions d'euros en 2019 à 113,9 millions dans le PLF pour 2026, soit une augmentation de 29,6 % en 7 ans.

Ce plan de modernisation se traduit budgétairement par une enveloppe de 202 millions d'euros répartis sur une période de 10 ans entre 2020 et 2029, et vise plus particulièrement à garantir le renforcement des capacités opérationnelles de la BSPP, l'amélioration des conditions de travail et de vie des pompiers de Paris, et l'acquisition d'équipements technologiques modernes.

Évolution de la contribution de l'État au budget de la BSPP
entre 2019 et 2026

(en millions d'euros et en AE = CP)

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

À mi-parcours, le bilan du plan de modernisation est positif avec un niveau de réalisation de 87,8 millions d'euros sur les 105 millions d'euros prévus initialement (84 %de réalisation) entre 2019 et 2025. Il a permis des avancées indispensables par l'acquisition de matériels nécessaires pour répondre aux évènements d'ampleur tels que la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. En contribuant au financement des revalorisations statutaires et à une partie des travaux de rénovation des centres de secours, il a soutenu les efforts de fidélisation du personnel.

IV. DES PROJETS DE MODERNISATION DES OUTILS DE LA SÉCURITÉ CIVILE À DES STADES D'AVANCEMENT VARIABLES

A. NEXSIS 18-112 : UN DÉPLOIEMENT OPÉRATIONNEL ET UN ÉQUILIBRE FINANCIER DIRECTEMENT MENACÉS PAR LE MANQUE DE MOYENS HUMAINS

1. Un projet retardé et rebudgété à la hausse au profit du développement d'un outil opérationnel suscitant désormais la pleine adhésion des acteurs de la sécurité civile

Le programme NexSIS est un projet de mutualisation des systèmes d'information des services d'incendie et de secours (SIS). Sa conception, son déploiement et sa maintenance sont assurés par l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), créée en 2018, et dont la tutelle est assurée conjointement par la direction de la transformation du numérique (DTNUM) et par la DGSCGC du ministère de l'intérieur.

Sur la période 2018 à 2031 (soit quatre années supplémentaires par rapport à la durée du projet présenté au précédent rapport du fait de la prise en compte du maintien en conditions opérationnelles), le coût global du programme est désormais estimé à hauteur de 300 millions d'euros. Il était initialement évalué à 52 millions d'euros, mais il ne prenait en compte que la phase de développement de la solution informatique NexSIS 18-112, et couvrait donc une période beaucoup plus courte, de 2018 à 2022. Il ne prenait pas non plus en considération l'intégration du projet SECOURIR qui emporte toutes les charges de téléphonie opérationnelle des SIS, avec une architecture sécurisée, résiliente, et dynamique en capacité d'assurer l'entraide entre les Centres de Traitement de l'Alerte (CTA).

Coût détaillé du projet NexSIS 18-112

(en millions d'euros)

 

2023
et années précédentes

2024
Exécution

2025
Prévision

2026
Prévision

2027
et années suivantes

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Hors titre 2

86,31

76,76

32,12

29,37

39,00

37,00

40,00

38,00

78,59

94,89

276,02

276,02

Titre 2

5,69

5,69

1,64

1,64

2,03

2,03

2,10

2,10

12,52

12,52

23,98

23,98

Total

92,00

82,45

33,76

31,01

41,03

39,03

42,10

40,10

91,11

107,41

300,00

300,00

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le déploiement de NexSIS devrait permettre, par la mutualisation des systèmes d'information des SIS, une meilleure coordination de leurs actions, mais aussi, la réalisation d'économies substantielles, estimées dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au PLF à près de 20 millions d'euros par an pour l'État et par l'ANSC à au moins 20 millions par an pour les SDIS. Outre ce gain financier, le gain qualitatif bénéficiera aux usagers et aux services de traitement de l'alerte des SIS, en facilitant l'accès au secours et le traitement des communications, ainsi qu'à l'État grâce à un pilotage administratif de l'activité des SIS simplifié.

Le retard important pris dans le déploiement du programme au sein des premiers SIS, initialement programmé pour l'année 2021, avait pu fragiliser la crédibilité de l'agence vis-à-vis des SIS.

Néanmoins, en 2023, le projet est rentré en phase de déploiement opérationnel. Le rythme de déploiement de l'ANSC est passé de 1 SIS tous les 3,5 mois (4 SIS entre décembre 2023 et janvier 2025) à 1,5 SIS tous les mois (5 SIS entre février et juillet 2025), et continue de s'accélérer. À date de juillet 2025, 9 SIS étaient pleinement utilisateurs de la solution NexSIS. Outre ces utilisateurs permanents, à l'été 2025, 49 SIS disposaient déjà du système NexSIS 18-112 au sein de leur établissement avec des niveaux de déploiement plus ou moins avancés. Dans ces SIS, l'ANSC a démontré la maturité technique et opérationnelle d'un outil source d'économies.

Ainsi, les années 2024 et 2025 ont finalement marqué l'entrée du programme dans une dynamique vertueuse de basculement progressive des SIS vers la plateforme NexSIS 18-112, et avec elle l'adhésion des SIS, et plus largement des acteurs de la sécurité civile, à un outil dont l'intérêt opérationnel et la valeur ajoutée sont unanimement reconnus.

2. Un modèle de financement de l'ANSC reposant à terme principalement sur les redevances des SIS

Le financement de l'ANSC et du projet NexSIS est dual.

D'une part, il repose, sur le versement par l'État de subventions pour charge de service public et de charges d'investissement, principalement issues des crédits du programme 161. En cumulant les dépenses engagées par l'État depuis 2018 jusqu'à ce jour et les prévisions de financement jusqu'en 2027, les financements provenant de l'État s'élèvent à 97 millions d'euros pour un coût actualisé du programme estimé à 300 millions d'euros, soit 32 % contre 17 % initialement prévus.

D'autre part, le financement repose sur le versement par les SIS de subventions d'investissement dans le cadre du développement et du déploiement de NexSIS, puis de contributions d'exploitation annuelles pour assurer son fonctionnement. Au terme de l'année 2025, l'ANSC devrait avoir cumulé plus de 75 millions d'euros de recettes en provenance des SIS depuis le démarrage du programme.

Grâce à un soutien important de l'État lors des premières années, l'ANSC a pu continuer à développer NexSIS et à le déployer, dans une période où la confiance des SIS avait pu être mise à l'épreuve. Néanmoins, depuis 2024, l'engouement pour le produit permet des versements plus réguliers des SIS vers l'ANSC, dont les ressources propres représentent désormais environ la moitié de ses revenus en 2025. L'autonomie financière de l'opérateur est ainsi prévue à la fin de l'année 2027.

3. Un sous dimensionnement des moyens humains de l'ANSC mettant en péril le déploiement opérationnel de NexSIS avec pour conséquences des surcoûts significatifs pour les SIS, l'ANSC et l'État

Dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, le secrétariat général du ministère de l'intérieur avait planifié une augmentation de 100 ETP, entre 2023 et 2028, en faveur des services liés aux sujets numériques, parmi lesquels 28 ETP au bénéfice de l'ANSC.

Comparaison de l'évolution du plafond d'emplois de l'ANSC
tels que prévu par la LOPMI et par les LFI

(en ETPT)

 

2023

2024

2025

2026

2027

Plafond d'emplois
tel que prévu par les arbitrages du ministère de l'intérieur sous-jacents à la LOPMI (A)

14

22

28

35

40

Schéma d'emplois
tel que prévu par les arbitrages du ministère de l'intérieur sous-jacents à la LOPMI

+ 2

+ 8

+ 6

+ 7

+ 5

Plafond d'emplois autorisé en LFI

14

22

23

23*

...

Schéma d'emplois autorisé en LFI (B)

+ 2

+ 8

+ 1

0*

...

Différence entre le plafond d'emploi prévu en LOPMI et celui autorisé en LFI (A-B)

0

0

- 5

- 12

...

* autorisé par le PLF 2026

Source : Documents budgétaires et ANSC

Ces effectifs complémentaires devaient permettre à l'ANSC d'assurer les activités cumulées de conception, de réalisation, de déploiement, et d'exploitation. Or, le plafond d'emploi s'établit à 23 ETPT dans le PLF 2026 contre 35 prévus dans le cadre de la LOPMI, soit un déficit de 12 ETP. L'ANSC se présente ainsi dans une situation de sous-effectif qui aura pour conséquence un retard dans le déploiement de NexSIS auprès des 100 SIS et des surcoûts significatifs pour les SIS, l'ANSC et, in fine, l'État.

Cela n'est pas sans incidence sur la situation financière de l'agence. Outre que l'externalisation excessive pèse plus fortement sur son budget par rapport aux coûts de ressources internes, elle limite la capitalisation des savoir-faire. La direction de l'ANSC estime ainsi que l'internalisation d'une dizaine de fonctions aujourd'hui exercés par des prestataires externes permettrait une réduction annuelle des coûts de l'ordre de 1,2 million d'euros. Surtout, le faible nombre d'emplois autorisés induit un risque de non-respect du calendrier de déploiement de NexSIS : l'agence ne peut en effet assumer le risque d'augmenter le nombre de SIS en exploitation sans effectif suffisant pour garantir le bon fonctionnement d'un outil destiné aux services de secours. Or, un retard dans le déploiement génèrera non seulement un manque de recettes pour l'agence mais encore des surcoûts de maintenance opérationnelle pour les SDIS dans lesquels la solution tarderait à être déployée. Le rapporteur spécial relève enfin que si l'autonomie financière de l'ANSC devait être fragilisée, ce serait, in fine, l'État qui pourrait devoir compenser par le versement de nouvelles subventions.

B. LA VIGILANCE CONTINUE DU RAPPORTEUR SPÉCIAL À L'ÉGARD DU PROJET FR-ALERT

Le système FR-Alert, dont la création a été annoncée par le ministre de l'intérieur en septembre 2020, vise à doter les services intervenant dans le champ de la sécurité publique et de la sécurité civile d'un système de diffusion d'alerte via la téléphonie mobile. Il doit ainsi permettre de compléter le système d'alerte et d'information des populations (SAIP) et son volet « sirènes ».

Ce projet a également vocation à mettre la France en conformité avec la directive européenne du 11 décembre 201811(*), qui prévoit l'obligation pour les États de l'Union européenne de se doter d'un système d'alerte par téléphone d'ici juin 2022.

Le dispositif FR-Alert comprend :

- pour les autorités publiques, un portail numérique de diffusion des alertes, à vocation multicanale ;

- pour les opérateurs de communication électronique, la mise en oeuvre dans leur réseau respectif de deux technologies de diffusion des messages d'alerte : la diffusion cellulaire (Cell Broadcast) et la diffusion de SMS géolocalisés (LB SMS), avec le remboursement par l'État des investissements effectués à ce titre.

Le coût total du programme FR-Alert a été évalué à 50 millions d'euros.

À compter de 2025, un budget annuel socle de 2,5 millions d'euros est nécessaire et permettra de progressivement compléter, puis de finaliser la sécurisation et la résilience du dispositif, principalement dans les régions ultra-périphériques en premier lieu, puis dans les pays et territoires d'Outre-mer en second lieu. Il s'agira ensuite d'engager une diversification des canaux de diffusion afin de répondre aux besoins de certains évènements ou pour étendre fonctionnellement le dispositif par le service européen EWSS (Emergency Warning Satellite Service) de Galileo dont le ministère de l'intérieur a participé à la préfiguration en juin 2023.

Coût total prévisionnel du programme FR-Alert

(En millions d'euros)

 

2019-2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

2028

AE

0,76

14,89

25,95

3,98

2,93

3,12

4,4

4,5

NC

CP

0,76

7,03

18,30

8,49

5,55

2,08

7,4

7,5

3,42

Source : réponse de la DGSCGC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Par ailleurs, le budget prévisionnel s'élève à 4,4 et 4,5 millions d'euros en AE en 2026 et en 2027. A l'approche de 4 années d'exploitation, il portera notamment sur le financement du maintien en condition opérationnelle du système applicatif FR-Alert, ainsi que sur le remboursement des frais liés aux investissements réalisés par les opérateurs de communication électronique pour le maintien en condition opérationnelle du système.

V. DES INTERVENTIONS ACCRUES DE LA SÉCURITÉ CIVILE DANS LES OUTRE-MER INSUFFISAMMENT ANTICIPÉES DANS LE PLF 2026

Qu'elles soient planifiées ou liées à une situation d'urgence, les missions dans les Outre-mer sont régulières et ont tendance à augmenter sous l'effet du changement climatique, des tensions sociales et des phénomènes migratoires.

La DGSCGC a connu une activité très soutenue dans les Outre-mer entre 2023 et 2025, plus particulièrement marquées par les évènements sociaux et climatiques ayant affecté la Nouvelle-Calédonie et Mayotte.

Depuis mai 2024 et le début des évènements insurrectionnels en Nouvelle-Calédonie et jusqu'à ce jour, la sécurité civile a déployé 1300 personnels sapeurs-pompiers et sapeurs-sauveteurs en provenance de la métropole avec un coût estimé à près de 60 millions d'euros en 2024 et 6 millions d'euros en 2025.

Entre décembre 2024 et mai 2025, les équipes de la sécurité civile ont été particulièrement mobilisées par les conséquences du Cyclone Chido qui a conduit à près de 40 décès et 7 000 blessés. En lien avec la cellule interministérielle de crise, la sécurité civile a contribué à envoyer près de 5 300 personnes de différents ministères et entités depuis la métropole vers Mayotte et plus de 8 200 tonnes de fret. L'impact financier global de la manoeuvre dépasse les 100 millions d'euros.

À cela s'ajoute les interventions croissantes de la sécurité civile dans les autres territoires d'outre-mer pour pallier des situations de fragilité de diverses natures en Guyane (gestion des demandeurs d'asile, augmentation importante de l'activité de lutte contre les feux de végétation, approvisionnement en eau potable dans des zones isolées...) ou à la Réunion à l'occasion du cyclone Belal par exemple.

Le rapporteur tient donc à souligner les capacités de réponse dont dispose la DGSCGC pour faire face à d'éventuelles crises à venir : production d'eau potable, appui aux forces de l'ordre, capacité médicalisée, mission d'appui en situation de crise, détachement lourd de sauvetage déblaiement en cas de séisme ou de cyclone, projection de moyens logistiques s'appuyant sur les moyens de la réserve nationale concentrés en métropole (hébergement d'urgence, matériel NRBC, lutte contre les feux...).

Le recours accru aux moyens humains et matériels de la sécurité civile ces dernières années met en exergue une trajectoire de crédits du programme 161 particulièrement sensible aux aléas et peu prévisible par nature. Le rapporteur spécial attire ainsi l'attention sur le caractère optimiste du montant des crédits relatifs aux interventions dans les outre-mer fixé à seulement 18,7 millions d'euros en AE et en CP pour 2026. Celui apparait en effet peu élevé au regard des 76 millions d'euros de CP exécutés en 2024 et des 140 millions d'euros de CP prévus en exécution de l'année 2025 en cours.

Total des crédits du programme 161 « Sécurité civile »
consacrés aux outre-mer

(En millions d'euros)

 

Exécution 2024

Prévisions 2025

PLF 2026

Territoires

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Guadeloupe

4,86

4,99

5,36

5,32

5,41

5,37

Guyane

5,32

5,27

5,72

5,76

5,77

5,80

Martinique

3,74

3,76

4,78

4,73

4,58

4,56

La Réunion

3,87

3,88

4,57

4,57

2,49

2,49

Mayotte

3,99

0,01

109,01

113,00

0,02

0,02

Nouvelle-Calédonie

59,65

57,65

6,01

6,01

0,00

0,00

Polynésie française

0,13

0,13

0,14

0,14

0,15

0,15

Iles Wallis et Futuna

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

Saint-Pierre-et-Miquelon

0,01

0,01

0,02

0,02

0,01

0,01

Saint-Martin

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

Saint-Barthélemy

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

TAAF

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

0,00

Crédits non répartis

0,29

0,29

0,30

0,30

0,30

0,30

Total

81,86

75,99

135,90

139,84

18,73

18,70

Source : Document de politique transversale « outre-mer » annexé au projet de loi de finances pour 2026

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Sécurités » et donc du programme 161 « Sécurité civile ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 5 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Bruno Belin, rapporteur spécial, sur les programmes « Gendarmerie nationale », « Police nationale » et « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » et sur le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons maintenant à l'examen des rapports spéciaux de Bruno Belin et Jean Pierre Vogel sur la mission « Sécurités » et le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». Nous accueillons Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères et de la défense pour le programme « Gendarmerie nationale ».

M. Bruno Belin, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Dans le domaine de la sécurité intérieure, l'activité a été en en progression en 2025, après une année 2024 déjà chargée.

Pour 2026, même s'il n'y a pas de faits majeurs de l'intensité des jeux Olympiques et Paralympiques, l'organisation du G7, qui se tiendra en juin à Évian, est notamment déjà en préparation ; elle mobilisera bien entendu des moyens humains.

S'agissant des éléments budgétaires, j'évoquerai d'abord la police nationale, dont le budget total avoisine les 13,9 milliards d'euros.

Il faut d'abord noter une augmentation des moyens humains : plus de 1 000 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sont prévus dans le budget de la police nationale, dont 300 pour la police aux frontières. Ces effectifs vont au-delà de ce qui était prévu dans le cadre de la déclinaison ministérielle annuelle de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. Mais un effort est également consenti pour les moyens autres qu'humains, notamment les véhicules, le numérique et l'immobilier.

Cette allocation de moyens supplémentaires doit permettre de répondre plusieurs axes d'action, parmi lesquels la sécurité du quotidien, la lutte contre l'immigration irrégulière et la sécurisation des frontières, la lutte contre la criminalité organisée - y compris le narcotrafic - et l'« entrisme ».

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, le budget total dépasse les 11 milliards d'euros, en légère hausse. On ne constate pas la même progression que pour la police nationale.

Néanmoins, il est prévu le recrutement de 400 ETP supplémentaires, qui sont nécessaires pour armer les nouvelles brigades. Le Président de la République avait annoncé en 2023 la création de près de 240 nouvelles brigades, ce qui nécessite évidemment des moyens humains. Dans une première vague, un peu plus de 80 brigades ont été ouvertes en 2024. 57 brigades auraient dû l'être en 2025, mais elles ne l'ont pas été faute de création d'effectifs. Elles seront donc ouvertes en 2026. Il en restera une centaine à ouvrir pour la suite.

L'évolution du budget de la gendarmerie nationale appelle plusieurs points d'alerte.

D'abord, j'aborderai la question des véhicules. Si l'on veut que nos gendarmes soient correctement équipés, il faut renouveler environ 3 750 véhicules par an. Les budgets des années récentes n'ont permis d'en renouveler qu'un nombre très limité ; en 2026, 600 à 700 pourraient l'être, soit environ six ou sept véhicules par département.

Ensuite, je veux évoquer les hélicoptères. La gendarmerie nationale surveille un territoire très étendu, et les hélicoptères sont indispensables à ses différentes missions. Or, aujourd'hui, la gendarmerie dispose d'une flotte d'hélicoptères en fin de vie. Dans certains départements, ce sont des Écureuil, lesquels datent des années 1960, qui sont encore en service. La première tranche d'un marché conclu il y a quelques années avec Airbus a permis d'acquérir 26 hélicoptères mais la répartition s'est faite ainsi : 2 pour la gendarmerie et 24 pour la sécurité civile. Il faudra s'interroger sur l'état de la flotte d'hélicoptères et sur la manière dont nous pourrions, comme nous l'avons fait pour l'immobilier, accompagner la gendarmerie face au défi que représente la surveillance des territoires.

J'en viens à un autre sujet lié à l'étendue du territoire sur lequel s'exerce la mission de la gendarmerie nationale : la lecture automatisée de plaques d'immatriculation (Lapi). Aujourd'hui, la gendarmerie, la police nationale et les douanes comptent quelques centaines de dispositifs, quand la Belgique en possède plusieurs milliers. Le dispositif Lapi n'a pas de capacité répressive, à la différence des radars, mais permet d'identifier des véhicules et de reconstituer leurs parcours grâce à l'intelligence artificielle, ce qui est d'une grande utilité, notamment face à des enjeux liés au terrorisme, à des d'enlèvements ou à des évasions. Il nous faudrait dix ou vingt fois plus de ces dispositifs, sachant que l'unité coûte 15 000 euros.

En ce qui concerne l'immobilier de la gendarmerie nationale, nous partions de loin. Je rappelle que le rapport sur l'immobilier de la gendarmerie nationale rendu en 2024, au nom de notre commission, a contribué à permettre de mobiliser des fonds et de répondre à certaines difficultés importantes. À titre d'exemple, les travaux commencent enfin dans la caserne de Dijon, cinquante-cinq ans après son ouverture. Les militaires et leurs familles ne pouvaient pas y être accueillis correctement. De la même manière, les travaux que nous avions identifiés comme nécessaires à Satory sont enfin prévus dans le programme budgétaire.

Par ailleurs, je me suis rendu dans la Nièvre au mois de septembre, pour trouver des solutions en lien avec les collectivités, les bailleurs sociaux, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), les départements, l'État, la Banque des territoires et la Caisse des dépôts et consignations. Nous avons notamment entamé une discussion avec le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) sur l'utilité pour la gendarmerie d'être propriétaire de ses logements et casernes, et sur les délais de prêt qui seraient envisageables.

J'en viens à la sécurité routière. En 2025, le nombre de décès augmentera un peu par rapport à 2024, année où il s'était établi à 3 432, dont 3 193 pour la métropole et 239 pour les outre-mer. En la matière, nous ne parvenons pas à descendre sous un certain plancher.

J'ai organisé une table ronde et des auditions à ce sujet en présence de représentants d'associations, de responsables de la coordination interministérielle et de personnes personnellement affectées. Un décès impacte environ neuf personnes, notamment en matière d'arrêts de travail et de traitements médicamenteux. En prenant en compte tous les paramètres, on estime que le coût des 3 400 décès représente au moins 80 milliards d'euros, ce qui équivaut à près de 3 points de PIB.

Comment faire baisser ce chiffre ? Je ne crois pas au tout répressif ; il faut aussi des mesures de formation, qui peut être permanente ou dispensée immédiatement après l'obtention du permis. À cet égard, je rappelle que 35 % des décès sur les routes concernent les moins de 34 ans. La répartition des causes des accidents ne change pas beaucoup : environ un accident sur trois est lié à la vitesse, un sur quatre à l'alcool et un sur cinq aux stupéfiants. De plus, 14 % des accidents impliquent un « distracteur », soit l'usage d'un téléphone ou d'un écran.

J'en viens au compte d'affectation spéciale (CAS) « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ». La France compte 4 200 radars actifs, qui ont représenté en 2024 un rendement d'environ 889 millions d'euros. L'ensemble des recettes des amendes, y compris celles relevant de la police de la circulation (hors radars), représenterait 2,15 milliards d'euros en 2026, dont un peu plus d'un tiers est affecté aux dépenses routières des collectivités, un tiers au désendettement de l'État, et près d'un cinquième au fonctionnement des radars et au procès-verbal électronique.

La politique de l'État est de ne pas augmenter le nombre de radars actifs.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial de la mission « Sécurités ». - Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une dotation de 995 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 860 millions d'euros en crédits de paiement (CP) pour le programme « Sécurité civile », ce qui représente une augmentation de 16 % en AE et de 6 % en CP par rapport à 2025.

Cependant, ce budget appelle une mise en perspective pluriannuelle. Pour la période 2023-2026, la moyenne du montant des CP se stabilise à environ 850 millions d'euros, soit à un niveau supérieur de 40 % à celui observé entre 2019 et 2022.

Dans un contexte de contrainte budgétaire, cette augmentation pourrait surprendre, mais elle est logique et, ce, pour au moins deux raisons.

Premièrement, cette hausse des crédits à moyen terme est nécessaire pour sauvegarder et mettre à niveau les moyens capacitaires humains et matériels de la sécurité civile, face à l'extension temporelle et géographique des risques climatiques.

De récents travaux du Sénat, et plus particulièrement de la commission des finances, ont établi cette nécessité. Ainsi, deux rapports de contrôle, l'un portant sur les régimes d'indemnisation des catastrophes naturelles et l'autre sur les inondations survenues en 2023 et 2024, ont mis en exergue les coûts humains et financiers colossaux entraînés par un défaut des moyens de prévention et d'intervention face à l'intensification des aléas climatiques.

Deuxièmement, le budget du programme 161 doit être pensé de façon transversale. En effet, les moyens accordés à la sécurité civile sont mis au service d'un ensemble de politiques publiques. À titre d'exemple, le financement de matériel indispensable pour la sécurisation de la Coupe du monde de rugby, ou des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, a conduit la sécurité civile à partager l'ambition de nos politiques sportives. De la même manière, la mobilisation exceptionnelle des ressources humaines et matérielles de la sécurité civile en Nouvelle-Calédonie, puis à Mayotte, pour un coût dépassant 130 millions d'euros en 2025, témoigne de l'utilisation des crédits du programme 161 au service de nos politiques de cohésion et de solidarité nationale à l'égard des territoires ultramarins.

En ce qui concerne l'analyse des crédits du PLF pour 2026, il faut noter une croissance de 5 % des dépenses de personnels ainsi qu'un schéma d'emploi positif.

Par ailleurs, le montant élevé des AE, qui s'élève à près d'1 milliard d'euros, s'explique par les dépenses d'investissement, qui augmentent de 200 millions d'euros, en raison de la commande de deux nouveaux Canadair.

Les dépenses de fonctionnement sont relativement stables et visent essentiellement le paiement des contrats de maintien en condition opérationnelle des aéronefs.

Enfin, les dépenses d'intervention sont également stables. Elles portent principalement sur le financement des pactes capacitaires dédiés à la lutte contre les feux de forêt.

J'en viens aux enjeux thématiques du programme.

En ce qui concerne la flotte d'aéronefs de la sécurité civile, je soulignais l'an dernier le caractère heureux des résultats de la campagne 2024 de lutte contre les feux de forêt, qui s'expliquaient par une météo clémente. Cependant, en 2025, la France a connu plus de 10 000 départs de feux, dont le mégafeu qui a sévi dans l'Aude. Ce dernier a été le feu de forêt le plus important depuis 1949. Il a duré trois semaines et, chaque minute pendant vingt-quatre heures, l'équivalent de 16 terrains de football est parti en fumée. En tout, 17 000 hectares ont brûlé, dont 16 000 en vingt-quatre heures.

En juillet 2025, le nombre insuffisant d'avions bombardiers d'eau disponibles a conduit à arbitrer entre des demandes d'engagement des opérations de secours dans deux territoires distincts : l'Aude et les Bouches-du-Rhône. Le risque de rupture capacitaire s'est donc avéré.

Dans ce contexte, il nous faut retenir trois points concernant les moyens aériens. D'abord, le renouvellement de la flotte d'hélicoptères se poursuit au rythme prévu puisque, d'ici à la fin de l'année 2025, 8 modèles H145 doivent être livrés. Le calendrier, qui prévoit la livraison de 36 appareils d'ici à 2029, devrait donc être respecté.

Ensuite, le budget pour 2026 consacre la pérennisation de crédits dédiés à la location d'aéronefs, à hauteur de 30 millions d'euros. Cette année, la flotte locative a été pleinement mobilisée et a démontré son importance dès le mois de juillet.

Enfin, l'intensité de la dernière saison des feux a conduit à l'annonce de l'achat de deux nouveaux Canadair. Le PLF pour 2026 consacre bien 200 millions d'euros en AE au financement - entièrement sur fonds propres - de deux appareils, qui doivent être livrés entre 2032 et 2033. Ils viendront s'ajouter aux deux Canadair déjà commandés en 2024, cofinancés par l'Union européenne et officiellement attendus pour 2028.

J'en viens aux pactes capacitaires destinés à renforcer les moyens opérationnels des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) par l'acquisition de matériels, notamment de véhicules, cofinancés par l'État.

Après les incendies de 2022, une enveloppe additionnelle de 150 millions d'euros en AE avait été allouée pour faire face aux feux de forêt. Le PLF pour 2026 tient sa promesse en la matière, puisque des CP d'un montant de 22 millions d'euros seront dédiés à ces pactes capacitaires, tandis que 120 millions d'euros en CP ont déjà été consommés entre 2023 et 2025. Ainsi, en juillet 2025, plus de 300 engins de lutte contre les feux de forêt avaient déjà été livrés dans les services d'incendie et de secours (SIS).

Par ailleurs, la multiplication des inondations constitue un second défi capacitaire. L'idée de pactes capacitaires « inondations » a été formulée. Cependant, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a privilégié l'investissement dans des moyens nationaux, mobilisables dans les différents territoires, en fonction des besoins. En plus d'acquisitions réalisées en urgence pour faire face aux épisodes de 2024, des achats de pompes spécifiques sont prévus lors de l'exercice 2026.

Au-delà des moyens aériens et des moyens de pompage, les capacités et l'efficacité des interventions des acteurs de la sécurité civile reposent sur un ensemble de systèmes d'information. À l'occasion du congrès national des sapeurs-pompiers de France, que j'ai eu le plaisir d'accueillir au Mans, l'Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC) a procédé à une démonstration de l'outil NexSIS. Il s'agit d'un projet de mutualisation des systèmes d'information des SIS, dont l'ensemble des acteurs de la sécurité civile reconnaissent aujourd'hui la maturité technique, la valeur ajoutée opérationnelle et la source d'économies.

Cependant, alors que les SIS témoignent d'un enthousiasme certain à l'égard du projet, l'ANSC connaît une situation de sous-effectifs qui en menace l'avancement.

Enfin, après plusieurs suspensions liées à l'instabilité gouvernementale, le Beauvau de la sécurité civile a finalement conclu ses travaux début septembre, avec la présentation d'un rapport de synthèse. Cependant, les propositions et les possibilités de réformes compilées dans ce rapport sont sujettes à des arbitrages interministériels. Un projet de loi visant à refonder la sécurité civile continue donc de se faire attendre, alors que chacun reconnaît que le modèle de financement des SIS est à bout de souffle.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter les crédits du programme « Sécurité civile ».

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur le programme « Gendarmerie nationale ». - Deux sujets reviennent chaque année quand il s'agit de la gendarmerie nationale : l'immobilier et les véhicules légers. Il y a quelques années, nous avons établi la nécessité d'effectuer des travaux, d'entretien ou de création de casernes neuves, à hauteur de 400 millions d'euros par an. En ce qui concerne les véhicules légers, il s'agit d'en acquérir 3 750 par an, afin d'assurer le renouvellement de la flotte.

Cette année, nous observons une légère amélioration pour le budget consacré à l'immobilier, mais nous sommes encore très loin du compte. Sur la période des huit dernières années, il manque environ 2 milliards d'euros pour atteindre l'objectif fixé. Les dépenses liées au coût des loyers progressent de façon importante ; faut-il continuer ainsi ou développer davantage le parc domanial ? Le DGGN est en faveur de cette dernière option, qui revient moins cher à terme. Des discussions ont lieu entre le ministère de l'intérieur et Bercy pour identifier des moyens de procéder à du leasing, afin que les biens loués finissent par appartenir à la gendarmerie après un certain nombre d'années, ce qui permettrait d'effectuer d'importantes économies. Il s'agit d'un sujet important, également lié au bon accueil des familles et à la fidélisation des gendarmes.

En ce qui concerne les véhicules légers, nous en aurons acquis 4 700 en trois ans, bien loin des 3 750 prévus par an.

J'en viens aux personnels. Cette année, 57 nouvelles brigades auraient dû être créées, mais les crédits ont été insuffisants pour embaucher et former le personnel nécessaire. Pour 2026, des crédits sont prévus pour financer 400 ETP, ce qui permettra seulement de combler le manque de 2025. De plus, la gendarmerie peine toujours à recruter et n'a pas retrouvé son niveau de personnel de 2008, alors que le territoire à couvrir est plus important. L'année prochaine, hors des brigades nouvelles, les créations d'emplois seront nulles ; il y a des recrutements, mais aussi de nombreux départs, la gendarmerie étant confrontée à un problème de fidélisation, comme toutes les armes.

La gendarmerie compte seulement 58 hélicoptères, pour la métropole et les outre-mer. Sur ces 58 appareils, 26 doivent être renouvelés. Il faut lancer les contrats au plus vite, avec une date butoir au premier semestre 2027. Si des crédits n'y sont pas dédiés, des escales aériennes fermeront. Pour atteindre l'objectif, il faut trouver 350 millions d'euros.

Enfin, j'évoquerai un sujet moins connu, celui du remplacement des fusils d'assaut Famas par le HK416. Là aussi, il est temps de passer commande, puisque la date butoir est établie à 2030. Il faudra procéder à l'acquisition de 22 000 fusils, pour un total de 110 millions d'euros.

La situation n'est pas formidable, mais pourrait être pire. Je voterai donc en faveur des crédits du programme. Enfin, en présentant ce budget, le DGGN a souligné que nous étions à « un point de bascule » ; il ne faudrait pas que celui-ci se transforme en point de rupture.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La question de l'immobilier est sur la table depuis un moment et je propose que nous unissions nos efforts, afin d'aboutir sur ce sujet avant la fin de l'année. Cela me semble possible, car nous dépendons en la matière principalement d'un décret interministériel. Il faut y travailler vite pour proposer que nos gendarmes soient logés dans des conditions convenables ; il s'agit de respect et de dignité.

En ce qui concerne les radars, si les crédits augmentent, les dégradations des dernières années ont réduit le montant des recettes. Peut-on tirer les conséquences de ces dégradations de façon précise ? Par ailleurs, les radars n'ont pas tous la même productivité et la même efficacité en matière de sécurité routière, en fonction de leur emplacement ; existe-t-il des catégories de productivité moyenne ? Cela permettrait de faire des choix en matière de positionnement.

Enfin, une partie significative des interventions de la gendarmerie ont lieu pour répondre à des violences intrafamiliales, ce qui est énorme en matière de moyens mobilisés, humains et financiers. Les sapeurs-pompiers sont souvent appelés aussi sur ces cas. Pourrait-on faire un état des lieux de ces interventions ? Ne devrait-on pas identifier des solutions pour assurer une meilleure coordination entre les pompiers, la gendarmerie et la police, afin de réduire le coût pour les services publics ? Des dispositifs plus efficaces pourraient être mis en place, notamment en matière de prévention. Il existe ainsi aujourd'hui un certain nombre de prestations qui relèvent du service public, mais sont coûteuses et dévoreuses de temps comme de personnels.

M. Marc Laménie. - Ma première question s'adresse à Bruno Belin : les effectifs de CRS et de gendarmes mobiles sont-ils stables ou doivent-ils augmenter ? Je pense notamment au phénomène des violences urbaines.

D'après certaines informations obtenues localement, j'ai appris que les véhicules de la police nationale étaient à bout de souffle et que leur nombre était très peu élevé.

Enfin, en ce qui concerne la sécurité routière, je vous remercie d'avoir rappelé le coût direct et indirect des décès et des blessés.

M. Grégory Blanc. - Les budgets présentés sont en hausse, ce qui est salutaire, car ce n'est pas le cas pour l'ensemble des missions dans ce PLF. Cependant, cette année encore, les moyens dédiés à l'augmentation des interventions liées à l'immigration sont supérieurs aux moyens alloués à la lutte contre les événements climatiques ou aux outre-mer. Il s'agit d'un choix politique, qui fera sans doute l'objet d'un débat en séance.

La présentation du rapport de synthèse du Beauvau de la sécurité civile a eu lieu le 4 septembre et aucun élément n'a été intégré au sein de ce PLF. Ainsi, je regrette l'absence d'évolution fiscale visant à mieux soutenir les Sdis, qui auraient aussi permis d'aider les départements, qui sont en situation difficile et auxquels on va encore demander d'abonder les budgets.

Nous n'observons pas non plus d'évolution singulière quant aux pactes capacitaires « inondations », alors que ce risque augmente fortement. Pourtant, l'État a adopté le Pnacc 3 (plan national d'adaptation au changement climatique) et a chiffré les efforts à fournir pour adapter nos territoires et le pays aux enjeux climatiques. Le budget consacré au programme « Sécurité civile » ne suit pas, raison pour laquelle je n'adopterai pas ces crédits. La question de la sécurité des personnes et des biens doit être une priorité.

En ce qui concerne la mission « Sécurités », nous nous félicitons de l'augmentation des crédits. Un projet de loi doit être voté sur la police municipale et ce transfert à bas bruit, de compétences de missions régaliennes vers les polices municipales, doit s'assortir d'un transfert de crédits. Or un tel transfert ne semble pas prévu par le PLF ; faudrait-il présenter un amendement pour identifier comment l'État pourrait soutenir les collectivités locales en la matière ?

Enfin, des flottes d'entreprises basculent de plus en plus vers la location longue durée ; n'y aurait-il pas là une piste pour résoudre le problème automobile, d'autant que nous traversons une période de rupture technologique, avec l'électrification du parc ?

Mme Christine Lavarde. - Concernant le schéma pluriannuel de programmation immobilière du ministère, comment l'ordre de priorité est-il déterminé ? Comment choisit-on un commissariat plutôt qu'un autre ? À titre d'exemple, les collectivités proposent de cofinancer à plus de 50 % le coût d'un nouveau commissariat à Boulogne-Billancourt, mais le dossier n'est pas lancé, alors que les travaux figuraient dans la liste des priorités établie par le ministère.

En tant que rapporteur de la mission « Écologie », j'ai du mal à accepter que des crédits de débroussaillement lié à la prévention des feux de forêt soient financés par le fonds Barnier ; le feu de forêt n'est pas une catastrophe naturelle. Les moyens dédiés à sa prévention n'ont rien à faire au sein de l'action n° 14 et ne doivent pas être financés par la surprime prélevée sur les contrats d'assurance habitation et automobile. Pour avoir accès à une vision globale des financements alloués à la prévention des feux de forêt, il faut aussi prendre en compte des crédits figurant dans d'autres missions.

M. Michel Canévet. - Pour la gendarmerie, la question de l'immobilier est essentielle, notamment pour assurer le logement des familles. À titre d'exemple, dans le Finistère, des préoccupations ont été médiatisées concernant l'absence de chauffage dans la caserne du Conquet ou, au contraire, les températures caniculaires sévissant dans les logements du quartier Buquet à Brest. Les crédits dédiés aux opérations de maintenance, qui augmentent significativement, permettront-ils de faire face aux besoins identifiés ?

Concernant les constructions neuves, les besoins sont également nombreux. Dans le Finistère, des opérations ont commencé à Lannilis et à Plabennec, et des besoins sont identifiés à Douarnenez. Le cheminement est souvent long pour obtenir un accord pour des opérations pourtant urgentes. Les crédits prévus permettront-ils de lancer de nouvelles opérations cette année ?

Il semble difficile de mobiliser des crédits pour atteindre les objectifs en matière de renouvellement des véhicules. Les forces de gendarmerie et de police peuvent-elles obtenir des véhicules issus des saisies opérées par les services de l'État ?

Concernant la sécurité civile, nous nous réjouissons que des commandes puissent être passées pour la flotte aérienne. Cependant, les délais de livraison sont très longs. Comment la sécurité civile peut-elle assurer une bonne couverture des incendies compte tenu de l'état du parc ? La coopération européenne est-elle efficace en la matière ?

Enfin, le sous-effectif de l'ANSC a été évoqué ; combien manque-t-il de personnels pour mener une action concrète et cohérente ?

M. Didier Rambaud. - Existe-t-il une règle ou une doctrine sur la relation financière entre les collectivités locales et la gendarmerie en matière d'immobilier ? J'ai l'impression que tout se fait au cas par cas.

Enfin, j'entends Grégory Blanc faire appel à davantage de moyens pour la sécurité ; j'aimerais que son intervention soit entendue par les membres de son groupe politique et par tous les maires écologistes de France, qui ont une approche dogmatique de la question.

M. Bruno Belin, rapporteur spécial. - Monsieur Laménie, en ce qui concerne les effectifs des CRS, je dois me renseigner pour vous répondre.

Les autres questions concernent toutes les ressources humaines, l'immobilier et les véhicules.

Pour répondre au rapporteur général, les violences intrafamiliales peuvent effectivement représenter une part notable des interventions dans certaines gendarmeries. L'une des réponses de la DGGN est le recours aux réservistes, qui pourraient constituer un vivier de 40 000 à 50 000 personnes. Cependant, il faudrait pouvoir en assurer la mobilité et les équiper.

L'attractivité du métier est notamment liée à la qualité des logements et son amélioration pourrait en partie répondre au besoin de renouvellement des effectifs. La programmation budgétaire est-elle suffisante ? Si nous parvenons à augmenter un peu le niveau de 2026 pendant dix ans, nous atteindrons peut-être nos objectifs. Cependant, dans le passé, il est arrivé que des programmes soient autorisés, que des équipes de la gendarmerie nationale soient au travail et qu'un maître d'oeuvre soit mobilisé, mais que Bercy ne donne jamais l'autorisation finale. C'est à nous de dire que l'immobilier constitue un sujet à sacraliser pour que nous puissions répondre aux besoins.

En ce qui concerne le choix des commissariats faisant l'objet de travaux, pour 2026, une partie du budget de la police nationale sera fléchée pour la construction des hôtels des polices de Nice, qui réunira la police nationale et la police municipale, offrant un type de coopération intéressant entre deux forces complémentaires, et l'hôtel de police de Valenciennes. Il est certain que des priorités sont fixées entre différents projets.

Monsieur Blanc, je ne prendrai pas la responsabilité d'un amendement prévoyant un transfert de moyens financiers de l'État aux collectivités en matière de sécurité ; il s'agirait de dégréver une partie du budget de la sécurité intérieure. Nous pourrons en débattre.

En ce qui concerne les véhicules, je vous invite à visiter les antennes territoriales du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) et du Raid. Compte tenu de leur équipement et de la prescription de besoins à laquelle ils doivent répondre, ils ne peuvent pas se permettre de louer des véhicules comme un citoyen.

Sur la question des montages « type » pour la rénovation ou la construction immobilière dans la gendarmerie, nous avons des outils, comme les décrets de 1993 ou de 2016, mais il est vrai qu'il y a des réglages au cas par cas, en fonction de la volonté des élus et des relations entre les différents acteurs.

Les nouveaux moyens humains sont en partie fléchés vers la politique de l'immigration, puisque 300 postes seront alloués aux centres de rétention administrative (CRA), dont les capacités doivent s'accroître. Cependant, 700 nouveaux postes concernent la filière investigation.

Enfin, 82 % des radars étaient en état de fonctionnement au 1er janvier 2025, ce qui est faible mais il semblerait que la situation s'améliore progressivement depuis.

M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial. - Le secours d'urgence aux personnes, notamment le relevage de personnes âgées, représente 80 % des interventions des sapeurs-pompiers. Un certain nombre de ces interventions qui ne sont pas toujours de leur ressort doivent être assurées, ce qui peut créer une lassitude et encourager certains à ne pas se déclarer disponibles. Je n'ai pas de statistiques particulières sur les violences intrafamiliales, pour lesquelles les pompiers se déplacent quand ils sont appelés.

Concernant l'absence d'évolution fiscale pour le financement des Sdis, il convient de rappeler que les départements sont les principaux financeurs de ces structures, à hauteur de 60 % en moyenne au niveau du pays. Au regard de la loi, ils sont aussi obligés de prendre en charge les dépenses nouvelles, les contributions des collectivités étant limitées au montant de l'inflation constatée l'année précédente. Des pistes sont évoquées pour compléter les financements et alléger les dépenses des départements. À titre d'exemple, l'augmentation de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA) est envisagée. Cependant, aucune piste ne fait encore l'unanimité et il faut laisser le temps à la discussion. Il faudrait trouver une solution d'ici à 2027, car les départements sont à bout de souffle.

Le budget du programme 161 est tout de même ambitieux, comme en témoignent notamment les 450 millions d'euros mobilisés pour renouveler la flotte d'hélicoptères d'ici 2029. De plus, 150 millions d'euros ont été alloués aux pactes capacitaires « feux de forêt », notamment pour l'achat de véhicules tels que des camions-citernes, même si cela ne représente que 1,5 million d'euros par département.

La DGSCGC a décidé de mobiliser les moyens relatifs aux inondations au niveau national, ce qui semble logique. En effet, la lutte contre les risques d'inondation nécessite des moyens humains particuliers et des qualifications spécifiques, pour opérer certaines technologies telles que des pompes puissantes. De telles qualifications ne pourraient être présentes dans chaque Sdis. En la matière, des moyens nationaux ont donc été jugés plus efficaces.

Je prends note de la remarque de Mme Lavarde sur le financement par le fonds Barnier du débroussaillage. Il est vrai que les obligations légales de débroussaillement (OLD) sont normalement à la charge des propriétaires, ce qui n'est d'ailleurs pas toujours respecté.

Concernant le délai de réponse aux commandes d'aéronefs, de Havilland Aircraft of Canada Limited, qui a le monopole de la fabrication des Canadair, attendait au moins une vingtaine de commandes avant de relancer la production, ce qui a demandé plusieurs années. En revanche, plusieurs sociétés françaises ont des projets dans ce domaine, ce qui pourrait favoriser l'indépendance industrielle de la France et de l'Europe. Le fait que la relance de la ligne de fabrication des Canadair n'ait pas été aussi rapide qu'espérée pourrait être une chance pour ces entreprises.

La flotte de Canadair est extrêmement vieillissante et son maintien en condition opérationnelle pose des difficultés. Ainsi, en 2024, sur douze appareils, seuls trois étaient opérationnels à certains moments de l'année. Il existe des moyens de substitution, comme les hélicoptères bombardiers d'eau, loués par certains départements ou par la DGSCGC. Dans l'attente du renouvellement de la flotte patrimoniale d'avions et d'hélicoptères, le PLF 2026 pérennise en ce sens une enveloppe de 30 millions d'euros dédiés à la location d'aéronefs. En outre, des moyens aériens et humains sont mutualisés en Europe, comme nous l'avons vu à l'occasion des mégafeux en Grèce ou en Espagne.

En complément, certains outils technologiques doivent être développés dans les départements français, dont les caméras de vidéodétection du départ de feux de forêt, assistées par l'intelligence artificielle, déployées dans mon département de la Sarthe. Ainsi, nous avons pu prévenir la Mayenne voisine d'un départ de feu.

L'ANSC pilote le projet NexSIS. Dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), il avait été décidé de relever progressivement le plafond d'emplois de l'ANSC à 35 d'ici 2026. Or, le PLF 2026 autorise seulement 23 ETPT, soit 12 emplois manquants. Cela rend impossible le respect du calendrier prévu de déploiement de NexSIS dans les Sdis. Or, un retard de déploiement dans les Sdis a une double conséquence financière : d'une part, une perte de recettes pour l'ANSC, dont le financement repose sur le versement de contributions d'exploitation versées annuellement par les SIS dans lesquels NexSIS est mis en service et d'autre part, des surcoûts de maintenance opérationnelle pour les Sdis contraints de continuer à recourir à d'autres solutions plus onéreuses. Entre outre, l'Agence est contrainte d'externaliser la réalisation d'une partie de ces missions, pour un coût équivalent à 220 % de celui du personnel directement employé. Le respect du schéma d'emplois prévu dans le cadre de la Lopmi permettrait donc des économies tout en assurant la mise en oeuvre du projet. Nous y reviendrons sans doute dans l'hémicycle.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Sécurités » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Conférence nationale des services d'incendie et de secours (CNSIS)

- M. Olivier RICHEFOU, président ;

Fédération nationale des sapeurs-pompiers (FNSPF)

- Éric FLORÈS, contrôleur général, vice-président ;

- M. Marc VERMEULEN, contrôleur général, membre du comité exécutif ;

- M. Fabien MATRAS, conseiller relations institutionnelles ;

- M. Guillaume BELLANGER, directeur de cabinet.

Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC)

- M. Pierre CASCIOLA, directeur ;

- M. Jean-Yves LAMBROUIN, colonel, directeur adjoint ;

- M. René CARLET, Secrétaire général.

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

- M. Julien MARION, directeur général ;

- Mme. Tiphaine PINAULT, directrice des sapeurs-pompiers

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- Contributions écrites -

Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF)

Agence du numérique de la sécurité civile (ANSC)

Départements de France (DF)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html


* 1 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 2 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 3 LOI n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels

* 4 Rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023 par M. Jean Pierre VOGEL au nom de la commission des finances sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile

* 5 Du fait de l'absence de réponses apportées à plus de 20% des questions du questionnaire budgétaire soumis au Gouvernement par le rapporteur spécial en application de l'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), certains chiffrages relatifs au coût des marchés de location des aéronefs en 2025 et 2026 n'ont pas pu être actualisés.

* 6 Rapport d'information n° 838 (2022-2023), déposé le 5 juillet 2023 par M. Jean Pierre VOGEL au nom de la commission des finances sur la flotte d'aéronefs bombardiers d'eau de la sécurité civile

* 7 Réponses au questionnaire budgétaire.

* 8 Loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005.

* 9Ce qui a in fine porté les crédits consacrés aux pactes capacitaires en 2023 à un montant total de 158 millions d'euros en AE et 38,5 millions d'euros en CP.

* 10 Rapport d'information n° 775 (2023-2024), déposé le 25 septembre 2024 par MM. Jean-François RAPIN et Jean-Yves ROUX, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des finances par la mission conjointe de contrôle relative aux inondations survenues en 2023 et au début de l'année 2024.

* 11 Directive (UE) 2018/1972 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (refonte).

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