B. LES ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES D'AIDE PAR LE TRAVAIL (ESAT) SONT TOUJOURS CONFRONTÉS À D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS FINANCIÈRES

Les associations entendues par les rapporteurs spéciaux les ont également alertés sur les difficultés que rencontreront à l'avenir les établissements et services d'aide par le travail (ESAT). L'ESAT est en effet un milieu de travail particulier et protecteur : les travailleurs n'y sont pas des salariés, mais des usagers d'une structure médico-sociale ; en conséquence, ils ne bénéficient pas des droits afférents au salariat.

Le programme 157 porte, outre les crédits dédiés à l'allocation adulte handicapé (AAH), les crédits alloués à l'aide aux postes des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Cette enveloppe, budgétée sur la même action que l'AAH, s'élèverait à 1 558 millions d'euros pour 2026, soit une baisse de 2,6 % par rapport à 2025.

Cette aide au poste, versée à l'ESAT, permet à ces établissements de couvrir les charges, cotisations sociales, contributions au compte personnel de formation et de la prévoyance des travailleurs en ESAT. L'autre part de la GRTH est financée par l'ESAT. Plus de 14 000 ESAT accompagnent ainsi quelque 120 000 personnes

Depuis 2021, le Gouvernement a mis en oeuvre un plan de transformation des ESAT, visant à réduire la spécificité du modèle de l'ESAT au regard du « milieu ordinaire ». Ce plan a consisté :

- s'agissant des droits fondamentaux, à ouvrir aux travailleurs en ESAT des droits individuels et collectifs des salariés : extension du droit à congé, élection d'un délégué des travailleurs, etc. ;

s'agissant du rapprochement entre le milieu protégé - l'ESAT - et le milieu ordinaire, la mesure phare du « plan ESAT » consiste en la mise en oeuvre d'un parcours renforcé en emploi, visant à favoriser les « sorties » d'ESAT tout en sécurisant de potentiels « retours ». À ce titre, le travailleurs en ESAT peuvent depuis 2023 travailler à mi-temps en milieu ordinaire, et ce sans perdre le bénéfice de l'AAH.

Entendues par les rapporteurs spéciaux, l'ensemble des associations du secteur du handicap est convenu que la convergence des droits des travailleurs en ESAT avec le droit commun du travail « va dans le bon sens. » Toutefois, ces associations ont regretté que les moyens alloués dans le PLF pour 2026 ne soient pas à la hauteur des enjeux.

En 2025, les inquiétudes trouvaient leur source dans le financement de la moitié de la part employeur de la complémentaire santé, désormais obligatoire pour les travailleurs en ESAT. Cette mesure, décidée dans le cadre de la loi pour le plein emploi24(*) et pleinement approuvée par les associations et les rapporteurs spéciaux dans son principe, aurait eu un impact délétère sur les finances des ESAT, un rapport des inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) publié en février 202425(*) ayant indiqué que la part des ESAT en déficit passerait de 29 % avant la réforme à entre 41 et 43 % après la réforme sans soutien financier de l'Etat.

L'année dernière, le Sénat avait adopté un amendement avec un avis favorable des rapporteurs spéciaux26(*) visant à faire financer par l'Etat 50 % de la part « employeur » de la complémentaire santé - qui représente elle-même 50 % du total. Cette prise en charge de « la moitié de la moitié » de la complémentaire santé des travailleurs en ESAT était financée à hauteur de 18 millions d'euros par l'Etat.

Aujourd'hui, toutefois, les rapporteurs spéciaux apprennent avec agacement que le décret d'application des modalités de compensation de l'État vis-à-vis des dépenses engagées par les ESAT n'a été publié qu'en août 2025, soit très tardivement après l'adoption de la loi de finances. De nombreux ESAT ont donc fait des avances de trésorerie, dans l'attente de la publication du décret, les fragilisant d'autant plus.

En outre, cette compensation devait être financée au sein de l'aide au poste, versée par l'Agence de services et de paiement (ASP), qui connait malheureusement des retards récurrents de versement depuis plusieurs années, mettant en tension les trésoreries des établissements, parfois jusqu'à bloquer l'activité. Selon une enquête réalisée par Nexem, représentant les employeurs du secteur médico-social et non-lucratif, 71 % des ESAT sondés indiquaient être concernés par des retards de versement de l'aide au poste par l'ASP, pour des montants moyens de 391 000 euros et un montant total de 98 millions d'euros.

En outre, les associations de défense des droits des personnes handicapées ont indiqué que les ESAT auraient bientôt à assurer une nouvelle charge spécifique, puisque l'article 14 de la loi pour le plein emploi précitée rend obligatoire pour les ESAT la participation à hauteur de 50 % au financement des frais de transport en commun correspondant aux déplacements de leurs travailleurs entre leur domicile et leur lieu de travail.

Ceci est rendu, bien évidemment, plus dommageable encore par le situation déficitaire d'environ un tiers des ESAT.

En conclusion, les rapporteurs spéciaux notent, non sans regret, que leurs observations passées quant aux « dangers » du rapprochement entre le statut de travailleurs en ESAT et le statut de salarié restent d'actualité.


* 24 Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

* 25 IGF-Igas, Convergence des droits des travailleurs handicapés en établissement et services d'aide par le travail (ESAT) vers un statut de quasi-salarié, février 2024.

* 26 Amendements identiques II-102, II-1734, II-1964, II-2167 et II-2170.

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