B. LA PROTECTION DE L'ENFANCE : UN DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT PERMIS PAR UNE DIMINUTION DU FLUX DE MINEURS NON ACCOMPAGNÉS (MNA) PRIS EN CHARGE PAR LES DÉPARTEMENTS
1. L'aide sociale à l'enfance (ASE) : une forte hausse des dépenses départementales d'hébergement et de frais de séjour
En 2024, les dépenses de frais d'hébergement en établissements médico-sociaux et en famille d'accueil des départements (15,7 milliards d'euros) ont progressé de 1 milliard d'euros (soit + 6,6 %). Cette hausse, supérieure à celle des prix à la consommation selon la Cour des comptes13(*), s'explique principalement par de l'arrêté ministériel du 25 juin 2024 portant agrément des accords de branche permettant l'extension des revalorisations dites « Ségur » à l'ensemble des personnels des établissements sociaux et médico-sociaux.
Les dépenses d'hébergement versées au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), représentent 6,2 milliards d'euros en 2024, soit 41,6 % des frais d'hébergement en établissements médico-sociaux14(*). Leur forte progression (+ 500 millions d'euros, soit + 9,5 %) résulte du nombre croissant d'enfants confiés pour placement à l'ASE, soit plus de 220 000 en 2023 (+ 18,3 % depuis 2018)15(*).
Parmi les enfants confiés à l'ASE, le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) confiés par décision judiciaire a toutefois diminué (13 554 fin 2024, contre 19 370 fin 2023, soit - 30,0 %)16(*), ce qui devrait soulager les département après les hausses très importantes intervenues ces dernières années.
2. Une enveloppe stabilisée permises par la diminution du nombre de MNA pris en charge
Les crédits de l'action 17 du programme 304, destinés à concourir à la politique de la protection de l'enfance - notamment en apportant un soutien financier aux départements dont relève cette politique - s'élèvent à 421,6 millions d'euros en 2026. Ces crédits connaissent une légère hausse significative par rapport aux crédits budgétés en 2025, dont le montant s'établissait à 418,8 millions d'euros - ce qui représente une augmentation de 0,7 % entre le PLF pour 2025 et le PLF pour 2026.
Cette hausse s'explique d'abord par une augmentation de 15 millions d'euros (+ 12,5 %) des crédits dédiés à la stratégie nationale de protection de l'enfance, qui devrait notamment permettre d'augmenter l'enveloppe des crédits dédiés à la contractualisation avec les départements dans le cadre des contrats départementaux de prévention et de protection de l'enfance (CDPPE), dans un objectif de renouvellement de l'offre et de soutien à la qualité de la prise en charge, de la protection maternelle et infantile à l'accueil des enfants handicapés.
Elle résulte également d'une augmentation des crédits dédiés au soutien aux communes, prévu par l'article 188 de la LFI 2025, pour l'exercice de leur compétence d'autorité organisatrice de l'accueil du jeune enfant, créée par l'article 17 de la loi « plein emploi »17(*), ce crédits connaissant une légère augmentation par rapport à 2025 (+ 1,6 %), pour s'établir à 87,4 millions d'euros en 2026.
Elle résulte enfin de la refonte du cadre réglementaire régissant l'accueil des jeunes enfants dans les pouponnières à caractère social, qui a notamment augmenté l'intensité de l'encadrement, induisant des charges supplémentaires pour les départements compensées par l'État. Cette mesure représente ainsi 34,7 millions d'euros pour 2026 alors qu'aucune enveloppe n'était dédiée aux pouponnières en 2025.
Évolution des dépenses de l'action n° 17 entre la LFI 2025 et le PLF 2026
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution 2026/2025 |
|
|
Stratégie nationale de protection de l'enfance |
120,0 |
135,0 |
+ 12,5 % |
|
Prise en charge des MNA |
101,3 |
43,8 |
- 56,8 % |
|
Actions nationales |
192,6 |
233,0 |
+ 21,0 % |
|
dont plan jeunes majeurs |
50,0 |
50,0 |
0 % |
|
dont Ségur PMI |
20,0 |
20,0 |
0 % |
|
dont soulte Castex |
14,0 |
14,0 |
0 % |
|
dont accompagnement financier des AO sur service public de la petite enfance |
86,0 |
87,4 |
+ 1,6 % |
|
dont refonte de l'accueil en pouponnière à caractère social |
0,0 |
34,7 |
- |
|
GIP "France enfance protégée" |
4,9 |
4,9 |
0 % |
|
Autres dépenses |
0,0 |
4,9 |
- |
|
Total |
418,8 |
421,6 |
+ 0,7 % |
Source : commission des finances du Sénat
Ces hausses substantielles sont compensées par une baisse significative, par rapport à la budgétisation initiale pour 2025, des crédits dédiés au soutien aux départements pour la prise en charge des MNA. Ceux-ci diminuent en effet de 56,8 % par rapport à la LFI 2025, passant de 101,3 millions d'euros à 43,8 millions d'euros.
Selon la directeur général de la cohésion sociale, cette baisse des crédits résulte d'une diminution des effectifs de MNA concernés : les financements de l'État dépendant du nombre de MNA supplémentaires pris en charge par les départements - qu'il s'agisse des financements en faveur de l'évaluation de la minorité (500 euros par MNA) ou de leur mise à l'abri (90 euros par jour pendant 14 jours, puis 20 euros par jour dans la limite de 9 jours), ou de la participation de l'État à l'accueil des MNA supplémentaires (6 000 euros pour 75 % des nouveaux entrants) - la diminution du nombre de « nouveaux » MNA pris en charge par les départements a permis une réduction sensible des financements de l'État.
Cette baisse des financement doit également être appréhendée, selon l'administration, non par rapport à la budgétisation initiale mais par rapport à l'exécution attendue pour 2025, qui s'établit à 60 millions d'euros. La baisse prévue pour 2026 serait ainsi de « seulement » 27 %.
* 13 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2025, Fascicule n° 1, juin 2025.
* 14 Ibid.
* 15 Ibid.
* 16 Ibid.
* 17 Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.