N° 139

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 6
CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT


Rapporteur spécial : M. Christian BILHAC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

L'ESSENTIEL

La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits de trois programmes propres à des institutions : le Conseil d'État ainsi que les juridictions administratives, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), la Cour des comptes ainsi que les juridictions financières et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

I. LA MISSION « CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ETAT » : UN BUDGET EN BAISSE DANS LE CADRE DU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

La mission bénéficierait en 2026 de 869,3 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une baisse de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025. Les dépenses de personnel représentent plus de 84 % des crédits demandés pour la mission.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Conseil et contrôle de l'État »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Intitulé des programmes et titres de la dépense

LFI 2025

PLF 2026

Évolution PLF 2025/LFI 2024 (volume)

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

599

568

- 5,2 %

126 - Conseil économique, social et environnemental

34,4

34,1

- 0,9 %

164 - Cour des comptes et autres juridictions financières

259

267,2

+ 3,2 %

Mission « Conseil et contrôle de l'État »

892,4

869,3

- 2,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » représente 65,4 % des dépenses de la mission, contre 30,7 % pour les juridictions financières et seulement 3,9 % pour le CESE.

La baisse des crédits de la mission résulte principalement de la diminution des dépenses d'investissement (- 56,7 %). Cette dernière s'explique par l'achèvement de plusieurs projets immobiliers majeurs sur le programme 165, qui implique un engagement de crédits de titre 5 moins important en 2026.

Dans une moindre de mesure, la baisse des crédits de la mission s'explique également par la diminution des crédits de fonctionnement (- 1,2 %), traduisant les efforts de rationalisation des dépenses engagées depuis plusieurs années par les juridictions administratives et financières.

II. UN GEL DES MOYENS CONSACRÉS AUX JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES MALGRÉ UNE EXPLOSION DU NOMBRE DE SAISINES

Rassemblant deux-tiers des crédits de la mission, le budget des juridictions administratives est fixé à 568 millions d'euros, soit une baisse de 5,2 % des CP par rapport à 2025.

La diminution des crédits est essentiellement liée au fait que les dépenses d'investissement de l'année 2025 incluaient les paiements de projets immobiliers majeurs, tels que les opérations de relogement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et du tribunal administratif de Montreuil, qui arriveront à leur terme en 2026.

Pour la deuxième année consécutive, le schéma d'emplois du programme 165 est neutre en 2026. S'il prend acte de la stabilisation des effectifs, justifiée par le nécessaire redressement des finances publiques, le rapporteur spécial réitère ses inquiétudes sur le risque d'allongement des délais de jugement impliqué par ce gel, dans un contexte d'augmentation de la pression contentieuse pesant sur les juridictions administratives depuis plusieurs années.

Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2017

(en nombre d'affaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, le rapporteur spécial attire l'attention de la commission sur le risque d'engorgement du Tribunal du stationnement payant (TSP). En effet, cette juridiction spécialisée, dont la gestion a été transférée au programme 165 depuis 2024, a vu son activité presque tripler entre sa création en 2018 et 2024, mais n'a pas vu ses effectifs augmenter en conséquence sur cette période.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que la hausse des recours devant le TSP est amenée à se poursuivre dans les prochaines années, compte tenu de la généralisation des dispositifs de contrôle automatique de plaques d'immatriculation de type « LAPI1(*) » et de l'extension des zones soumises au stationnement payant.

Évolution des recours devant le TSP entre 2021 et 2024

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

III. UNE STABILISATION DES MOYENS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

Les crédits demandés pour le CESE en 2026 sont stabilisés à hauteur de 34,1 millions en AE et en CP.

Les dépenses de personnel du programme 126 s'élèvent à 27,8 millions d'euros en 2026, et sont également stables. Elles représentent presque 80 % du budget total alloué au CESE. Le plafond d'emplois est en baisse d'un ETPT par rapport à la LFI 2025. Le rapporteur spécial a plusieurs fois regretté la sous-exécution chronique de ce plafond d'emplois. Toutefois, après 5 années consécutive de sous-exécution, celui-ci devrait être exécuté à un niveau très proche de la prévision en 2025.

Consommation du plafond d'emplois depuis 2019

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En revanche les dépenses de fonctionnement sont en baisse de 5,8 % et s'élèvent à 6,7 millions d'euros. Les informations contenues dans les documents budgétaires ne permettent pas d'identifier avec précision les différents postes de dépenses du programme sur lesquels porteront ces mesures d'économies. Le rapporteur spécial regrette plus particulièrement que les crédits dédiés à la participation citoyenne ne soient pas clairement détaillés.

IV. LA COUR DES COMPTES ET LES JURIDICTIONS FINANCIÈRES :
UNE HAUSSE DU BUDGET PORTÉE UNIQUEMENT PAR LE DYNAMISME DES DÉPENSES DE PERSONNEL

Les crédits des juridictions financières pour 2026 s'élèvent à 267,2 millions d'euros en CP dont 242,2 millions de dépenses de personnel. Les crédits affectés à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières augmentent de 3,2 % par rapport à 2025.

Les dépenses de titre 2 du programme 164 sont en augmentation de 8,2 millions d'euros pour 2026, soit une hausse de 3,5 % par rapport à l'année précédente. Cette hausse est imputable au rebasage de dépenses correspondant aux rémunérations d'agents mis à disposition à l'extérieur des juridictions financières (+ 4,3 millions d'euros), au financement en année pleine de la réforme indemnitaire des magistrats financiers (+ 2,5 millions d'euros) et à l'évolution du glissement vieillesse technicité (+ 2,3 millions d'euros).

Les dépenses hors titre 2 sont stables, ce qui traduit les efforts menés par la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) pour rationaliser leurs dépenses de fonctionnement.

Évolution des crédits de paiement du programme 164 par titre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Réunie le 28 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 63,4 % des réponses.

À la date d'examen en commission de la mission le 28 octobre, il a obtenu 100 % des réponses.

PREMIÈRE PARTIE
APERÇU GÉNÉRAL DES CRÉDITS DE LA MISSION : UN BUDGET EN BAISSE DANS LE CADRE DU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

La mission « Conseil et contrôle de l'État » a pour particularité de rassembler les crédits de trois programmes propres à différentes institutions :

- le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives ». Il regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux cours administratives d'appel, aux tribunaux administratifs et à la Cour nationale du droit d'asile ;

- le programme 126 « Conseil économique, social et environnemental » ;

- le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières ». Il regroupe les moyens affectés aux juridictions financières, c'est-à-dire la Cour des comptes et les chambres régionales et territoriales des comptes, ainsi qu'aux autres institutions associées que sont le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteurs et des droits voisins et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).

L'ampleur budgétaire de ces programmes demeure inégale, en faveur du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », qui concentre à lui seul près de deux tiers des crédits de la mission. Les crédits demandés se répartissent comme suit :

Ventilation des crédits parmi les différents programmes
de la mission en PLF pour 2026

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des crédits par programme

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

Exécution 2024

LFI 2025

PLF 2026 courant

Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (volume)

Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (%)

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

AE

519,6

511,2

537,9

+ 26,7

+ 5,2 %

CP

561

599

568

- 31

- 5,2 %

164 - Cour des comptes et autres juridictions financières

AE

250,9

263,7

264,5

+ 0,8

+ 0,3 %

CP

253,6

259

267,2

+ 8,2

+ 3,2 %

126 - Conseil économique, social et environnemental

AE

46,2

34,4

34,1

- 0,3

- 0,9 %

CP

46,2

34,4

34,1

- 0,3

- 0,9 %

Total mission

AE

816,8

809,4

836,6

+ 27,2

+ 3,4 %

CP

860,7

892,4

869,3

- 23,1

- 2,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La mission bénéficierait en 2026 de 836,6 millions d'euros en AE et de 869,3 millions d'euros en CP. Les moyens alloués diminuent cette année de 2,6 % s'agissant des CP. Les AE sont quant à elles en hausse de 3,4 %.

Évolution des crédits de la mission

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La diminution des crédits de la mission est essentiellement portée par le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives », dont les CP sont en baisse de 5,2 %. Ceux du Conseil économique, social et environnemental » sont relativement stables (- 0,9 %). Enfin, les CP du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » sont en hausse de 3,2 %.

La hausse des autorisations d'engagement (AE) est portée par le programme 165 (+ 5,2 %), tandis que les AE des programmes 164 et 126 sont relativement stables (respectivement + 0,3 % et - 0,9 %).

Les dépenses de personnel représentent 84,2 % des crédits de la mission. Elles feraient l'objet d'une hausse de près de 2 % en 2026. Cette hausse est portée par les programmes 164 (+ 3,4 %) et 165 (+ 1,2 %).

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) connaîtraient à l'échelle de la mission une baisse de près de 1,2 %. Le programme 165 voit ses crédits de titre 3 baisser de près de 1,1 % en CP, contre 5,8 % pour le CESE. En revanche, ces crédits sont stables en ce qui concerne le programme 164.

S'agissant des dépenses d'investissement, elles connaissent une baisse de 56,7 % en CP sur le programme 165, qui s'explique par le cycle de décaissement des crédits de titre 5, qui s'est traduit une consommation élevée de crédits en 2025 pour financer les concrétisations de plusieurs projets immobiliers d'ampleur. Concernant le programme 164, les crédits d'investissement sont stables.

Évolution des dépenses de la mission entre 2023 et 2026

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ainsi, comme l'illustre le graphique ci-dessus, les dépenses hors titre 2 sont en baisse de 21,3 % par rapport à 2025, et de 25,2 % par rapport à l'exécution 2024. Cette dynamique de baisse des dépenses hors titre 2, s'explique certes par l'évolution du cycle d'engagement de certaines dépenses inévitables. Toutefois elle traduit aussi la mise à contribution de la mission à l'effort de redressement des comptes publics ainsi que les efforts de rationalisation de la dépenses engagés depuis plusieurs années, notamment par les juridictions administratives et financières (voir infra).

SECONDE PARTIE
LE DÉTAIL DES CRÉDITS PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES » : UNE BAISSE SUBSTANTIELLE DU BUDGET DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES MALGRÉ UN NOMBRE DE SAISINES QUI EXPLOSE

Les crédits demandés pour les juridictions administratives en 2026 s'élèvent à 537,9 millions d'euros en AE et à 568 millions d'euros en CP, soit une hausse des AE de 5,2 % et une baisse des CP de 5,2 % par rapport à 2025. La diminution des CP s'explique en grande partie par la baisse des dépenses d'investissement (- 37,5 millions d'euros) et, dans une moindre mesure, par la maîtrise des dépenses de fonctionnement (- 0,9 million d'euros).

L'enjeu majeur de ce programme consiste à mettre en adéquation les crédits demandés avec la pression continue que connaissent les juridictions administratives, compte tenu de la croissance du contentieux administratif et de la volonté de rendre des décisions juridictionnelles dans des délais satisfaisants pour les justiciables, sans jamais nuire à la qualité des décisions rendues.

Le programme 165 concentre 65,4 % des crédits de la mission et est donc le plus important en volume.

Évolution des crédits par action du programme 165

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2025

PLF 2026

Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (%)

FDC et ADP attendus en 2026

01 - Fonction juridictionnelle : Conseil d'État

AE

35,9

36,3

+ 1,4 %

0,02

CP

35,9

36,3

+ 1,4 %

0,02

02 - Fonction juridictionnelle : Cours administratives d'appel

AE

66,6

67,6

+ 1,5 %

0,0

CP

66,6

67,6

+ 1,5 %

0,0

03 - Fonction juridictionnelle : Tribunaux administratifs

AE

214,7

217,8

+ 1,4 %

0,0

CP

214,7

217,8

+ 1,4 %

0,0

04 - Fonction consultative

AE

18

18,2

+ 1,3%

0,0

CP

18

18,2

+ 1,3%

0,0

05 - Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités

AE

9,1

9,2

+ 1,3 %

0,0

CP

9,1

9,2

+ 1,3 %

0,0

06 - Soutien

AE

105,8

127,2

+ 20,3 %

0,18

CP

193,5

157,2

- 18,75 %

0,18

07 - Cour nationale du droit d'asile

AE

52

52,3

+ 0,5 %

0,0

CP

52

52,3

+ 0,5 %

0,0

08 - Tribunal du stationnement payant

AE

9,2

9,3

+ 0,7 %

0,0

CP

9,2

9,3

+ 0,7 %

0,0

Total programme 165

AE

511,2

538

+ 5,2 %

0,2

CP

599

568

- 5,2 %

0,2

Dont hors CAS Pensions

 

478,7

446,7

 -6,7 %

0,2

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE BAISSE DES CRÉDITS QUI PORTE PRINCIPALEMENT SUR LES DÉPENSES IMMOBILIÈRES DU PROGRAMME 165

Les crédits de paiement demandés pour 2026 sont en baisse de 31 millions d'euros par rapport à 2025.

1. Une baisse conséquente des dépenses hors titre 2 après une année 2025 marquée par des travaux immobiliers d'ampleur et des investissements informatiques conséquents

Les crédits demandés pour couvrir les dépenses hors titre 2 s'élèvent à 105,4 millions d'euros en CP et 75,4 millions d'euros en AE, soit une baisse de 25,8 % des CP et une hausse de 40 % des AE.

L'action 06 Soutien comprend des dépenses de personnel du programme non affectées à d'autres actions et les dépenses de fonctionnement et d'investissement de l'ensemble du programme 165. Ainsi, tous les crédits de titre 3 et de titre 5 sont concentrés sur l'action 06.

a) Une baisse des dépenses d'investissement qui s'explique par l'achèvement en 2025 de plusieurs projets immobiliers majeurs en 2025

Les dépenses de titre 5 diminuent de 35,7 millions d'euros en CP par rapport à 2024, pour s'établir à 27,9 millions d'euros. Ces dépenses visent principalement à financer des travaux immobiliers liés aux opérations de relogement et des dépenses d'investissement informatique. La diminution des crédits est liée au fait que les dépenses de titre 5 de l'année 2025 incluaient les paiements de projets immobiliers majeurs, qui arriveront à leur terme en 2026.

Les principaux projets immobiliers du programme 165 en 2025

L'année 2025 a été marquée par plusieurs projets immobiliers d'ampleur importante pour le programme, et plus particulièrement :

- des opérations nécessaires à la mise en accessibilité, à la mise aux normes techniques et à la sûreté des bâtiments de la juridiction administrative ;

- les opérations de relogement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et du tribunal administratif de Montreuil ;

- la rénovation de la Cour de l'horloge du Palais-Royal ;

- le relogement d'une partie des services du Conseil d'État sur le site du quai Voltaire à Paris ;

- l'acquisition du terrain et l'extension du tribunal administratif de Dijon ;

- la réhabilitation de l'aile Scatiste du tribunal administratif de Nîmes ;

- le relogement de la Cour administrative d'appel (CAA) de Versailles.

Source : documentation budgétaire

b) La baisse des crédits de titre 3 traduit les efforts menés par les juridictions administratives pour maîtriser leurs dépenses de fonctionnement

Les dépenses de fonctionnement sont en baisse de près de 1 % en CP. Les juridictions administratives ont en effet engagé depuis plusieurs années une démarche de maîtrise de leurs dépenses de fonctionnement grâce à la renégociation de certains baux, la professionnalisation de l'achat public et la dématérialisation des procédures avec la mise en oeuvre de Télérecours.

La généralisation des téléprocédures a ainsi permis de réaliser des économies substantielles en matière de frais d'affranchissement. Ces économies sont apparues progressivement, tout au long du déploiement de l'application Télérecours depuis 2014, et devraient atteindre 6 millions d'euros annuels pour l'année 2026.

En 2023, 203 766 requêtes ont été enregistrées via cette application devant les tribunaux administratifs, soit 78,8 % des entrées, ainsi que 29 519 requêtes devant les cours administratives d'appel, soit 92,7 % des entrées et 8 601 devant le Conseil d'État, soit 42 % des entrées.

Évolution des économies générées grâce aux téléprocédures de 2018 à 2026

(en millions d'euros)

Année

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025

2026

Économies générées

3,90

4,6

3,86

5,04

5,02

5,28

5,53

5,73

5,96

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Enfin la hausse des AE du programme 165, de l'ordre de 40,6 %, s'explique essentiellement par le renouvellement de certains baux.

2. Une hausse modeste des dépenses de personnel qui s'explique par le glissement vieillesse technicité (GVT)

Les dépenses de personnel pèsent fortement dans les crédits du programme 165, à l'instar de tous les autres programmes de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». La hausse de ces dépenses est constante au cours des dernières années.

Dans le projet de loi de finances pour l'année 2026, les crédits demandés pour les dépenses de personnel s'élèvent à 462,6 millions d'euros dont 121,3 millions d'euros au titre du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Ces dépenses de titre 2 représentent 81,4 % des crédits du programme et sont en augmentation de 1,2 % par rapport à 2025, malgré un schéma d'emploi neutre.

Ventilation par titre des crédits de paiement

(en millions d'euros)

 

LFI 2023

LFI 2024

LFI 2025

PLF 2026

Hors titre 2

118,3

146,7

145,7

105,4

Dont dépenses de fonctionnement

81,9

86,3

79

78,1

Dont dépenses d'investissement

36,4

60,4

63

27,3

Titre 2 

406,7

436,7

457

462,6

Total

525

583,4

599

568

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation des dépenses personnel (+ 5,5 millions d'euros) s'explique cette année par le glissement vieillesse technicité (GVT) positif, après plusieurs années pendant lesquelles la hausse des crédits de titre 2 a été portée le mouvement de revalorisation de la rémunération des magistrats administratifs.

Les derniers exercices budgétaires ont en effet été marqués par plusieurs mesures catégorielles, et notamment les revalorisations indemnitaires et indiciaires des magistrats administratifs rendues nécessaires par la réforme de l'encadrement supérieur de l'État2(*).

Un mouvement de revalorisation indemnitaire et indiciaire des magistrats
des juridictions administratives engagé dès 2022

L'arrêté du 22 avril 2022 a procédé à une revalorisation du traitement indemnitaire des magistrats administratifs. Près de 8,3 millions d'euros3(*) ont ainsi été ouverts en AE et en CP dans la loi n° 2022-1157 de finances rectificative pour 2022 du 16 août 2022 pour financer cette mesure.

Une refonte de la grille indiciaire est ensuite intervenue en 2023 avec le décret n° 2023-486 du 21 juin 2023 modifiant le statut des magistrats administratifs et le décret n° 2023-488 du même jour fixant le nouvel échelonnement indiciaire des trois grades de ce corps à compter du 1er juillet 2023. En 2023, le coût sur six mois était estimé à 1,2 million d'euros et à 2,4 millions d'euros en année pleine. S'agissant des membres du Conseil d'État, leur revalorisation représente, en année pleine pour 2024, 0,63 million d'euros au titre de la revalorisation indiciaire et 0,42 million d'euros au titre de la revalorisation indemnitaire.

L'année 2025 a ensuite été marquée par la publication de plusieurs textes réglementaires instaurant un nouveau régime de rémunération indemnitaire des membres du Conseil d'État et des magistrats administratifs, qui s'inscrit dans la continuité des réformes mises en place les années précédentes. Cette mesure était budgétée à hauteur de 8,8 millions d'euros dans la LFI 2025. Toutefois, la réforme étant intervenue au 14 juillet, sans rétroactivité, avec ainsi un coût pour 2025 d'environ 4,2 millions.

La mise en oeuvre de cette réforme en année pleine se traduira, dès 2026, par une enveloppe de 5 millions d'euros supplémentaires.

Source : commission des finances

B. POUR LA DEUXIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE, UN GEL DES EFFECTIFS EN CONTRADICTION AVEC L'IMPÉRATIF DE RÉDUCTION DES DÉLAIS DE JUGEMENT

1. Les juridictions administratives sont confrontées à une pression contentieuse croissante, mais sont toutefois parvenues à maîtriser les délais de jugement depuis la crise sanitaire

Les juridictions administratives font face à une progression constante des recours contentieux, l'année 2020 faisant figure d'exception en raison de la crise sanitaire, de sorte que le fonctionnement des juridictions administratives est aujourd'hui à flux tendu. Par suite, la hausse des moyens des juridictions administratives chaque année a permis d'absorber le traitement du flux de requêtes sans dégrader les délais de jugement.

a) Une progression des volumes contentieux s'inscrivant dans la durée

Les juridictions administratives ont connu une hausse des recours portés devant elles, mais aussi une diversification des contentieux. De 2000 à 2019, les entrées contentieuses en données nettes ont progressé de 105 % en première instance et de 116 % en appel. Sur la période 2017-2021, l'évolution moyenne annuelle du contentieux est de 5,2 % pour les tribunaux administratifs, et de 7 % si l'on exclut l'année 2020, caractérisée par un recul des entrées.

À partir de 2021, la baisse conjoncturelle des entrées liée à la crise sanitaire s'est progressivement résorbée. De 2020 à 2023, le nombre d'affaires enregistrées en cumulé devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel a augmenté de 15 %, passant de 250 766 à 288 915 affaires.

Le dynamisme des recours contentieux est de nouveau observable en 2024. Les juridictions administratives ont été saisies de 320 014 affaires, dont 9 528 pour le Conseil d'État, 31 522 pour les cours administratives d'appel et 278 964 pour les tribunaux administratifs. Elles ont rendu 295 432 décisions dont 9 763 pour le Conseil d'État, 31 025 pour les cours administratives d'appel et 254 644 pour les tribunaux administratifs.

Évolution des recours devant les tribunaux administratifs,
les cours administratives d'appel et le Conseil d'État entre 2019 et 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2017

(en nombre d'affaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial souhaite de nouveau alerter la commission sur la progression du niveau du stock des tribunaux administratifs et des cours administratives. Celui-ci a en effet augmenté de près de 30 % entre 2019 et 2024.

En ce qui concerne la CNDA, l'augmentation du nombre d'affaires entrantes s'inscrit elle aussi dans une tendance durable depuis 2008. La Cour a ainsi triplé sa capacité de jugement en 10 ans, période pendant laquelle les affaires entrantes ont crû de 115 %. En effet, la CNDA est confrontée, année après année, à une hausse soutenue du contentieux de l'asile : de 2009 à 2019, la progression du contentieux s'est élevée à près de 140 %. Après une année 2020 marquée par le confinement lié à la crise sanitaire et une évolution des entrées non significative (- 37 %), celles-ci ont continué de progresser jusqu'en en 2023 (+ 9,5 % par rapport à 2019). Toutefois, l'année 2024 marque un recul notable du nombre de saisines par rapport à l'année précédente (- 15,8 %).

Évolution du nombre d'affaires enregistrées par la CNDA

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

b) Une évolution des délais moyens de jugement variable selon les juridictions

Le délai moyen constaté de jugement des affaires constitue le principal indicateur de performance du programme. Pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, les délais moyens de jugement s'étaient dégradés en 2020 du fait de la crise sanitaire. Après s'être progressivement rapproché de leur niveau de 2019, les délais de jugement repartent à la hausse en ce qui concerne les tribunaux administratifs.

Délai moyen de jugement par niveau de juridiction
y compris procédures d'urgence

 

2019

2020

2021

2022

2023

2024

2025
(cible)

2026 (cible)

Tribunaux administratifs

9 mois et 4 jours

10 mois

9 mois et 16 jours

9 mois et 20 jours

9 mois et 20 jours

9 mois et 29 jours

9 mois

10 mois et 10 jours

Cours administratives d'appel

10 mois et 26 jours

1 an et 3 jours

11 mois et 15 jours

11 mois et 18 jours

11 mois et 16 jours

11 mois et 12 jours

11 mois

11 mois et 20 jours

Conseil d'État

7 mois et 20 jours

7 mois et 29 jours

7 mois et 8 jours

7 mois et 14 jours

7 mois et 8 jours

7 mois et 8 jours

9 mois

9 mois

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Il convient toutefois de relever les limites de cet indicateur. D'une part, la hausse des référés et des jugements d'affaires enserrées dans des délais contraints fait mécaniquement baisser les délais moyens.

De plus, il existe des disparités territoriales entre juridictions. Pour l'année 2024, le délai de jugement pour les affaires ordinaires devant le tribunal administratif de Nantes est de 1 an et 10 mois quand il est seulement de 10 mois et 5 jours devant le tribunal administratif de Dijon. Il en va de même pour les cours administratives d'appel : le délai de jugement pour les affaires ordinaires est de 1 an et 3 mois devant la cour administrative d'appel de Versailles, quand il est de 9 mois et 8 jours devant la cour administrative d'appel de Nantes.

Les prévisions sont plus délicates pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), et sont intrinsèquement liées aux capacités de traitement des demandes par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA), alors même que les délais moyens prévus par le projet annuel de performances sont ambitieux. La CNDA ne dispose d'aucun pouvoir d'autorégulation de son activité juridictionnelle, celle-ci étant la conséquence mécanique, d'une part, du nombre fluctuant de demandeurs d'asile qui se présentent en France selon les événements géopolitiques mondiaux, et, d'autre part, du rythme d'activité et du taux d'admission de l'OFPRA dont la CNDA est juge en premier et dernier ressort.

Le délai moyen constaté devant la CNDA pour les procédures ordinaires était de 5 mois et 23 jours en 2024, contre 6 mois et 23 jours en 2023. Malgré cette amélioration, il reste toujours au-dessus du délai cible de 5 mois. En ce qui concerne le délai de 5 semaines pour les procédures accélérées, le rapporteur spécial rappelle qu'il lui paraît difficilement tenable et peu réaliste puisqu'en 2024, le délai constaté pour ce type de procédures s'est élevé à 4 mois et 11 jours.

2. Une stabilisation des effectifs pour la deuxième année consécutive dans le cadre du nécessaire redressement des finances publiques
a) Un gel des effectifs qui entre en contradiction avec l'augmentation massive des recours devant les juridictions administratives

Comme l'année dernière, le PLF 2026 prévoit un schéma d'emplois neutre pour le programme 165, alors qu'il avait bénéficié de plusieurs hausses d'effectifs ces dernières années. En effet, entre 2020 et 2024, le schéma d'emplois du programme a été systématiquement fixé entre + 29 et + 41 ETP.

L'année 2026 confirme donc la mise à l'arrêt de la dynamique de renforcement des effectifs des juridictions administratives engagé l'année précédente.

Schéma d'emplois du programme 165 entre 2021 et 2026

(en ETP)

2021

2022

2023

2024

2025

2026

+ 29

+ 41

+ 41

+ 41

0

0

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Comme l'année dernière, le rapporteur spécial prend acte de la stabilisation des effectifs du programme, dans un contexte marqué par le nécessaire redressement des finances publiques de la France.

Il souhaite toutefois réitérer ses préoccupations face à l'augmentation de la pression contentieuse pesant sur les juridictions administratives, laquelle favorise le risque d'allongement des délais de jugement à court terme. Le Conseil d'État a en effet alerté le rapporteur spécial, lors de son audition, sur le nombre exceptionnel d'affaires enregistrées en 2025 (+ 40 000 environ par rapport au même stade de l'année 2024), ce qui laisse présager une augmentation importante des délais de jugement dès 2026, faute de moyens humains supplémentaires.

b) La stabilisation des moyens du tribunal du Stationnement payant malgré une situation d'engorgement préoccupante

Le rapporteur spécial souhaite également de nouveau attirer l'attention de la commission sur le sous-dimensionnement des effectifs du tribunal du stationnement payant (TSP). Cette juridiction spécialisée, dont la gestion a été transféré au programme 165 depuis 2024, a vu son activité presque tripler entre sa création en 2018 et 2024, mais ses effectifs n'ont pas augmenté en conséquence sur cette période.

Évolution des recours devant le TSP entre 2021 et 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Cette dynamique est amenée à se poursuivre. D'après le Conseil d'État, le TSP « devra vraisemblablement connaître dans les années à venir, à moyens constants, une augmentation de son stock ou, à tout le moins, la stabilisation de ce dernier à un niveau élevé4(*) ». En effet, « la progression très dynamique des recours enregistrés par le TSP, résultant de la généralisation des dispositifs de contrôle automatique de plaques d'immatriculation de type LAPI5(*) et de l'extension des zones soumises au stationnement payant, doit conduire à retenir une hypothèse d'augmentation des stocks similaire à celle constatée depuis 2020, de l'ordre de 18 % par an. »

C. L'ANNÉE 2026 MARQUERA LA FIN DU PROJET DE RELOGEMENT DU SIÈGE DE LA CNDA

L'action 07 « Cour nationale du droit d'asile » finance les dépenses de titre 2 de cette juridiction. Elles s'élèvent pour 2026 à 52,1 millions d'euros et sont stables par rapport à 2025 (+0,5 %). L'accroissement considérable du contentieux de l'asile a par le passé entraîné une augmentation régulière du plafond d'emplois du programme 165 afin de faire face au nombre de requêtes déposées devant la CNDA. Celle-ci a bénéficié de 90 % des créations d'emplois du programme 165 entre 2015 et 2020. Toutefois, aucune création d'emploi de magistrats ou d'agents n'a été accordée depuis 2021 à la CNDA, et ce sera de nouveau le cas en 2026.

S'agissant des dépenses de fonctionnement, qui sont imputées à l'action 06 Soutien, les moyens alloués à la Cour sont fixés dans le cadre de la gestion interne au Conseil d'État, et ne sont pas précisément détaillés dans les documents budgétaires. Cette situation est regrettable, compte tenu du poids que représente les dépenses de la CNDA dans les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État »6(*).

D'après les informations transmises par la CNDA au questionnaire du rapporteur spécial, les crédits de fonctionnement affectés à la Cour devraient s'élever à 20,4 millions d'euros en 2026. Comme l'a souligné le rapporteur spécial dans son rapport sur la CNDA présenté à la commission des finances le 15 mai 2024, il serait souhaitable « de détailler toutes les dépenses allouées à la CNDA dans le projet annuel de performances du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » »7(*), et d'envisager à terme la création d'une action spécifique.

Par ailleurs, aucun crédit de titre 5 n'est affecté à la CNDA, mais celle-ci bénéficie tout de même des prestations des services centraux du Conseil d'État (direction de l'équipement, informatique, paiement des indemnités des collaborateurs, frais de déplacement et formation professionnelle). Le rapporteur spécial relève que l'année 2026 marquera l'engagement des derniers CP consacrés au projet de relocalisation du siège de la CNDA à Montreuil, pour un montant de 10 millions d'euros (contre 38,7 millions d'euros en 2025). Il convient de saluer la concrétisation de ce projet, dont le coût final est estimé à 129,8 millions d'euros, et qui devrait générer une économie de loyer d'environ 8,3 millions d'euros par an. D'après les informations transmises par la CNDA au rapporteur spécial, le déménagement des juridictions dans leurs nouveaux locaux est prévu en juillet ou août 2026.

II. LE PROGRAMME 126 : UNE STABILISATION DES MOYENS DU CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL

Les crédits demandés pour le CESE en 2026 s'élèvent à 34,1 millions d'euros demandés en AE et en CP et sont stables par rapport à la LFI 2025 (- 0,8 %).

Évolution des crédits par action du programme 126

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2025

PLF 2026

Évolution PLF 2025 / LFI 2026 (%)

04 - Travaux consultatifs

AE

17,1

12,4

- 27,4 %

CP

17,1

12,4

- 27,4 %

05 - Fonctions supports à l'institution

AE

17,3

21,7

+ 25,4 %

CP

17,3

21,7

+ 25,4 %

Total programme 126

AE

34,4

34,1

- 0,8 %

CP

34,4

34,1

- 0,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses de personnel du programme 126 s'élèvent à 27,8 millions d'euros en 2026, et sont également stables. Elles représentent presque 80 % du budget total alloué au CESE et comprennent, d'une part, les rémunérations des membres (8,4 millions d'euros), et d'autre part, les rémunérations des personnels (15,5 millions d'euros). Le plafond d'emplois du CESE a été ramené à 154 ETPT cette année (- 1 ETP par rapport à la LFI 2025). Le rapporteur spécial a, à plusieurs reprises, alerté la commission des finances sur la sous-exécution du plafond d'emplois. Après cinq années consécutives de sous-exécution, celui-ci devrait toutefois être exécuté en 2025 à un niveau très proche de la prévision.

Consommation du plafond d'emplois depuis 2019

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Les dépenses de fonctionnement sont quant à elles en baisse de 5,8 % et s'élèvent à 6,7 millions d'euros. Le rapporteur spécial regrette que les informations contenues dans les documents budgétaires ne permettent pas d'identifier avec précision les différents postes de dépenses du programme sur lesquels porteront cette diminution des crédits.

Il convient enfin de relever que le programme 126 ne contient aucune dépense de titre 5, dans la mesure où la totalité des investissements du CESE est financée sur ses ressources propres.

A. LE FINANCEMENT DES RETRAITES DES MEMBRES DU CESE EST SOURCE DE PRÉOCCUPATION

Le rapporteur spécial a plusieurs fois attiré l'attention de la commission des finances sur l'équilibre financier délicat de la caisse des retraites des anciens membres du CESE, dans un contexte de baisse de ses ressources.

En effet, la suppression du régime spécial de retraite des conseillers du CESE par la loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de sécurité sociale (LFRSS) a eu un impact négatif sur les cotisations des membres au régime de retraite du CESE puisque les nouveaux membres qui ont été désignés à compter du 1er septembre 2023 relèvent désormais du régime général pour la retraite de base et à l'Ircantec pour la retraite complémentaire, auxquels ils cotisent au détriment du régime spécial. La fin de mandature de l'année 2026 impliquera par ailleurs un renouvellement des membres du CESE, et se traduira mécaniquement par une baisse drastique des ressources. À terme, cette réforme aura également pour conséquence une baisse progressive des dépenses, puisque seuls les membres ayant cotisé au régime spécial avant le 31 août 2023 pourront bénéficier d'une pension versée par ce régime en extinction. Cet impact est cependant lointain et dépend de la date à laquelle ces membres feront valoir leurs droits à retraite.

Ainsi, selon les estimations du CESE, le déficit du régime pourrait s'établir à - 6,3 millions à horizon 2040 et représenterait un cumul de 141,2 millions d'euros sur la période 2024-2040.

La réforme du mécanisme d'équilibrage du régime de retraite du CESE par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024

Jusque 2024, le régime spécial des anciens membres du CESE bénéficiait d'une dotation d'équilibre de l'Etat, retracé dans le programme 126. À partir de 2025 les régimes fermés sont intégrés progressivement au régime général, qui se substitue ainsi à l'Etat pour garantir l'équilibre du financement des retraites du CESE. L'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a déterminé le schéma de financement des régimes spéciaux fermés, applicable au 1er janvier 2025, qui fonctionne de la manière suivante :

- par priorité, le financement repose sur l'affectation des cotisations et contributions sociales. Tant que ces ressources sont suffisantes pour assurer ce financement, aucun mécanisme de solidarité n'est nécessaire ;

- à défaut de recettes propres suffisantes pour couvrir leurs dépenses, le financement de ces régimes repose sur la mobilisation des réserves constituées le cas échéant par ces régimes ;

- à défaut de fonds propres suffisants pour couvrir les dépenses, les régimes intégrés bénéficient d'une dotation d'équilibre de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV).

Compte tenu de la situation structurellement déficitaire de la caisse de retraite des membres du régime spécial du CESE, une convention tripartite entre le CESE, la CNAV et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a été signée le 23 décembre 2024 pour définir les modalités de versement de la dotation d'équilibre. Les fonds de réserve du CESE seront épuisés avant la fin de 2025 et la dotation d'équilibre de la CNAV sera donc mobilisée dès cette même année, à hauteur d'1,8 million d'euros.

Source : réponses du CESE au questionnaire budgétaire

Par ailleurs, le CESE a alerté le rapporteur spécial sur le fait que la programmation budgétaire 2026 ne prendrait pas en compte le financement des cotisations retraite des nouveaux membres au régime général. Il estime en effet que l'affiliation progressive des membres du Conseil au régime général, au fur et à mesure de leur renouvellement, devrait en effet générer un coût supplémentaire estimé à 326 000 euros en 2026 - non prévus dans le PLF - et à 500 000 euros en année pleine, au titre de la contribution du programme au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

B. UN DÉFAUT DE VISIBILITÉ SUR LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA PARTICIPATION CITOYENNE

Depuis la réforme du CESE par la loi organique du 15 janvier 2021, le il dispose d'une enveloppe dédiée à la participation citoyenne, qu'il gère aujourd'hui directement8(*). En 2025, la consommation effective des crédits consacrée à la participation devrait s'élever à 4,5 millions d'euros environ, contre 1,3 millions en 2024. L'augmentation des dépenses consacrées à ce dispositif s'explique en grande partie par l'organisation en 2025 de la Convention citoyenne sur les temps de l'enfant.

Comme l'a déjà déploré le rapporteur par le passé, les informations contenues dans le projet annuel de performances (PAP) sur la ventilation des crédits de fonctionnement entre les différents postes de dépenses du programme sont trop lacunaires pour retracer les montants consacrés à la participation citoyenne au moment de la programmation. Le PAP, très succinct, se contente de renseigner le montant alloué pour chacune des deux seules actions du programme (04 Travaux consultatifs et 05 Fonctions supports à l'institution). La justification des crédits par action prend la forme de quelques tableaux et n'est accompagnée d'aucun commentaire ni d'aucune explication.

Par ailleurs, corollaire de l'absence d'information quant au montant de l'enveloppe accordée pour la participation citoyenne, il est impossible de savoir sur quelle action sont imputés les crédits pour la participation citoyenne.

Dans ce contexte, le rapporteur spécial a recommandé la création d'une action spécifique pour la participation citoyenne, ou, a minima, d'isoler les crédits de l'enveloppe budgétaire allouée à la participation citoyenne. Les justifications au premier euro devraient inclure plus d'explications quant à cette enveloppe budgétaire dédiée à cette activité si particulière9(*).

III. LE PROGRAMME 164 : « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES » : UNE HAUSSE NON NÉGLIGEABLE DU BUDGET

Le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » retrace les crédits de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) - 13 en métropole et 10 en outre-mer - mais aussi le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteur et des droits voisins, et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dont les crédits ont été intégrés au programme 164 depuis la LFI pour 2023.

Évolution des crédits par action du programme 164

(en millions d'euros et en %)

   

LFI 2025

PLF 2026

Évolution PLF 2026 / LFI 2025 (%)

FDC et ADP attendus en 2026

21 - Examen des comptes publics

AE

53,3

54

+ 1,3 %

3,85

CP

53,3

54

+ 1,3 %

3,85

22 - Contrôle des finances publiques

AE

20,1

20,7

+ 2,9 %

0,0

CP

20,1

20,7

+ 2,9 %

0,0

23 - Contrôle des gestions publiques

AE

74,3

77

+ 3,6 %

0,0

CP

74,3

77

+ 3,6 %

0,0

24 - Évaluation des politiques publiques

AE

42,4

42,4

+ 2 %

0,0

CP

43,3

43,3

+ 2 %

0,0

25 - Information des citoyens

AE

9,1

9,2

+ 1,8 %

0,0

CP

9,1

9,2

+ 1,8 %

0,0

26 - Mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires publics

AE

6,1

6,2

+ 2 %

0,0

CP

6,1

6,2

+ 2 %

0,0

27 - Pilotage et soutien des juridictions financières

AE

56,9

52,7

- 7,5 %

0,05

CP

52,2

55,3

+ 6 %

0,05

28 - Gouvernance des finances publiques

AE

1,5

1,45

- 3 %

0

CP

1,5

1,45

- 3 %

0

Total programme 164

AE

263,7

264,5

+ 0,3 %

3,9

CP

259

267,2

+ 3,2 %

3,9

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits demandés pour 2026 s'élèvent à 267,2 millions d'euros en CP, dont 242,2 millions d'euros de dépenses de personnel. Les crédits affectés à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières augmentent de 3,2 % par rapport à 2025.

Évolution des crédits de paiement du programme 164 par titre

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE PROGRESSION DES CRÉDITS UNIQUEMENT PORTÉE PAR LES DÉPENSES DE PERSONNEL

Les dépenses de titre 2 du programme 164 sont en augmentation de de près de 8,2 millions d'euros pour 2026, soit une hausse de 3,5 % par rapport à 2025. Elles représentent 90 % des crédits du programme, soit 1 804 ETPT. La hausse des dépenses de personnel s'explique notamment par :

- le rebasage de dépenses correspondant aux rémunérations d'agents mis à disposition à l'extérieur des juridictions financières (+ 4,3 millions d'euros) ;

- le financement en année pleine de la réforme indemnitaire des magistrats financiers (+ 2,5 millions d'euros) ;

- le GVT positif (+ 2,3 millions d'euros).

B. UN MAINTIEN DES CRÉDITS HORS TITRE 2 QUI TRADUIT DES EFFORTS DE RATIONNALISATION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT

Hors titre 2, les dépenses sont, au niveau agrégé, stabilisées à hauteur d'environ 25 millions d'euros, après deux années consécutives de baisse (- 9,1 % en LFI 2025 et -2,5 % en LFI 2024) 10(*). Ces crédits permettent de financer10(*) :

-  des dépenses dites courantes (immobilier, logistique, informatique, déplacements, formations, documentation) ;

- des projets structurants sur le périmètre de l'immobilier (rénovation du patrimoine, mise aux normes thermiques, travaux de sobriété énergétique) ;

- et des projets numériques (digitalisation des pratiques, outils de facilitation des contrôles, notamment).

Une grande partie des dépenses hors titre 2 de la Cour des comptes et des juridictions financières sont des dépenses contraintes au titre du fonctionnement courant des juridictions financières et apparaissent quasiment incompressibles.

Comme l'a souligné le rapporteur spécial dans son rapport sur le PLF 2025, des efforts sont menés par la Cour pour maitriser leurs dépenses de fonctionnement, grâce notamment à des initiatives visant à optimiser les procédures d'achat, à limiter les dépenses énergétiques, ou à renégocier systématiquement les baux externes lorsque ceux-ci arrivent à échéance. Cela a notamment permis à la Cour des comptes ce qui a notamment permis

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 28 octobre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Christian Bilhac, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». - La mission « Conseil et contrôle de l'État » rassemble les crédits des juridictions administratives et financières ainsi que ceux du Conseil économique, social et environnemental (Cese). Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une baisse de 2,6 % des crédits de paiement (CP) de la mission, qui atteindraient 869,3 millions d'euros. En tenant compte de la cible d'inflation de 1,3 % annoncée par le Gouvernement, cette baisse est encore plus conséquente et s'élève à 3,3 %.

La mission est donc particulièrement mise à contribution, dans le PLF pour 2026, pour le redressement des finances publiques.

Je commencerai par évoquer rapidement les crédits affectés à la Cour des comptes et aux juridictions financières, qui connaissent une augmentation de 3,5 % des CP. Cette hausse est entièrement due à l'augmentation des dépenses de personnel, qui concentrent près de 90 % des crédits du programme, et qui s'explique notamment par l'extension en année pleine de la réforme du régime indemnitaire des magistrats financiers. Je précise que cette dernière visait à aligner les rémunérations des personnels de la Cour des comptes avec celles qui sont pratiquées dans les ministères, mouvement qui s'est étalé sur deux années et qui s'achève avec le budget pour 2026.

Les dépenses hors titre 2 de la Cour des comptes et des juridictions financières sont stables, après deux années consécutives de baisse. Je me félicite de cette trajectoire, qui illustre les efforts menés par la Cour pour maîtriser ses dépenses de fonctionnement, notamment en optimisant ses procédures d'achat et en réduisant ses dépenses énergétiques.

J'en viens maintenant au budget du Cese, qui s'élève à 34,1 millions d'euros, à un niveau relativement stable par rapport à 2025.

Vous connaissez mes réserves sur les crédits consacrés à la participation citoyenne. Je n'y reviendrai pas cette année, mais je regrette que, d'un PLF à l'autre, la documentation budgétaire ne permette toujours pas d'identifier avec précision le montant de ces crédits.

Je souhaiterais toutefois conclure mon propos sur le Cese par un motif de satisfaction : pour la première fois depuis 2020, le plafond d'emplois de l'année 2025 devrait être exécuté conformément à la prévision, après plusieurs années de sous-exécution chronique.

Je voudrais enfin m'attarder sur les crédits du Conseil d'État et des juridictions administratives, qui sont regroupés au sein du programme 165. Après une année 2025 marquée par une relative stabilisation des crédits, le PLF pour 2026 prévoit une baisse substantielle de plus de 5 % des CP.

Cette baisse s'explique essentiellement par le rythme de décaissement des crédits d'investissements. L'année 2025 a en effet été exceptionnelle, car marquée par l'engagement de nombreuses dépenses liées la réalisation de plusieurs projets d'investissement majeurs : je pense notamment aux travaux de relogement du tribunal administratif et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui seront regroupés dans le même bâtiment à Montreuil. C'est ce qui explique la baisse de crédits d'investissement du programme de l'ordre de 56,7 %, la mise en service dudit bâtiment étant prévue pour septembre 2026.

Les dépenses de fonctionnement du programme 165 sont quant à elles maîtrisées, puisqu'elles sont en baisse de près de 1 % dans le PLF. La généralisation des téléprocédures a notamment permis de réaliser des économies substantielles en matière de frais postaux. Ces économies se sont progressivement concrétisées tout au long du déploiement de l'application Télérecours depuis 2014, et devraient atteindre près de 6 millions d'euros en 2026.

Je souhaiterais maintenant revenir sur les effectifs des juridictions administratives, sur lesquels je m'étais longuement attardé lors du dernier PLF. J'avais alerté notre commission, l'année dernière, sur les risques d'allongement des délais de jugement qu'impliquait le gel des effectifs décidé par le Gouvernement. La situation budgétaire ne s'étant malheureusement pas améliorée depuis, il est donc proposé de prolonger ce gel dans le PLF pour 2026.

Je souhaite donc réitérer mes inquiétudes devant notre commission. L'engagement sans faille des magistrats et greffiers des juridictions administratives, et il faut bien le dire, les hausses d'effectifs accordées entre 2021 et 2024, ont permis une relative amélioration des délais de jugement depuis la crise sanitaire.

Toutefois, le nombre de recours déposés devant les juridictions administratives explose depuis trois ans, et le stock d'affaires en cours de traitement a connu une augmentation impressionnante de près de 30 % depuis 2019. L'année 2025 devrait par ailleurs constituer une année record en termes de nombre de requêtes enregistrées, avec une augmentation d'environ 40 000 affaires par rapport à 2024, au même stade de l'année.

Les représentants du Conseil d'État m'ont fait part de leur pessimisme quant à la capacité de leurs services à absorber un tel flux à moyens constants. Il y a fort à parier, dans ce contexte, que l'année 2026 sera marquée par une hausse conséquente des délais de jugement, faute de moyens humains suffisants pour le programme 165.

J'attire plus particulièrement votre attention sur la situation préoccupante du tribunal du stationnement payant (TSP). Les effectifs de cette juridiction spécialisée sont structurellement insuffisants. Son activité a presque triplé entre sa création en 2018 et 2024, alors même que le TSP n'a pas vu ses effectifs augmenter sur cette période.

Cette situation est d'autant plus problématique que le flux de nouvelles affaires entrantes devant le TSP n'est pas près de se tarir. En effet, le recours aux lecteurs automatiques de plaques d'immatriculation (Lapi) et l'extension des zones soumises au stationnement payant conduisent le Conseil d'État à anticiper une augmentation annuelle du contentieux du stationnement payant d'environ 18 % dans les prochaines années.

Face à la hausse de la pression contentieuse, les juridictions administratives ont cherché des solutions pour accélérer les procédures. Je pense, par exemple, au recours à l'intelligence artificielle (IA), qui devrait faciliter le traitement des dossiers, mais le contexte budgétaire difficile conduit mécaniquement à limiter les investissements dans ce domaine. Une modeste enveloppe d'environ 300 000 euros est prévue dans le PLF à ce titre.

Je pense également à l'extension de la procédure du juge unique pour certains contentieux moins complexes, même si je suis à titre personnel, très réservé sur ce type de procédure, car je suis profondément attaché au principe de collégialité qui permet de garantir une justice de qualité.

Les solutions que je viens d'évoquer ne sont que des pis-aller et ne dispenseront pas le législateur de mener, à l'avenir, une réflexion approfondie sur les moyens à allouer aux juridictions administratives.

À titre personnel, je reste convaincu que le redressement de nos finances publiques ne doit pas être mené au détriment de nos institutions régaliennes, qui constituent le ciment du pacte républicain.

Toutefois, malgré ces réserves, je vous proposerai, dans un esprit de responsabilité, d'adopter les crédits de la mission.

De plus, je tiens à rappeler que la CNDA a réussi à décentraliser la gestion du droit d'asile sur l'ensemble du territoire en utilisant les locaux existants dans les cours d'appel, quasiment sans crédits supplémentaires : un réel effort a été accompli et mérite d'être souligné.

J'aurais préféré que davantage de moyens soient alloués à cette mission afin d'éviter un allongement des délais de jugement - les maires signalent de nombreuses affaires pendantes, avec des délais qui s'éternisent -, mais nous devons dans le même temps tenir compte du contexte budgétaire.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Quels sont les effectifs du TSP ? Une réflexion a-t-elle été engagée afin de limiter le nombre de recours en amont ?

Mme Isabelle Briquet. - Je remercie le rapporteur pour son travail de synthèse. Des éléments positifs sont à relever, dont la consolidation de la réforme du régime indemnitaire des magistrats, ainsi que la poursuite de la modernisation numérique des juridictions administratives.

En revanche, la diminution globale du budget pourrait fragiliser les capacités d'action face à la hausse du contentieux administratif. Comme l'a souligné le rapporteur, les délais de jugement tendent à nouveau à s'allonger après une phase de diminution. Ce point m'inquiète, la justice administrative ayant de réels besoins.

Pour ce qui est du TSP, je rejoins la préoccupation du rapporteur général : ne serait-il pas envisageable de mettre en place une procédure simplifiée pour les infractions les plus légères ?

M. Michel Canévet. - L'augmentation des crédits est assez significative pour la Cour des comptes et les autres juridictions financières. Ne pourrions-nous pas modérer cette hausse ?

À l'instar d'Isabelle Briquet, je suis préoccupé par la hausse du contentieux administratif, mais je préconise une autre solution que la sienne : selon moi, il faudrait pouvoir limiter la capacité à engager des procédures contentieuses devant les juridictions administratives. Il fallait ainsi autrefois payer un droit pour déposer une requête devant le tribunal administratif. Ne faudrait-il pas le réinstituer, de façon à favoriser une prise de conscience ?

Nous constatons dans les territoires que la plupart des recours visent à bloquer des projets, notamment de logements, avec des effets particulièrement délétères sur le plan économique. J'ai pu observer ce phénomène dans plusieurs endroits du Finistère, avec des recours parfois sans fondement sérieux. Il est donc temps de prendre des mesures. Avez-vous quelques idées plus précises sur le sujet ?

Mme Christine Lavarde. - Il serait intéressant de connaître le coût de la gestion du stationnement payant, dans la mesure où les intéressés déposent un recours gracieux devant la collectivité concernée avant de se pourvoir devant le tribunal, ce qui nécessite, pour ladite collectivité, d'allouer des moyens informatiques et du personnel dédié à l'instruction de ces dossiers.

Notons que les cas de méconnaissance de la loi sont assez courants : qui sait, par exemple, qu'il faut apposer l'original de la carte mobilité inclusion (CMI) - et non une photocopie - sur le pare-brise du véhicule, du côté du conducteur et non pas du passager ? Il est donc possible d'être verbalisé pour ces cas de figure, qui nécessitent malgré tout une instruction. Il me semblerait donc intéressant de disposer d'une évaluation du coût de la réforme, à l'échelon des collectivités comme à l'échelon de l'État.

M. Claude Raynal, président. - Les tribunaux administratifs sont surchargés, la moitié du contentieux - voire davantage - étant lié au droit des étrangers. Il faudrait trouver une manière d'alléger la charge des juridictions, confrontées par exemple à l'utilisation d'un même justificatif par différentes personnes : avez-vous des suggestions à ce sujet ?

Par ailleurs, les tribunaux administratifs sont connus pour la qualité de leurs décisions, car les juges et les conseillers consacrent beaucoup de temps à étudier les dossiers. Cependant, ces derniers relèvent parfois de cas fréquemment rencontrés et déjà traités par la jurisprudence : ne faudrait-il pas envisager la mise en place d'un processus de traitement décisionnel plus rapide, voire « industriel », en précisant que la possibilité de faire appel restera ouverte en cas d'erreur manifeste ? Là aussi, le recours à l'IA pourrait sans doute être utile.

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - La gestion du stationnement payant mobilise 143 équivalents temps plein (ETP), un chiffre stable depuis plusieurs années. Par le passé, la recevabilité des requêtes devant le TSP était conditionnée au paiement de la contravention, mais le Conseil constitutionnel a estimé, dans une décision du 9 décembre 2020 que cette procédure était contraire au droit au recours juridictionnel effectif garanti par la Constitution.

Face à l'afflux de dossiers, le recours à l'IA a débuté, mais de manière insuffisante. Cette année, 360 000 euros sont alloués à la modernisation de l'outil informatique, ce qui est fort peu.

Les crédits alloués au TSP s'élèvent à 9,3 millions d'euros, et j'ai prévu de faire un contrôle sur cette juridiction, afin d'identifier des pistes d'amélioration.

Pour ce qui est de la Cour des comptes, la revalorisation des rémunérations des personnels explique la hausse, en précisant que cette juridiction avait fourni des efforts sur ses dépenses de fonctionnement en 2024 et en 2025.

M. Michel Canévet. - Elle doit montrer l'exemple !

M. Christian Bilhac, rapporteur spécial. - En l'espèce, la revalorisation des rémunérations de la Cour et des juridictions financières résulte en partie d'une décision gouvernementale, puisqu'elle s'inscrit dans la suite logique de la réforme de la haute fonction publique. Il s'agit d'une mesure d'alignement des salaires des magistrats de la Cour des comptes et des juridictions financières avec ceux des administrateurs de l'État, dont l'extension en année pleine impliquera en 2026 une hausse de crédits de 2,5 millions d'euros.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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Réunie à nouveau le 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Conseil d'État et Cour nationale du droit d'asile

- M. Thierry-Xavier GIRARDOT, secrétaire général ;

- Mme Cécile NISSEN, secrétaire générale adjointe ;

- M. Jean TATO OVIEDO, directeur de la prospective et des finances ;

- M. Thomas ANDRIEU, président de la Cour nationale du droit d'asile ;

- Mme Anne-Laure DELAMARRE, secrétaire générale de la Cour nationale du droit d'asile.

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- Contribution écrite -

- Cour des comptes

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html


* 1 Lecture automatique de plaque d'immatriculation.

* 2 Sur ce point, le lecteur pourra se référer aux développements du rapport général n° 144 (2024-2025), tome III, annexe 7, déposé le 21 novembre 2024.

* 3 Il s'agit du coût de la mesure en année pleine sur l'exercice 2022 et qui concerne 1 270 magistrats.

* 4 Réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.

* 5 Lecture automatique de plaque d'immatriculation.

* 6 Rapport d'information n° 604 (2023-2024) du 15 mai 2024, déposé au nom de la commission des finances par M. Christian Bilhac.

* 7 Recommandation n° 8 du rapport d'information n° 604 (2023-2024) du 15 mai 2024, déposé au nom de la commission des finances par M. Christian Bilhac.

* 8 Jusqu'en 2023, les crédits devaient être débloqués par le Gouvernement.

* 9 Recommandation n° 8 du rapport d'information n° 791 (2022-2023), déposé le 28 juin 2023.

* 10 D'après le pojet annuel de performance (PAP) de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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