II. LE PROJET D'ACCORD ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DU MONTÉNÉGRO RELATIF À LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA DÉFENSE

A. LA GENÈSE DE L'ACCORD

Les Balkans occidentaux constituent une zone d'importance stratégique pour la stabilité européenne, la sécurité méditerranéenne et la lutte contre les influences extérieures, notamment russe et chinoise. La France, soucieuse de renforcer son ancrage dans cette région, cherche à y consolider des partenariats de défense avec les états membres de l'OTAN et candidats à l'Union européenne, dont le Monténégro.

Depuis 2014, la France et le Monténégro étaient liés par un arrangement technique centré sur la formation militaire. Cependant, ce dispositif était limité et ne couvrait ni la coopération navale ni les enjeux émergents comme la cybersécurité. L'accord signé en 2024 vient donc élargir ce cadre, officialisant une coopération de défense globale et équilibrée.

Membre de l'OTAN depuis le 5 juin 2017 et pays candidat à l'Union européenne depuis 2008, le Monténégro est un partenaire clé pour la stabilité régionale. Cet accord s'inscrit dans la stratégie française d'appui à la montée en puissance des capacités balkaniques compatibles avec les standards OTAN. Il respecte pleinement le SOFA OTAN et les principes de la défense collective.

L'accord a été signé le 3 avril 2024 par Sébastien Lecornu, ministre des Armées, et son homologue monténégrin, Dragan Krapovic, à l'occasion de la visite de ce dernier à Paris.

B. LES ENJEUX DE L'ACCORD

Cet accord s'inscrit dans le contexte géopolitique déjà présenté plus haut. La France, par ce texte, réaffirme sa volonté de renforcer la sécurité européenne et sa présence diplomatique et miliaires dans cette zone charnière.

Pour la France, il s'agit d'un instrument de rayonnement et d'influence, permettant de renforcer la coopération technique et la formation et d'ouvrir éventuellement des perspectives d'exportations pour la BITD française.

Pour le Monténégro, l'accord représente une opportunité majeure de modernisation de ses forces armées, d'accès à la formation française et d'intégration accrue aux standards euro-atlantiques.

C. LE CONTENU DE L'ACCORD

Le texte comporte un court préambule et quatorze articles, dont la rédaction répond aux standards français de référence. 

Le préambule se réfère notamment à l'Accord sur l'échange et la protection réciproque d'informations classifiées entre la France et le Monténégro, signé le 21 décembre 2017, ainsi qu'à la Lettre d'intention des ministres de la défense des deux parties sur le développement de la coopération en matière de défense, signée le 29 mars 2017. Il rappelle les principes de « respect total du droit à la souveraineté, de l'intégrité territoriale et des principes d'égalité, de non-ingérence dans les affaires internes et d'intérêt mutuel ».

L'article 1er donne une définition des notions de « Forces armées », de « Membre du personnel », de « Personne à charge », de « Partie d'origine » et de « Partie d'accueil », dans des termes conformes à ceux figurant habituellement dans de tels accords.

L'article 2 énonce l'objet du partenariat entre les deux Parties, à savoir le développement de la coopération de défense et définit les autorités compétentes pour la mise en oeuvre dudit accord : pour le Monténégro, il s'agit du ministre de la défense ; pour la France, celui des armées. Il crée un cadre de coopération souple sans imposer d'obligations automatiques. Les futures actions nécessiteront donc des accords d'application.

L'article 3 précise l'étendue de la coopération ; le 1. est consacré aux domaines de cette coopération à travers une liste non exhaustive, citant la politique de défense, l'organisation et le fonctionnement des forces armées, l'armement et l'acquisition d'équipement des forces armées, les opérations de maintien de la paix, humanitaires et d'entraînement, la formation, les activités de topographie et de cartographie militaire ainsi que la réglementation dans le domaine de l'accord.

Le 2. précise que les Parties peuvent s'entendre sur tout autre domaine qu'elles estimeraient nécessaire pour améliorer la coopération militaire.

L'article 4 établit les formes que peut prendre la coopération, à travers une liste non exhaustive : des échanges d'expérience et visites, des exercices militaires et des manoeuvres pour les observateurs, des formations militaires ou des échanges d'officiers experts techniques ainsi que toute autre activité de coopération en fonction des intérêts communs des Parties.

L'article 5 prévoit l'organisation d'entretiens bilatéraux. Ce mécanisme institutionnalise le dialogue stratégique et permet de suivre les progrès de la coopération.

L'article 6 traite de l'exclusion de toute utilisation des forces étrangères pour des opérations de sécurité intérieure. Il garantit que la coopération reste technique, formatrice et non-combattante.

L'article 7 prévoit une clause financière standard selon laquelle chaque partie supporte les frais liés à sa propre participation aux activités de coopération, sauf accord contraire.

L'article 8 encadre la prise en charge médicale en déplacement. Il prévoit l'assistance mutuelle sans transfert automatique de responsabilité.

L'article 9, plutôt que de recréer un régime de protection, renvoie à un instrument existant, déjà en vigueur entre les deux États, à savoir l'accord bilatéral du 21 décembre 2017 sur la protection réciproque des informations classifiées.

L'article 10 confère au personnel militaire un statut juridique personnel régi par la Convention entre les États parties au Traité de l'Atlantique Nord sur le statut de leurs forces, dits SOFA OTAN.

L'article 11 prévoit une clause humanitaire et logistique en cas de décès sur le territoire de la Partie d'accueil. Elle fixe ainsi les procédures pour éviter les conflits de compétence.

L'article 12 établit un régime de responsabilité qui ne renvoie pas directement à celui de l'OTAN mais qui s'en inspire. Il prévoit ici un partage à parts égales si la faute ne peut être déterminée.

L'article 13 est consacré à la résolution des litiges par voie diplomatique. Aucune procédure d'arbitrage ou juridictionnelle n'est prévue, la résolution ne repose que sur la concertation diplomatique.

Les « dispositions finales » énoncées à l'article 14 prévoient la procédure d'entrée en vigueur de ce présent accord et remplace définitivement l'arrangement technique antérieur du 9 mai 2014, beaucoup plus limité.

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L'enjeu de l'accord faisant l'objet du présent rapport est essentiellement d'approfondir la relation bilatérale avec le Monténégro née en 2014. Il établit un cadre juridique complet, souple et équilibré, destinée à encadrer la coopération militaire, la formation, la maintenance, la cybersécurité et les échanges d'expertises entre les deux pays. Il traduit une convergence de vues sur la sécurité européenne et confirme la place du Monténégro comme partenaire fiable et engagé au de sein de la communauté euro-atlantique.

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