N° 201

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 décembre 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication
et du sport (1) sur la proposition de loi visant à
protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux,

Par Mme Catherine MORIN-DESAILLY,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Jérémy Bacchi, Max Brisson, Mme Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Laure Darcos, MM. Bernard Fialaire, Jacques Grosperrin, Mmes Monique de Marco, Marie-Pierre Monier, M. Michel Savin, vice-présidents ; Mmes Colombe Brossel, Else Joseph, M. Pierre-Antoine Levi, Mme Anne Ventalon, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Nathalie Delattre, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Paulette Matray, Catherine Morin-Desailly, M. Georges Naturel, Mme Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, François Patriat, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Sénat :

744 (2024-2025) et 202 (2025-2026)

ESSENTIEL

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté, le 10 décembre 2025, son texte sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux.

Les écrans et les appareils connectés font désormais partie du quotidien. Toutefois, l'exposition abusive et souvent non raisonnée des enfants aux écrans et aux contenus inappropriés entraîne des effets délétères sur leur développement, leurs apprentissages et leur santé. La résolution européenne adoptée par le Sénat le 8 août 2025 à l'initiative de l'auteure de la présente proposition de loi appelait l'Union européenne à mieux protéger les mineurs dans l'espace numérique, évoquant notamment la nécessité de définir un âge minimal d'accès aux réseaux sociaux. Cette proposition de loi, déposée le même jour que la résolution dans une approche se voulant systémique de cette problématique vise à :

 former l'ensemble des professionnels de la petite enfance et des personnels de l'éducation nationale sur les conséquences d'une telle exposition ;

 diffuser des messages de prévention sur les emballages de tous les appareils connectés et dans les publicités les concernant ;

 réglementer l'usage de ces appareils dans les établissements de la petite enfance ;

 définir avec l'ensemble des acteurs la vie de l'établissement à l'heure du numérique via les projets d'école et d'établissement à partir desquels sera élaboré le règlement intérieur qui encadre les conditions d'utilisation des appareils connectés. Ils devront également prévoir des actions de prévention et de sensibilisation, ainsi qu'une réflexion sur les alternatives attractives pour le bien-être de l'enfant ;

 construire une stratégie commune rassemblant l'ensemble des acteurs intervenant sur tous les temps de l'enfant, y compris le périscolaire ;

 instaurer une grande campagne de prévention et de sensibilisation aux risques de cette exposition (temps d'écran et méfaits des réseaux sociaux), réalisée conjointement par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ainsi que les ministères chargés de l'éducation, de la santé et du numérique.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté 10 amendements visant à préciser les types d'appareils numériques concernés, à élargir le champ des établissements de la petite enfance auxquels s'applique ce texte et à associer à cette démarche les établissements scolaires privés sous contrat afin de renforcer l'accompagnement et la protection du plus grand nombre d'enfants.

Enfin, il lui a semblé important d'ajouter à la notion de prévention des risques celle d'accompagnement à un usage raisonné des écrans et de prévoir que les messages diffusés incluent et valorisent des alternatives aux écrans.

I. UN USAGE ABUSIF DES ÉCRANS AINSI QUE DES CONTENUS INAPPROPRIÉS ET DANGEREUX QUI ONT DES CONSÉQUENCES DÉLÉTÈRES POUR LES PLUS JEUNES

A. DES EFFETS MULTIPLES ET DOCUMENTÉS

Depuis une quinzaine d'années, l'exposition des enfants et adolescents aux écrans, plateformes numériques et réseaux sociaux suscite l'inquiétude des parents et des experts (médecins, psychologues, orthophonistes, chercheurs en neuroscience).

Les professionnels de la petite enfance et les personnels de l'éducation nationale constatent également les effets négatifs d'un usage abusif de ces nouveaux outils reposant sur des interfaces et des systèmes algorithmiques dont le caractère addictif n'est pas accessoire mais bien intentionnel et essentiel.

Outre que l'usage abusif des écrans diminue les occasions pour les jeunes enfants d'avoir des interactions et des contacts directs avec leur entourage, d'avoir des activités de plein air, sportives ou culturelles (lecture), conditions nécessaires à leur développement, les risques associés à l'abus des écrans interactifs sont de mieux en mieux cernés par les recherches scientifiques.

Celles-ci pointent en particulier les effets sur le sommeil, qui suffisent à eux seuls à expliquer une bonne partie des troubles observés, mais aussi les difficultés d'attention ou des retards d'acquisition du langage. L'abus d'écrans joue également un rôle dans la progression de la prévalence de la myopie, ainsi que du surpoids et de l'obésité, corrélés avec la sédentarité et l'exposition à des publicités alimentaires. Le phénomène de « technoférence » est enfin de plus en plus mis en lumière, déstructurant la relation entre les parents et leurs enfants, surtout les plus jeunes.

Des facteurs socio-économiques et familiaux entrent également en compte : le milieu social, le niveau d'études des parents et la composition familiale influencent le temps passé devant les écrans. Par ailleurs, alors que certaines entreprises lancent des produits, dispositifs et contenus « éducatifs » dont elles prétendent qu'ils peuvent contribuer au développement des fonctions cognitives à un âge précoce (avant 3 ans), la recherche ne corrobore pas ce genre d'affirmations.

Enfin, outre les effets sanitaires, les mineurs peuvent également être confrontés à des contenus inadaptés à leur âge - dégradants, violents, haineux, pornographiques ou illicites - susceptibles de perturber leur développement affectif, social et sexuel, sans même évoquer la désinformation qui affecte la formation de l'opinion des adolescents. Ils sont également exposés au cyberharcèlement, et peuvent entrer en contact avec des personnes mal intentionnées qui mettent à profit les possibilités de dissimulation offertes par les réseaux sociaux.

De plus, de nouveaux risques émergent, liés à l'utilisation des intelligences artificielles par les enfants et les adolescents, comme compagnons intelligents par exemple, avec des effets psychologiques encore mal évolués mais qui ont d'ores et déjà, dans plusieurs cas, conduit à des conséquences tragiques.

B. UNE SENSIBILISATION ET UNE FORMATION INSUFFISANTE DES DIFFÉRENTS ACTEURS

En 2018, dans le rapport « Prendre en main notre destin numérique : l'urgence de la formation », l'auteure de la présente proposition de loi insistait déjà sur la nécessité « d'apprendre à se servir des écrans et d'apprendre à s'en passer », pointant ainsi l'indispensable formation de l'ensemble des acteurs confrontés au développement du numérique.

Le rapport « Enfants et écrans, À la recherche du temps perdu »1(*) montre également que la problématique du numérique est prégnante dans le champ de la petite enfance. Il souligne que « si dans les crèches2(*), l'exposition aux écrans paraît plutôt maitrisée, la question de l'usage des écrans en interférence à la relation aux enfants paraît plus problématique chez les assistantes maternelles ou les « nounous ». Devant ce phénomène, les parents se déclarent souvent démunis et les éducateurs impuissants à intervenir efficacement. »

II. UN CADRE LÉGISLATIF ÉVOLUTIF ET INABOUTI

A. LES TRAVAUX PRÉCURSEURS DU SÉNAT

En 2018, à la suite de l'adoption du rapport d'information précité, le Sénat adoptait une proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans3(*).

Dans le même esprit, l'auteure de la présente proposition de loi cosignait en 2021, avec Florence Blatrix Contat, le rapport de la commission des affaires européennes « Amplifier la législation européenne sur les services numériques (RSN/DSA) pour sécuriser l'environnement en ligne » qui a permis d'exprimer clairement la position du Sénat sur le RSN, appelant notamment à une interdiction totale de la publicité ciblée pour les enfants, à davantage de « sécurité par conception » (« safety by design ») et à une transparence et redevabilité accrues des plateformes.

L'auteure est également à l'origine d'une résolution européenne du 8 août 2025 demandant le lancement d'une enquête à l'échelle de l'UE sur l'incidence du temps d'écran excessif et des réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes, la fixation d'un âge minimal d'accès aux réseaux sociaux, ainsi que, si nécessaire, l'application de mesures coercitives à l'encontre des grandes plateformes.

Cette résolution encourage également les politiques publiques nationales visant à la formation de l'ensemble de la société (parents, enseignants, enfants) sur les dangers et opportunités du numérique.

Enfin, les rapports du Sénat « Porno : l'enfer du décor » (2022) et, issus d'une commission d'enquête, « La tactique TikTok : opacité, « addiction » et ombres chinoises » (2023), ont confirmé l'effet néfaste des plateformes sur la santé psychique et physique des jeunes.

B. DES INITIATIVES EUROPÉENNES EN COURS D'APPLICATION

Si le règlement général sur la protection des données (RGPD) de 2018 a introduit une protection spécifique des données des mineurs, le règlement sur les services numériques (RSN), entré en pleine application en février 2024, est la principale norme imposant des obligations de diligence aux plateformes en ligne en matière de protection des mineurs4(*). Il prévoit en particulier l'interdiction du profilage des mineurs à des fins publicitaires, la protection des mineurs « par conception », ainsi que l'obligation pour les « Très Grandes Plateformes » et les moteurs de recherche, d'évaluer les risques systémiques liés à la conception de leurs services.

En cas d'infraction, le RSN prévoit des sanctions lourdes pouvant aller jusqu'à 6 % du chiffre d'affaires mondial des plateformes5(*). Pour concrétiser les obligations générales du RSN, la Commission a en outre publié à l'été 2025 des lignes directrices spécifiques pour aider les plateformes à appliquer l'article 28 relatif à la protection des mineurs.

C. UNE LÉGISLATION FRANÇAISE COMPLÉMENTAIRE

1. Une limitation de l'accès des jeunes aux sites inappropriés

La loi n° 2022-300 du mercredi 2 mars 2022 visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d'accès à internet oblige les fabricants d'appareils connectés à installer un dispositif de contrôle parental et à proposer son activation lors de la première mise en service.

En outre, le Parlement a adopté la loi du 7 juillet 2023 visant à instaurer une majorité numérique et à lutter contre la haine en ligne, dite « loi Marcangeli », imposant notamment la vérification systématique de l'âge de l'utilisateur et le recueil du consentement parental pour les moins de 15 ans.

Toutefois, la France ayant notifié le projet de loi à la Commission européenne, l'exécutif européen a considéré que le texte imposait des obligations techniques susceptibles d'affecter le marché intérieur et plaidé pour une solution harmonisée au niveau communautaire. Le décret fixant la date d'entrée en vigueur de la loi n'a donc jamais été pris.

Enfin, la loi « Sécuriser et réguler l'espace numérique » (2024) a imposé aux plateformes et aux sites qui diffusent des contenus pornographiques en ligne l'obligation d'instaurer un système de vérification de l'âge de leurs utilisateurs afin de s'assurer que les mineurs n'y aient pas accès, sous le contrôle de l'Arcom, qui peut ordonner le blocage de ces sites par les fournisseurs d'accès à Internet (FAI) s'ils ne mettent pas en place un tel dispositif de vérification d'âge.

La loi inclut également des dispositions visant à renforcer les actions de prévention du harcèlement dans les établissements scolaires, et des éléments de sensibilisation dans la formation initiale et continue de leurs personnels.

La question complexe de la fixation d'un âge minimal d'accès aux réseaux sociaux

Outre les distorsions de marché, la deuxième difficulté identifiée par la Commission européenne relativement à la loi « Marcangeli » tenait au fait qu'aucune technologie de vérification d'âge n'était alors suffisamment fiable, interopérable au niveau européen et pleinement conforme au RGPD.

Cette opposition de la Commission européenne a toutefois évolué à partir de l'été 2025, sous l'effet de deux facteurs :

- en juin 2025, la Commission a publié des lignes directrices détaillées sur l'application de l'article 28 du DSA relatif à la protection des enfants. Pour la première fois, l'UE a clarifié ce qu'elle attendait des plateformes en matière de réduction des risques pour les mineurs, ouvrant la voie à des mesures nationales plus strictes, dès lors qu'elles restaient proportionnées ;

- un second facteur important a été la présentation, en juillet 2025, d'un prototype européen de vérification d'âge, développé dans un consortium associant la Commission et plusieurs États pilotes (France, Danemark, Italie, Grèce, Espagne). Ce prototype répond à des exigences longtemps considérées incompatibles : fiabilité ; minimisation des données ; interopérabilité. Les travaux s'appuient sur les recherches du « European Digital Identity Wallet ».

Malgré ces avancées, la fixation d'un âge minimal pour l'accès aux réseaux sociaux au niveau national reste juridiquement complexe, notamment en raison de l'application du principe du pays d'origine, les plateformes numériques concernées se trouvant en général à l'étranger. Dès lors, la piste d'une interdiction qui ne serait pas appliquée à la plateforme elle-même serait actuellement étudiée.

Certains pays ont pris des initiatives dans ce domaine : l'Australie et, au sein de l'UE, le Danemark, ont annoncé aller vers une interdiction de l'accès aux réseaux sociaux aux moins de 15 ans.

Le Sénat, à travers la résolution européenne du 8 août 2025, s'est également exprimé en faveur de l'instauration, au niveau européen ou, à défaut, de chaque État membre, d'une majorité numérique pour l'accès aux réseaux sociaux

2. L'interdiction des portables à l'école et au collège

La loi n° 2018-698 du 3 août 2018, qui modifie l'article L. 511-5 du code de l'éducation, prévoit que l'utilisation des téléphones portables et de tout autre équipement terminal de communications électroniques est interdite aux élèves dans les écoles maternelles, les écoles primaires et les collèges, ainsi que lors des activités se déroulant à l'extérieur de l'établissement (sorties scolaires, voyages, etc.) liées à l'enseignement.

Le règlement intérieur de l'établissement doit préciser les modalités de mise en oeuvre de cette interdiction, notamment les exceptions et les sanctions ainsi que la confiscation de l'appareil en cas de non-respect de l'interdiction d'utilisation. Cette interdiction peut être levée dans certains cas, pour un motif de santé ou de handicap, ainsi que pour une utilisation par l'enseignant à des fins pédagogiques ou dans des circonstances spécifiquement définies par le règlement intérieur de l'établissement.

Par ailleurs, à la rentrée de septembre 2025, le gouvernement a annoncé la généralisation progressive du dispositif « Portable en pause » (ou « pause numérique ») dans l'ensemble des collèges, visant à s'assurer que les téléphones sont neutralisés (éteints et rangés dans des dispositifs comme des pochettes ou des casiers) pendant le temps scolaire. Toutefois, la mise en oeuvre effective de cette action dépend en réalité des conseils départementaux, compétents pour l'achat des équipements nécessaires. Départements de France souligne qu'un accord a été trouvé avec le ministère de l'éducation nationale reposant sur trois points : aucune obligation de financement pour les départements, nécessité d'une demande du chef d'établissement, pas de généralisation totale à l'ensemble des établissements. Environ 200 à 250 collèges publics sur les 5 200 ont équipé leurs élèves de pochettes individuelles « anti-ondes ».

III. LES MESURES DE LA PROPOSITION DE LOI

La présente proposition de loi comporte deux volets destinés à compléter la législation relative aux risques, pour les enfants et les adolescents, d'une utilisation non raisonnée des écrans.

A. UN VOLET SANITAIRE POUR UNE PRÉVENTION ET UNE FORMATION SYSTÉMATIQUE AUX ÉCRANS ET AUX CONTENUS INAPPROPRIÉS

Les trois premiers articles du texte, qui forment son volet sanitaire, visent à accroître les obligations de formation, d'information et de sensibilisation aux risques liés à une « exposition excessive » aux écrans numériques chez les enfants.

L'article 1er instaure une formation des professionnels de santé et du secteur médico-social ainsi que des professionnels de la petite enfance aux risques associés à ces différents degrés d'exposition. En effet, ces professionnels sont au contact des enfants à un âge où les effets de cette exposition sont les mieux documentés, et où rien ne peut remplacer les interactions quotidiennes avec les adultes. Or les professionnels sont actuellement insuffisamment formés à ces enjeux. Il n'existe pas de référentiel commun, de directives générales ou de guide de bonnes pratiques qui leur permettraient d'élaborer une réponse informée aux interrogations des parents ou d'être soutenus lorsqu'ils doivent prendre en charge des troubles psychologiques qui pourraient en partie être liés à un usage excessif des écrans.

Cet article 1er vise également à inscrire des messages de prévention relatifs aux risques de cette exposition des enfants sur les emballages de téléphones portables, d'ordinateurs, de tablettes et autres objets connectés mais aussi à insérer des messages de prévention dans les publicités, hors messages radiodiffusés, pour ces mêmes produits. Il s'agit ici de mettre en oeuvre une mesure comparable à celle qui existe déjà, avec, selon les études, un certain succès, pour les boissons avec ajout de sucres, de sel ou d'édulcorants de synthèse et les produits alimentaires manufacturés6(*), dans une même logique de sensibilisation et de prévention. Il s'agit en réalité de déplacer une partie de la responsabilité sur les acteurs qui proposent parfois un modèle numérique délétère aux enfants.

Le même article 1er impose enfin aux règlements intérieurs des établissements accueillant des enfants de moins de six ans (crèches, haltes-garderies, jardins d'enfants et jardins d'éveil) de réguler l'utilisation des téléphones portables, tablettes numériques, téléviseurs et équipements assimilés par les personnels en présence des enfants, et prévoit la mise en place d'une politique de prévention des risques liés à l'exposition non raisonnée aux écrans chez les enfants.

L'article 2 intègre par ailleurs aux consultations et actions de prévention organisées par le service de prévention départemental de protection maternelle et infantile (PMI) des actions de prévention des risques liés aux écrans. Enfin l'article 3 prévoit que tous les enfants de moins de 18 ans bénéficieraient d'une sensibilisation aux risques liés à une exposition excessive aux écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux sur la base des connaissances scientifiques.

B. UN VOLET ÉDUCATIF POUR DÉFINIR UNE STRATÉGIE COMMUNE AVEC L'ENSEMBLE DES ACTEURS CONCOURANT AUX TEMPS DE L'ENFANT

L'article 4 inclut dans les projets éducatifs territoriaux - qui concernent les activités périscolaires - des mesures visant à prévenir les risques liés à une exposition excessive des élèves aux écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux. L'objectif est l'élaboration d'un cadre partagé sur l'utilisation des outils numériques. Celui-ci pourra prévoir des mesures de sensibilisation communes.

En outre, il renforce la formation initiale et continue des personnels de l'éducation nationale sur ces thématiques.

Par ailleurs, l'article 5 du texte prévoit la définition d'un cadre de vie de l'établissement à l'heure du numérique, élaboré conjointement dans les projets d'école et d'établissement avec l'ensemble des acteurs (représentants des parents d'élèves, des élèves, des équipes pédagogiques et administratives, des collectivités territoriales).

À partir de cette stratégie commune et des axes d'action sera notamment élaboré le règlement intérieur qui définit les règles et usages des appareils connectés. Ce projet d'école ou d'établissement permettra également de définir des axes d'action notamment au regard de démarches de sensibilisation et de prévention sur les effets nocifs des écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux.

L'article 6 permet d'ancrer dans la loi la campagne de sensibilisation réalisée chaque année par l'Arcom en coordination avec la CNIL et d'y associer les ministères chargés de l'éducation nationale, de la santé et du numérique. Cette disposition doit permettre à cette campagne de disposer de davantage de moyens et de pouvoir être diffusée plus longtemps que les quatre jours actuels.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION : L'URGENCE D'AGIR POUR UN USAGE RAISONNÉ DES ÉCRANS ET DU COMBAT CONTRE LES CONTENUS DANGEREUX

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté dix amendements. Ils visent d'abord à préciser les matériels concernés, afin de tenir compte des évolutions techniques. Il s'agit notamment d'inclure les montres connectées, qui ont des fonctionnalités similaires à celles d'un téléphone.

Par ailleurs, elle a adopté un amendement afin de prévoir que l'ensemble des établissements de la petite enfance, y compris ceux de moins de 50 salariés, qui n'ont pas nécessairement de règlement intérieur mais ont obligatoirement un règlement de fonctionnement ou un projet d'établissement, soient bien inclus dans le périmètre de la proposition de loi.

Dans le domaine scolaire, il a semblé important à la commission que les établissements privés sous contrat mènent également une telle politique d'accompagnement de leurs élèves à un usage raisonné du numérique : elle a donc adopté un amendement en ce sens (article 5 bis).

Elle a en outre souhaité insister sur l'enjeu de santé publique que représente l'accompagnement des élèves au numérique lors des réflexions menées au sein des conseils d'école et d'établissement, afin de faciliter l'association de la médecine scolaire et de la médecine de ville aux mesures de sensibilisation et autres actions mises en place.

La commission a également adopté plusieurs amendements visant à préciser les contours de la formation initiale et continue tant des professionnels du médico-social, de la petite enfance, que des personnels de l'éducation nationale. Ces formations doivent en effet inclure des propositions d'alternatives aux écrans, dont la rapporteure est consciente de leur place dans notre société : la nécessité de redonner le goût de la lecture, l'importance des activités sportives, culturelles et de plein air doivent être réaffirmées. Par ailleurs, la commission a substitué à la notion d'exposition « excessive » celle d'exposition « non raisonnée » : l'enjeu n'est pas uniquement celui de l'âge de l'enfant et de la durée d'écran, mais aussi des types usages et de leur accompagnement.

Outre les usages, la formation et la sensibilisation doivent également porter sur les risques des contenus diffusés sur ces écrans. La commission a modifié le titre de la proposition de loi pour tenir compte de l'ensemble de ces objectifs.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER

VOLET SANITAIRE
Article 1er
Formation des professionnels en contact avec les enfants et messages de prévention sur les emballages ainsi que dans les publicités

Cet article vise, en premier lieu, à compléter la formation des professionnels en contact avec les enfants et les adolescents par des éléments de sensibilisation sur les risques associés aux écrans. En second lieu, il tend à rendre obligatoire l'inscription de messages de prévention sur les emballages de produits numériques tels que les téléphones portables ou les ordinateurs, ainsi qu'au sein des publicités diffusées pour promouvoir ces produits. Enfin, il prévoit que le règlement intérieur des lieux accueillant les enfants de moins de 6 ans tels que les crèches régulent l'usage des appareils numériques en présence de ces enfants.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté trois amendements afin de préciser que les formations aux personnels de la petite enfance doivent également porter sur des alternatives aux écrans et de préciser le champ des appareils numériques concernés par le texte. Par ailleurs, elle a ajouté à la mention du « règlement intérieur » des établissements de la petite enfance les « projets d'établissement » et les « règlements de fonctionnement » afin que tous ces établissements, quel que soit leur nombre de salariés, soient bien couverts par le présent article.

· La formation des professionnels en contact avec les enfants

Le présent article insère, au sein du code de la santé publique, un article L 2137-1 prévoyant que les professionnels de santé et du secteur médico-social ainsi que les professionnels de la petite enfance se voient proposer, au cours de leur formation initiale ou continue, une formation spécifique sur les risques associés aux différents degrés d'exposition aux écrans numériques pour les enfants et adolescents.

En effet, ces professionnels sont actuellement insuffisamment formés à ces enjeux. Il n'existe pas de référentiel commun, de directives générales ou de guide de bonnes pratiques qui leur permettraient d'élaborer une réponse informée aux interrogations des parents ou d'être aidés lorsqu'ils doivent prendre en charge des troubles psychologiques qui pourraient en partie être liés à un usage excessif des écrans.

Dès lors, la plupart de ces professionnels doivent eux-mêmes trouver leurs ressources pédagogiques, ce qui ne semble pas satisfaisant. Ce déficit devient particulièrement criant lorsqu'ils sont confrontés à des cas graves, comme des adolescents susceptibles de commettre des tentatives de suicide.

S'agissant du contenu de ces formations, qui doivent être fondées sur les connaissances établies par la science, plusieurs effets de l'usage abusif des écrans sont à présent documentés.

· Les effets sur le sommeil

Les mécanismes de perturbation du sommeil par les écrans sont nombreux et suffiraient à eux seuls à justifier des mesures sérieuses de restriction.

Ainsi, la lumière bleue émise par les dispositifs numériques perturbe la production de mélatonine, provoquant un endormissement plus tardif et une diminution de la qualité du repos. Ce phénomène touche particulièrement les jeunes enfants, dont les yeux filtrent encore mal ce type de lumière. Chez les 6 à 36 mois, chaque heure quotidienne passée devant une tablette ou un smartphone entraînerait une réduction de 30 minutes du sommeil nocturne. De plus, la simple présence d'un téléviseur allumé dans la chambre décale l'heure du coucher d'environ une heure.

Les jeunes enfants ne sont pas les seuls concernés. En France, en 2020, les adolescents dormaient en France en moyenne 7 h 45 minutes par nuit, mais moins de 7 h par nuit en semaine, au lieu des 8 h 30 minutes à 9 h de sommeil recommandées. Par ailleurs, 16 % des enfants de 11 ans et 40 % de ceux de 15 ans accusent un déficit de plus de 2 heures de sommeil par jour, en semaine7(*).

Selon un rapport récent, plusieurs mécanismes expliquent l'impact des écrans sur le sommeil, outre la lumière bleue déjà évoquée8(*) :

- mécaniquement, l'usage tardif, voire nocturne des écrans, avec des réveils programmés pour échanger avec des amis, suivre une actualité sur un réseau social, regarder des vidéos, jouer aux jeux vidéo, etc., réduit la durée de sommeil ;

- l'exposition à un défilement rapide d'images, de sons, de lumières et de mouvements comme dans les jeux vidéo stimule l'éveil, tandis que le visionnage de contenus violents peut avoir un effet négatif sur le processus d'endormissement et sur la qualité du sommeil ;

- le temps passé sur les écrans en journée peut entraîner des perturbations du rythme circadien, dans la mesure où ce rythme est influencé par les activités physiques, très entravées par l'usage récréatif des écrans chez les enfants et adolescents.

Or, la réduction de la quantité et de la qualité du sommeil a des effets négatifs bien documentés sur la santé, de l'obésité et du diabète au défaut de vigilance rendant les accidents plus fréquents, en passant par la migraine ou l'altération du système immunitaire. En outre, pendant la petite enfance et toute la scolarité, la privation aigüe ou chronique de sommeil peut compromettre les apprentissages et la réussite scolaire.

Selon le rapport précité, « la prise de conscience des effets des écrans sur le sommeil des enfants et des adolescents est très insuffisante. Ainsi, une enquête récente a révélé que 49 % des parents d'enfants de moins de 11 ans pensaient que l'usage des écrans n'avait aucun impact sur le sommeil de leurs enfants, et que 8 % pensaient même que cet impact était bénéfique. De façon générale, les réalités biologiques attachées au sommeil ne sont aujourd'hui pas suffisamment prises en compte par l'ensemble de la société, notamment s'agissant des pré-adolescents et adolescents. »

Les autres effets sanitaires de l'exposition excessive

Surpoids et obésité

La dernière enquête épidémiologique nationale « Obépi-Roche » sur le surpoids et l'obésité montre que 21 % des 8-17 ans sont en surpoids, dont 6 % en situation d'obésité. Chez les 2-7 ans, le surpoids et l'obésité sont également en hausse. Or le temps passé devant les écrans accroît la sédentarité et expose davantage aux publicités alimentaires, ce qui augmente le risque de surpoids et d'obésité, eux-mêmes à l'origine de très nombreuses pathologies.

Effets sur la vision

Plusieurs recherches associent une utilisation prolongée des écrans à la fatigue visuelle et à l'apparition précoce de la myopie, notamment entre la naissance et 6 ans, période cruciale pour la maturation du système visuel. L'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) recommande d'encourager les activités à l'extérieur, la lumière naturelle jouant un rôle protecteur. En outre, la lumière bleue aurait des effets dangereux à long terme pour la rétine.

Effets sur le développement du cerveau

Sur le développement du cerveau des enfants, les effets sont plus difficiles à démontrer et supposent des études très complexes et approfondies. Pour le moment, la plupart des études permettent de conclure à une association, mais ne sont pas nécessairement assez robustes pour démontrer une relation de causalité.

Cependant, de nombreux éléments militent pour limiter l'exposition des enfants de moins de 6 ans aux écrans, comme le confirment les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS)9(*), de l'Académie américaine de pédiatrie ou encore de l'Association française de pédiatrie ambulatoire (AFPA)10(*). En tout état de cause, de nombreux orthophonistes, médecins, pédiatres, médecins de PMI, évoquent des cas de jeunes enfants très exposés aux écrans qui présentent parallèlement des difficultés ou des retards dans différents domaines de leur développement comportemental, retard réversible mais qui peut parfois « mimer » un retard de développement neuronal. Le phénomène des « technoférences », qui désigne les interférences provoquées dans la relation parent-enfant par l'usage des écrans par les parents, est également pointé. Enfin, les résultats de l'étude menée en 2024 sur les 14 000 enfants de la « cohorte Elfe » montrent que le fait d'allumer la télévision pendant les repas est associé à un moindre développement cognitif, en particulier du langage, entre 2 et 5,5 ans11(*). Les corrélations ne sont toutefois pas significatives sur le plan longitudinal, ne permettant pas d'associer le temps d'écran à un âge donné avec le neurodéveloppement à un âge ultérieur.

Concernant le neurodéveloppement des enfants plus âgés et des adolescents, des études sont toujours en cours, les relations entre les écrans et le développement cognitif et émotionnel étant nécessairement très complexes.

D'autres effets sanitaires sont à l'étude, de perturbations endocriniennes chez les jeunes filles liées aux atteintes au rythme circadien, aux effets potentiellement délétères d'une exposition excessive aux champs électromagnétiques.

Enfin, les jeunes eux-mêmes constatent des impacts sur leur santé : d'après l'étude Open-Unaf (2022), parmi les 7 à 17 ans, 43 % déclarent souffrir de céphalées et 42 % rencontrent des difficultés pour s'endormir.

Les effets sanitaires potentiels concernent également la santé mentale. Actuellement, la santé mentale des enfants et des jeunes adultes (11-24 ans) est considérée comme sensiblement dégradée en France, un phénomène qui, selon Santé publique France (SPF), s'accentue depuis 2020. Or, les réseaux sociaux peuvent avoir des effets psychologiques négatifs sur les enfants et adolescents les plus vulnérables. Le rapport d'Amnesty International « Poussé·e·s vers les ténèbres : Comment le fil " Pour toi " encourage l'automutilation et les idées suicidaires » montre ainsi comment les pratiques de TikTok, pour maintenir l'attention des utilisateurs, peuvent accentuer dans certains cas la dépression et l'anxiété.

Outre les effets sanitaires, il est notoire que l'usage fréquent des réseaux sociaux peut également avoir des effets négatifs du fait de contenus inappropriés, choquants ou violents, en tout cas inadaptés à l'âge des enfants qui y ont accès, notamment des contenus pornographiques ou haineux.

Enfin, les réseaux sociaux accentuent les phénomènes de harcèlement et la probabilité de « mauvaises rencontres » avec des adultes mal intentionnés qui mettent à profit les possibilités d'anonymat et de dissimulation offertes par le web.

· Des messages de prévention sur les emballages

Le présent article tend à créer, au sein du code de la santé publique, un article L. 2137-2 prévoyant que les emballages extérieurs de téléphones portables, d'ordinateurs, de tablettes et de produits assimilés comportent un message de prévention visant à informer les consommateurs des risques encourus pour le développement psychomoteur, physique et cognitif des jeunes enfants en cas d'usage excessif de ces produits.

En effet, ce ne sont pas les réseaux sociaux à eux seuls, mais, comme l'a rappelé Mme Justine Atlan, directrice de l'association e-enfance, lors de son audition par la rapporteure, l'alliance du smartphone et du réseau social qui est à l'origine des dérives que l'on a vu apparaître ensuite. Ainsi, comme l'a souligné M. Jean-Marie Cavada lors de son audition par la commission d'enquête sur TikTok à l'Assemblée nationale : « Comment imaginer que nous permettions, sans la moindre restriction, d'acheter un smartphone à un enfant de six ans, alors que nul n'imaginerait vendre un scooter à un mineur de douze ans sans encadrement préalable ni autorisation spécifique ? »

La commission « enfants et écrans » considère qu'il est envisageable d'équiper les enfants d'un téléphone portable à partir de 11 ans, mais recommande de privilégier, avant 13 ans, les téléphones sans connexion à internet. Il convient en effet de rappeler que, d'une part, il existe toujours des téléphones portables qui ne sont pas des smartphones, c'est-à-dire sans grand écran ni accès à internet et que, d'autre part, des entreprises développent des smartphones aux fonctionnalités limitées (parfois appelés « dumbphones »), qui peuvent avoir une apparence proche de celle des smartphones mais ne permettent que d'envoyer des messages et de passer des appels téléphoniques.

Il existe déjà actuellement plusieurs obligations légales d'inscription sur les emballages, notamment celles issues de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC), qui imposent aux producteurs l'obligation de fournir des informations environnementales sur les emballages. Plus précisément, l'article L. 541-9-1 du code de l'environnement tel qu'issu de cette loi prévoit l'information des consommateurs sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits (et leurs emballages), comme le taux de matière recyclée, la recyclabilité, la compostabilité, etc. En outre, les produits et emballages en matière plastique compostable en compostage domestique ou industriel doivent porter la mention « Ne pas jeter dans la nature. »

En vertu de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, cette mesure d'inscription sur les emballages devra être notifiée à la Commission européenne.

· Les messages publicitaires diffusés

L'article premier de la proposition de loi tend également à créer, au sein du code de la santé publique, un article L. 2137-3 prévoyant que « les messages publicitaires et les publicités en ligne, portant sur des téléphones portables, des ordinateurs, des tablettes, des produits assimilés et des téléviseurs comportent un message de prévention visant à informer les consommateurs des risques encourus pour le développement psychomoteur, physique et cognitif des jeunes enfants en cas d'usage excessif de ces produits ». La même obligation d'information s'imposerait à toute promotion, destinée au public, par voie d'imprimés et de publications périodiques éditées par les producteurs ou les distributeurs de ces produits.

Cette disposition s'inspire d'une disposition similaire relative aux produits alimentaires présentant des risques pour la santé, figurant à l'article L. 2133-1 du code de la santé publique.

Lors de son audition par la Commission d'enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs de l'Assemblée nationale, Mme Sarah Sauneron, directrice générale de la santé par intérim, a indiqué que « ces messages publicitaires font l'objet d'évaluations rigoureuses menées par l'Insem et par SPF. Les études démontrent que ces messages (...) ont significativement contribué à une meilleure connaissance des repères nutritionnels, désormais bien intégrés par la population (...). Ces analyses confirment que des messages visibles, répétés et régulièrement renouvelés, à l'instar de ceux figurant sur les paquets de cigarettes, s'avèrent efficaces pour élever le niveau d'information du public et contrecarrer les stratégies marketing, comme le démontrent clairement les études en sciences comportementales. Il n'existe aucune raison de réserver le marketing social aux seuls industriels et les pouvoirs publics possèdent toute légitimité pour diffuser leurs informations sanitaires ». Cette expérience positive justifie que le même type d'obligation soit fixé pour les messages publicitaires portant sur les appareils numériques.

Dans les mêmes termes que pour les produits alimentaires, et afin d'écarter les problèmes juridiques qui pourraient survenir avec des dispositions à effets extraterritoriaux, il est précisé que cette obligation ne s'appliquerait qu'aux messages émis et diffusés à partir du territoire français et reçus sur ce territoire.

· La modification des règlements intérieurs des établissements accueillant les jeunes enfants

Enfin, le présent article prévoit que le règlement intérieur des établissements visés par le code L. 2324-1 du code de la santé régule l'utilisation des portables et autres équipements électroniques par les professionnels en présence des enfants, et qu'il met en place une politique de prévention des risques liés à une exposition excessive aux écrans.

Il s'agit de toutes les structures dédiées à la petite enfance et à l'accueil collectif de loisirs des enfants de moins de 6 ans, notamment les crèches, les micro-crèches, les haltes-garderies, et les accueils de loisirs sans hébergement (ALSH).

L'arrêté du 3 juillet 2025 interdit l'exposition des enfants de moins de 3 ans à tout écran (télévision, tablette, smartphone, ordinateur) y compris en fond sonore dans les lieux d'accueil du jeune enfant, qu'ils soient collectifs ou individuels. Jusqu'alors, la Charte nationale pour l'accueil du jeune enfant déconseillait seulement l'exposition des tout-petits aux écrans.

La commission d'experts à l'origine de cet arrêté a fixé des repères clairs, inspirés des règles proposées par M. Serge Tisseron : avant 3 ans : aucun écran, même en fond sonore ; de 3 à 6 ans : usage rare, avec un adulte sur des contenus éducatifs adaptés ; à tout âge : pas d'écran pendant les repas, avant le coucher ou pour calmer un enfant. Dans le cadre de la mise en oeuvre de cette interdiction, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) adresse aux parents d'enfants de moins de 3 ans une communication pédagogique rappelant l'interdiction d'exposition aux écrans dans les lieux d'accueil.

La mesure proposée par le présent article vient ainsi en complément de ce texte en prévoyant une régulation des usages des adultes.

La position de la commission

La commission a adopté trois amendements de sa rapporteure à l'article 1er. L'amendement COM-1 vise à préciser que la formation spécifique sur les risques associés aux différents degrés d'exposition aux écrans numériques doit obligatoirement être incluse dans la formation initiale et dans la formation continue des professionnels concernés, et non alternativement dans l'une ou dans l'autre comme dans le texte proposé. Il prévoit également que cette formation aux risques doit aussi, de manière plus positive, aider les professionnels à développer des pratiques permettant de proposer aux enfants des alternatives aux écrans dans les situations où, actuellement, les écrans apparaissent trop souvent comme une « solution miracle » (moments d'attente, nécessité d'apaiser l'enfant, etc.), et surtout de partager ces pratiques avec les parents.

L'amendement COM-2 vise à mentionner les montres connectées et les téléviseurs parmi les objets numériques concernés par les messages de prévention, et à préciser que les messages de prévention doivent non seulement figurer sur les emballages de produits neufs, mais aussi sur les emballages de produits reconditionnés. Il tend par ailleurs à remplacer la notion d'« usage excessif » par celle d'« usage non raisonné ». En effet, il convient de ne pas limiter le périmètre des mesures envisagées à la question du temps d'écran et de permettre la prise en compte la plus complète possible des divers facteurs de risques.

Enfin, l'amendement COM- 3 tire les conséquences de l'article L. 1311-2 du code du travail qui restreint l'obligation d'avoir un règlement intérieur aux entreprises de plus de 50 salariés. Il convient donc de viser aussi, s'agissant des établissements accueillant les jeunes enfants, le projet d'établissement et le règlement de fonctionnement, obligatoires en vertu du II de l'article L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles.

Le même amendement prévoit que ces documents proposent des actions de soutien à la parentalité favorisant les alternatives aux écrans pour les enfants de moins de 3 ans, afin d'engager un dialogue avec les parents et de leur permettre de trouver des solutions aux difficultés qu'ils rencontrent dans ce domaine.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 2
Intégration de la politique de prévention des risques liés aux écrans au nombre des missions de la protection maternelle et infantile

Cet article vise à intégrer la politique de prévention des risques liés aux écrans au nombre des missions dévolues au président du conseil départemental dans son rôle de protection maternelle et infantile (PMI).

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement de précision visant à substituer la notion d'« exposition non raisonnée » à celle d'« exposition précoce et excessive ».

I. - La situation actuelle

La PMI a été créée par l'ordonnance n° 45-2720 du 2 novembre 1945 pour lutter contre la mortalité infantile et relève de la compétence des conseils départementaux depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1986. Le service non personnalisé de la PMI, placé sous l'autorité du président du conseil départemental, est dirigé par un médecin, avec une équipe de professionnels : infirmiers, pédiatres, sages-femmes, puériculteurs, éducateurs de jeunes enfants.

Récemment, deux textes sont venus conforter le rôle important de la PMI et son insertion dans le cadre de la stratégie nationale de santé : la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé et la loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection de l'enfance. Celle-ci prévoit notamment que des priorités pluriannuelles d'action en matière de protection et de promotion maternelle et infantile, définies nationalement déterminent des thématiques de santé publique prioritaires.

La PMI a pour rôle d'assurer un suivi de la grossesse jusqu'à l'âge des 6 ans de l'enfant. Ses missions, définies aux articles L. 2112-2 et suivants du code de la santé publique, consistent en actions de consultation dans les locaux de la PMI, en visites à domicile pour les futures mères ou enfants de moins de 6 ans qui requièrent une attention particulière, ou encore en bilans de santé et de dépistages avant et après l'entrée à l'école de l'enfant.

II. - Le dispositif de la proposition de loi

L'article 2 vise à compléter les actions de prévention du ressort du service départemental de PMI, telles qu'énumérées par l'article L. 2112-2 du code de la santé publique, en y ajoutant la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans.

III. - La position de la commission

La commission a estimé que le service départemental de PMI était particulièrement indiqué pour prendre en charge efficacement cette nouvelle mission de prévention de l'exposition non raisonnée des enfants aux écrans. En effet, l'étude de référence produite par l'Institut national d'études démographiques (Ined) et l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à partir des données de la cohorte Elfe démontre que la PMI est un interlocuteur bien identifié par les familles, y compris les moins favorisées, qui s'y rendent de façon régulière.

La commission a adopté un amendement COM-4 tendant à remplacer la notion d'« exposition excessive » aux écrans par la notion d'« exposition non raisonnée » : les mesures envisagées ne doivent pas se limiter à la seule question du temps d'écran mais prendre en compte de la façon la plus complète possible divers facteurs de risques.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3
Ajout d'une sensibilisation aux risques posés par les écrans et les réseaux sociaux aux mesures dont bénéficient tous les mineurs

Cet article complète les mesures de prévention sanitaire et sociale dont bénéficient désormais l'ensemble des mineurs, en y ajoutant une sensibilisation aux risques sanitaires liés à une exposition excessive aux écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement pour substituer la notion d'« exposition non raisonnée » à celle d'« exposition précoce et excessive ».

I. - La situation actuelle

L'article L. 2132-2 du code de la santé publique prévoyait jusqu'en 2019 que « tous les enfants de moins de 6 ans bénéficient de mesures de prévention sanitaire et sociale qui comportent notamment des examens obligatoires ». Le nombre et le contenu de ces examens, l'âge auquel ils doivent intervenir et la détermination de ceux qui donnent lieu à l'établissement d'un certificat de santé sont fixés par voie réglementaire.

La loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 a élargi les tranches d'âge concernées : ces examens doivent ainsi désormais avoir lieu à 6 ans, entre 8 et 9 ans, entre 11 et 13 ans, et enfin entre 15 et 16 ans.

II. - Le dispositif de la proposition de loi

L'article 3 prévoit que les mesures de prévention sanitaire et sociale dont bénéficient depuis 2019 tous les mineurs de 18 comprennent une « sensibilisation aux risques sanitaires liés à une exposition excessive aux écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux ». Cette disposition exploite ainsi le caractère universel de ce dispositif de prévention pour permettre la diffusion la plus large de l'information relative aux dangers du numérique et des réseaux sociaux. Il s'agit en particulier, s'agissant des adolescents, des problèmes de sommeil, du harcèlement scolaire et de l'accentuation des vulnérabilités psychologiques propres à cet âge, et documentées en particulier chez les jeunes adolescentes.

III. - La position de la commission

Comme à l'article précédent et pour la même raison, la commission a adopté un amendement COM-5 de sa rapporteure remplaçant la notion d'« exposition excessive » aux écrans par la notion d'« exposition non raisonnée ».

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

TITRE II

VOLET ÉDUCATIF
Article 4
Définition d'un cadre de l'usage des appareils numériques et d'une stratégie commune d'actions au sein des projets éducatifs territoriaux et renforcement de la formation initiale et continue des personnels de l'éducation nationale

Cet article vise à définir au sein des projets éducatifs territoriaux un cadre d'usage raisonnée des appareils numériques et de renforcer la sensibilisation aux risques d'une exposition excessive des enfants aux écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux dans la formation des personnels de l'éducation nationale.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement rédactionnel.

I. - La situation actuelle

Créé en 2013 dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, le projet éducatif territorial (PEDT) est le document permettant de structurer l'organisation des activités périscolaires et de coordonner l'action des différents acteurs pouvant concourir à celles-ci : ministère de l'éducation nationale, administrations, collectivités territoriales, associations, fondations... Son élaboration et le suivi de son application sont faits au sein d'un comité de pilotage.

Le PEDT vise notamment à favoriser l'égal accès aux pratiques et activités culturelles et sportives ainsi qu'aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.

En ce qui concerne la formation initiale et continue des enseignants et futurs enseignants, l'article 721-2 du code de l'éducation nationale définit les missions des instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ). Sur proposition de l'auteure de ce texte, lors de l'examen en 2019 du projet de loi pour une école de la confiance, les missions des INSPÉ ont été élargies pour inclure « la littératie numérique » intégrant trois volets : la maîtrise des outils et ressources numériques (prise en main, codage, maîtrise des algorithmes), la connaissance des cultures numériques et des usagers (fonctionnement d'internet, compréhension des sujets liés à l'écosystème numérique, notamment la souveraineté des données, l'empreinte numérique ou le cyberharcèlement) et l'usage pédagogiques de ces outils et ressources numériques (analyse des pratiques pédagogiques innovantes, intégration des technologies numériques dans les enseignements).

Cette disposition reprend l'une des recommandations du rapport de la commission de la culture de 2018 « prendre en main notre destin numérique : l'urgence de la formation »12(*) qui préconisait de « revoir la maquette de formations des ESPÉ [école supérieure du professorat et de l'éducation] afin que la littéracie numérique devienne un axe structurant de la formation. »

II. - Le dispositif de la proposition de loi

Le 1° de l'article 4 prévoit de renforcer le rôle du projet éducatif territorial permettant de définir un cadre commun de réflexion à l'ensemble des acteurs scolaires et périscolaires ainsi qu'une démarche cohérente entre l'ensemble des temps de l'enfant à l'heure du numérique. Il prévoit notamment des mesures visant à prévenir les risques liés à une exposition excessive des élèves aux écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux.

Le 2° de cet article vise à renforcer la formation initiale et continue des personnels de l'éducation nationale en incluant une sensibilisation aux effets nocifs de l'exposition excessive des enfants aux écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux. Lors des auditions ont notamment été mises en avant leurs conséquences sur le développement du langage, les problématiques de préemption rendant plus difficiles l'apprentissage de l'écriture13(*), les cyberviolences ou encore la fatigue psychique et physique que l'usage excessif et précoce des écrans induit.

III. - La position de la commission

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-6 rédactionnel.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

Article 5
Définition d'un cadre sur les usages du numérique au sein de l'établissement dans le projet d'école ou d'établissement ainsi que dans leur règlement intérieur

Cet article vise à définir une stratégie au sein des projets d'école et d'établissements publics afin de lutter contre une exposition excessive des enfants aux écrans et à l' « addiction » aux réseaux sociaux ainsi qu'à préciser dans le règlement intérieur de ces mêmes établissements les modalités d'utilisation des outils numériques par la communauté éducative.

Sur proposition de la rapporteure, la commission adopte un amendement visant d'une part à substituer la notion d'exposition non raisonnée à celle d'excessive et d'autre part à souligner que cette stratégie s'inscrit dans une problématique de santé publique.

I. - La situation actuelle

Le projet d'école ou d'établissement pour les collèges et lycées est un document élaboré pour une période de trois à cinq ans par les représentants de la communauté éducative. À ce titre, sa conception inclut les élèves, les personnels, les parents élus, les collectivités territoriales, les associations éducatives complémentaires ainsi que les acteurs institutionnels économiques et sociaux associés au service public de l'éducation.

Le projet d'école ou d'établissement fait l'objet d'une discussion en conseil d'école ou conseil d'établissement. Il précise notamment les modalités de mise en oeuvre des objectifs et programmes nationaux ainsi que les moyens pour assurer la réussite de tous les élèves, en prévoyant spécifiquement l'association des parents à cette fin.

Le règlement intérieur, pour sa part, précise les conditions dans lesquels sont assurés les droits et devoirs des élèves et personnels de l'éducation nationale et rappelle le principe de l'école inclusive.

II. - Le dispositif de la proposition de loi

Le 1° de cet article vise à inclure au sein du projet d'école ou d'établissement publics un volet consacré aux actions menées auprès des élèves et de leurs parents, ainsi que des professionnels à la sensibilisation sur les effets nocifs des écrans et au caractère addictif des réseaux sociaux.

Le 2° vise à préciser dans les règlements intérieurs les modalités d'utilisation des outils numériques par la communauté éducative - élèves, parents, personnels de l'éducation nationale, collectivités territoriales et le cas échéant associations et acteurs institutionnels - intervenant dans le cadre d'activités complémentaires.

III. - La position de la commission

La commission souligne que l'inscription de cette thématique dans les projets d'école ou d'établissements publics permet de définir avec l'ensemble de la communauté éducative le cadre de vie de l'établissement à l'heure du numérique et participe à la responsabilisation de chacun des acteurs : équipes éducative et pédagogique, parents d'élèves, élèves, et collectivités territoriales. Ces dernières jouent d'ailleurs un rôle important dans l'équipement numérique des établissements scolaires et des élèves à travers la fourniture d'ordinateurs ou de tablettes, ou encore font le choix de manuels scolaires numériques, soient associées à ces discussions.

En ce qui concerne le règlement intérieur, celui-ci est un document connu par les élèves et les parents, qui leur est distribué chaque année et qu'ils doivent signer. Pour la rapporteure, le règlement intérieur permettra de préciser les axes d'action, ainsi que les droits et devoirs définis dans le projet d'école ou d'établissement pour un usage raisonné des écrans.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-7 visant d'une part à préciser que les mesures de sensibilisation portent sur les effets nocifs d'une exposition non raisonnée aux écrans. En effet, ceux-ci ne sont pas nocifs en eux-mêmes mais dépendent de l'usage qui en est fait. D'autre part, il lui semble important de rappeler que ces mesures répondent à un enjeu de santé publique. Cette précision est de nature à favoriser l'implication des professionnels de la santé scolaire ainsi que de la médecine de ville dans les actions menées.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

Article 5 bis (nouveau)
Intégration de la prévention aux risques d'une exposition non raisonnée des élèves aux écrans et de l' « addiction » aux réseaux sociaux dans les missions du service public de l'éducation nationale

Cet article complète les missions du service public de l'éducation nationale afin d'y intégrer une prévention aux risques d'une exposition non raisonnée aux écrans et d'une « addiction » aux réseaux sociaux.

Les articles L. 121-1 et suivants du code de l'éducation fixent les objectifs et missions du service public de l'éducation. À ce titre, les écoles, collèges, lycées et établissements d'enseignement supérieur concourent notamment à l'éducation à la responsabilité civique, y compris dans l'utilisation d'internet et des services de communication au public en ligne et ont une mission d'information sur les violences y compris en ligne.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-8 visant à ajouter à ses missions une prévention aux risques d'une exposition non raisonnée aux écrans et d'une « addiction » aux réseaux sociaux. Cette modification permet d'inclure les établissements privés sous contrat qui concourent au service public de l'éducation nationale. La rapporteure rappelle qu'en 2024 plus de deux millions d'élèves étaient scolarisés dans un établissement privé sous contrat du premier ou second degré.

La commission a adopté l'article 5 bis ainsi rédigé.

Article 6
Campagne de sensibilisation dans les médias, sur internet ainsi que dans le secteur médical et éducatif sur les risques liés à une exposition excessive des enfants aux écrans et aux réseaux sociaux

Cet article vise à ancrer dans la loi la campagne de sensibilisation organisée chaque année par l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) sur les dangers d'une exposition excessive des enfants aux écrans et d'y prévoir l'association de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) ainsi que les ministères chargés de l'éducation nationale et du numérique.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement de précision.

I. - La situation actuelle

Les articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication confient à l'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) la mission de veiller à la protection de l'enfance et de l'adolescence.

La délibération du 22 juillet 2008 du Conseil supérieur de l'audiovisuel (devenu depuis l'Arcom) visant à protéger les enfants de moins de 3 ans des effets de la télévision est la première à tirer les conséquences des dangers d'une exposition précoce des tout-petits aux écrans. Ce texte interdit aux éditeurs la diffusion et la promotion sur leur antenne ou tout support de programmes visant spécifiquement les enfants de moins de 3 ans et prévoit une information annuelle des téléspectateurs sur les conséquences néfastes de la télévision sur les enfants de moins de 3 ans. Lors de cette campagne, dont les dates sont fixées par l'Arcom en lien avec les éditeurs et connues de ceux-ci trois mois avant le lancement de la campagne, « les éditeurs portent à la connaissance des téléspectateurs, à l'antenne, sous la forme de leur choix, les informations mises à leur disposition par le Conseil sur les dangers présentés par la télévision pour les enfants de moins de 3 ans. »

Le champ concerné par cette campagne « enfants et écrans » s'est peu à peu élargi, au rythme des nouveaux modes d'utilisation des écrans dans les foyers.

La campagne de 2025, qui a été diffusée pendant trois jours du vendredi 4 juillet au lundi 7 juillet, rappelle la nécessaire maîtrise par les parents du temps d'écran de leurs enfants, en veillant à ne pas les exposer pendant les repas ou avant de se coucher. Par ailleurs, elle insiste sur le fait de ne pas exposer les moins de 3 ans aux écrans.

Cette campagne se limite toutefois aux médias traditionnels. Sa durée est par ailleurs particulièrement courte : à peine quatre jours.

Cette campagne de sensibilisation s'ajoute à celle déjà existante relative à la signalétique jeunesse et à la classification des programmes14(*). S'appliquant aux chaînes de télévision et aux plateformes de médias audiovisuels à la demande, elle est mise en oeuvre depuis 2005 par l'Arcom et dure au minimum trois semaines.

II. - Le dispositif de la proposition de loi

L'article 6 vise à inscrire dans la loi le principe de cette campagne annuelle de sensibilisation. Par ailleurs, en plus du ministère de la santé, elle prévoit l'association des ministères de l'éducation nationale et du numérique ainsi que de la Cnil. Ces nouveaux partenariats doivent permettre une audience plus large de cette campagne. Elle pourrait par exemple être diffusée sur les profils parents des applications de l'éducation nationale (pronote, ma classe numérique,...) ou encore être déclinée sous forme de brochure dans les salles d'attente des professionnels de santé ou encore à la PMI.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-9 substituant la notion d'exposition non raisonnée à celle d'exposition excessive pour les mêmes raisons qu'évoquées dans les précédents articles.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé.

Article 7
Gage financier

Cet article prévoit un gage pour assurer la recevabilité financière du texte.

L'article 7 permet de compenser les aggravations de charges que tend à créer cette proposition de loi.

La commission a adopté cet article sans modification.

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* *

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 10 DÉCEMBRE 2025

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M. Laurent Lafon, président. - Nous débutons notre réunion en examinant le rapport de notre collègue Catherine Morin-Desailly sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux.

Je vous rappelle que l'examen de ce texte en séance publique est programmé le jeudi 18 décembre et que nous nous réunirons mercredi matin prochain afin d'examiner les amendements de séance.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Je tiens tout d'abord à remercier tous ceux qui m'ont accompagnée dans la préparation de ce rapport et qui ont participé avec moi aux auditions. Leur contribution nous a permis d'enrichir collectivement la réflexion sur un sujet devenu extrêmement sensible et d'une grande actualité.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité de l'édifice juridique que nous construisons depuis plusieurs années afin de protéger enfants et adolescents des risques liés à l'ensemble des écrans - de la télévision au téléphone portable, en passant par les ordinateurs, les tablettes, les montres connectées, etc. Elle constitue ainsi une pierre supplémentaire, dont il convient d'apprécier l'articulation avec celles qui ont déjà été posées.

Dès 2018, dans le rapport d'information réalisé au nom de notre commission et intitulé Prendre en main notre destin numérique : l'urgence de la formation - aussi bien dans les entreprises, dans les administrations, mais aussi et surtout pour les plus jeunes de nos concitoyens -, j'insistais sur la nécessité « d'apprendre à se servir des écrans et d'apprendre à s'en passer ».

Par voie d'amendement, j'ai ensuite introduit dans la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance l'obligation, pour les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), de former étudiants et enseignants à la maîtrise des outils numériques et à l'acquisition de toute une série de compétences aujourd'hui intrinsèquement liées aux usages numériques.

Enfin, en 2021, dans le rapport d'information intitulé Amplifier la législation européenne sur les services numériques (DSA) pour sécuriser l'environnement en ligne et réalisé avec ma collègue Florence Blatrix Contat, nous plaidions pour un renforcement des exigences européennes.

Parmi ces exigences figuraient notamment l'interdiction de la publicité ciblée pour les enfants et l'instauration d'un principe de safety by design. Cette première bataille est désormais gagnée.

La loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique (SREN) est ensuite venue décliner plusieurs des orientations portées par ces rapports.

Je veux également souligner que, parallèlement à la présente proposition de loi, j'ai déposé une proposition de résolution européenne (PPRE), enregistrée au Sénat le 10 juin 2025, et devenue résolution européenne du Sénat le 8 août 2025, relative à la protection des mineurs en ligne ; elle constitue le volet européen de ce qui doit apparaître comme une démarche d'ensemble.

L'essentiel du cadre juridique en la matière relève en effet du niveau européen, avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) et, surtout, le règlement sur les services numériques (RSN) - ou Digital Services Act (DSA). Celui-ci impose aux plateformes des obligations particulières concernant les mineurs, dont celle de « garantir un niveau élevé de protection de la vie privée, de sûreté et de sécurité des mineurs » - article 28.

Cet été, la Commission européenne a ainsi publié des lignes directrices assez ambitieuses pour en assurer l'application, prévoyant notamment : des paramétrages par défaut pour les mineurs, parmi lesquels figure la désactivation des notifications pendant les heures de sommeil ; l'adaptation des systèmes de recommandation afin d'éviter l'amplification de contenus dangereux ; une modération renforcée ; le déploiement accru d'outils de contrôle parental.

L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), chargée de mettre en oeuvre ces obligations et que nous avons longuement auditionnée, nous a indiqué qu'elle priorisait actuellement plusieurs actions auprès des plateformes les plus risquées, notamment TikTok. Il s'agit en particulier du contrôle de l'effectivité des seuils d'âge prévus par leurs conditions générales d'utilisation, notamment l'interdiction pour les moins de 13 ans, ainsi que de la vérification de la mise en place effective des environnements dédiés aux mineurs. L'Arcom pourra également signaler à la Commission européenne toute infraction constatée sur les très grandes plateformes, comme elle l'a fait récemment sur le phénomène SkinnyTok sur TikTok.

L'Arcom nous a indiqué que les choses commençaient un peu à bouger, les plateformes travaillant à la mise en conformité avec ces lignes directrices. La Commission européenne a par ailleurs ouvert des enquêtes sur plusieurs plateformes, sur lesquelles portait notamment le rapport d'information que j'avais élaboré avec Florence Blatrix Contat.

Quels sont, à présent, les effets nocifs que nous constatons aujourd'hui et qui justifient cette nouvelle initiative ?

S'agissant des plus jeunes, les données de la cohorte Elfe sont éclairantes : pour les enfants nés en 2011, le temps d'écran moyen était de cinquante-six minutes à deux ans, une heure vingt à 3 ans et demi, et une heure trente-quatre à 5 ans et demi. Pour les pré-adolescents et adolescents, une étude récente de l'Arcom auprès des 11-17 ans identifie six grands types de risques en ligne : l'hyperconnexion, qui nuit à d'autres activités ou au sommeil - 88 % y sont exposés - ; les contenus choquants, dégradants, haineux ou violents, ainsi que les incitations aux troubles alimentaires ; les défis dangereux ; le cyberharcèlement, qui peut aller jusqu'au partage non consenti de contenus personnels ; les interactions avec des adultes mal intentionnés ; enfin, les arnaques en ligne.

S'agissant plus précisément des risques sanitaires, ceux-ci sont aujourd'hui établis, notamment : des troubles sévères du sommeil, aux conséquences majeures pour la santé des enfants ; des retards d'acquisition et troubles du langage ; des affections des yeux, et, à long terme, une augmentation de la prévalence de la myopie ; une aggravation du surpoids et de l'obésité.

En matière de santé mentale, de nombreuses études ont par ailleurs démontré les effets délétères des contenus diffusés sur les réseaux sociaux pour les plus vulnérables. Le rapport d'Amnesty International Poussé.e.s vers les ténèbres montre ainsi comment certaines pratiques de TikTok peuvent renforcer l'anxiété et la dépression, comme l'avait révélé la commission d'enquête que nous avions conduite sur ces sujets.

Les travaux scientifiques mettent enfin de plus en plus en lumière les effets de la « technoférence » chez les enfants de 0 à 3 ans, c'est-à-dire l'interposition systématique d'un écran dans la relation parent-enfant, qui peut affecter le développement. Le psychiatre Serge Tisseron nous a d'ailleurs alertés sur ce point.

À ces effets s'en ajoutent de nouveaux qui trouvent leur origine dans un phénomène en expansion rapide : l'usage des intelligences artificielles conversationnelles. Deux tiers des enfants américains échangeraient ainsi quotidiennement avec ce qu'ils perçoivent comme un « compagnon numérique » !

Face à ces constats, la présente proposition de loi vise d'abord à apporter une avancée complémentaire importante, en améliorant notre législation nationale sur un volet déterminant : la formation et la sensibilisation aux risques liés aux écrans, mais également aux bonnes pratiques.

Je souhaite indiquer que ce texte a été accueilli favorablement par l'ensemble des personnes que nous avons pu auditionner : représentants des pédiatres, des professionnels de la petite enfance, des orthophonistes, des parents d'élèves, ainsi que les syndicats enseignants, le réseau Canopé, ou encore l'Arcom et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).

Le ministre de l'éducation nationale, avec qui j'ai pu m'en entretenir, et le ministre de la santé, par l'intermédiaire de son cabinet, s'y sont également montrés très favorables, tout comme la ministre déléguée chargée de l'intelligence artificielle et du numérique.

Cette proposition de loi tend ainsi à systématiser la formation et la sensibilisation à ces sujets de tous les professionnels de la santé, de la petite enfance et de l'éducation. Les auditions que nous avons menées font apparaître un besoin réel : des formations existent, mais elles ne sont pas assez systématiques.

Or il est indispensable que l'ensemble de ces professionnels puissent promouvoir les meilleures pratiques auprès des enfants, et ce dès leur plus jeune âge, comme des parents. J'insiste sur ce point : si les enfants sont aisément atteignables dans les structures qui les accueillent, les parents, eux, le sont difficilement. C'est pourquoi les professionnels - qu'ils relèvent du secteur médical, médico-social ou de la petite enfance - doivent pouvoir sensibiliser et accompagner les parents sans les culpabiliser. Cela conditionne une relation de confiance permettant de reprendre la main sur les usages numériques familiaux. Je proposerai d'ailleurs des amendements pour renforcer cette dimension d'accompagnement.

La proposition de loi prévoit également d'inscrire dans les règlements intérieurs des établissements accueillant des enfants de moins de 6 ans des règles encadrant l'usage des appareils numériques en présence des enfants. Si les crèches ont déjà proscrit les écrans, ce n'est pas le cas de tous les types d'accueil et des usages résiduels subsistent - par exemple lorsqu'un membre du personnel visionne une vidéo durant la sieste, exposant involontairement certains enfants.

Le texte introduit par ailleurs, dans les missions de la protection maternelle et infantile (PMI), la prévention des risques liés aux écrans - les départements agissent déjà beaucoup avec les PMI. Celles-ci, fréquentées par un large public, y compris les familles les plus modestes, constituent en effet un levier précieux pour sensibiliser les parents dès la grossesse.

Enfin, l'article 3 prévoit que les mesures de prévention sanitaire et sociale dont doivent bénéficier tous les mineurs à intervalle régulier incluent une sensibilisation à ces risques. Cette disposition exploitera l'universalité de ce dispositif pour diffuser largement une information essentielle.

Pour l'ensemble de ces dispositions, je vous proposerai par amendement de substituer à la notion d'« usage excessif » celle d'« usage non raisonné », car la formule « usage excessif » réduit la problématique des écrans à une question de durée d'exposition. Or certains effets négatifs peuvent se manifester très rapidement, notamment en cas d'exposition à des contenus dangereux.

Inversement, il existe évidemment des usages positifs des écrans. Le numérique fait désormais partie de notre quotidien et l'ignorer n'aurait aucun sens. Les enfants et les adolescents utilisent aussi les écrans pour leurs devoirs à la maison, pour accéder à la culture ou pour communiquer avec leurs pairs. De même, le numérique a permis des progrès importants en termes d'inclusion, avec des applications parfois remarquables dédiées aux personnes en situation de handicap (PSH). Une formation précise et informée sur ces sujets doit donc tenir compte de l'ensemble de ces éléments.

Enfin, la question de l'âge est complexe. La formule « 3-6-9-12 » de Serge Tisseron reste une référence utile - dont nous parlions déjà en 2019 -, et rappelle plus que jamais la nécessité de proscrire les écrans avant 3 ans. Des représentants des pédiatres nous ont même fait valoir que, pour eux, l'exposition doit être quasi nulle avant 6 ans. Par ailleurs, on observe une fragilité particulière pour les adolescents à l'approche des 15-16 ans, car ils sont alors très sensibles aux « dynamiques identitaires » amplifiées par les réseaux sociaux. Tous ces éléments doivent être pris en compte dans les formations et sensibilisations prévues par le texte.

La seconde partie de la proposition de loi concerne l'éducation nationale. Elle a une double ambition. D'une part, il me semble essentiel de construire une stratégie commune autour de tous les temps de l'enfant. D'autre part, il faut adapter la formation des enseignants afin de tenir compte des évolutions des usages numériques. À ce sujet, je rappelle la nécessité que cette formation soit réellement effective dans les Inspé. Je n'ai de cesse, depuis 2019, de le rappeler à chaque ministre et lors de chaque projet de loi de finances (PLF).

Au fil des auditions, j'ai constaté que les formations les plus opérationnelles étaient dispensées grâce au réseau Canopé, qui produit des modules remarquables sur l'ensemble de ces sujets. Je remercie notre président et nos collègues qui se sont mobilisés pour sauver les crédits de ce réseau.

Sans doute avez-vous eu, dans vos départements, des retours d'offres de services proposées par des entreprises comme Microsoft ou Apple visant à former les enseignants au numérique ; et vous avez sans doute entendu les communications des réseaux sociaux sur leurs actions pour mieux protéger les jeunes. J'attire votre attention sur la tentation de déléguer à des groupes privés la formation des enseignants ou de parier sur l'autorégulation des plateformes. Ces actions témoignent certes d'une prise de conscience. Mais les pouvoirs publics ne peuvent se dessaisir de ces questions essentielles. Derrière les plateformes, la tentation du profit l'emporte toujours sur la sécurité.

L'article 4 vise ainsi à intégrer au sein des projets éducatifs territoriaux (PEDT), ainsi que dans la formation initiale et continue des personnels de l'éducation nationale, une sensibilisation aux risques des écrans.

Le PEDT est le document permettant de structurer les activités périscolaires et de coordonner l'action des différents acteurs : éducation nationale, administrations, collectivités territoriales, associations, fondations. Cette disposition traduit ainsi la nécessité d'une prise en compte de la place des écrans dans tous les temps de l'enfant, qu'ils soient scolaires ou périscolaires, à travers une démarche cohérente et partagée entre l'ensemble des intervenants auprès des enfants.

L'article 5 permet d'intégrer au sein des projets d'école et d'établissement des actions pour sensibiliser aux effets nocifs des écrans et des réseaux sociaux. Il s'agit ainsi de fédérer la communauté éducative autour de cet objectif. Cette disposition permet aussi d'inclure dans la discussion les collectivités territoriales, qui siègent dans les conseils d'établissement. Nous savons combien elles jouent un rôle important dans l'équipement numérique des établissements et des élèves, notamment au lycée. Mais les collectivités doivent aussi avoir conscience que cet équipement n'est pas anodin et être pleinement associées aux réflexions sur son utilisation raisonnée. L'engagement de tous est nécessaire pour coordonner l'action face aux écrans et leurs effets nocifs.

Je vous proposerai également un amendement visant à inclure les établissements privés sous contrat, qui concourent au service public de l'éducation nationale, et qui auraient, sinon, été exclus de l'obligation de sensibilisation aux écrans.

Enfin, l'article 6 permettra d'ancrer dans la loi la campagne de sensibilisation organisée chaque année par l'Arcom sur les dangers de l'exposition aux écrans et d'y associer la Cnil ainsi que les ministères chargés de l'éducation nationale, de la santé et du numérique. Cette campagne prendra la forme de spots d'information, diffusés obligatoirement par les chaînes de télévision et les radios, sur un contenu imposé par l'Arcom.

L'association du ministère de l'éducation nationale permettra également d'utiliser, comme supports, les applications telles que Pronote ou Ma Classe Numérique, afin de toucher un public plus large au-delà des médias traditionnels. En 2025, la campagne n'a duré que quatre jours ; elle devra être beaucoup plus longue et plus largement diffusée, tant sur les écrans que par le biais de brochures et d'autres supports écrits, comme nous l'ont réclamé les médecins.

Mes chers collègues, cette proposition de loi complète l'édifice juridique européen et national que nous construisons progressivement pour éliminer les effets les plus négatifs sur les enfants et les adolescents du développement débridé de l'écosystème numérique. Après le temps de la naïveté sont venus ceux de la mobilisation et de la réglementation. Je veux croire que nous entrons aujourd'hui dans le temps de l'efficacité.

Toutefois, nous ne continuerons pas à avancer sans accroître encore la pression sur les plateformes pour leur imposer une attitude enfin responsable.

Car c'est bien leur modèle, fondé sur l'économie de l'attention et la maximisation des recettes publicitaires, qui a donné naissance aux dérives auxquelles nous assistons aujourd'hui. Je pense en particulier aux fils de vidéos à défilement infini fonctionnant grâce à des algorithmes nourris aux données personnelles, qui privent de sommeil une partie de la jeunesse - comme des adultes - et l'exposent dix fois par jour ou par nuit à des contenus toxiques. Ce n'est pas à la société de s'adapter tant bien que mal à ce modèle, c'est aux plateformes de le rendre compatible avec la santé des enfants et des adolescents ! Quitte, si cela se révèle impossible, à mettre en place des modèles de réseaux sociaux entièrement différents, compatibles avec les exigences que nous défendons.

Certes, un phénomène interfère avec l'évolution vers davantage de régulation et nous oblige à redoubler d'efforts : je veux parler de la pression exercée par les États-Unis, qui critiquent systématiquement ces démarches et incitent leurs champions nationaux à l'intransigeance. Mais nous ne sommes pas démunis face à cette offensive, car ces plateformes ont besoin du marché européen. La formation, la réglementation, le dialogue, mais aussi, quand il est impossible d'aboutir autrement, les sanctions, notamment financières : telle est la palette des outils que nous devrons absolument mobiliser jusqu'à obtenir que l'espace numérique soit aussi sûr que possible pour les citoyens européens, en particulier pour les enfants et les adolescents.

M. David Ros. - Je remercie Mme la rapporteure de sa présentation, qui est à l'image des auditions : très complète, riche et utile, nourrie par la qualité comme par la quantité des entretiens. En pleine période budgétaire, elle a su nous imposer un rythme soutenu, qui nous a même empêchés d'utiliser les réseaux sociaux durant les pauses...

Deux dimensions apparaissent nettement : l'objet et l'usage.

S'agissant de l'objet en lui-même, les effets néfastes sont établis : fatigue visuelle, difficultés de concentration, irritabilité, voire « addiction » - le rapport les met clairement en évidence.

Vient ensuite la question des usages : l'outil, qui crée de la fatigue, peut aussi produire des effets extrêmement pervers, mais également, dans certains cas, des effets positifs. La régulation des réseaux sociaux et des plateformes - voire leur interdiction - est donc indispensable, même si ses limites sont connues en termes d'efficacité.

La dimension des usages est essentielle, car c'est un travail au long cours, qui passe par l'apprentissage, la compréhension, puis la capacité à bien se servir des outils et à être capable de s'en passer. Cela implique un travail pédagogique et une sensibilisation des familles - au premier chef les parents, mais aussi les fratries -, ainsi que des professionnels de la petite enfance. Les auditions ont d'ailleurs montré qu'avant 6 ans les usages ne présentent aucun aspect positif.

Les acteurs de l'éducation sont confrontés à des positions difficiles, presque « schizophréniques » : on leur demande d'utiliser l'outil numérique pour l'apprentissage, mais ils ont conscience des effets pervers qui en résultent. D'où l'attente de formation, de régulation et de moyens pour mieux accompagner ces usages.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) votera cette proposition de loi ainsi que les amendements présentés par la rapporteure.

Mme Agnès Evren. - Cette proposition de loi constitue un véritable pas en avant, un élément structurant sur un sujet essentiel pour l'avenir de notre jeunesse. Toutes les personnalités auditionnées - médecins, personnels de l'éducation nationale, professionnels de la petite enfance, associations de parents d'élèves - ont unanimement confirmé les effets nocifs, désormais établis, d'une exposition précoce aux écrans sur la santé physique et mentale : troubles de l'attention et du sommeil, difficultés d'acquisition du langage et des apprentissages, absence d'interactions, mais aussi - et c'est très important - cyberharcèlement, qui se poursuit vingt-quatre heures sur vingt-quatre et peut créer de l'anxiété et des troubles dépressifs, comme le montre parfaitement le rapport.

De nombreuses associations de parents d'élèves nous ont également dit se sentir démunies face à l'absence de consignes claires de l'éducation nationale et souhaitent être mieux accompagnées. Il n'existe plus de rupture entre le temps scolaire et le temps passé à la maison. Certes, la loi du 3 août 2018 relative à l'encadrement de l'utilisation du téléphone portable dans les établissements d'enseignement scolaire interdit l'usage du téléphone portable à l'école, mais les élèves le gardent dans leur poche : les notifications perturbent la concentration, d'autant que les plateformes se livrent une véritable bataille de captation de l'attention. Une régulation s'impose.

En tant que parlementaires, nous devons prendre le sujet à bras-le-corps. C'est pourquoi la proposition de loi prévoit un arsenal de mesures de prévention et de sensibilisation. Les témoignages des experts m'ont inspiré deux amendements.

Le premier permet au règlement de l'établissement de prévoir des modalités d'organisation de dépôt ou de consignation des téléphones portables - tel était l'objet de la proposition de loi que j'avais déposée le 19 avril 2024, conformément à l'engagement du ministère de l'éducation nationale à la rentrée 2025. Or les collectivités, compétentes pour installer des casiers, ne l'ont pas toutes fait, et nous ne disposons pas d'une vision précise des établissements ayant généralisé la pause numérique.

Le second amendement vise à compléter l'article 5, en prévoyant d'étendre aux temps périscolaires les règles encadrant l'usage des écrans et outils numériques, ces temps relevant de la responsabilité des maires et demeurant insuffisamment encadrés.

Il ne s'agit pas de contraindre, mais il convient d'éviter que l'encadrement des usages ne soit contourné durant le temps périscolaire. La communauté éducative y voit l'un des derniers trous dans la raquette...

Enfin, je déposerai en séance un amendement visant à appliquer ces règles aux accueils de loisirs tels que régis par le code de l'action sociale et des familles.

Mme Mathilde Ollivier. - Merci beaucoup pour ce rapport, cette proposition de loi et l'organisation de nombreuses auditions dans cette période budgétaire pourtant très chargée. Nous avons beaucoup appris des experts, notamment sur les risques liés à l'exposition aux écrans, qu'il s'agisse des effets physiques ou psychiques. La Société française de pédiatrie a rappelé l'existence de deux grandes phases de vulnérabilité : la petite enfance, avec des risques majeurs sur le développement, et l'adolescence, marquée par l'exposition à des contenus problématiques, même si l'ensemble de l'enfance et de l'adolescence reste une période où la surexposition aux écrans et aux contenus peut affecter le sommeil, le développement et les relations, à la maison comme à l'école.

Les auditions ont également mis en lumière de fortes inégalités selon les catégories socioprofessionnelles : dans les logements exigus, les enfants disposent de peu d'espace pour bouger, et les écrans deviennent parfois la seule option. Cet état de fait doit être pris en compte dans nos politiques de sensibilisation, de prévention et d'éducation aux usages.

Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST) soutiendra cette proposition de loi, qu'il s'agisse des mesures de prévention des risques, de formation ou de sensibilisation, très attendues.

Enfin, je souhaite revenir sur la nécessité d'associer étroitement la prévention des risques et l'éducation aux usages. Un amendement vise à intégrer la notion d'« exposition non raisonnée », mais je m'interroge sur l'intérêt d'y ajouter explicitement l'« éducation aux usages ». Madame la rapporteure, pourriez-vous préciser ce point ?

Mme Annick Billon. - Je remercie Catherine Morin-Desailly de nous présenter ce texte, le jour même où l'Australie interdit l'usage des réseaux sociaux aux moins de 16 ans, mesure dont l'application s'annonce toutefois difficile, malgré les amendes très lourdes prévues.

Je veux saluer l'expertise, la constance et la volonté d'agir sur le temps long de notre collègue.

De nombreuses initiatives et tentatives ont été engagées - votre proposition de loi visant à lutter contre l'exposition précoce des enfants aux écrans de 2018, la proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans, adoptée par l'Assemblée nationale en 2023, mais jamais inscrite au Sénat, ou encore la création récente, par le Président de la République, d'une commission d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans -, toujours avec le même objectif : protéger les enfants. Il est désormais temps de traduire ces travaux dans la loi et de fixer un cadre clair pour la protection des mineurs.

Votre texte contient six articles en faveur de la prévention, la formation et la sensibilisation de tous les professionnels en lien avec les enfants - PMI, enseignants, ministères concernés. Il constitue un pas supplémentaire important pour la protection des jeunes publics.

Les travaux que nous avons menés avec la délégation aux droits des femmes sur le rapport d'information Porno : l'enfer du décor ont mis en évidence les nombreuses conséquences auxquelles les enfants sont exposés : temps d'écran excessif, « addictions », pédocriminalité, réseaux de prostitution, troubles du sommeil, déficit d'empathie, repères perturbés. Face à des risques aussi lourds, il est indispensable de graver dans la loi ces enjeux.

Il faudra ensuite se donner les moyens d'appliquer ces mesures : des moyens financiers pour la communication, des moyens pour l'école et la formation, et des outils adaptés, notamment via le réseau Canopé. On sait, par exemple, que l'éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité (Évars), pourtant inscrite depuis longtemps dans la loi, reste difficile à mettre en oeuvre.

Les membres du groupe Union Centriste (UC) voteront ce texte et félicitent son auteure-rapporteure.

M. Ahmed Laouedj. - Merci à Catherine Morin-Desailly pour cette proposition de loi, qui constitue un pas nécessaire. Nous connaissons les effets de la surexposition aux écrans sur les enfants : troubles de l'attention, du sommeil, anxiété, exposition à des contenus inadaptés. Près d'un jeune sur quatre présente un usage problématique de son smartphone ; c'est un véritable enjeu de santé publique. La prévention et l'information sont indispensables, mais elles ne suffisent pas ; on ne peut pas demander aux familles de lutter seules contre les plateformes mondiales dont le modèle économique repose sur l' « addiction » numérique. Le contrôle parental actuel reste, de surcroît, trop facilement contournable.

Nous devons responsabiliser les plateformes - TikTok, YouTube, réseaux sociaux -, dont les algorithmes captent l'attention plutôt qu'ils ne protègent les enfants. Les obligations européennes du DSA existent : interdiction de la publicité ciblée, vérifications de l'âge, transparence des algorithmes. Elles doivent maintenant être appliquées et contrôlées.

Ce texte constitue une base utile, mais nous devons aller plus loin et plus vite.

Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) soutiendra cette proposition de loi.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. - À mon tour de remercier Mme la rapporteure pour ce travail essentiel, mené depuis longtemps, qui aboutit aujourd'hui à une proposition de loi visant à renforcer la prise de conscience de la nécessaire intervention des politiques publiques pour protéger les enfants de la surexposition aux écrans. Ce texte représente un pas significatif en la matière. En effet, il faut contraindre et harmoniser la réglementation pour tous les diffuseurs audiovisuels. Des avancées existent déjà : la programmation télévisuelle interdit certains contenus avant 22 heures.

Au cours des actions de sensibilisation menées dans les écoles, les parents déclarent fréquemment que l'école est elle-même prescriptrice d'écrans, notamment à travers Pronote et d'autres applications numériques. Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K) portera un amendement visant à réglementer l'usage de Pronote, en en limitant l'accessibilité après 21 heures ou 22 heures, notamment le week-end.

Le texte prévoit également la formation des professionnels de santé. C'est une très bonne chose, car les besoins sont réels. Aujourd'hui, la sensibilisation aux enjeux de santé liés aux écrans reste optionnelle dans les études de médecine, contrairement à l'alcool, au tabac ou au VIH.

Les symptômes de la surexposition aux écrans peuvent parfois ressembler à ceux du trouble autistique, entraînant des diagnostics erronés. Après deux ou trois ans de prise en charge, l'« addiction » peut disparaître, révélant qu'il ne s'agissait pas d'un trouble du spectre de l'autisme. Une détection précoce est donc nécessaire, à la fois pour les enfants et pour éviter un coût social important - accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), traitements, notification des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), etc.

L'importance du rôle de l'école ayant été souligné, il serait également pertinent de coupler le dépistage de cette « addiction » avec les résultats des évaluations nationales réalisées périodiquement. Cela permettrait sans doute aux parents de mieux prendre conscience du problème.

J'attire également votre attention sur le fait que des structures publiques, comme les médiathèques, offrent un accès illimité aux écrans pour les enfants. Il y a là matière à réflexion.

Enfin, concernant la régulation des ventes, certains jeux destinés aux enfants de moins de 3 ans, prétendument éducatifs, utilisent des écrans comme support. Il y aurait peut-être un intérêt à les interdire.

Mme Laure Darcos. - Le meilleur moment pour sensibiliser l'ensemble des parents me semble être la rentrée scolaire, qui est aussi la période des bonnes résolutions. Il faudrait donc imposer une réunion d'information obligatoire pour les parents, dans le primaire comme dans le secondaire. Ce serait sans doute plus efficace qu'une communication via Pronote, qui ne touche pas forcément tous les publics.

Je me suis demandé si je devais déposer un amendement, mais je ne suis pas certaine que ma proposition puisse figurer dans le code de l'éducation. Peut-être faudrait-il simplement inciter le ministère à imposer une telle réunion dans chaque établissement, si toutefois cela est possible.

Mme Laurence Garnier. - Je remercie Catherine Morin-Desailly pour sa ténacité. En 2018, lorsqu'elle a commencé ses travaux, le sujet alertait bien peu de monde.

Nous savons tous le hiatus qui s'est creusé entre l'urgence et l'ampleur du problème, d'une part, et la réponse législative, d'autre part, qui reste assez faible. Certains textes n'ont jamais franchi le cap de la navette, sans compter que nous sommes relativement peu compétents au niveau national pour légiférer sur ces sujets. La proposition de loi a fait le choix de contourner cette difficulté en se concentrant sur la prévention et la sensibilisation, ce qui me paraît absolument indispensable.

Demain, il faudrait que nous considérions un enfant d'un an et demi devant une tablette dans une poussette presque comme s'il était en train de fumer une cigarette ! L'image est un peu forte, mais c'est cette révolution culturelle que nous devons réussir à opérer.

Nous pouvons aussi, en complément de cette proposition de loi, agir au niveau national sur l'objet lui-même - la tablette, le téléphone, l'ordinateur -, et non sur les flux numériques, qui sont gérés au niveau européen. C'est l'objectif de ceux qui souhaitent - et je les soutiens pleinement - interdire les téléphones portables au collège - où c'est déjà en théorie le cas - et au lycée. Les amendements proposés par Agnès Evren permettent d'amorcer cette réflexion.

Enfin, je voudrais dire un mot de l'antidote. Nous vivons dans une société où l'on a du mal à imaginer ce que pourrait être notre vie sans écran. Vous avez évoqué les retards de langage, les difficultés de concentration, les difficultés à produire des efforts de long terme, le manque d'interaction et d'empathie. Il y a un antidote parfait à tout cela, qui s'appelle la lecture ! Pour ceux que cela intéresse, je vous invite à vous pencher sur les travaux de Michel Desmurget, qui a écrit tout à la fois La fabrique du crétin digital et Faites-les lire !

Notre collègue Mathilde Ollivier a raison d'évoquer les inégalités socio-économiques face à l'usage des écrans. Mais la lecture est possible, même dans un petit espace. Il est vraiment fondamental, en parallèle de nos travaux, de la promouvoir !

M. François Patriat. - Je serai très bref : notre groupe soutient totalement cette proposition de loi à la fois juste et nécessaire.

M. Pierre Ouzoulias. - Permettez-moi, chère collègue rapporteure, de saluer votre pugnacité. Je me souviens, voilà quelques années, du profond mépris que vous avez essuyé de la part de l'exécutif lors du dépôt d'un précédent texte. Aujourd'hui, quand je vois la quasi-totalité du Gouvernement reprendre votre proposition de loi à son compte, je ne peux cacher ma surprise ni m'empêcher d'arborer un sourire légèrement narquois.

Je me souviens d'une époque où les ministres venaient au Sénat sans trop prêter attention à nos propositions de loi... Aujourd'hui, ils s'empressent de les reprendre. Les temps ont changé, et c'est une très bonne chose !

Néanmoins, comme vous l'avez très justement souligné, chère collègue, votre texte s'appuie sur des règlements et des directives européens dont on sent bien qu'ils sont menacés. L'administration Trump souhaite très clairement les mettre en pièces, et je ne suis pas sûr que l'Europe ait une réelle volonté souveraine de s'opposer à ce projet. Pour reprendre les mots de M. Retailleau, dont je salue le retour parmi nous, je ne suis pas certain que l'Europe veuille vraiment éviter de devenir une colonie numérique des États-Unis.

Notre vote permettra d'exprimer très clairement notre position. Mais défendre une proposition de loi ne suffira pas ; il faudra aussi que le Gouvernement, auprès des instances européennes, change d'état d'esprit sur le numérique.

Mme Catherine Belrhiti. - La très forte augmentation du nombre d'enfants n'ayant pas encore acquis le langage et présentant des difficultés de communication en raison d'une exposition précoce aux écrans laisse craindre, selon de nombreux spécialistes, l'apparition d'un véritable problème de santé publique.

Mais comment éviter que les obligations de formation et de sensibilisation prévues par les articles 3 et 4 de la proposition de loi ne restent théoriques, faute de moyens d'ingénierie pédagogique ou d'outils adaptés pour les professionnels de la santé, de la petite enfance et de l'éducation nationale ?

Quelle stratégie prévoir pour assurer la cohérence des actions menées par les différents acteurs - État, départements, établissements scolaires, Arcom, fabricants d'appareils - et leur bonne compréhension par les familles sur l'ensemble du territoire ?

M. Max Brisson. - Sur ce sujet comme sur d'autres, Catherine Morin-Desailly nous apporte une approche à la fois déterminée et fine, ce qui n'est pas toujours le cas de certaines déclarations martiales, très vite oubliées après avoir agité un temps les médias. Notre groupe soutiendra évidemment cette proposition de loi, dont la vocation est de s'inscrire dans la durée.

Concernant la partie du texte sur l'éducation, j'approuve les dispositions proposées en termes de formation et de sensibilisation. Reste un constat, évoqué par Annick Billon : tout ce qui ne figure pas dans les programmes d'enseignement et dans le cadre structuré de l'éducation nationale a beaucoup de mal à prospérer. Je m'interroge donc sur les raisons pour lesquelles le ministère de l'éducation nationale a tant de difficultés, depuis des années, à agir au moyen de ce qu'il sait faire le mieux, c'est-à-dire des décrets, des arrêtés et des circulaires, a fortiori dans un domaine où le champ réglementaire prédomine.

Quand l'éducation nationale veut que ses professeurs et ses personnels agissent, elle sait parfaitement poser un cadre. Je m'interroge donc sur sa difficulté à fixer des règles de bon usage des écrans, sur l'initiative des spécialistes de la pédagogie. Les coups de menton en faveur d'interdictions globales me paraissent très surprenants dans une société où les adultes montrent l'exemple inverse. Il suffit de jeter un oeil dans notre hémicycle... Nous qui travaillons beaucoup avec ces outils, nous aurions bien besoin également d'un apprentissage à leur bonne utilisation.

Au-delà du bon usage pédagogique de ces outils se pose aussi la question de la vie scolaire. Là encore, quand l'éducation nationale veut fixer des règles, elle produit des directives qui sont ensuite mises en oeuvre dans les règlements intérieurs, même si je déplore que ces derniers soient trop souvent un simple copier-coller des multiples textes du ministère. L'éducation nationale étant centralisée - ce que je déplore aussi parfois -, on peut s'étonner que, sur ce sujet, elle soit dans l'incapacité de fixer un cap et des règles.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Je réponds à Catherine Belrhiti, qui m'interrogeait sur la manière de garantir l'effectivité des obligations contenues dans ce texte.

Il nous appartient bien entendu de contrôler l'application de la loi chaque année au moment du budget, en vérifiant que les crédits par mission permettent de financer ces formations et que celles-ci sont effectivement dispensées.

De l'avis des personnes que nous avons auditionnées, ce texte diffère des précédents en ce qu'il tend à apporter une réponse systémique, globale et cohérente au problème, en s'appuyant notamment sur la coordination de tous les secteurs de l'éducation et de la petite enfance, y compris les intervenants médico-sociaux.

Nous voulons ainsi fédérer l'ensemble de la communauté éducative en rendant obligatoire l'élaboration d'un projet d'établissement sur le numérique, dont la rédaction associera la direction, les conseillers principaux d'éducation, les médecins et infirmières scolaires, ainsi que des représentants des élèves, des enseignants, des parents et des collectivités territoriales.

Tous auront l'obligation de réfléchir au bon usage des écrans : quand, comment, pourquoi, combien de temps, où poser les portables ?... Ce travail, mené au coeur de chaque établissement, conduira à une modification du règlement intérieur. Cette première coordination aidera ensuite les parents à faire valoir à la maison les règles établies en commun.

Nous prévoyons également, pour la première fois, l'organisation d'une campagne nationale qui associera trois ministères. Ces derniers devront s'accorder sur des messages adaptés à chaque tranche d'âge, coordonner leurs efforts et y consacrer des moyens.

Enfin, Evelyne Corbière Naminzo s'est inquiétée à juste titre des jouets comportant des écrans. La disposition du texte, identique à celle d'un amendement qui avait été voté à l'unanimité en 2019 et tendant à rendre obligatoire, sur les emballages et les notices, la mention du danger potentiel de l'exposition aux écrans, à l'instar de ce qui a été fait pour le vin et les femmes enceintes, entend répondre à ce problème.

Je veux répondre également à la question de Mathilde Ollivier sur l'accompagnement et l'éducation. Quand je parle d'un usage non raisonné, cela signifie qu'il existe un usage raisonné. Dans l'un des amendements que je propose à l'article 1er, je dis explicitement qu'il faut promouvoir les alternatives aux écrans pour les jeunes enfants, c'est-à-dire toute la dimension éducative et les bons usages. Les alternatives attractives existent - projets culturels, apprentissage de la découverte d'une oeuvre, lecture, dispositif « Ma classe au cinéma », activité physique - ; les enseignants et les parents doivent s'en emparer.

M. Laurent Lafon, président. - Madame la rapporteure, je vous laisse à présent le soin de préciser le périmètre de cette proposition de loi.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que la présente proposition de loi porte sur la formation et la sensibilisation des enseignants et des professionnels de la petite enfance aux risques liés à l'exposition aux écrans pour les enfants et les adolescents, sur les messages de prévention inscrits dans le règlement intérieur des établissements d'enseignement, ainsi que sur la régulation des usages du numérique dans les établissements de la petite enfance. Elle porte également sur les messages apposés sur les emballages d'appareils numériques ou diffusés par les médias.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-1 tend à préciser que la formation spécifique sur les risques associés aux différents degrés d'exposition aux écrans doit obligatoirement être incluse dans la formation initiale et continue des professionnels concernés.

Cette formation devra également, de manière positive, les aider à développer et à partager avec les parents des pratiques alternatives aux écrans, en particulier dans les situations où ces derniers apparaissent trop souvent comme une « solution miracle » - moments d'attente, nécessité d'apaiser un enfant, etc.

L'amendement COM-1 est adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-2 rectifié vise en premier lieu à mentionner les montres connectées et les téléviseurs parmi les objets numériques concernés par les messages de prévention.

Il tend également à préciser que lesdits messages doivent figurer sur les emballages non seulement de produits neufs, mais aussi de produits reconditionnés, dont le marché est désormais très développé.

Enfin, il prévoit de remplacer la notion d'« usage excessif » par celle d'« usage non raisonné » afin de ne pas limiter le périmètre des mesures envisagées à la seule question du temps d'écran, mais de prendre en compte également les différents facteurs de risque et les bons usages.

L'amendement COM-2 rectifié est adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'article L. 1311-2 du code du travail ne rend obligatoire l'existence d'un règlement intérieur que dans les entreprises de plus de 50 salariés. Il convient donc de viser aussi, s'agissant des établissements accueillant les jeunes enfants, le projet d'établissement et le règlement de fonctionnement, qui ont une base légale au sein du II de l'article L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles. Tel est l'objet de l'amendement COM-3 rectifié.

Il prévoit aussi que ce texte doit, outre une politique de prévention des risques, mettre en place une politique de soutien à la parentalité favorisant les alternatives aux écrans pour les enfants de moins de 3 ans, afin d'engager un dialogue avec les parents et de leur permettre de trouver des solutions aux difficultés qu'ils rencontrent.

L'amendement COM-3 rectifié est adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-4 vise à remplacer la notion d'exposition excessive aux écrans par la notion d'exposition non raisonnée, afin de ne pas limiter le périmètre des mesures de sensibilisation engagées par la PMI à la seule question du temps d'écran et de permettre la prise en compte la plus complète possible des divers facteurs de risques.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-5 vise à apporter la même précision que le précédent.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-6 rectifié vise à remplacer le mot « élèves » par « enfants », car les activités périscolaires ne relèvent pas de la compétence de l'éducation nationale.

L'amendement COM-6 rectifié est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 5

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-7 vise à préciser que le but de ce texte n'est pas d'exclure tout contact entre les enfants et les écrans. Nous ne sommes pas technophobes et n'ignorons pas les réalités du monde numérique. Les écrans ne sont d'ailleurs pas nocifs en tant que tels ; tout dépend de l'usage qui en est fait.

Aussi, je vous propose de préciser que les actions de sensibilisation en milieu scolaire portent sur une exposition non raisonnée aux écrans.

Par ailleurs, il me semble important de préciser que ces actions s'inscrivent dans un souci de santé publique. Pour en avoir discuté avec le ministre de l'éducation nationale, celui-ci m'indique que cette précision lui donnera davantage de poids pour inclure les professionnels de la santé.

L'amendement COM-7 est adopté.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - Je partage pleinement l'intention des auteurs de l'amendement COM-11 rectifié bis.

Son dispositif, placé dans le code de l'éducation, porte toutefois à confusion sur le partage des compétences entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales. Il me semble préférable de rattacher ce dispositif au code de l'action sociale et des familles, au titre des projets éducatifs que doivent établir les établissements proposant un accueil collectif de mineurs, dont les centres de loisirs.

Je vous propose de retravailler sur le texte de l'amendement dans la perspective du débat en séance publique. Pour l'heure, j'en sollicite le retrait.

L'amendement COM-11 rectifié bis est retiré.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - La loi du 3 août 2018 interdit de facto les téléphones portables dans les écoles et les collèges, mais sa mise en oeuvre est inégale. Agnès Evren a raison de vouloir préciser, à travers l'amendement COM-10 rectifié ter, les modalités d'organisation du dépôt ou de la consignation des appareils connectés à l'entrée de l'établissement scolaire. Cet amendement me semble toutefois trop restrictif. Je crois préférable de laisser aux établissements le soin de fixer eux-mêmes les règles de non-utilisation.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement.

L'amendement COM-10 rectifié ter est retiré.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 5

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise à prendre en compte les élèves scolarisés en établissements privés sous contrat, qui n'étaient pas pris en compte dans ma proposition originelle.

L'amendement COM-8 est adopté et devient article additionnel.

Article 6

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-9 porte sur le contenu de la campagne de sensibilisation. Il s'agit toujours d'alerter sur les dangers d'une exposition non raisonnée, qui recouvre des champs allant au-delà du seul temps d'exposition aux écrans.

L'amendement COM-9 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

L'article 7 est adopté sans modification.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteure. - L'amendement COM-12 vise à modifier le titre de la proposition de loi pour compléter la notion de protection des jeunes par celle d'accompagnement vers un usage raisonné du numérique. Cela permet d'englober les dispositions relatives à l'accompagnement des parents et des enseignants, aux alternatives positives, etc. Le titre de la proposition de loi serait ainsi rédigé : « Proposition de loi visant à protéger les jeunes des risques liés à l'exposition aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux, et à les accompagner vers un usage raisonné du numérique. »

L'amendement COM-12 est adopté.

L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

TITRE I : Volet sanitaire

Article 1er

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

1

Précision de la nature de la formation aux écrans

Adopté

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

2 rect.

Précision sur les appareils numérique et sur les messages publicitaires

Adopté

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

3 rect.

Précision sur le champ de l'insertion de la prévention dans les règlements des établissements

Adopté

Article 2

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

4

Précision sur la nature des mesures de sensibilisation

Adopté

Article 3

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

5

Précision sur la nature de la sensibilisation aux risques des écrans

Adopté

TITRE II : Volet éducatif

Article 4

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

6 rect.

Amendement rédactionnel

Adopté

Article 5

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

7

Amendement de précision rédactionnelle

Adopté

Mme EVREN

11 rect. bis

Réglementation de l'usage des appareils connectés lors des activités périscolaires

Retiré

Mme EVREN

10 rect. ter

Modalités d'organisation du dépôt ou de la consignation des appareils connectés à l'entrée de l'établissement scolaire

Retiré

Article(s) additionnel(s) après Article 5

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

8

Prise en compte des élèves scolarisés en établissements privés sous contrat

Adopté

Article 6

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

9

Contenu de la campagne de sensibilisation

Adopté

Proposition de loi visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux

Mme MORIN-DESAILLY, rapporteure

12

Modification du titre du texte

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTION ÉCRITE

MARDI 18 NOVEMBRE 2025

M. Serge TISSERON, psychiatre, docteur en psychologie HDR et membre de l'académie des technologies.

VENDREDI 21 NOVEMBRE 2025

- Association e-Enfance : Mmes Béatrice COPPER-ROYER, présidente et co-fondatrice, Justine ATLAN, directrice générale, et Inès LEGENDRE, chargée de plaidoyer.

MARDI 25 NOVEMBRE 2025

Mme Sarah EL HAIRY, haute-commissaire à l'enfance.

Table ronde des syndicats de l'éducation nationale

- Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) : Mme Eugénie DE ZUTTER, responsable nationale pour les professeurs certifiés ;

- Union nationale des syndicats autonomes (UNSA) Éducation : Mme Béatrice LAURENT, secrétaire nationale éducation et culture ;

- Syndicat national des enseignements du second degré (SNES-FSU) : Mme Amélie HART, secrétaire nationale ;

- Syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles (FSUSNUipp) : Mme Sarah HAMOUDI WILKOWSKY, secrétaire nationale.

JEUDI 27 NOVEMBRE 2025

- Réseau Canopé : Mme Alexandra WISNIEWSKI, directrice générale par intérim, et M. Julien FARION, directeur de cabinet.

MERCREDI 3 DÉCEMBRE 2025

- Mme Célia ZOLYNSKI, professeure de droit privé, membre de la commission d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans.

Table ronde association des parents d'élèves

Association des parents d'élèves de l'enseignement libre (APEL) : Mme Laure COQUELET, membre du bureau national, et M. Benoit DESFORGES, directeur du service aux parents d'élèves ;

Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) : Mmes Adeline NEDEY, secrétaire générale adjointe, et Sandra BUTEAU-BESLE, administratrice nationale.

Table ronde petite enfance

Syndicat national des professionnel·le·s de la petite enfance (SNPPE) : Mme Véronique ESCAMES, co-secrétaire général ;

- Fédération française des entreprises de crèches (FFEC) : Mmes Claudia KESPY-YAHI, vice-présidente, et Elsa HERVY, déléguée générale ;

Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants (FNEJE) : Mme Julie MARTY PICHON, Coprésidente.

Jeudi 4 décembre 2025

- Société française de pédiatrie (SFP) : Mme Agnès LINGLART, présidente.

- Conseil d'orientation et de perfectionnement (COP) : Mme Nathalie SONNAC, présidente du COP du centre pour l'éducation aux médias et à l'information (Clémi).

Vendredi 5 décembre 2025

Audition commune

Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) : Mmes Laurence PÉCAUT-RIVOLIER, conseillère, membre Arcom et Alexandra MIELLE, adjointe au département prévention et protection des services ;

Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) : Mme Jennifer ELBAZ, chargée de mission éducation numérique, M. Martin BIÉRI, chargé d'études usages, innovation et prospective au service du laboratoire d'innovation numérique, et Mme Chirine BERRICHI, conseillère.

- Fédération nationale des orthophonistes (FNO) : Mmes Sarah DEGIOVANI, présidente, Nathalie SCARSI-BOUNINE, secrétaire générale, et M. Niels LAGRANGE, délégué général.

CONTRIBUTION ÉCRITE

Ø Départements de France

Proposition de loi n° 744 (2024-2025) visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »15(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie16(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte17(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial18(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 10 décembre 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 744 (2024-2025) visant à protéger les jeunes de l'exposition excessive et précoce aux écrans et des méfaits des réseaux sociaux :

La présente proposition de loi porte sur la formation et la sensibilisation des enseignants et des professionnels de la petite enfance aux risques liés à l'exposition aux écrans pour les enfants et les adolescents et sur les messages de prévention inscrits dans le règlement intérieur des établissements d'enseignement, ainsi que sur la régulation des usages du numérique dans les établissements de la petite enfance. Elle porte également sur les messages apposés sur les emballages d'appareils numériques ou diffusés par les médias.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-744.html


* 1 Enfants et écrans, À la recherche du temps perdu, commission présidée par Servane Mouton et Amine Benyamina, 2024, rapport demandé par le Président de la République.

* 2 Un arrêté du 2 juillet 2025 a modifié la charte nationale pour l'accueil du jeune enfant. Il est désormais interdit d'exposer les enfants de moins de 3 ans aux écrans, notamment dans les crèches, les haltes-garderies ou les lieux d'accueil proposés par les assistants maternels.

* 3 Ce texte n'a cependant jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

* 4 Article 28 du RSN.

* 5 La Commission européenne a ainsi ouvert des procédures d'enquête contre Meta, Facebook et Instagram ou certains sites pornographiques pour évaluer la conformité de leurs mesures de protection des mineurs avec le DSA.

* 6 Article L. 2133-1 du code de la santé publique

* 7 Institut national du sommeil et de la vigilance. Le sommeil des français en 2020.

* 8 Rapport « Enfants et écrans. À la recherche du temps perdu. » remis au Président de la République par une Commission constituée d'experts issus de la société civile pour évaluer les enjeux attachés à l'exposition des enfants aux écrans et formuler des recommandations, avril 2024
https://www.elysee.fr/admin/upload/default/0001/16/06a9854b34d98bb3e4fbf72b2b28ed3b0dd601a1.pdf

* 9 https://www.who.int/fr/news/item/17-04-2019-who-releases-first-guideline-on-digital-health-interventions, 2019

* 10 https://afpa.org/dossier/ecrans

* 11 Une enquête menée en Ille et Vilaine auprès de 167 enfants révèle par ailleurs que ceux exposés aux écrans avant leur entrée à l'école présentent un risque de troubles du langage multiplié par trois ; voire par six lorsque les parents ne discutent pas avec eux de ce qu'ils regardent. Une autre étude rapporte qu'un enfant entend en moyenne 925 mots par heure, mais seulement 155 mots lorsque la télévision reste allumée.

* 12 Prendre en main notre destin numérique : l'urgence de la formation, rapport n° 507 de Mme Catherine Morin-Desailly, 2017-2018.

* 13 Le groupe de travail visant à « reconquérir l'écrit à l'école », mis en place par François Bayrou, alors Premier ministre a mis en lumière l'importance de la maîtrise du geste graphomoteur comme l'un des piliers de l'apprentissage de l'écriture. Les travaux n'ont toutefois pas pu aboutir en raison de la démission du gouvernement.

* 14 Gradation de pictogrammes rond de couleur blanche avec des chiffres allant de - 10 ans à - 18 ans.

* 15 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 16 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 17 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 18 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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