- L'ESSENTIEL
- I. LES CENTRES EXPERTS EN SANTÉ
MENTALE : UN RÉSEAU QUI CONTRIBUE À L'OFFRE DE SOINS DE
TROISIÈME RECOURS ET À LA RECHERCHE EN PSYCHIATRIE
- A. LE RÉSEAU DES CENTRES EXPERTS EN
SANTÉ MENTALE A ÉTÉ MIS EN PLACE POUR CONTRIBUER À
LA RECHERCHE SUR LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES GRAVES
- B. L'OFFRE DE SOINS DE TROISIÈME RECOURS,
PRODIGUÉE PAR UNE DIVERSITÉ D'ACTEURS, COMPLÈTE UTILEMENT
LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS ATTEINTS DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES
SÉVÈRES
- A. LE RÉSEAU DES CENTRES EXPERTS EN
SANTÉ MENTALE A ÉTÉ MIS EN PLACE POUR CONTRIBUER À
LA RECHERCHE SUR LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES GRAVES
- II. LE RENFORCEMENT DE L'OFFRE DE SOINS DE
TROISIÈME RECOURS : UN OBJECTIF À POURSUIVRE DANS LE RESPECT
DU PRINCIPE DE GRADATION DES SOINS
- I. LES CENTRES EXPERTS EN SANTÉ
MENTALE : UN RÉSEAU QUI CONTRIBUE À L'OFFRE DE SOINS DE
TROISIÈME RECOURS ET À LA RECHERCHE EN PSYCHIATRIE
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Inscription des centres experts en santé mentale
dans le code de la santé publique
- Article 2
Participation des acteurs de la prise en charge des patients atteints
de troubles psychiatriques aux communautés professionnelles
territoriales de santé
- Article 3
Gage financier de la proposition de loi
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 203
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 décembre 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique,
Par Mme Chantal DESEYNE,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Alain Milon, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Dominique Théophile, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; M. Jean Sol, Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Brigitte Bourguignon, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, MM. Xavier Iacovelli, Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, M. Martin Lévrier, Mmes Monique Lubin, Brigitte Micouleau, Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris.
Voir les numéros :
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Sénat : |
385 (2024-2025) et 204 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
La présente proposition de loi vise à élever au rang législatif les missions des centres experts en santé mentale afin de garantir la pérennité de leur fonctionnement.
La commission, soucieuse de reconnaître le rôle de l'ensemble des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie, propose une nouvelle rédaction tout en conservant l'esprit général du texte.
I. LES CENTRES EXPERTS EN SANTÉ MENTALE : UN RÉSEAU QUI CONTRIBUE À L'OFFRE DE SOINS DE TROISIÈME RECOURS ET À LA RECHERCHE EN PSYCHIATRIE
A. LE RÉSEAU DES CENTRES EXPERTS EN SANTÉ MENTALE A ÉTÉ MIS EN PLACE POUR CONTRIBUER À LA RECHERCHE SUR LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES GRAVES
1. La création et le statut juridique des centres experts en santé mentale
Le réseau des centres experts en santé mentale est né de l'initiative de la fondation FondaMental, qui a remporté un appel à projets lancé par le ministère de la recherche en 2006 visant à mettre en place des réseaux thématiques de recherche et de soins (RTRS). La fondation attribue, sur la base d'un cahier des charges, le label « centre expert en santé mentale » aux hôpitaux qui postulent pour intégrer le réseau.
Les 55 centres experts en santé mentale répartis dans l'hexagone font partie intégrante des établissements hospitaliers publics qui les hébergent et n'ont pas de personnalité morale propre. Ils fonctionnent donc sur le budget global de l'établissement de rattachement, sans ligne de financement spécifique dédiée. La fondation FondaMental, dont le budget est alloué à la coordination du réseau au niveau national, n'attribue pas de financements aux centres experts.
Néanmoins, les 21 centres experts créés jusqu'en 2017 perçoivent des financements dédiés du ministère de la santé, versés directement aux établissements hospitaliers qui les hébergent, à hauteur de 80 000 à 300 000 euros par an et par centre. Depuis, l'expansion du réseau ne s'accompagne plus de dotations du ministère.
2. Les missions des centres experts en santé mentale
La première mission des centres experts en santé mentale est de pratiquer une médecine de précision axée sur le diagnostic des patients atteints d'un trouble bipolaire, de schizophrénie, de dépression résistante ou d'un trouble du spectre de l'autisme (TSA) sans déficience intellectuelle.
Les patients sont adressés en centre expert par leur psychiatre référent ou leur médecin généraliste, en cas de doute sur le diagnostic ou de résistance aux traitements. Ils y sont reçus par une équipe médicale généralement constituée d'un psychiatre hospitalier, d'un psychologue, d'un infirmier et d'un secrétaire médical.
Les centres experts réalisent des bilans diagnostiques standardisés et pluridisciplinaires au cours d'un consultation de pré-diagnostic et d'un bilan approfondi en hôpital de jour (évaluations psychiatrique, somatique, cognitive et bilan biologique). À l'issue de ce bilan, un compte rendu détaillé comprenant des recommandations thérapeutiques individualisées est remis au patient et adressé au médecin prescripteur.
Carte des centres experts en santé mentale
D'après les données transmises par la fondation FondaMental, à ce jour, près de 20 000 patients ont été évalués en centre expert.
L'autre principale mission de ces centres est de contribuer à la recherche et à l'innovation en psychiatrie. Les résultats des bilans diagnostiques sont utilisés, avec le consentement des patients, pour alimenter des bases de données. Ces données permettent de constituer des cohortes nationales et de participer à des projets de recherche nationaux et internationaux, dans le but développer des biomarqueurs, des outils diagnostiques et des stratégies thérapeutiques innovantes. Ces activités de recherche ont donné lieu à plus de 160 publications scientifiques internationales ces dix dernières années.
B. L'OFFRE DE SOINS DE TROISIÈME RECOURS, PRODIGUÉE PAR UNE DIVERSITÉ D'ACTEURS, COMPLÈTE UTILEMENT LA PRISE EN CHARGE DES PATIENTS ATTEINTS DE TROUBLES PSYCHIATRIQUES SÉVÈRES
1. Une diversité d'acteurs concourt à l'offre de soins de troisième recours
Dans le parcours de soins des patients, les centres experts en santé mentale interviennent en complément des acteurs de premier niveau (médecins généralistes, psychologues, infirmiers...) et des acteurs de deuxième niveau (centres médico-psychologiques, centres hospitaliers, psychiatres libéraux), constituant une offre de soins dits de troisième recours, prodigués par des acteurs ultraspécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies.
Cette offre de soins est assurée par une diversité d'acteurs : outre le réseau des centres experts en santé mentale, les équipes médicales des centres hospitaliers universitaires et de plus en plus de réseaux spécialisés (centres de référence maladies rares, centres régionaux du psycho-traumatisme, centres de ressources sur l'autisme, structures d'accueil spécialisées dans les troubles du comportement alimentaire...) assurent la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques spécifiques et mènent, le cas échéant, une activité de recherche sur ces troubles.
Niveaux de prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques
2. Cette offre de soins contribue utilement à la prise en charge des patients, à condition de respecter le principe de gradation des soins
Les acteurs auditionnés par le rapporteur, notamment les représentants des psychiatres, des centres hospitaliers et le délégué ministériel à la santé mentale, reconnaissent l'intérêt de disposer d'une offre de soins de troisième recours. Celle-ci représente un maillon important de la prise en charge, en psychiatrie comme dans d'autres disciplines de la médecine. Elle permet aux psychiatres référents de recourir à un avis expert complémentaire et démontre des résultats en matière de lutte contre l'errance diagnostique et thérapeutique et de recherche.
Néanmoins, cette offre de soins s'inscrit en complément des autres niveaux de prise en charge : un diagnostic expert et des recommandations thérapeutiques aussi complets soient-ils, sans prise en charge de proximité et au long cours, n'a pas de plus-value pour les patients. Ce constat renvoie au rôle pivot que joue la psychiatrie de secteur, et notamment les centres médico-psychologiques, dans la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques.
À cet égard, au cours des auditions, certains acteurs ont regretté que la continuité de la prise en charge des patients reçus par les centres experts en santé mentale ne soit pas toujours assurée : une fois le diagnostic posé et les recommandations thérapeutiques émises, le suivi et l'observance des traitements et des soins ne sont pas garantis, soit parce que le patient n'a pas accès à un suivi psychiatrique, soit parce que son équipe soignante - ou le patient lui-même - ne souhaitent pas suivre les recommandations.
Il apparaît donc indispensable que tout développement de l'offre de soins de troisième recours respecte le principe de gradation des soins (adressage vers les centres spécialisés par le psychiatre référent) et s'inscrive dans un cadre permettant la bonne coordination entre les acteurs chargés de la prise en charge du patient.
II. LE RENFORCEMENT DE L'OFFRE DE SOINS DE TROISIÈME RECOURS : UN OBJECTIF À POURSUIVRE DANS LE RESPECT DU PRINCIPE DE GRADATION DES SOINS
A. LES ACTEURS ASSURANT DES SOINS DE TROISIÈME RECOURS FONT FACE, COMME L'ENSEMBLE DE LA PSYCHIATRIE, À UN AFFLUX CROISSANT DE PATIENTS
Comme l'a rappelé le délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie en audition, l'offre de troisième recours s'est récemment développée sous l'effet de trois facteurs : la demande croissante des patients de disposer d'une offre de soins psychiatriques experte, le mouvement de spécialisation et de sophistication des prises en charge en psychiatrie, et l'augmentation de la fréquence des patients aux cas complexes et résistants aux traitements.
Néanmoins, l'accès à cette offre de soins reste globalement insuffisant, ce qui fait écho aux difficultés plus générales rencontrées par la psychiatrie et récemment documentées dans le rapport d'information de MM. Jean Sol et Daniel Chasseing et de Mme Céline Brulin sur la santé mentale1(*). Ces difficultés résultent d'un effet ciseaux entre d'une part, une forte augmentation de la prévalence des troubles psychiatriques et d'autre part, une tension sur la ressource médicale (en psychiatrie publique, un tiers des postes de psychiatres sont vacants).
Aussi les acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie ne sont-ils pas épargnés par l'afflux croissant de patients, en témoigne la situation des centres experts en santé mentale, où le délai d'obtention d'un rendez-vous s'est allongé pour atteindre, dans certains centres, jusqu'à deux ans pour les patients présentant une schizophrénie et plus de trois ans pour les adultes avec autisme.
B. LES MISSIONS DES ACTEURS ASSURANT DES SOINS DE TROISIÈME RECOURS DOIVENT ÊTRE RECONNUES ET ENCADRÉES
1. La nécessité de reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours
Eu égard à l'importance de soutenir les acteurs des soins de troisième recours pour améliorer la prise en charge des troubles psychiatriques sévères et faire avancer la recherche, il apparaît nécessaire de reconnaître leur rôle et d'assurer la pérennité de leurs activités.
Tel est l'objectif de l'article 1er de la présente proposition de loi, qui consacre au niveau législatif les missions et le mode de gouvernance des centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique. Néanmoins, la commission émet deux principales remarques sur la rédaction de cet article.
Premièrement, l'offre de soins de troisième recours n'est pas assurée exclusivement par le réseau des centres experts en santé mentale, mais par une multitude d'acteurs (équipes des centres hospitaliers universitaires, autres centres spécialisés). Aussi les acteurs auditionnés ont-ils exprimé de sérieuses réserves quant à l'inscription, dans la loi, des centres experts ensanté mentale ; ils ont souligné par ailleurs que ce réseau n'est pas piloté par les pouvoirs publics mais par une fondation de droit privé.
Deuxièmement, l'organisation de l'offre de soins relève du pouvoir réglementaire, à qui il appartient de déterminer les conditions du développement des soins de troisième recours en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.
C'est pourquoi la commission propose une nouvelle rédaction de l'article 1er, consacrant de manière plus large le rôle des équipes médicales assurant des soins de troisième recours, et soulignant l'importance de la coopération de ces dernières avec les acteurs de la prise en charge de deuxième niveau.
La commission propose une nouvelle rédaction de l'article 1er, consacrant de manière élargie le rôle des équipes médicales assurant des soins de troisième recours en psychiatrie.
L'article 2 vise quant à lui à encourager l'adhésion des acteurs de la politique de santé mentale aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), afin de renforcer la coopération entre les acteurs de la santé mentale et les professionnels de santé de ville.
Pour rappel, les CPTS réunissent des professionnels de santé d'un même territoire dans le but de mieux coordonner leurs actions et concourir à la structuration des parcours de santé2(*). Les membres des CPTS formalisent, à cet effet, un projet de santé validé par l'agence régionale de santé (ARS) compétente.
La commission est favorable à cette disposition, et juge que les CPTS constituent un outil idoine pour favoriser la coopération entre les professionnels sur les thématiques de santé mentale. Dans le rapport d'information relatif à la santé mentale précité, elle pointait la nécessité de renforcer, a minima, les partenariats entre les CPTS et les secteurs de psychiatrie, afin de favoriser la continuité des prises en charge des patients.
La commission a modifié l'article 2 afin de prévoir que les actions mises en oeuvre par les CPTS dans le champ de la santé mentale s'articulent avec les projets territoriaux de santé mentale.
Par cohérence, la commission a modifié l'intitulé de la présente proposition de loi, dont l'objet est désormais de « reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie ».
2. Le développement de l'offre de soins de troisième recours nécessite un portage ministériel
Si la commission attache une importance à reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie, elle tient à rappeler qu'il appartient au ministère de la santé, en concertation avec les acteurs, de soutenir le développement de cette offre de soins tout en garantissant le principe de la gradation des soins.
Il apparaît indispensable que le pouvoir exécutif se saisisse de cet enjeu, qui concerne directement la qualité de la prise en charge des patients. Comme l'a évoqué le délégué ministériel à la santé mentale, la gradation des soins exige de mieux articuler l'intervention de la psychiatrie de secteur avec celle des acteurs des soins de troisième recours, dans le cas où une sur-spécialisation est requise dans la prise en charge du patient.
Pour ce faire, l'offre de soins de troisième recours doit faire l'objet d'un pilotage clair au niveau national, par exemple via l'élaboration d'un cahier des charges précisant le maillage territorial, les pathologies concernées et les modalités de prise en charge. Cette démarche relève néanmoins du pouvoir réglementaire, et nécessite une impulsion politique gouvernementale.
Réunie le mercredi 10 décembre 2025 sous la présidence d'Alain Milon, la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi, après l'avoir modifiée dans le but d'en élargir l'objet à la reconnaissance du rôle de l'ensemble des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Inscription des centres experts en santé mentale
dans le code de la santé publique
Cet article propose de consacrer les missions et le mode de gouvernance des centres experts en santé mentale pilotés par la fondation FondaMental au sein du code de la santé publique.
La commission a adopté cet article modifié par un amendement de rédaction globale, visant à consacrer le rôle plus large des équipes médicales spécialisées dans les soins de troisième recours dans la mise en oeuvre de la politique de santé mentale et dans la gradation des soins.
I - Le dispositif proposé
A. Le droit existant
1. Les centres experts en santé mentale participent au renforcement de l'offre de soins de troisième recours
a) Un réseau mis en place dans le but de favoriser la recherche sur les troubles psychiatriques graves
Le réseau des centres experts en santé mentale est né dans un contexte de prise de conscience, par les pouvoirs publics, des difficultés rencontrées par la psychiatrie d'une part et par le milieu de la recherche d'autre part.
En 2005, le premier plan gouvernemental « psychiatrie et santé mentale » s'est attaqué aux principaux enjeux identifiés dans le champ de la psychiatrie : diagnostics tardifs des troubles psychiatriques sévères, inégalités de prise en charge sur le territoire, manque d'expertise spécialisée et taux élevé de chronicité des troubles et d'hospitalisation.
Au même moment, le législateur s'emparait des inquiétudes sur l'avenir de la recherche scientifique dans la loi de programme pour la recherche du 18 avril 20063(*). Cette loi a notamment créé le statut de fondation de coopération scientifique4(*), afin d'encourager les projets thématiques d'envergure mondiale dans un ou plusieurs domaines de recherche, et prévu le lancement d'appels à projets visant à créer des centres et des réseaux thématiques de recherche et de soins (CTRS et RTRS) par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
C'est dans ce contexte qu'en 2006, la fondation de coopération scientifique FondaMental a remporté l'appel à projets visant à créer des réseaux thématiques de recherche et de soins (RTSA)5(*).
Cette fondation, créée par l'Assistance publique - hôpitaux de Paris (AP-HP), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'Université Paris-Créteil, Sorbonne Université et l'Université de Paris Cité, s'est fixée pour missions d'améliorer le diagnostic et la prise en charge des troubles psychiatriques sévères et d'améliorer la recherche et l'innovation en psychiatrie.
Pour ce faire, elle a mis en place un RTSA en santé mentale constitué de 55 centres experts, hébergés au sein d'établissements hospitaliers publics ou privés à but non lucratif6(*) et spécialisés dans quatre pathologies : les troubles bipolaires, la schizophrénie, la dépression résistante et les troubles du spectre de l'autisme (TSA) sans déficience intellectuelle.
Carte des centres experts en santé mentale en 2025
Source : fondation FondaMental
b) Une offre de soins alliant médecine de précision et recherche
• La première mission des centres experts en santé mentale est de pratiquer une médecine de précision axée sur le diagnostic des patients atteints de troubles psychiatriques sévères.
Les patients sont adressés en centre expert par leur psychiatre référent ou leur médecin généraliste, en cas de doute sur le diagnostic ou de résistance aux traitements. Ils y sont reçus par une équipe médicale généralement constituée d'un psychiatre hospitalier, d'un psychologue, d'un infirmier et d'un secrétaire médical (et idéalement d'un neuropsychologue, d'un technicien d'études cliniques et d'une assistante sociale).
Les centres experts réalisent des bilans diagnostiques standardisés et pluridisciplinaires au cours d'une consultation de pré-diagnostic et d'un bilan approfondi en hôpital de jour (évaluations psychiatrique, somatique, cognitive et bilan biologique). Un compte rendu détaillé comprenant des recommandations thérapeutiques individualisées (médicamenteuses, psychosociales, style de vie...) est remis au patient lors d'une consultation de restitution, et adressé au médecin prescripteur.
D'après les données transmises par la fondation FondaMental, à ce jour, près de 20 000 patients ont été évalués en centre expert et plus de 10 000 sont en cours de suivi.
Dans le parcours de soins, les centres experts en santé mentale interviennent en complément de l'intervention des acteurs de premier et de deuxième niveau. Ils constituent à cet égard une offre de soins dits de troisième recours utile à la gradation des soins que doit, en application de l'article L. 3221-1-1 du code de la santé publique, garantir l'organisation territoriale de l'activité de psychiatrie.
Niveaux de prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques
Comme l'a rappelé le délégué ministériel à la psychiatrie et à la santé mentale au rapporteur, l'offre de troisième recours s'est récemment développée sous l'effet de trois facteurs : la demande croissante des patients de disposer d'une offre de soins psychiatriques experte, le mouvement de spécialisation et de sophistication des prises en charge en psychiatrie, et l'augmentation de la fréquence des patients aux cas complexes et résistants aux traitements.
Un nombre croissant d'acteurs interviennent dans cette prise en charge : outre le réseau des centres experts en santé mentale, les équipes médicales des centres hospitaliers universitaires et de plus en plus de réseaux spécialisés (centres de référence maladies rares, centres régionaux du psycho-traumatisme, centres de ressources sur l'autisme, structures d'accueil spécialisées dans les troubles du comportement alimentaire...) assurent la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques spécifiques et mènent, le cas échéant, une activité de recherche sur ces troubles.
• L'autre mission des centres experts en santé mentale est de contribuer à la recherche et à l'innovation.
Les résultats des évaluations des patients réalisées par les centres experts sont utilisés, avec le consentement des patients, pour alimenter des bases de données.
Ces données permettent la constitution de cohortes nationales (la cohorte de patients atteints de troubles bipolaires est la plus importante au monde) et la participation à des projets de recherche nationaux et internationaux. Elles visent également à permettre le développement de biomarqueurs, d'outils diagnostiques et de stratégies thérapeutiques innovantes. Ces activités de recherche ont donné lieu à plus de 160 publications scientifiques internationales sur les dix dernières années7(*).
La fondation FondaMental assure la coordination scientifique et technique de ces activités, en accompagnant les équipes de soins et de recherche souhaitant développer des projets, en leur apportant son expertise pour la rédaction de protocoles, en répondant à des appels d'offres et en identifiant des mécènes pour soutenir financièrement leurs initiatives.
En plus de contribuer à la recherche française en psychiatrie, ces activités peuvent constituer un levier d'attractivité auprès des jeunes étudiants en médecine, qui sont encore nombreux à écarter la psychiatrie du fait des représentations négatives associées à cette spécialité.
• Les retours d'expérience sur les centres experts en santé mentale démontrent avoir une utilité dans le parcours de soins et un apport important en matière de recherche, sans pour autant que le développement de ce réseau ne soit prioritaire pour améliorer la prise en charge des patients en psychiatrie.
Les retours d'expérience transmis au rapporteur par l'Union nationale des familles et amis de personnes malades et handicapées psychiques (Unafam) mettent en avant la plus-value des centres experts en termes de confirmation de diagnostic et de compréhension, par le patient, de sa pathologie. Sur le plan de la recherche, la coordination assurée par la fondation FondaMental se révèle très efficace pour lever des financements et contribuer à l'attractivité de la recherche française en psychiatrie. En outre, les travaux de vulgarisation et de déstigmatisation sur les troubles de santé mentale conduits par la fondation sont reconnus pour leur qualité.
Néanmoins, des limites ont également été soumises au rapporteur au cours des auditions. Il a notamment été soulevé par plusieurs acteurs que la continuité de la prise en charge des patients n'était pas toujours assurée. Une fois le diagnostic posé et les recommandations thérapeutiques émises par le centre expert (au cours d'une à trois consultations en moyenne), le suivi et l'observance des traitements et des soins n'est pas garanti : soit parce que le patient n'a pas accès à un suivi psychiatrique, soit parce que son équipe soignante - ou le patient lui-même - ne souhaitent pas suivre les recommandations.
Sur ce dernier point, il peut en effet exister un décalage entre l'avis de l'équipe médicale du centre expert en santé mentale d'une part, et celui du psychiatre référent, qui suit le patient dans la durée et qui a la possibilité de prendre davantage en compte son contexte social, d'autre part.
Par ailleurs, selon la direction générale de l'offre de soins (DGOS), il est difficile de connaître l'apport concret des centres experts en santé mentale dans la recherche française en psychiatrie.
2. Les limites au développement des centres experts en santé mentale soulignent la nécessité de soutenir l'offre de soins de troisième recours, dans le respect de la gradation des soins
a) Le statut juridique des centres experts en santé mentale et le contexte budgétaire compromettent le développement du réseau
Les centres experts en santé mentale n'ont pas de statut juridique propre : ils naissent de la démarche des équipes médicales des centres hospitaliers auprès de la fondation FondaMental pour obtenir une labellisation « centre expert », mais restent entièrement intégrés à la personnalité morale de leur hôpital.
Le processus de labellisation d'un centre expert en santé mentale
La labellisation d'un centre expert en santé mentale intervient à l'issue de l'examen d'une demande de candidature soumise par un établissement hospitalier au comité stratégique de la fondation FondaMental.
La demande doit respecter les critères suivants : la mise à disposition de locaux suffisants pour mener l'activité du centre expert ; l'existence de collaborations existantes avec les acteurs de terrain (établissements hospitaliers, médecins libéraux, équipes de recherche) ; des publications préexistantes sur la pathologie, témoignant de l'expertise de l'équipe ; et des liens réguliers avec les associations de patients concernés.
Le futur centre expert s'engage à respecter un parcours patient standardisé (consultation initiale, bilan standardisé suivi de la rédaction d'un compte rendu détaillé du bilan remis au patient lors d'une consultation de restitution et envoyé au médecin adresseur, suivi annuel de 1 à 3 ans maximum) ; à participer aux réunions mensuelles du réseau des Centres Experts dont deux réunions en présentiel ; à participer activement à l'alimentation de la base de données ; à participer à des projets de recherche clinique et scientifique en lien avec la fondation FondaMental et à respecter les bonnes pratiques cliniques.
Les centres experts en santé mentale fonctionnent donc, comme le reste des activités de l'établissement hospitalier hébergeur, sur le budget global de l'établissement et sans ligne spécifique dédiée. La fondation FondaMental, dont les ressources combinent fonds publics8(*) et mécénat, ne finance que la coordination nationale du réseau des centres experts (gestion des bases de données, animation du réseau, formation des professionnels...).
Toutefois, certains bénéficient de financements publics spécifiques. En effet, 21 centres experts reçoivent des financements dédiés du ministère de la santé, versés directement aux établissements hospitaliers qui les hébergent, à hauteur de 80 000 à 300 000 euros par an et par centre. Ces financements spécifiques, attribués dans le cadre de circulaires tarifaires de 20109(*), 201210(*) et 201711(*), couvrent une partie des charges de fonctionnement de ces centres, estimées à 415 000 euros par an. Selon la fondation FondaMental, le financement total annuel dédié aux centres experts en santé mentale par le ministère de la santé s'élève à 6,4 millions d'euros.
En revanche, la grande majorité des centres experts, en particulier ceux spécialisés dans la dépression résistante qui ont été créés plus récemment, ne disposent d'aucun financement spécifique. Aussi, sans financements publics supplémentaires et stabilisés, le réseau de centres experts en santé mentale peut difficilement se développer davantage.
b) La demande pour un développement de l'offre de troisième recours est pourtant croissante, chez les patients comme chez les professionnels de santé
Le secteur de la psychiatrie est aujourd'hui mis à l'épreuve par un double contexte de forte de hausse des troubles de santé mentale et de rareté de la ressource médicale, comme l'a récemment exposé le rapport de MM. Jean Sol et Daniel Chasseing et de Mme Céline Brulin sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-1912(*).
Ces difficultés n'épargnent pas les centres qui prodiguent des soins de troisième recours tels que les centres experts en santé mentale. Ceux-ci sont confrontés à un afflux croissant de patients, avec pour conséquence l'allongement du délai moyen pour obtenir un rendez-vous de bilan, qui atteint aujourd'hui deux à trois ans. L'une des vocations initiales de ces centres, qui est de fournir un diagnostic rapide et personnalisé aux patients, s'en trouve compromis.
Par ailleurs, les demandes de labellisation en centres experts en santé mentale sur le territoire seraient nombreuses et certains acteurs du système de soins en santé mentale soulignent l'intérêt qu'aurait l'extension de la spécialisation de ces centres à d'autres troubles psychiatriques tels que les conduites suicidaires, les troubles obsessionnels compulsifs, l'hyperactivité avec déficit d'attention ou les troubles du comportement alimentaire.
D'autres représentants des professionnels de la psychiatrie, en revanche, estiment que les moyens financiers devraient prioritairement être fléchés vers la psychiatrie conventionnelle de secteur, dans la mesure où sans prise en charge de proximité et au long cours des patients, les diagnostics et les recommandations des équipes spécialisées dans le troisième recours resteront lettre morte.
La psychiatrie de secteur
Depuis les années 196013(*), l'offre de soins en psychiatrie est sectorisée. L'organisation des soins repose sur le découpage des départements en plusieurs aires géographiques, chacune étant rattachée à un centre hospitalier. Le centre hospitalier « référent » a pour mission et obligation de prendre en charge, en hospitalisation comme en ambulatoire grâce au réseau des centres médico-psychologiques (CMP), les patients qui relèvent de son secteur.
L'article L. 3221-3 du code de la santé publique précise que la mission de psychiatrie de secteur, qui concourt à la politique de santé mentale, consiste à garantir à l'ensemble de la population un recours de proximité aux soins psychiatriques, l'accessibilité territoriale et financière des soins psychiatriques, et la continuité des soins psychiatriques.
À cet égard, le délégué ministériel souligne la nécessité de formaliser, de manière plus globale, la gradation des soins en psychiatrie dans le but de mieux articuler l'intervention de la psychiatrie conventionnelle de secteur avec les acteurs assurant des soins de troisième recours, dans le cas où une sur-spécialisation est requise dans la prise en charge d'un patient.
Pour y parvenir, il recommande que le ministère encadre le développement et l'organisation de l'offre de soins de troisième recours. Une telle ambition se matérialiserait notamment par l'élaboration d'un cahier des charges précisant le maillage territorial souhaitable pour cette offre de soins, les pathologies concernées et les modalités d'articulation avec les acteurs de la prise en charge de premier et de deuxième niveau. Cette démarche relève néanmoins du pouvoir réglementaire, et nécessite une impulsion politique de la part du pouvoir exécutif.
B. Le droit proposé : consacrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique
L'article 1er de la présente proposition de loi vise à définir, dans le code de la santé publique, le statut et les missions des centres experts en santé mentale au sein d'un nouvel article L. 3221-7 au sein du chapitre relatif à la politique de santé mentale et à l'organisation de la psychiatrie.
Ce nouvel article définirait les centres experts en santé mentale comme des plateformes de soins de recours et de recherche destinées à améliorer le dépistage, le diagnostic et la prise en charge des maladies psychiatriques les plus sévères.
Il précise que les centres experts en santé mentale participent activement à la recherche et à la collecte de données relatives aux maladies psychiatriques, qu'ils innovent et valorisent les progrès réalisés en la matière (troisième alinéa).
Le nouvel article L. 3221-7 dispose également que chaque région peut recenser sur son territoire un centre expert en santé mentale pour les troubles psychiatriques suivants : troubles bipolaires, schizophrénies, dépression résistante et troubles du spectre de l'autisme sans retard intellectuel (déjà couverts par les centres existants), conduites suicidaires, trouble obsessionnel compulsif, hyperactivité avec déficit de l'attention et troubles du comportement alimentaire (quatrième alinéa).
Sur le plan de la gouvernance et de la gestion, il est indiqué que les centres experts en santé mentale sont intégrés dans le système de soins hospitalo-universitaire (deuxième alinéa), qu'ils sont gérés par des structures hospitalières ou des organisations à but non lucratif (cinquième alinéa) et qu'ils font l'objet d'analyses médico-économiques régulières (septième alinéa).
La fondation de coopération scientifique FondaMental, nommément désignée, serait chargée de coordonner ces centres sur le plan médical et scientifique, dans le but d'optimiser et de valoriser leur savoir scientifique et médical, et d'assurer la qualité et la sécurité des prises en charge sur l'ensemble du territoire (sixième alinéa).
II - La position de la commission
La commission reconnaît que le rôle des acteurs de la prise en charge de troisième recours, c'est-à-dire des acteurs spécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies, est très important en psychiatrie comme il l'est dans d'autres disciplines de la médecine. Il permet aux psychiatres référents de disposer d'un avis expert complémentaire, démontre de vrais résultats contre l'errance diagnostique et thérapeutique, et contribue activement à la recherche, comme le démontre le réseau des centres experts en santé mentale.
À cet égard, il apparaît indispensable que le ministère de la santé reconnaisse le rôle de cette offre en mettant en place un véritable pilotage, sur le plan du maillage territorial comme sur le plan de la régulation des modalités de prise en charge des patients. La commission n'omet pas, néanmoins, que le troisième recours est nécessairement complémentaire des autres niveaux de prise en charge : un diagnostic expert et des recommandations thérapeutiques aussi complètes soient-elles, n'a pas de plus-value pour les patients sans prise en charge de proximité et au long cours.
Le développement de l'offre de soins de troisième recours ne saurait donc aller de pair qu'avec le renforcement de la psychiatrie de secteur, afin de garantir à chaque patient un parcours de soins gradué et sans rupture, dans un cadre propice à la coopération territoriale entre les psychiatres référents et les équipes médicales des centres spécialisés.
Aussi, considérant que l'offre de soins de troisième recours doit être reconnue et répondre à l'impératif de gradation des soins, et dans la mesure où cette offre n'est pas exclusivement assurée par le réseau des centres experts en santé mentale mais qu'elle implique une diversité d'acteurs, la commission a souhaité une nouvelle rédaction de l'article 1er.
Elle a ainsi adopté un amendement de rédaction globale COM-1 du rapporteur, lequel complète :
- l'article L. 3221-1 du code de la santé publique, afin d'indiquer que les acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie participent à la mise en oeuvre de la politique de santé mentale ;
- l'article L. 3221-1-1 du même code, afin de préciser que la gradation des soins implique la coordination des acteurs intervenant dans le parcours de soins des patients, notamment entre les psychiatres référents et les équipes médicales assurant des soins de troisième recours dans les centres et les services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques ;
- et l'article L. 3221-3 du même code, afin de préciser que la psychiatrie de secteur assure la continuité des soins psychiatriques en assurant si nécessaire l'orientation vers d'autres acteurs « telles que les équipes médicales assurant des soins de troisième recours mentionnées à l'article L. 3221-1-1 ».
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 2
Participation des acteurs de la prise en charge des patients
atteints
de troubles psychiatriques aux communautés professionnelles
territoriales de santé
Cet article prévoit d'inscrire dans la loi la possibilité, pour les acteurs qui participent à la mise en oeuvre de la politique de santé mentale, de participer aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).
La commission a adopté cet article modifié par un amendement visant à en simplifier la rédaction.
I - Le dispositif proposé
A. Le droit existant
1. La coopération entre la psychiatrie et les professionnels de santé de ville est insuffisante
a) Une coopération insuffisante malgré ses effets bénéfiques sur les parcours de soins des patients
La prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques repose sur l'intervention des acteurs dits de premier niveau (médecins généralistes, infirmiers, pharmaciens, psychologues...) et des acteurs spécialisés en psychiatrie, assurant des soins de deuxième recours (centres médico-psychologiques, psychiatres libéraux, établissements de santé psychiatriques, services psychiatriques au sein des établissements de santé généralistes...) ou de troisième recours (équipes médicales ultraspécialisées dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques)14(*).
Les acteurs de premier niveau, et plus particulièrement les médecins généralistes, sont souvent la porte d'entrée de nombreux patients dans le parcours de soins. Ils jouent à cet égard un rôle très important dans le repérage et l'orientation des personnes atteintes de troubles psychiatriques, et ont pour mission de mettre en place une prise en charge graduée et adaptée du patient, indispensable pour garantir la continuité du parcours de soins et réduire le risque de chronicisation des troubles.
De ce fait, la coopération territoriale entre les professionnels exerçant en psychiatrie et les professionnels de santé de ville est cruciale. Elle permet d'assurer la bonne prise en charge des patients, notamment en amont ou à la sortie d'une hospitalisation, et garantit une approche décloisonnée des problématiques de santé rencontrées par les patients. Cette coopération s'avère d'autant plus importante dans un contexte de déclin de la ressource médicale, tant en médecins généralistes qu'en psychiatres (en psychiatrie publique, un tiers des postes de psychiatres sont vacants15(*)).
Cette coopération entre acteurs de premier et de deuxième - voire de troisième - niveau est néanmoins insuffisante, selon un constat dressé de longue date et renouvelé dans le dernier rapport d'information de la commission sur la santé mentale16(*), en raison d'un historique de développement en silo de la médecine générale d'une part et de la psychiatrie de secteur d'autre part, de difficultés opérationnelles pour coopérer, et d'un manque de formation des professionnels de santé sur les thématiques de santé mentale.
En effet, comme l'a relevé la commission dans le rapport d'information précité, « les acteurs de premier niveau ne s'appuient pas suffisamment sur les acteurs spécialisés et inversement, alors qu'un dialogue renforcé participerait, en améliorant la prise en charge des patients, au désengorgement des hôpitaux et des centres médico-psychologiques ».
Les médecins généralistes pourraient notamment s'appuyer davantage sur les professionnels de santé spécialisés (psychiatres, infirmières en pratique avancée spécialisées en psychiatrie et santé mentale) en sollicitant leur avis sur la situation d'un patient, afin de garantir une offre de soins (via la prescription de médicaments) et une orientation (vers le psychologue, le centre médico-psychologique ou encore vers un centre de soins spécialisés de troisième recours) mieux graduées.
b) De premières tentatives de renforcement de la coopération entre médecine de ville et psychiatrie
• Le recul de l'accès aux soins rend d'autant plus urgente la coopération entre la médecine de ville et la psychiatrie ce qui se traduit, depuis plusieurs années, par la mise en place ou l'encouragement de nouvelles stratégies de coopération.
Un nombre croissant d'établissements psychiatriques développent la mise à disposition d'infirmières en pratique avancée (IPA) spécialisées en psychiatrie et santé mentale (PSM) auprès de maisons et de centres de santé, à la suite de l'ouverture de l'accès direct aux IPA dans ces structures, en 202317(*).
En outre, un modèle de coopération renforcée baptisé « soins collaboratifs en santé mentale » est expérimenté en Île-de-France, permettant à une équipe pluridisciplinaire constituée d'un médecin généraliste, d'un infirmier coordonnateur et d'un psychiatre référent d'assurer la prise en charge d'un patient de manière concertée.
Plusieurs acteurs tels que la Fédération française de psychiatrie et la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) plaident également pour le développement de la téléexpertise, qui permet aux médecins généralistes ou aux psychologues de contacter un psychiatre référent afin d'obtenir un avis sur un patient, notamment en matière de prescription médicale18(*).
Ces initiatives sont prometteuses car elles illustrent la possibilité de mettre en place des stratégies de synergie entre la psychiatrie de secteur et la médecine de ville en faveur de l'accès aux soins, tout en rationalisant le recours aux soins spécialisés grâce à l'amélioration du repérage, du diagnostic et du suivi des patients en souffrance psychique.
• Par ailleurs, sur le plan de la gouvernance, depuis 201619(*), des projets territoriaux de santé mentale (PTSM) sont élaborés dans le but de renforcer la coordination territoriale des acteurs intervenant dans le champ de la santé mentale.
En vertu de l'article L. 3221-2 du code de la santé publique, un PTSM a pour objet « l'amélioration continue de l'accès des personnes concernées à des parcours de santé et de vie de qualité, sécurisés et sans rupture ». Son élaboration associe les représentants des usagers, les professionnels de santé, les établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux, les organismes locaux d'assurance maladie, les services de l'État concernés ainsi que les collectivités territoriales. Elle s'appuie sur un diagnostic territorial partagé en santé mentale, établi par les acteurs de santé du territoire.
Des initiatives et des dispositifs ont donc été mis en place face à l'impératif d'une meilleure coordination des professionnels de santé dans la prise en charge des patients atteints de troubles psychiatrique, mais cette coordination reste aujourd'hui, dans la pratique quotidienne des professionnels de santé, globalement insuffisante.
2. Les communautés professionnelles territoriales de santé sont encore sous-investies par les psychiatres
a) Les communautés professionnelle territoriales de santé : un outil de coopération particulièrement pertinent en matière de santé mentale
Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont été créées et conçues en 201620(*) comme un outil souple de coordination des soins ambulatoires : aux termes de l'article L. 1434-12 du code de la santé publique, des professionnels de santé peuvent décider de se constituer en CPTS21(*) « afin d'assurer une meilleure coordination de leur action et ainsi concourir à la structuration des parcours de santé [...] et à la réalisation des objectifs du projet régional de santé ». Les membres de la CPTS formalisent, à cet effet, un projet de santé qu'ils transmettent à l'ARS.
Les CPTS sont des organisations ouvertes : tous les professionnels de santé (médecins généralistes et spécialistes, pharmaciens, infirmiers, sage-femmes, masseurs-kinésithérapeutes...) peuvent y adhérer, où qu'ils exercent (en libéral ou en établissement hospitalier, social ou médico-social).
Les acteurs spécialisés en santé mentale y ont donc toute leur place d'autant que d'après le rapport « Tour de France des CPTS », établi en juin 2023 par trois personnalités qualifiées, les hôpitaux évoquent quasi systématiquement l'émergence des CPTS comme un facteur positif pour le dialogue avec la ville22(*). Dans un contexte de forte hausse des troubles psychiatriques, il semble pertinent de prendre appui sur les CPTS pour renforcer l'accès aux soins et mieux organiser les parcours des patients.
Le législateur a d'ailleurs prévu que les acteurs de la psychiatrie se coordonnent avec les CPTS : la psychiatrie de secteur doit garantir à l'ensemble de la population un recours de proximité en soins psychiatriques en coopération avec les CPTS23(*) ; les projets territoriaux de santé mentale tiennent compte des projets des CPTS24(*) ; et les établissements psychiatriques participent aux actions de prévention, de soins et d'insertion mises en oeuvre par ces communautés professionnelles25(*).
b) Une participation encore marginale des acteurs spécialisés en psychiatrie aux communautés professionnelles territoriales de santé
Comme l'a relevé le dernier rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat sur les CPTS26(*), les données relatives à l'adhésion des professionnels de santé aux CPTS demeurent lacunaires.
En tout état de cause, les professionnels de santé dans le champ de la santé mentale - et plus particulièrement les psychiatres - sont peu nombreux à adhérer aux CPTS, même si les thématiques de santé mentale sont globalement bien couvertes par les actions de ces communautés. Celles-ci sont aujourd'hui principalement composées de médecins généralistes, d'infirmiers, de sage-femmes et de masseurs-kinésithérapeutes.
Aussi, dans son rapport sur la santé mentale mentionné supra, la commission recommande-t-elle, a minima, de renforcer les partenariats entre les CPTS et les secteurs de psychiatrie, afin notamment d'anticiper la sortie des patients hospitalisés, et d'assurer la continuité du suivi des patients en lien avec les médecins traitants.
Les établissements psychiatriques et les CMP sont les premières structures qu'il apparaît cohérent de mieux connecter à la médecine de ville, mais une coordination renforcée avec les acteurs chargés des soins de troisième recours serait tout aussi pertinente. Leur rôle en matière de lutte contre l'errance thérapeutique et de promotion de la pertinence des soins justifie en effet leur positionnement dans le parcours de soins et leur coordination avec les autres acteurs de la prise en charge des troubles psychiatriques.
En définitive, il apparaît souhaitable d'encourager davantage de professionnels en psychiatrie à adhérer aux CPTS, afin de parachever le projet de coordination entre la médecine de ville et la psychiatrie et de prendre davantage en compte les problématiques de santé mentale dans les projets de santé de ces communautés, en miroir de la prise en compte, au sein des PTSM, des actions mises en oeuvre par les CPTS.
B. Le droit proposé
L'article 2 de la présente proposition de loi vise à compléter l'article L. 1434-12 du code de la santé publique relatif aux communautés professionnelles territoriales de santé.
Il précise qu'une CPTS peut être composée « d'acteurs intervenant dans les domaines de la prévention, du diagnostic, des soins, de la réadaptation et de la réinsertion sociale en santé mentale désignés à l'article L. 3221-1 du code de la santé publique » soit des acteurs diversifiés comprenant notamment les établissements de santé autorisés en psychiatrie, des médecins libéraux, des psychologues et l'ensemble des acteurs de la prévention, du logement, de l'hébergement et de l'insertion.
Il est également indiqué que ces acteurs participent aux CPTS « en lien avec les projets territoriaux de santé mentale définis à l'article L. 3221-2 », afin d'assurer la bonne coordination entre les actions des projets de santé des CPTS et celles des PTSM.
II - La position de la commission
La commission partage l'objectif porté par cet article, qui est d'encourager l'implication des professionnels de la santé mentale dans les communautés professionnelles territoriales de santé.
La coopération des acteurs au niveau territorial est en effet la condition pour une prise en charge de proximité, graduée et sans rupture. Compte tenu de la prévalence des troubles de santé mentale au sein de la population, de l'augmentation continue de celle-ci et des tensions sur la ressource médicale, il est prioritaire que tous les acteurs de la santé coopèrent, à l'échelle territoriale, sur ces thématiques.
La commission a adopté un amendement de rédaction globale COM-2 du rapporteur visant à simplifier la rédaction du présent article.
La nouvelle rédaction indique que la CPTS peut être composée « des acteurs chargés de mettre en oeuvre la politique de santé mentale mentionnés à l'article L. 3221-1 », soit une formulation plus synthétique mais couvrant le même champ d'acteurs.
En outre, cette nouvelle rédaction prévoit de manière plus explicite, dans un nouvel alinéa, que les actions mises en oeuvre par les CPTS dans le champ de la santé mentale s'articulent avec les projets territoriaux de santé mentale afin d'inciter à la coopération entre les acteurs.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 3
Gage
financier de la proposition de loi
Cet article gage les conséquences financières résultant pour l'État de l'adoption de la présente proposition de loi.
La commission a adopté cet article sans modification.
I - Le dispositif proposé
L'article 3 gage l'éventuelle incidence financière de la proposition de loi sur les finances de l'État, par majoration à due concurrence de l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II - La position de la commission
Limitée par les conditions de recevabilité financière, la commission n'est pas en mesure de lever d'elle-même ce gage. Elle appelle toutefois le Gouvernement à procéder de lui-même à la suppression du gage financier.
La commission a adopté cet article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 10 décembre 2025, sous la présidence de M. Alain Milon, vice-président, la commission examine le rapport de Mme Chantal Deseyne, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 385, 2024-2025) visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.
M. Alain Milon, président. - Nous passons à l'examen du rapport de notre collègue Chantal Deseyne sur la proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - La première proposition de loi que nous examinons ce matin, déposée par notre président Alain Milon et plusieurs de ses collègues, vise à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.
Je ne m'épancherai pas trop longuement sur le contexte général. La santé mentale a été érigée en grande cause nationale en 2025 et le sera également en 2026. Ce n'est pas surprenant au regard des difficultés immenses rencontrées par les personnes atteintes de troubles psychiques et par les professionnels qui les prennent en charge, dans un double contexte de croissance des besoins et de tension sur la ressource médicale. Lors des auditions, nous avons appris que 25 % des Français seraient concernés par un trouble de santé mentale au cours de leur vie. Le dernier rapport d'information de nos collègues Jean Sol, Daniel Chasseing et Céline Brulin est tout à fait éloquent sur le sujet.
L'un des axes d'amélioration de la politique de santé mentale réside dans le renforcement de l'attractivité de la discipline et dans l'amélioration des prises en charge pour les patients les plus complexes. Pour atteindre ces objectifs, il faut améliorer les conditions de travail et augmenter les effectifs de psychiatres, mais aussi développer une médecine de pointe alliant prise en charge des cas sévères et recherche.
Cette médecine ultraspécialisée est aujourd'hui assurée par les services hospitaliers universitaires et par les centres spécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies. Il s'agit par exemple des centres de référence maladies rares, des centres ressources autisme, des centres régionaux du psychotraumatisme ou encore des centres experts en santé mentale, dont il est question dans la proposition de loi que nous examinons.
Les équipes médicales de ces services et de ces centres interviennent, conformément au principe de gradation des soins, en troisième recours. Les patients sont généralement orientés vers ce niveau de soins par leur psychiatre référent et, plus rarement, par leur médecin généraliste. Ce sont le plus souvent des patients atteints de troubles psychiatriques sévères ou dont le parcours est particulièrement complexe, et qui nécessitent à cet égard une confirmation de diagnostic ou un accès à des traitements de pointe qui ne sont pas accessibles dans les services conventionnels de la psychiatrie de secteur.
Les 55 centres experts en santé mentale, répartis dans l'Hexagone au sein d'hôpitaux publics, font pleinement partie du paysage des soins de troisième recours en psychiatrie. Ils sont spécialisés dans quatre troubles : les troubles bipolaires, la schizophrénie, la dépression résistante et les troubles du spectre de l'autisme sans déficience intellectuelle. Leur activité repose sur deux piliers : la réalisation de bilans diagnostiques complets, en vue d'émettre des recommandations thérapeutiques personnalisées aux patients ; et la conduite de recherches au niveau national et international, reposant sur les données récoltées dans le cadre des bilans. Les équipes médicales assurant l'activité des centres experts continuent, en parallèle, de participer aux missions de l'hôpital, comme le reste du personnel.
Ce réseau est issu de l'initiative de la fondation FondaMental, qui a remporté un appel à projets lancé par le ministère de la recherche en 2006, pour mettre en place des réseaux thématiques de recherche et de soins. Concrètement, cette fondation attribue, sur la base d'un cahier des charges, le label « centre expert en santé mentale » aux hôpitaux qui candidatent pour intégrer le réseau. Une vingtaine de centres bénéficient de financements spécifiques de la part du ministère de la santé. En revanche, depuis 2017, l'expansion du réseau ne s'accompagne plus de dotations du ministère. Dans la mesure où les centres experts relèvent de la personnalité morale de leur hôpital de rattachement, leur activité est financée sur le budget global des établissements et aucune ligne de financement spécifique n'est prévue pour ces centres. La fondation FondaMental ne finance que la coordination du réseau au niveau national.
Le développement du réseau des centres experts en santé mentale est donc désormais compromis, faute de moyens dans les hôpitaux. Les besoins sont pourtant là, puisqu'un nombre grandissant de patients sont orientés vers ces centres, ce qui conduit à l'allongement des délais d'attente pour obtenir un rendez-vous. De plus, aux dires de la fondation FondaMental, de nombreux médecins spécialistes souhaiteraient que le réseau des centres experts s'étende à de nouvelles pathologies.
Dans ce contexte, l'article 1er de la proposition de loi vise à inscrire les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique, avec pour objectif de garantir leur pérennité et d'envisager le développement du réseau. L'article inséré dans le code précise les missions et le mode de gouvernance de ces centres, et indique explicitement que la fondation FondaMental est chargée d'assurer la coordination du réseau.
Si l'objectif de cet article est tout à fait louable, il est apparu, au cours des auditions, que le véhicule législatif n'était pas le plus adapté pour y parvenir.
Malgré les délais contraints, j'ai pu entendre un certain nombre d'acteurs, dont le délégué ministériel à la santé mentale, des responsables de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), de la Fédération hospitalière de France, de la Fédération française de psychiatrie, ainsi qu'un chef de service du centre hospitalier universitaire (CHU) de Tours, également responsable d'un centre expert. Ces acteurs perçoivent négativement la consécration législative des centres experts en santé mentale, alors que les soins de troisième recours sont assurés par une diversité d'acteurs et que ce réseau n'est pas piloté par les pouvoirs publics, mais par une fondation privée.
Par ailleurs, la plus-value de ces centres en matière de prise en charge des patients et de recherche semble faire l'objet de controverses. Il est notamment reproché aux centres experts en santé mentale de ne pas dispenser de soins. De plus, certains soutiennent que, sans prise en charge de proximité assurée par la psychiatrie de secteur, les recommandations thérapeutiques formulées par ces centres restent lettre morte. De manière plus générale, au cours de ces auditions, j'ai pu observer une tension manifeste entre deux courants en psychiatrie. Le premier défend avec vigueur une psychiatrie de secteur de proximité, attentive à la dimension sociale des troubles psychiatriques, et considère que la priorité réside dans le renforcement du niveau 2. Le second courant, s'il n'ignore pas la nécessité de répondre à la crise de la psychiatrie de secteur, érige le développement de filières de soins ultraspécialisées comme un impératif pour lutter contre les errances de diagnostic et faire avancer la recherche.
Il me semble que ces deux approches sont en réalité complémentaires. D'ailleurs, des réflexions sont en cours à la délégation ministérielle à la santé mentale pour les faire converger. Au regard de ces éléments, il me semble important de laisser à l'administration centrale, en concertation avec les représentants de la psychiatrie, le soin de déterminer l'organisation de l'offre de soins la plus opportune pour répondre aux besoins des patients.
Toutefois, sur le principe, les acteurs s'accordent sur l'intérêt de disposer d'une offre de soins très spécialisée, dans le respect de la gradation des soins. Je proposerai donc une nouvelle rédaction de l'article 1er, afin de consacrer de manière plus large le rôle des équipes médicales assurant des soins de troisième recours et l'importance de la coordination territoriale des acteurs.
L'article 2 vise quant à lui à encourager l'adhésion des acteurs de la politique de santé mentale aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). La formulation de l'article L. 1434-2 du code de la santé publique sur la composition des CPTS est suffisamment large pour intégrer l'ensemble des acteurs concourant à la politique de santé en général. Toutefois, le manque de coopération entre les acteurs de la psychiatrie et la médecine de ville est un constat connu de longue date et qui persiste, malgré des avancées. La gradation des soins que j'évoquais passe par la coopération, à l'échelle territoriale, de tous les acteurs impliqués dans la prise en charge des troubles de santé mentale, du premier au troisième niveau. Aussi, la précision apportée par l'article 2 me semble importante, d'autant qu'elle permet d'indiquer que les CPTS doivent tenir compte des projets territoriaux de santé mentale.
Mes chers collègues, vous l'aurez compris, je vous inviterai à adopter cette proposition de loi dans une version un peu remaniée, qui me semble concilier les attentes des différents acteurs de la psychiatrie, tout en préservant l'esprit général du texte.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Nous avons été destinataires de courriers nous alertant sur ces centres experts, qui sont pilotés par une fondation privée et souhaitent entrer dans le code de la santé publique.
Nous avons reçu des messages de syndicats, mais aussi de la Fédération française de psychiatrie ou de présidents d'honneur. Ces acteurs ne sont pas en phase avec l'intégration de ces centres experts dans le code de la santé publique, parce qu'ils déplorent une médecine à deux vitesses : la recherche d'un côté, qui reste dans les villes et au sein des grands centres hospitaliers, et la médecine de ville et les hôpitaux psychiatriques de l'autre, pour lesquels cette mesure n'apportera pas grand-chose.
Un centre coûte 320 000 euros par an et on en compte déjà 55. Ils ont besoin de moyens pérennes, et c'est bien ce dont il s'agit avec leur inscription dans le code de la santé publique.
Je voudrais faire le rapprochement avec les centres de référence maladies rares. J'en ai visité un et m'attendais à un lieu très moderne, mais il s'agit juste d'un centre hébergé par un CHU, dans lequel on accueille des patients pour la recherche, mais pas pour le soin. Dans le cas de la santé mentale, nous avons besoin de financements pour le soin et l'accompagnement des malades, mais il s'agit ici de prévoir des financements pour la recherche pure, qui accompagne très peu la psychiatrie en ruralité ou dans les territoires.
M. Daniel Chasseing. - Les centres experts sont des structures de recours, qui permettent de favoriser le diagnostic précoce, d'améliorer le traitement et de favoriser la recherche. Ils sont spécialisés et implantés sur tout le territoire. Les médecins psychiatres orientent leurs malades difficiles. Grâce à ces centres, de nombreux patients ont bénéficié d'une évaluation approfondie et d'un suivi adapté. Les centres ont redonné de l'espoir à de nombreuses familles, grâce à des diagnostics précis, à des innovations thérapeutiques et à des prises en charge. Les centres sont complémentaires des services de psychiatrie et des médecins généralistes. Ils doivent assurer une coordination avec les services de psychiatrie, les centres médico-psychologiques (CMP), les CPTS et les médecins traitants.
Dans le cadre de notre mission d'information sur l'état des lieux de la santé mentale, nous avions reçu en audition un représentant d'un centre expert, qui nous avait fait part de la prise en charge très en pointe et du suivi qu'il assurait, ainsi que de la recherche qu'il menait, en usant notamment de nouvelles thérapeutiques.
Mme Raymonde Poncet Monge. - J'ai assisté à quatre auditions et j'ai éprouvé un grand malaise. Je suis un peu choquée qu'une proposition de loi reprenne des éléments de langage du lobbying. Il s'agit de dire qu'on va économiser 18 milliards d'euros et qu'on va réduire de 50 % le taux hospitalisation, alors que tout le monde reconnaît des biais et des faiblesses méthodologiques au travail des centres.
Ces derniers n'ont pas recours à des groupes témoins, établissent leurs affirmations à partir d'une seule étude portant sur une seule pathologie, la bipolarité. Le montant de 18 milliards d'euros résulte d'une extrapolation opérée à partir de cette étude, dont des chercheurs du CHU ont dit eux-mêmes qu'ils ne s'en servaient pas, en raison de ses biais méthodologiques.
La proposition de loi n'apparaît pas comme le bon véhicule pour trancher cette question ; c'est au ministère de la santé et à l'ensemble des psychiatres de le faire. La DGOS se montre très critique, comme la Fédération française de psychiatrie et le Collège national des universitaires de psychiatrie ; sont-ils tous ignorants ?
Il n'y a pas eu de cahier des charges ni d'évaluation. Pourtant, ces centres ont reçu des crédits. Le chemin habituel n'a pas été suivi.
De plus, ce texte fait comme si rien d'autre n'existait, ce qui a été contesté par les universitaires, qui établissent aussi des diagnostics somatiques et ont des plateaux techniques, mais également cliniques, puisqu'ils sont liés à l'activité de soin. Dans le cas des centres experts, des diagnostics sont réalisés et des recommandations sont faites pour renvoyer les patients vers les psychiatres ou les médecins généralistes. S'il doit y avoir un niveau 3 dans la gradation des soins, nous pourrions nous appuyer sur des centres ressources qui existent déjà.
Il s'agit d'une proposition de loi pro domo servant une fondation privée, qui est certes à but non lucratif, mais reste un unique opérateur. Il faut plutôt renforcer l'écosystème de la psychiatrie.
De plus, la psychiatrie, qui est déjà délaissée, voit ses chercheurs partir dans ces centres, qui n'ont pas de problème d'attractivité.
Quand nous avons auditionné une responsable de ces centres, elle n'a pas répondu aux questions que je lui ai posées sur leur financement. On sait que les industries pharmaceutiques sont impliquées. Les banques de données des centres sont censées être ouvertes à qui les demande, mais, d'après les universitaires, ces données ne sont pas scientifiquement récoltées et ces centres n'ont pas tous la même méthodologie. J'ai aussi posé une question sur cette ouverture des données et j'ai ressenti une forme de contrariété de la part de la personne auditionnée quand elle m'a répondu.
Mme Céline Brulin. - Il me tarde que la rapporteure nous donne des précisions sur la réécriture de l'article 1er.
Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Raymonde Poncet Monge sur la faiblesse méthodologique des recherches menées dans ces centres ou sur le fait qu'il s'agit d'une réponse donnée par un opérateur unique et privé. Par ailleurs, lors de nos auditions, peu d'acteurs étaient favorables à cette proposition de loi.
En revanche, j'ai ressenti le besoin d'une réponse de niveau 3. J'aurais plutôt tendance à penser qu'il devrait s'agir d'une réponse publique. Par ailleurs, d'après la description qu'a faite la rapporteure de l'état de la psychiatrie aujourd'hui, ces centres risquent de devenir des pompes aspirantes pour une profession qui connaît déjà une pénurie. Ce serait catastrophique pour l'ensemble de la réponse à apporter.
Certains mentionnaient la mise en place d'un centre ressources à l'image de ce qu'est l'Institut national du cancer (Inca). En revanche, nous ne sommes pas d'accord avec l'idée de consacrer dans le code de la santé publique un opérateur privé, dont la réponse n'a pas été évaluée.
Mme Jocelyne Guidez. - Je ne connaissais pas FondaMental et une rencontre a été organisée autour de la fondation, que j'ai trouvé très intéressante. Cependant, le fait que nous ne mentionnions que cet acteur dans la loi est un peu gênant. Si, après sa réécriture, l'article 1er se réfère aux centres experts en règle générale, je voterai en faveur de la proposition de loi.
Nous avons besoin de ces centres. Les diagnostics ne sont pas suffisamment réalisés. Si certains de ces centres ne fonctionnent pas bien, d'autres fonctionnent très bien, un peu comme les plateformes de coordination et d'orientation (PCO). Nous avons besoin de tout le monde et ne pouvons pas nous permettre de rejeter ces centres.
Mme Marion Canalès. - Il est malaisant de devoir se prononcer sur un texte dont l'article central et l'intitulé vont être modifiés.
Au cours des auditions, nous avons constaté un certain attentisme des pouvoirs publics sur le sujet de l'organisation de l'offre de soins. L'appel à projets a été lancé en 2006, le niveau 3 a commencé à se structurer et ces centres ont vécu, bon an mal an, sans être évalués, sans que le ministère de la santé ne se saisisse du sujet.
J'imagine que l'auteur de cette proposition de loi a deux objectifs : dire que le ministère doit se charger de l'organisation de l'offre de soins, mais aussi mettre en avant un acteur dans le code de la santé publique, ce que nous ne pouvons pas accepter. Sans remettre en cause la valeur et les objectifs de cette fondation, on ne peut pas inscrire un acteur plutôt qu'un autre dans le code de la santé publique.
Si nous devons acter le besoin d'organiser l'offre de soins et de débattre du niveau 3, le vecteur de la proposition de loi ne semble pas le plus adapté.
M. Khalifé Khalifé. - Je suis perplexe. La nécessité d'améliorer l'offre de soins en santé mentale est indiscutable et je pense qu'il s'agit de l'esprit sous-tendu par cette proposition de loi.
Cependant, je voudrais revenir à la notion de fondation privée. En effet, je suis un peu traumatisé en la matière, comme beaucoup de collègues du Grand Est. Nous avions été sollicités pour autoriser l'installation de cliniques psychiatriques privées. Celle de Thionville n'a fait qu'aspirer les rares psychiatres de l'hôpital et nous sommes régulièrement obligés d'intervenir pour faire entrer des malades en urgence parce qu'il n'y a pas de places à l'hôpital psychiatrique. L'expérience est donc négative.
Nous attendons impatiemment les amendements pour être rassurés et pouvoir voter le texte.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Je suis aussi mal à l'aise avec cette proposition de loi. Nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons un problème de diagnostic, qu'il faut un acte fort dans le domaine de la psychiatrie et que nous avons besoin d'organiser une offre de soins adaptée dans nos territoires.
Cependant, je m'interroge sur la méthode. À l'heure où nous parlons sans cesse de financiarisation de la médecine, ne va-t-on pas mettre le doigt dans un engrenage risquant encore de complexifier les choses ? Nous attendons de voir les amendements à l'article 1er.
On parle de la santé mentale comme grande cause nationale depuis le début de l'année. Or nous sommes le 10 décembre, pas grand-chose n'a été fait ; les problématiques restent entières, notamment en matière de diagnostic pour les jeunes adultes. Compte tenu de l'ampleur du travail à mener sur ces sujets et des risques que présente ce texte, je suis assez réservée. Je ne sais pas ce que mon groupe votera ; nous aurons besoin d'une véritable consultation sur le sujet.
Mme Corinne Imbert. - Cette proposition de loi n'est pas la panacée, mais elle a le mérite de mettre ce sujet sur la table, alors que la santé mentale est grande cause nationale pour les années 2025 et 2026.
Ce texte ne répond sans doute pas à tous les problèmes. Cependant, compte tenu de la pauvreté de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie dans notre pays, on ne peut pas se priver des moyens des centres experts, qui répondent à des besoins. Par ailleurs, je suis rassurée par le fait que ces centres se trouvent au sein des hôpitaux ; il s'agit d'une garantie pour la qualité du travail mené.
J'ai cosigné cette proposition de loi à laquelle j'ai trouvé un intérêt. J'entends les critiques. Il s'agit de la politique des petits pas, qui nous permet d'avancer malgré tout. En effet, nous ne sommes pas près d'examiner une grande loi santé qui embrasserait cette cause.
M. Alain Milon, président, auteur de la proposition de loi. - Je voudrais d'abord revenir sur la création des centres experts, qui date de 2006. J'ai été contacté par Marion Leboyer, universitaire, professeur de psychiatrie et cheffe de service à l'hôpital Henri-Mondor. Elle estimait que la psychiatrie en France constituait un pan de la médecine qui était particulièrement malade, que les patients mettaient un temps fou à être diagnostiqués et que les traitements mis en place n'étaient pas suffisants pour certains types de maladies. Elle m'a demandé de travailler sur le sujet, ce que j'ai fait. J'ai d'ailleurs été président de la fondation, avant de démissionner, notamment pour me consacrer à la loi de 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
La fondation a vu le jour en 2006 et, contrairement à ce que vous dites, elle n'a pas été créée par des acteurs privés, mais par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (APHP), avec l'aide du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), de l'université Paris-Est Créteil, de la Sorbonne et de l'université Paris Cité. Seuls des acteurs publics étaient engagés et les acteurs privés ne sont intervenus que dans le cadre du conseil d'administration et non du financement.
FondaMental a été créée parce que nous estimions qu'il était nécessaire de mettre en place une expertise en psychiatrie et de faire travailler ensemble les experts psychiatres, et parce que les choses étaient compliquées en la matière au niveau de la DGOS et du ministère.
En 2006, l'autisme n'était pas considéré comme une maladie psychiatrique. C'est grâce à la mise en place des centres experts et d'études réalisées à l'étranger que l'autisme a été reconnu comme une maladie.
Je propose ce texte parce qu'il me semble important que les centres experts puissent continuer d'exister et d'apporter leur expertise à l'ensemble des professionnels de santé.
En 2009, dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, qui n'existe plus, j'ai rendu un rapport, La psychiatrie en France : de la stigmatisation à la médecine de pointe, qui identifiait le besoin d'aider la psychiatrie sur l'ensemble du territoire national et le besoin d'expertise pour les maladies les plus graves. Les centres experts paraissaient donc particulièrement utiles.
Chantal Deseyne va proposer une modification de l'article 1er, sur laquelle nous sommes d'accord. Je vous invite à voter ses amendements ainsi que la proposition de loi. Certains disent qu'il faut faire confiance à la DGOS sur le sujet, mais j'attends depuis quinze ans qu'elle fasse quelque chose. J'ai donc décidé d'avancer.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - J'adhère totalement aux propos d'Alain Milon.
J'espère que la nouvelle rédaction de l'article 1er apportera une réponse satisfaisante à vos interrogations. Elle permettra de retirer la référence aux centres experts et à FondaMental. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une gradation des soins et d'un recours de troisième niveau, comme cela existe dans d'autres domaines de la médecine.
La fondation FondaMental est financée par le ministère de la santé et les centres experts sont installés dans les hôpitaux. Quand les centres ne bénéficient pas d'une ligne de financement dédiée du ministère, ils sont financés sur le budget des hôpitaux qui les accueillent. Il s'agit bien de financements publics.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Il y a bien des levées de fonds privés ?
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Oui, mais pour financer les actions de coordination scientifique du réseau assurées par la fondation, et non pour financer le fonctionnement des centres.
Je rappelle que la fondation FondaMental a répondu à un appel à projets. On peut regretter l'absence d'évaluation, mais celle-ci ne relève pas du législateur.
Nous avons tous senti des réticences lors des auditions et nous avons tous reçu des messages de personnes opposées à cette proposition de loi. Cependant, tout le monde reconnaît la nécessité d'une gradation des soins et de l'existence de centres spécialisés.
Lors d'une audition, nous avons entendu un professeur de Tours, qui pilotait un service de psychiatrie et était aussi référent dans un centre expert. Il existe donc déjà une collaboration entre ces centres d'expertise et les praticiens de terrain.
Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer qu'il inclut des dispositions relatives à l'organisation de l'offre de soins de troisième recours en psychiatrie et de la recherche en psychiatrie ; à la coordination des professionnels de santé chargés de la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale ; à l'information du Parlement, des élus et des citoyens en matière d'accès aux soins de troisième recours ; et de coordination des acteurs chargés de la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale. En revanche, ne présentent pas de liens, même indirects, avec le texte déposé des amendements relatifs au statut et à l'organisation générale des établissements de santé et de la psychiatrie de secteur ; à la formation et aux conditions d'exercice des professionnels de santé ; à l'organisation de l'offre de soins n'entrant pas dans le champ de la psychiatrie ; et à la gouvernance de la politique de santé mentale.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à réécrire l'article. Le rôle des acteurs de la prise en charge de troisième recours, c'est-à-dire des acteurs spécialisés dans la prise en charge de certaines pathologies, est particulièrement important en psychiatrie. Il permet aux psychiatres référents de disposer d'un avis expert complémentaire, démontre de vrais résultats contre l'errance diagnostique et thérapeutique, et contribue activement à la recherche, comme l'atteste le réseau des centres experts en santé mentale.
Considérant que les acteurs assurant une offre de soins de troisième recours doivent être reconnus et dans la mesure où cette offre n'est pas exclusivement assurée par le réseau des centres experts en santé mentale, mais qu'elle implique une diversité d'acteurs, le présent amendement en tient compte dans la nouvelle rédaction proposée.
Il s'agit de compléter l'article L. 3221-1 du code de la santé publique, afin d'indiquer que les acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie participent à la mise en oeuvre de la politique de santé mentale, et de préciser à l'article L. 3221-1-1 que la gradation des soins implique la coordination des acteurs intervenant dans le parcours de soins des patients, notamment entre les psychiatres référents et les acteurs assurant des soins de troisième recours, tels que les équipes médicales des centres et des services hospitaliers spécialisés dans la prise en charge de certains troubles psychiatriques.
Enfin, il s'agit de compléter l'article L. 3221-3 du code de la santé publique, en précisant que la psychiatrie de secteur garantit la continuité de soins en orientant si nécessaire les patients vers les équipes médicales qui assurent de soins de troisième recours.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article 1er est ainsi rédigé.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à réécrire l'article afin d'en simplifier la rédaction et de renforcer l'articulation entre les actions menées par les CPTS et les projets territoriaux de santé mentale (PTSM).
La rédaction proposée vise à compléter l'article L. 1434-12 du code de la santé publique, afin de préciser qu'une CPTS peut être composée « des acteurs chargés de mettre en oeuvre la politique de santé mentale mentionnés à l'article L. 3221-1 », et prévoit de manière plus explicite, au sein d'un nouvel alinéa, que les actions mises en oeuvre par les CPTS dans le champ de la santé mentale s'articulent avec les PTSM.
Mme Marion Canalès. - Je pense à nos débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et me demande dans quelle mesure le dispositif des maisons France Santé aura un impact sur les CPTS.
Mme Corinne Imbert. - C'est bien tout le problème de cette annonce politique concernant les maisons France Santé. Cependant, l'un n'empêche pas l'autre. En tout cas, ce que propose Chantal Deseyne est acceptable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - D'après la DGOS, l'article est satisfait. Vous ajoutez juste un élément sur la coordination avec les PTSM.
Mme Émilienne Poumirol. - Le PLFSS tel qu'il est adopté pour l'instant a prévu la mise en place des maisons France Santé. Lors de nos discussions sur le sujet, il apparaissait que les CPTS seraient absorbées par le réseau France Santé. Les CPTS continueront-elles d'exister ? Sur le terrain, la plupart fonctionnent bien et il serait dommage de les perdre. S'il s'agit juste de mettre un panneau « France Santé » sur ces structures existantes, cela ne changera pas grand-chose.
Quel est l'intérêt de cet amendement dans la mesure où, si les CPTS continuent d'exister, la précision apportée n'est pas nécessaire puisque tout le monde peut déjà y adhérer ?
M. Alain Milon, président, auteur de la proposition de loi. - Les maisons France Santé coûtent tout de même 135 millions d'euros.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Hier, j'étais au ministère de la santé et j'en ai profité pour interroger le conseiller de Mme Rist sur le dispositif France Santé. Je lui ai fait part de notre surprise d'être informés de l'inauguration d'une maison France Santé alors que le PLFSS n'était même pas voté. Il m'a dit que l'idée était bien de renommer les CPTS. Cependant, s'il ne s'agissait que de cela, un budget aussi important ne serait pas nécessaire.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Les CPTS avaient une certaine indépendance ; les professionnels concernés craignent d'être réétatisés et de perdre la main sur leur fonctionnement, alors qu'aujourd'hui ces communautés sont bien ancrées dans leurs territoires.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - Effectivement, cet article était en partie satisfait. Ce que nous prévoyons, c'est une meilleure coordination entre les CPTS et les PTSM.
En ce qui concerne les établissements France Santé, il s'agit de communication. Les CPTS fonctionnent très bien.
L'amendement COM-2 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-4 devient sans objet.
L'article 2 est ainsi rédigé.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
Intitulé de la proposition de loi
Mme Chantal Deseyne, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à tirer les conséquences de la nouvelle rédaction de la proposition de loi. Dans la mesure où son objectif est étendu à la reconnaissance du rôle des acteurs assurant une prise en charge de troisième recours, il est proposé d'indiquer dans le titre que cette proposition de loi vise à « reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie ».
L'amendement COM-3 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
|
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
|
Article 1er : Inscription des centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique |
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Mme DESEYNE, rapporteur |
1 |
Rédaction globale de l'article 1er visant à reconnaître le rôle des acteurs assurant des soins de troisième recours en psychiatrie |
Adopté |
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Article 2 : Participation des acteurs de la
prise en charge des patients atteints de troubles psychiatriques |
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|
Mme DESEYNE, rapporteur |
2 |
Rédaction globale de l'article 2 visant à simplifier la rédaction |
Adopté |
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M. CHASSEING |
4 |
Adhésion des centres médico-psychologiques aux CPTS |
Satisfait ou sans objet |
|
Proposition de loi visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique |
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|
Mme DESEYNE, rapporteur |
3 |
Modification de l'intitulé |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE
45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU
RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie »27(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie28(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte29(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial30(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 10 décembre 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 385 (2025-2026) visant à intégrer les centres experts en santé mentale dans le code de la santé publique.
Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :
- à l'organisation de l'offre de soins de troisième recours en psychiatrie et de la recherche en psychiatrie,
- à la coordination des professionnels de santé chargés de la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale,
- à l'information du Parlement, des élus et des citoyens en matière d'accès aux soins de troisième recours et de coordination des acteurs chargés de la prise en charge des patients atteints de troubles de santé mentale.
En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :
- au statut et à l'organisation générale des établissements de santé et de la psychiatrie de secteur,
- à la formation et aux conditions d'exercice des professionnels de santé,
- à l'organisation de l'offre de soins n'entrant pas dans le champ de la psychiatrie,
- à la gouvernance de la politique de santé mentale.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
Auditions
· Pr Vincent Camus, chef de service consultation intersectorielle de gérontopsychiatrie du CHRU de Tours
· Union nationale des amis et familles de malades et handicapés psychiatriques (Unafam)
Emmanuelle Rémond, présidente
Namagnan Magassouba, consultante chargée de plaidoyer
· Dr Raphaël Gaillard, psychiatre
· Frank Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie
Sylvaine Gaulard, secrétaire générale auprès du délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie
· Direction générale de l'offre de soins (DGOS)
Anne Hegobu, sous-directrice de la prise en charge hospitalière et des parcours ville-hôpital
Julie Lagrave, sous-directrice de la recherche et de l'accès à l'innovation
Laora Tilman, cheffe du bureau de la prise en charge en santé mentale et des publics vulnérables
Lionnel Da Cruz, chef du bureau de l'organisation et du financement de la recherche
· Fédération française de psychiatrie (FFP)
Dr Jean-Jacques Bonamour du Tartre, ancien président
· Collège national des universitaires de psychiatrie (CNUP)
Olivier Bonnot, président
· Fondation FondaMental
Marion Leboyer, professeur et directrice de la fondation
Dominique Guillot, président d'Argos 2001
Vanessa Ralli de Vendeuvre, consultante et experte du plaidoyer en faveur des centres experts
· Fédération hospitalière de France (FHF)
Zaynab Riet, déléguée générale
Dr Christophe Schmitt, président de la conférence des PCME de CHS
Vincent Ollivier, responsable adjoint du pôle OFFRES
Pr Jean-Louis Senon, ancien PU-PH en psychiatrie santé mentale - professeur émérite des universités
Contributions écrites
• PROPSY, programme de recherche exploratoire en psychiatrie de précision piloté par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), avec l'appui de la fondation FondaMental
· Association des directeurs d'établissements santé mentale (AdESM)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-385.html
* 1 Rapport d'information n° 787 (session 2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19 par MM. Jean Sol, Daniel Chasseing et Mme Céline Brulin.
* 2 Article L. 1434-12 du code de la santé publique.
* 3 Loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche.
* 4 Ce statut a été créé par l'article 5 de la loi du 18 avril de programme pour la recherche dans le but d'offrir un cadre plus souple aux coopérations entre établissements et organismes, publics et privés, dans un but de recherche. Les fondations coopération scientifique sont des personnes morales de droit privé à but non lucratif soumises aux règles relatives aux fondations reconnues d'utilité publique.
* 5 Les statuts de la fondation FondaMental été approuvé par le décret du 15 juin 2007 portant approbation des statuts d'une fondation de coopération scientifique.
* 6 Un seul centre, à Monaco, relève d'un établissement hospitalier privé à but non lucratif.
* 7 Source : fondation FondaMental.
* 8 À sa création, la fondation FondaMental a reçu une dotation de l'État de 4 millions d'euros. D'autres financements publics lui ont ensuite été attribués, notamment dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA) et, plus récemment, du programme de recherche en psychiatrie de précision (PERPR PROPSY).
* 9 Circulaire DGOS/R1/DSS/2010/177 du 31 mai 2010 (annexes I et II).
* 10 Circulaire DGOS/R1/2012/131 du 16 mars 2012 (annexe II).
* 11 Circulaire DGOS/R1/2017/164 du 9 mai 2017 (annexe IB).
* 12 Rapport d'information n° 787 (session 2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19 par MM. Jean Sol, Daniel Chasseing et Mme Céline Brulin.
* 13 Circulaire du 15 mars 1960 relative au programme d'organisation et d'équipement des départements
en matière de lutte contre les maladies mentales.
* 14 Voir le commentaire de l'article 1er.
* 15 Rapport d'information n° 787 (session 2024-2025) fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'état des lieux de la santé mentale depuis la crise du covid-19 par MM. Jean Sol, Daniel Chasseing et Mme Céline Brulin.
* 16 Ibid.
* 17 Loi n° 2023-379 du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé (article 1er).
* 18 Ibid.
* 19 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (article 69).
* 20 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (article 65).
* 21 En application de l'article L. 1434-12-1 du code de la santé publique, une CPTS est constituée sous la forme d'une association régie par la loi du 1er juillet 1901.
* 22 Rapport « Tour de France des CPTS ». Bilan et propositions pour le déploiement et le développement des CPTS, 28 juin 2023, p. 21.
* 23 Article L. 3221-3 du code de la santé publique.
* 24 Article L. 3221-2 du code de la santé publique.
* 25 Article L. 3221-3 du code de la santé publique.
* 26 Rapport d'information n° 32 (session 2025-2026) fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale de la commission des affaires sociales sur les communautés professionnelles territoriales de santé, par Mme Corinne Imbert et M. Bernard Jomier.
* 27 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 28 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 29 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 30 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.




