3. La disparité des peines selon les juridictions

La disparité des peines prononcées par les cours d'assises est une réalité souvent soulignée, voire regrettée : même en excluant les solutions extrêmes (la réclusion à perpétuité et l'emprisonnement avec sursis total), les informations fournies à votre rapporteur, portant sur l'année 1993, révèlent un écart de 1 à 4 entre les sanctions, ce qui correspond à une différence de plus de sept ans d'incarcération.

Pour les seules peines de réclusion, et par rapport aux quanta moyens relevés au niveau national, on observe pour un même contentieux des écarts importants selon les cours d'assises. Ainsi :

- en matière de viol, 34 cours d'assises présentent un quantum supérieur aux quanta nationaux, avec un écart maximum de huit ans par rapport à ceux-ci ;

- en matière de vol qualifié, 27 cours présentent un quantum supérieur, avec un écart maximum de onze ans ;

- en matière d'homicide volontaire, 51 cours présentent un quantum supérieur, avec un écart maximum de onze ans.

Votre rapporteur croit utile à l'information du Sénat de citer les propos tenus en 1996 par M. François Falletti, alors directeur des affaires criminelles et des grâces, devant l'Académie des sciences morales et politiques :

" 2814 condamnations ont été prononcées par les Cours d'assises en France, en 1993, dont 146 d'acquittement. La réclusion criminelle à perpétuité a été prononcée à 64 reprises, et la durée moyenne des réclusions criminelles est de l'ordre de 10 années. 90 % des condamnés sont de sexe masculin et 80 % de nationalité française, suivant en cela les données statistiques que l'on retrouve devant les juridictions correctionnelles. Huit Cours d'assises, statuant sur plus de 100 affaires dans l'année, représentent 53 % des dossiers. Il s'agit des Cours d'assises de Paris, Aix, Douai, Reims, Amiens, Versailles, Bordeaux et Lyon. Le quantum moyen des peines prononcées par ces Cours d'assises est de 138 mois. Or, l'on observe une moyenne de 141 mois à Amiens pour 119 mois à Lyon, 133 à Douai et 111 mois à Paris. L'on relève donc une particulière sévérité des Cours d'assises du Nord. Il en va de même d'un certain nombre de Cours d'assises siégeant dans des régions d'une densité de population moindre ; à cet égard, l'on peut relever d'importantes disparités entre des districts très voisins, sans que les raisons de celles-ci apparaissent à l'évidence. Ainsi, la Cour d'assises de Reims a-t-elle prononcé des condamnations sur une moyenne de 153 mois, celle de Bastia 15 % de décisions d'acquittement. Il est difficile en réalité d'établir des données moyennes véritablement explicites : ainsi si l'Ile de France a connu une moyenne de réclusion criminelle de 116 mois en 1990, par rapport à une moyenne nationale de 120 mois, on a pu observer que le chiffre était respectivement de 131 mois à Paris, pour 100 mois et 103 mois respectivement en Seine-Saint-Denis et en Seine-et-Marne. Ces disparités existent également selon les Cours d'assises à l'égard de type de crimes de même nature. Les huit régions les moins peuplées connaissent en revanche une durée moyenne de réclusion supérieure aux régions les plus urbanisées. On peut considérer que les Cours d'assises qui jugent peu d'affaires sont, en règle générale, plus sévères que les autres même si d'importantes différences peuvent être relevées à l'intérieur de mêmes régions. "

Cette disparité peut cependant s'expliquer dans une large mesure par la composante populaire de la cour d'assises, la réprobation ressentie par la population à l'égard d'une même infraction pouvant varier sensiblement d'un département à l'autre. A cet égard, l'institution d'un double degré de juridiction ne saurait -sauf à renoncer à la composante populaire- obvier à toute différence. Néanmoins, l'institution d'une juridiction d'appel permettrait de les aplanir au niveau régional.

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