C. UNE RÉFORME DES CONDITIONS D'ATTRIBUTION INEFFICACE

A la suite des observations de la Cour des Comptes, l'article 95 de la loi de finances pour 1994 a modifié l'article L.821-2 du code de la sécurité sociale, qui prévoit désormais que les personnes qui sont, en raison de leur handicap, dans l'impossibilité reconnue par la commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) de se procurer un emploi doivent également justifier d'un taux minimal d'incapacité . Ce taux a été fixé à 50 % par le décret n°94-379 du 16 mai 1994.

Les nouvelles dispositions législatives ne s'appliquent pas aux demandes de renouvellement de l'allocation déposées par les personnes bénéficiant de celle-ci au 1er janvier 1994, ce qui limite l'effet de la mesure aux nouvelles demandes, soit un peu moins de la moitié des décisions d'attribution.

Depuis le 1er décembre 1993, les COTOREP appliquent, pour la détermination du taux d'incapacité ouvrant droit à l'AAH, un nouveau guide-barème d'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées. Ce barème prend en compte notamment l'aptitude de celles-ci à exercer une activité professionnelle. De ce fait, la fixation d'un taux minimal ne devrait avoir pour conséquence que d'exclure du droit à l'AAH les seuls demandeurs dont le handicap -quelle qu'en soit l'origine- n'est pas la cause principale de leur impossibilité de se procurer un emploi. Ces derniers peuvent bénéficier d'une part du dispositif d'insertion et de protection sociale offert à l'ensemble des demandeurs d'emploi et d'autre part, sur décision des COTOREP, de formations dispensées dans des centres de rééducation professionnelle.

En tout état de cause, les COTOREP n'ont pu appliquer effectivement cette mesure qu'après la parution du décret du 16 mai 1994 fixant le taux minimal d'incapacité requis conformément aux nouvelles dispositions de la loi. De ce fait, l'impact de la réforme n'a pu être mesuré qu'à la fin de l'année 1994.

L'observation des relevés statistiques des décisions d'attribution de l'AAH montre que le nombre des AAH attribués au titre de l'article L.821-2 est de 57.510 en 1996, contre 55.930 en 1995. Pour les premières demandes, la part des décisions d'attribution au titre de l'article L.821-2 est de 37,8 % en 1994, soit 36,3 % en 1995 et 34,6 % en 1996.

Il semble donc que la réforme ait eu un effet modérateur sur les décisions des COTOREP lors des trois premières années de son entrée en vigueur. Cependant, pour le premier semestre 1997, la part des décisions d'attribution au titre d'une première demande est remontée à 37,5 %.

Il apparaît donc que l'article 95 de la loi de finances pour 1994 n'a pas permis d'arriver à une diminution significative des AAH attribuées à ce titre.

L'AAH continue d'être utilisée pour retirer du marché de l'emploi des personnes qui seraient par ailleurs aptes à travailler, ce qui constitue un détournement de ses objectifs.

Un indice supplémentaire de cette dérive est fourni par le récent rapport du Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts sur les minimas sociaux. Dans ce rapport, le CSERC relève une surreprésentation inexpliquée de la classe d'âge des 55-59 ans dans la population des bénéficiaires de l'AAH. Ce phénomène semble indiquer que les entreprises utilisent l'AAH comme une "mesure d'âge" pour l'adaptation des effectifs de leur personnel, avec la complicité des COTOREP.

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