IV. LES PRÉVISIONS D'ACTIVITÉ

La loi de programmation, dans le rapport qui lui était annexé annonçait " une réduction temporaire des activités et de l'entraînement des forces ", conséquence de la priorité donnée au financement des mesures de réorganisation et de fonctionnement.

Sur ce point, au moins, le budget en projet ne démentira pas la programmation ... Les activités des trois armées seront, en effet, en deçà des normes : 100 jours de sortie sur le terrain pour l'armée de Terre, 50 jours de navigation pour la Marine, 180 heures de vol par pilote pour l'armée de l'Air.

L'armée de Terre

De 100 jours passés sur le terrain, l'activité continuera selon les prévisions de 1998 à stagner autour de 80 jours. Encore s'agit-il là d'une hypothèse assez optimiste étant donné la régression sensible des crédits de fonctionnement de l'armée de Terre qui va au-delà des économies entraînées par la diminution des effectifs.

La Marine

Le désarmement de sept bâtiments en 1998, dont trois par anticipation, alors qu'un seul bâtiment sera admis au service, se traduira par une baisse sensible du volume global d'activité.

Pour les bâtiments en activité, la situation des crédits nécessitera de fixer des allocations de potentiel de navigation modulées selon la nature et l'emploi des bâtiments (bâtiments de combat : 45 jours de mer, bâtiments de soutien : 36 jours de mer, bâtiments auxiliaires : 41 jours de mer).

L'armée de l'Air

L'activité aérienne n'a cessé de diminuer d'année en année pour se situer autour de 170 heures de vol par pilote et par an.

Toutefois pour 1998 les prévisions correspondent à la norme de 180 heures.

Pour les trois armées, les activités dépendront, bien entendu, de l'état des matériels, de leur disponibilité, eux-mêmes tributaires de crédits d'entretien en baisse sensible, comme nous l'avons noté précédemment.

V. LES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Elles s'inscrivent dans un scénario d'emploi identifié par le Livre blanc comme l'un des scénarios majeurs d'emploi de nos forces.

Elles sont décidées soit à l'échelon national, c'est le cas, plus particulièrement, de nos interventions en Afrique, soit dans le cadre d'organisations internationales.

Leur coût reste élevé. Aussi certaines dispositions ont-elles été prises pour tenter de le réduire.

A. UN COÛT QUI RESTE ÉLEVÉ

En 1996 les opérations extérieures ont coûté - en termes de surcoût par rapport aux activités habituelles - 5 146 millions de francs.

Pour 1997, le coût estimé au 30 juin 1997 s'élevait à 3 309 millions de francs.

ESTIMATION POUR 1997 DU SURCOÛT DES OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

(à la date du 30 juin 1997)

(En millions de francs)

Titre III

Titre V

Total

Opérations extérieures sous mandat international ................

1 338

654

1 992

Opérations extérieures sous responsabilité française ...........

1 208

110

1 318

Total .............................

2 546

764

3 310

RÉCAPITULATION DU COÛT PAR PAYS

(En millions de francs)

Ex-Yougoslavie

1 467

Tchad-R.C.A.

981

Liban

97

Autres

765

Total

3 310

Les effectifs moyens déplacés sur les différents théâtres d'opérations s'élèvent à 4 760 pour les forces sous mandat international (dont pour l'ex-Yougoslavie : 4 197, le Liban : 244 et l'Arabie saoudite : 166) et à 2 377 pour les forces sous commandement national (RCA : 1 545, Tchad : 832).

EFFECTIFS MOYENS DÉPLOYÉS

SUR LES DIFFÉRENTS THÉÂTRES D'OPÉRATIONS

1993

1994

1995

1996

1997 7( * )

Ex-Yougoslavie ...............

8 570

7 779

8 653

8 835

3 843

Tchad-Centrafrique ..........

2 248

2 250

2 297

2 836

2 536

Liban ..............................

538

490

303

283

281

Divers .............................

2 605

1 890

2 153

2 495

2 712

Total ......................

13 961

12 409

13 406

14 449

9 372

De 1992 à 1997, les opérations extérieures nous ont coûté 27 milliards de francs. Le tableau ci-après détaille ces coûts.

(En millions de francs)

Coûts en 1992

Coûts en 1993

Crédits addition-nels votés en L.F.R. 1993

Coûts en 1994

Crédits addition-nels votés en L.F.R. 1994

Coûts en 1995

Crédits addition-nels votés en L.F.R. 1995

Coûts en 1996

Crédits addition-nels votés en L.F.R. 1996

Coûts en 1997 (a)

Crédits addition-nels ouverts en 1997

Rémunérations ...........

1 559

2 556

2 599

2 166

2 180

2 184

2 209

2542

2 558

1 788

1 300

Alimentation .............

103

122

121

97

100

82

49

173

80

135

-

Fonctionnement .........

614

838

853

1 312

56

567

690

1 100 (b)

600

582

-

Entretien programmé des matériels .............

176

911

400

482

0

227

0

116

0

40

-

Total Titre III .

2 452

4 427

3 973

4 057

2 736

3 060

2 948

3 931

3 238

2 545

1 300

Entretien programmé des matériels .............

97

301

0

348

0

361

0

239

0

134

0

Fabrications ..............

318

566

0

533

0

406

0

610

0

360

0

Munitions ..................

284

744

0

672

0

289

0

190

0

139

0

Infrastructures ...........

21

36

0

25

0

29

0

172

0

131

0

Total titre V ....

720

1 647

0

1 578

0

1 085

0

1 211

0

764

0

Total général ..

3 172

6 074

3 973

5 635

2 736

4 145

2 948

5 142

3 238

3 309

1 300 (b)

(a) Estimation au 30 juin 1997.

b) Dont 254 millions pour les frais de transport et 163 millions pour les carburant.


Par armée et compte tenu des effectifs engagés, c'est l'armée de Terre qui supporte l'essentiel des dépenses - 1 761 millions de francs - suivie par l'armée de l'Air - 1 064 millions de francs - la section commune (Service de Santé et Service des essences ) - 274 millions de francs - la Gendarmerie - 181 millions de francs - et la Marine - 30 millions de francs :

RÉPARTITION ENTRE LES TROIS ARMÉES ET LA GENDARMERIE DES DÉPENSES LIÉES AUX OPÉRATIONS EXTÉRIEURES EN 1997

(En millions de francs)

Air

Terre

Marine

Gendar-merie

Services communs

Total*

Dépenses totales titre III .

621

1 569

30

180

146

2 546

Dépenses totales titre V ..

443

192

0

1

128

764

Total général ......

1 064

1 761

30

181

274

3 310

* Estimation au 30 juin 1997.

B. UNE NOUVELLE APPROCHE DU COÛT

Elle s'exerce dans deux directions :

La première concerne les possibilités de financement

Elle a d'abord un aspect national . Les opérations extérieures seront désormais distinguées en opérations courantes - prises en charge intégralement sous enveloppe budgétaire - et les opérations exceptionnelles - expressément reconnues comme telles par décision du Chef de l'État, chef des armées - qui seules peuvent donner lieu à couverture supplémentaire par voie de collectif budgétaire.

D'ores et déjà une dotation prévisionnelle de 260 millions de francs a été inscrite dans le budget en projet pour financer les opérations courantes. Il est, en outre, prévu d'affecter au financement des opérations les recettes sur fonds de concours. Ces coûts, jusque-là couverts par un apport supplémentaire par collectif, grèvent donc maintenant d'emblée les dotations budgétaires.

Au plan international , les opérations menées sous l'égide de l'OTAN - opérations en ex-Yougoslavie - ne donnent pas lieu, à la différence de celles menées sous mandat de l'ONU, à remboursement.

La seconde vise à réduire les dépenses.

C'est le but recherché par la révision du régime de solde à l'étranger , réalisée par un décret en date du 1 er octobre 1997.

On rappelle, en effet, que les dépenses de rémunérations représentent une part appréciable du coût total de ces opérations.

Désormais, pour les personnels participant aux opérations extérieures, l'ensemble des majorations antérieures sera remplacé par une indemnité unique égale, quel que soit le territoire, à une fois et demi la solde budgétaire.

Ce nouveau régime se traduit par une diminution assez sensible des soldes précédemment perçues (- 15 % environ par rapport aux soldes perçues en Bosnie, - 20 % par rapport à celles perçues en République Centrafrique).

Sans doute la contrainte budgétaire explique-t-elle cette révision en baisse. Mais les personnels participant aux OPEX subissent des contraintes particulières, et parfois lourdes, et la rémunération qu'ils perçoivent, pendant quelques mois, outre son caractère de compensation est également un facteur de motivation parmi d'autres, il est vrai.

Une autre approche qui, elle aussi, a des conséquences directes sur le financement des opérations, reste, toutefois, très insuffisante. Il s'agit de l'approche par la durée des opérations .

Plus les opérations perdurent, plus, bien évidemment, elles sont coûteuses et mieux leur financement peut être prévu et budgétisé d'emblée.

Or, nous continuons aujourd'hui à participer à des opérations qui ont commencé il y a 20 voire 50 ans : (ONUST depuis 1948 - FINUL depuis 1978 ...). Cette situation n'est pas satisfaisante. Outre leur coût, ces opérations contribuent à figer un statu quo " ni paix, ni guerre " toujours susceptible de basculer dans l'affrontement qu'il prétend conjurer. En outre, il convient de veiller à ce que notre participation ne prenne pas d'emblée la forme la plus coûteuse (contribution à la logistique par exemple) qui pèse d'autant plus sur ses finances que l'opération s'allonge dans la durée.

Il est donc indispensable que l'entreprise de clarification que nous menons dans la conduite des opérations sous mandat internationalamène à faire préciser la durée de ces opérations. C'est en fonction de cette durée, que nous pouvons exactement mesurer la portée de notre engagement en termes humains comme en termes financiers. Des progrès restent encore à accomplir. Il faut savoir partir . Et savoir partir c'est d'abord avoir prévu ce départ.

C. DEUX ASPECTS PARTICULIERS DE NOTRE ENGAGEMENT SUR LES THÉÂTRES D'OPÉRATIONS EXTÉRIEURES

Les deux aspects retenus ici concernent la formation du personnel d'une part, leur protection sur le terrain d'autre part.

1. La formation de nos contingents

Selon les paroles prêtées à un Secrétaire général des Nations Unies : " Les opérations de maintien de la paix ne sont pas des opérations militaires mais seuls les militaires peuvent les mener .

L'entraînement au combat constitue, en effet, la base de la formation nécessaire aux contingents engagés dans ces opérations. Cet entraînement donne, en effet, la maîtrise de soi et la maîtrise de l'usage des armes qui sont indispensables à ce type d'engagement.

Mais à cette formation doit s'ajouter l'apprentissage du savoir-faire particulier au contexte, aux modalités et aux finalités de ces opérations.

Votre Rapporteur a eu l'occasion après la mission dont il avait été chargée par le Premier Ministre, en 1993, de souligner le courage, le sang-froid, l'efficacité, le comportement en tout point exemplaire de nos casques bleus.

Il lui a semblé, dans le prolongement de cette mission et pour actualiser l'information de la commission des Finances, qu'il était souhaitable d'examiner la formation dispensée actuellement aux contingents participant aux opérations de maintien de la paix. En effet un nouveau style d'opération se fait jour : nouvelle génération des opérations menées sous l'égide de l'ONU ou opérations désormais confiées à l'OTAN.

L'examen de votre Rapporteur a porté sur :

· la formation spécifique dispensée en France, et plus particulièrement dans les écoles d'application de l'Infanterie et du Train ;

· la formation dispensée dans deux pays, l'un la Finlande participant de longue date à ces opérations - comme les autres pays nordiques - l'autre l'Allemagne, tout récemment venue à elles.
Cet examen fera l'objet d'un rapport particulier de votre Rapporteur.

2. La protection de nos contingents : le problème des mines anti-personnel

La protection de nos contingents suppose d'abord que leurs tâches soient situées dans un cadre précis. La pratique actuelle conduit à distinguer :

· opération de " maintien de la paix ", menée avec le consentement des Parties en présence après cessation des hostilités ;

· opération de " restauration de la paix " se situant dans un pays en état de guerre civile mais où aucun agresseur n'est identifié ;

· opération d'" imposition de la paix ", visant à s'opposer par la force à un agresseur parfaitement identifié.
Chaque type d'opérations détermine un équipement et un armement particuliers, et des règles d'emplois des armes : usage limité au droit d'auto-défense, usage élargi à la protection des populations civiles ou usage allant jusqu'à s'opposer à un agresseur.

Mais dans toutes les opérations, la protection statique des personnels est assurée par les mines anti-personnel placées autout des casernements ou des installations.

Certes, la dissémination de l'usage indiscriminé de ce type de mines fait, on le sait, des ravages dans les populations civiles. Aussi bien une Convention en préparation vise à en interdire la fabrication et l'usage et elle bénéficie d'ores et déjà d'un très large soutien populaire et politique.

Nous ne pouvons que souscrire à cette intention, souhaiter qu'elle se concrétise sans tarder et qu'elle soit unanime .

Il reste cependant que l'usage criminel et terroriste qui est fait de ces mines par certains doit être distingué de l'usage raisonné de celles-ci par nos armées. Cet usage conduit à ne les utiliser qu'en petit nombre, à repérer leurs emplacements sur des plans,et à les enlever systématiquement et immédiatement lorsque les troupes quittent les cantonnements protégés par ces mines. En l'état actuel des choses, les mines anti-personnel constituent, en effet, la seule protection passive efficace pour nos contingents installés en milieu dangereux et nous ne disposons pas, actuellement, de protections de remplacement équivalentes. Faut-il rappeler que les États-Unis pour cette raison ne comptent pas ratifier une Convention qu'ils estiment trop absolue dans son principe d'interdiction ?

Sans doute les progrès technologiques parviendront-ils à fournir de telles protections efficaces mais comment imaginer qu' une décision trop rapide parce que non compensée prive du jour au lendemain nos soldats d'une protection efficace et adaptée au type d'opérations qu'ils mènent.

Qui pourrait prendre à la légère une telle décision ?

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