2. La loi du 22 juillet 1993, résultant d'une initiative sénatoriale, s'est fondée sur les propositions largement consensuelles de la Commission de la nationalité réunie en 1987

Il n'est pas inutile de rappeler que la loi du 22 juillet 1993 trouve son origine dans les travaux de la Commission de la nationalité, réunie en 1987 à l'initiative de M. Jacques Chirac, alors Premier ministre, et qui avait été chargée de procéder à une large concertation en vue de dégager un consensus sur les orientations d'une réforme du droit de la nationalité.

Ainsi que l'a rappelé son président, M. Marceau Long, devant votre commission des Lois, la Commission de la nationalité, composée de 19 membres -historiens, sociologues, philosophes, médecins et juristes-, effectua de très nombreuses auditions publiques et télévisées au cours desquelles elle entendit près d'une centaine de personnalités de tous horizons et de sensibilités les plus diverses. A l'issue des ces auditions, elle adopta à l'unanimité son rapport intitulé " Être français aujourd'hui et demain ", traduisant un large accord sur les orientations souhaitables d'une réforme.

Privilégiant une conception élective de la nationalité, ce rapport, considéré depuis lors comme un document de référence, mettait l'accent sur la reconnaissance d'une part plus large à l'expression de la volonté individuelle pour l'accès à la nationalité française : la Commission considérait que l'acquisition de la nationalité française devait être le résultat d'une démarche volontaire de l'intéressé et non lui être imposée à son insu ou même contre son gré. Elle soulignait en effet le caractère peu satisfaisant d'une situation où beaucoup de jeunes devenaient Français sans le vouloir, parfois même sans le savoir, en raison de l'automaticité de l'acquisition de la nationalité.

Aussi, sans remettre en cause le droit du sol tel qu'issu de la tradition républicaine -c'est-à-dire le droit de devenir Français à l'âge de la majorité reconnu aux jeunes nés en France de parents étrangers et présumés suffisamment intégrés à la communauté nationale du fait de l'exigence d'une condition de résidence de cinq ans-, la Commission était-elle amenée à proposer que ces jeunes manifestent leur volonté de devenir Français par une démarche individuelle. Selon elle, l'expression de cette décision individuelle devait pouvoir être précoce tout en restant possible pendant une période suffisamment étendue, d'où la proposition que la décision soit prise entre 16 et 21 ans. L'expression de la volonté individuelle devait prendre la forme d'une démarche administrative la plus simple possible, grâce à la mise en place " d'un système très complet d'information et d'organisation administrative " jugé indispensable à la nécessité de la réforme. En outre, dès lors qu'étaient réunies les conditions de naissance et de résidence en France, la décision des intéressés ne devait plus être qu'exceptionnellement contestée par l'Etat.

Estimant que l'expression de la décision individuelle devait être personnelle, la Commission proposait en même temps de supprimer la procédure qui permettait alors aux parents de demander la nationalité française aux lieu et place de leurs enfants mineurs âgés de moins de seize ans (article 54 du code de la nationalité).

Tel était l'axe essentiel des propositions de la Commission de la nationalité qui traçaient par ailleurs le cadre d'une réforme beaucoup plus vaste de l'ensemble du droit de la nationalité.

Cette réforme avait pour objet de permettre une meilleure intégration des immigrés et de leurs enfants qui, selon la Commission, passait par un renforcement de la conscience d'identité de la Nation française.

La proposition de loi sénatoriale dont est issue la loi du 22 juillet 1993 n'a fait que reprendre les principales suggestions de nature législative de la Commission de la nationalité.

Cette proposition de loi, déposée sur le bureau du Sénat le 7 juin 1990 par MM. Charles Pasqua, Ernest Cartigny, Daniel Hoeffel et Marcel Lucotte, avait été adoptée par le Sénat en première lecture le 20 juin 1990, soit plus de deux ans après l'achèvement des travaux de la Commission de la nationalité. Elle a par la suite été examinée en première lecture par l'Assemblée nationale les 11, 12 et 13 mai 1993, puis en deuxième lecture par le Sénat les 15, 16 et 17 juin 1993, avant d'être adoptée définitivement par l'Assemblée nationale en deuxième lecture le 24 juin 1993 et de devenir la loi du 22 juillet 1993.

Or, les raisons qui avaient conduit la Commission de la nationalité à préconiser l'exigence d'une manifestation de volonté pour l'acquisition de la nationalité française conservent aujourd'hui toute leur pertinence.

Il est d'ailleurs frappant de constater que les critiques les plus fréquemment adressées à la loi du 22 juillet 1993 (insuffisance de l'information des jeunes, voire des administrations concernées, difficultés des intéressés à apporter la preuve de leur résidence en France...) tiennent plus aux conditions d'application de la loi qu'au principe même de la manifestation de volonté.

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